Quelques semaines auparavant ...

Conté de Bristol, dans l'un des grands manoirs qui bordent l'épaisse foret de Gotham à quelques kilomètres du cimetière de la ville. Une épaisse fumée se dégage de la bâtisse, il y a des cris, des flammes et parfois même de petites explosions.  

_ "Équipe 01 au rapport..."

_ "Opérateur, on a trouvé le passage ! On descend, ça a l'air drôlement profond ..."

_ "Répétez équipe 01"

_ "Progressons dans le premier sous-sol."

_ "Où en sont-ils ?"

_ "Monsieur, ils progressent, ils ont trouvé l'entrée, ce n'est plus qu'une question de temps pour que l'on arrive dans leur centre d'opération..." Informa l'opérateur.

_ "Bien, faite descendre les équipes 02 et 03"   ordonna le chef des opérations

_ "Opérateur, on a du mouvement..."

_ "Équipe 01, identifiez la cible"

_ "On voit pas bien... C'est rapide... UN ERGOT ! IL RESTE UN ERGOT D'ACTIF ICI !"

_ "Faite équiper les équipes 02 et 03 avec les lances à fréon, il me le faut vivant"

_ "Bien monsieur !"

Quelques dizaines de minutes après l'engagement, plusieurs Ombres, en piteuses états, sortirent du manoir détruire par l'incendie un corps de femme, vêtu d'une combinaison noire déchirée, attaché aux bras et au torse par de lourdes chaînes. Toujours sous le joug des lances refroidissantes l'Ergot fut poussé devant le chef des opérations et forcé à s'agenouiller face à lui.

_ "Tu nous as coûté beaucoup aujourd'hui, petit oiseau" lança l'homme d'un ton confiant.

_ "..."

_ "Mais tu n'as pas réussi à défendre ton nid et maintenant, tu vas rejoindre la Ligue des Ombres" se faisant l'homme leva le poing en direction de l'assassin de la Court des Hiboux, lui montrant  une bague de grande valeur avec un son centre une tête de hiboux stylisée.

Sagement, l'assassin redressa la tête et son conditionnement fit le reste.  

_ "..."

_ "Ôte ton masque, que je puisse de te voir"

Libéré de ses chaînes, l'assassin s'exécuta et révéla à tous le doux visage d'une belle jeune femme, malgré les plaies et les bleus.  

_ "Jolie..." Murmura pour lui-même le chef des opérations.

Actuellement ...

Le fils adoptif du nouveau maire de la cité du crime marchait d'un pas rapide, regardant fréquemment derrière lui tout en essayant de ne pas attirer les regards dans les allées souterraines du Bowery. Ces rues souterraines donnent à tous ceux qui les empruntent un sentiment légèrement étouffant de sécurité, mais parfois aussi de piège en cas de problème de délinquance ou de fuite éperdue.

Il était déjà très tard quand le fuyard déboucha sous le grand dôme en verre du quartier historique de Gotham. Le jeune homme esquivait autant qu'il le pouvait les deux malabars envoyés par son paternel pour le ramener bien au chaud dans le cocon familial, mais aussi les patrouilles du GCPD qui assuraient la surveillance du lieu. Il tenta de se fondre dans l'obscurité se collant à une devanture de boutique de souvenirs afin de laisser passer ses poursuivants mais mal lui en prit, une lourde main se posa sur son épaule.  

_ "Tu nous as bien fait courir p'tit gars..." Fit le plus grand des deux

_ "Et tu sais ce qui se passe quand on court ?" Enchaîna le second

Le plus grand des deux attrapa le col de chemise de Cassidy pour le maintenir en place et arma son large poing visant, prêt à aplatir la tête du jeune homme. Mais le coup ne partit jamais. Au lieu de cela, une ombre silencieuse tomba de l'étage supérieur pour atterrir derrière les deux gardes du corps. 3 coups sourds se firent entendre et le premier des malabars fut comme secoué 3 fois avant de s'effondrer dans une marre de son propre sang.

Le second garde du corps regarda, pétrifié, la "créature" qui venait de tuer silencieusement son ami. Il vit pêle-mêle, des griffes, des lames sur un costume noir, mais surtout une tête de hiboux dessinée sur un cercle de métal. Et la petite berceuse que lui chantait sa mère dans ses jeunes années lui parut soudain très réelle. Tendant ses deux mains, paumes ouvertes vers l'assassin en signe de soumission, il tourna les talons et parti en courant comme si les chiens des enfers étaient à ses trousses. Ce qui n'était pas totalement faux.

D'un geste vif, l'Ergot se saisit de l'une de ses lames et la projeta vers le fuyard. L'impact fut tellement fort que la lame souleva l'homme d'une dizaine de centimètres avant qu'il ne retombe, mort sur le trottoir. Sur la place déserte à cette heure-ci, uniquement baignée par la lumière blafarde de la lune, aucun cri, ni passants pour alerter les forces de l'ordre, juste deux morts.

Le masque d'oiseau de proie fixa finalement Cassidy.  

