Hugo regarda attentivement la jeune russe dans ses yeux noirs et y décela à peine la vivacité d'esprit qui autrefois le remplissait d'une fascination morbide. Il voyait dans les yeux de Lisbeth une naïveté qu'il ne lui connaissait pas. Une stupidité qu'il ne lui connaissait pas. Non. C'était tout bonnement impossible. Cette coquille vide, cette fille balbutiante avec un accent à couper au couteau et qui le regardait avec des yeux de merlan frit de pouvait possiblement pas être Lisbeth Zalachenko, le fruit de plusieurs années de travail ! Il l'observa encore plus intensément. Etait-ce un clone destiné à le tourmenter ? Une soeur jumelle dont il n'avait pas connaissance ?

"Si, je voudrais bien quelque chose de vous. Pourriez vous me montrer votre bras gauche ?"

Elle sembla visiblement décontenancée par cette requêtte et ne s'éxécuta pas immédiatement. C'est seulement après s'être assuré d'être dans l'angle mort des caméras que Hugo agrippa le bras de "Lisbeth" et en releva la manche. Il aurait pu en tomber par terre.
Hugo ne pouvait se targuer d'avoir une mémoire photographique, mais celui-ci connaissait le corps de Liz comme sa poche. Il avait passé tellement de temps à l'étudier avec passion qu'il se sentait capable de dire avec précision la position du moindre grain de beauté, les différents pigments de sa peau et il jurerait connaitre par coeur ses mensurations. Enfin, en tant que jeune adolescente en tout cas. Mais la chose qu'il savait reconnaitre d'entre mille chez son ancienne patiente était son bras gauche. Il l'avait piqué tellement de fois qu'il connaissait avec précision la position de ses veines, la forme de son bras et de son coude. Et ce bras qu'il observait présentement...était comme il s'en souvenait. Un clone, même un de ses monster men V.2.0 ne pouvait être aussi précis. Un détail trahissait toujours. Mais ici, Hugo ne pouvait rien déceler. Il relâcha son emprise sur le poignet de la jeune femme. Sa position était celle qu'il lui connaissait. Ses gestes était quasiment les mêmes ; une très légère palpitation de l'oeil droit lorsqu'elle était stressée, crispation des phalanges dans un ordre très précis lorsqu'elle était enervée. La position de ses jambes, sa façon de parler (même si légèrement plus maladroite), de se déplacer. On aurait dit à la fois une autre personne et une même personne.
Hugo nettoya la main qu'il venait d'utiliser avec un chiffon, se rendant compte de la crasse avec laquelle il venait de rentrer en contact.  Peut-à-peut, il rassemblait les morceaux. Il est vrai qu'il n'entendit pas parler de Liz comme il s'y était attendu après le gala. Il pensait qu'elle s'était faite discrète mais de toute évidence, elle avait tout simplement oublié sa haine envers lui. Elle semblait même surprise qu'il connaisse son nom. Aurait elle subit un lavage de cerveau ? Quelle était l'étendue de sa mémoire ? Dans quelle mesure Lisbeth était-elle encore Lisbeth ? Hugo voulait en avoir le coeur net. Avant qu'elle ne puisse réagir, le Maire plaça son index sur un nerf de la jeune femme derrière son oreille et, après une légère pression, il claqua des doigts à quelques centimètres de ses yeux. Placer quelqu'un sous hypnose avec tout le bazar qui régnait était difficile mais pas impossible, surtout pour un génie tel que lui. L'hypnose ne sert pas seulement à contrôler l'esprit des patients comme l'on peut le voir dans les films, mais surtout à le rendre plus concentré, plus ouvert aux suggestions, plus disponible.
Hugo regardait Lisbeth intensément et dans le même temps sortit un stylo de sa poche, duquel il faisait cliquer la came toutes les 3 secondes.

"Regardez moi, Lisbeth. Tout ce qui se trouve autour, toute cette agitation n'est qu'une information. Ca n'existe pas. Tout est calme. Il n'y a que ma voix. Il n'y a que vous...et moi. Comprenez-vous ? Je me souviens encore avec vivacité de ce 13 juillet, lorsque vous n'étiez encore qu'une enfant. C'était le jour où vous m'aviez vaincu aux échecs pour la première fois. Vous étiez bien plus aggressive qu'auparavant et m'aviez obligé à faire un roque. Et puis vous m'avez mis échec et mat, grâce à une technique que je ne vous avait même pas apprise. Vous souvenez vous quelle était elle ?"