Toutes les voix qui chuchotaient dans les recoins sombres de l'esprit de l'Ergot se turent. C'était comme entrer sous une douche chaude alors que l'on est fatiguée et crasseux. Quand son esprit sortit de cet état méditatif, il était plus affûté que jamais. La sino-américaine pouvait ressentir son environnement proche, le clignotement des gyrophares, les menottes à ses poignets et le cliquetis des armes autour d'elle. Mais aussi la respiration des officiers de police et leurs mouvements à venir, tous venue l'appréhender, tous déjà mort.

Son communicateur hurlait des ordres dans ses oreilles, l'opérateur qui la suivait sur son écran de contrôle n'était pas content du tout de la tournure des événements. Puis les murmures dans sa tête reprirent de plus belle. Cela agaça la jeune femme qui voulait les faire taire encore une fois, juste une fois de plus, une toute petite fois, avoir le silence dans sa tête. Elle leva son visage vers le dôme qui les surplombait tous et fit craquer ses cervicales.

Kizaragi était la plus mauvaise de la promotion d'ergots, à peine capable d'apporter des messages d'un point A à un point B. Mal-jugé par ses maîtres et décriés par les autres assassins. D'après les médecins de la Court, c'était sa relation avec l'électrum implanté dans son organisme qui s'assimilait mal, d'où une capacité de régénération inférieure à la normale des autres Ergots. Mais elle avait gagné autre chose en retour, une connaissance innée de l'obscurité. La sino-américaine s'y sentait bien, voyait parfaitement dans les endroits les plus sombres de la ville, se sentant presque attirée par les endroits sombres.

L'affrontement fut bref mais intense. Elle brisa ses menottes d'une torsion des poignets et reçut pour cela une décharge de fusil à pompe à bout portant. Les billes de plombs qui lui déchirèrent son armure, lui labourèrent le dos et la projetèrent au sol. Sans attendre l'ergot poussa violemment sur ses bras se propulsant vers un autre officier tout proche. Sa main gauche écarta le pistolet pointé sur elle, la détonation claqua et un membre du GCPD s'écroula à sa gauche, sa main droite ouvrit un sillon sanglant dans la jugulaire du tireur qui s'effondra.

L'ouïe de l'assassin l'avertie que le fusil à pompe était rechargé. D'un bond, elle fut sur celui qui l'avait blessée, un coup de genoux de bas en haut força la gueule du canon à se retrouver sous le menton du flic et elle appuya sur la détente à sa place. Avant que le cadavre ne touche le sol, Kizaragi envoya une lame empaler le dernier policier tout contre sa voiture de patrouille. Broyant les dashcams du GCPD, elle se fondit dans les ombres à la poursuite de sa proie. L'opérateur était content.

La proie s'était déjà bien enfoncée dans le dédale des souterrains de Bowery. L'assassin ne pouvait planer dans les tunnels, pas comme il pourrait le faire dans le ciel de Gotham. Mais son endurance était hors norme : l'ergot pouvait courir à pleine vitesse sans se fatiguer, ni s'essouffler pendant des kilomètres. Si bien que sa traversée du quartier ressemblait plus pour elle à un "parcours". Elle sautait, louvoyait, esquivait, se tordait dans tous les sens pour passer par les endroits lui plus improbable pour gagner du temps et progresser dans les tunnels. L'aide apportée par son opérateur via son oreillette lui permettait de rattraper les précieuses minutes où elle s'était perdues dans ses pensées. Où il l'avait perdue dans ses propres pensées.

Les quelques rares passants à ce moment-là, ne la virent tout simplement pas passer, tellement sa course était effrénée, soit crurent à l'arrivée d'un nouveau justicier en pleine action dans la ville. Personne ne l'empêcha d'avancer, ni les grilles métalliques qu'elle fit sauter d'un coup de griffes, ni les policiers qui préfèrent la laisser passer, par crainte ou ne sachant pas quoi faire. Kizaragi voulait absolument rattraper le jeune homme avant les autres assassins de la Ligue. Il lui avait fait quelque chose et elle avait aimé cela. Elle voulait qu'il recommence.

C'était la seconde fois cette nuit que l'ergot se trouvait face à au jeune homme. Et c'est avec une étrange douceur, dont elle se serait crue incapable, que ses griffes se posèrent sur son épaule. Doucement, elle le colla contre le mur du tunnel, dans un angle où les caméras ne pouvaient les voir et lui murmura quelques mots.

_ "J'ai beaucoup aimé notre petite virée Cassidy-san. Mais cela doit s'arrêter." Fit-elle sur le ton de l'amusement.

_ "Je n'ai que peu de temps. Retrouve-moi dans la ruelle derrière la pizzeria de la mairie un soir. On doit se parler."

Elle le poussa ensuite sans ménagement dans un tunnel puis une grille en fer forgé avec un logo bien étrange à moitié effacé par la rouille. Kizaragi savait qu'à partir de maintenant, ils entraient de plein pied sur le territoire de la Ligue des Ombres.