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 I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]

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MessageSujet: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyMer 2 Aoû 2023 - 18:31




  • Type de RP : normal
  • Date du RP : 20/12/18  
  • Participants: Docteur Jonathan Crane (L'Epouvantail), Docteur Katheleen Grandt
  • Trigger warning: mort, maladie, hôpital, peur
  • Résumé: Le soir de l'attaque du Gant Noir sur Gotham, l'Epouventail a empoisonné une station de traitement des eaux de la ville de sa toxine, qui depuis se repend dans la boisson des habitants, les condamnant à des crises de paniques aussi violentes qu'inexpliquées. Les médecins de la clinique Blackwell ont réussi identifié la toxine qui empoisonne leurs concitoyens. Pour trouver un moyen de les guérir et les aider le docteur Grandt demande l'aide de celui qu'elle tient sans hésitation pour le meilleur spécialiste de la psychiatrie et de la chimie, le docteur Crane. Mais c'est là ignorer que c'est lui le coupable...




Dernière édition par Katheleen Grandt le Jeu 21 Déc 2023 - 11:56, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyMer 2 Aoû 2023 - 18:35





I've lost a lot a in this game
So would you stay around with me ?
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Maybe one day I'll feel hope again

Hold on, hold on with me
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You don't have to turn a blind eye
If you really look I'm a regular guy
But I'm not selling misery
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Il pleuvait du cafard sur les rues de Gotham. Une pluie grise, froide et serrée hantait les rues du coupe-gorge qu’était ce quartier. De lourdes flaques s’écrasaient mollement sur le béton sale, miroirs des malheurs d’une ville dont aucune pluie ne parviendrait sans doute à laver les démons. Pas plus qu’elle ne pourrait diluer, effacer l’horreur et la lassitude de l’esprit de la silhouette bleue qui d’un regard lointain, le front brûlant posé sur la froideur glacée carreau, fixait les couleurs mornes et déchirantes de ce ciel des suicidés.

Si elle n’était pas tellement pressée, oppressée par le temps, qui filait sans lui accorder la moindre chance de répit, elle se serait sans doute effondrée. Prendre quelques secondes, quelques minutes pour s’accrocher au rebord de cette fenêtre et hoqueter les larmes épuisées de son désespoir. Mais il ne lui restait pas même le temps de se laisser foudroyer par la fatigue, ou par le poids trop lourd de cette affreuse impression d’échec et de vacuité. Elle dut se contenter, faute d’autre place où expirer sa souffrance et sa colère, d’un long soupir malheureux, qui lui brûlait humidement les yeux, tandis que sa main se crispait sur le montant du lit où reposait, aveugle et inerte, le cadavre qu’elle avait veillé, jusqu’à ce qu’elle échoue à le sauver.

Un parmi tant d’autres. L’un de ces nombreux blessés qui arrivaient, le foie ou l’estomac troué par les balles du Gant, que l’on déclarait cas urgent devant être traité au plus vite, mais qui finissait derrière tant d’autres cas semblables à attendre que les chirurgiens aient une place dans leurs salles d’opération, pour les endormir sur un brancard et essayer de retirer les plombs avant que l’hémorragie ou l’infection ne les achève. L’un de ceux qui étaient sortis respirant encore de l’opération, qu’ils avaient cru sauvé peut-être, mais qui au bout de quelques jours avait senti dans ses mains et dans ses tempes le flux de la fièvre qu’il couvait depuis l’opération. L’infection avait gonflé, enflé, pris les jambes et les bras dans son étau, mordu les intestins, déchiqueté l’estomac blessé dont elle était montée. Prescrivant des pilules et des injections, Katheleen, tenant de l’entraîner loin du trépas l’y avait vu sombrer, convulsant dans des crises affreuses puis de plus en plus faiblement jusqu’à ce que tout s’éteigne. Elle avait échoué. Encore un qui ne reverrait pas le soleil.

L’aurait-elle sauvé si elle avait agi plus tôt ? Peut-être. D’autres seraient morts, alors, morts du choix qu’elle aurait fait de les abandonner pour sauver celui-là, comme lui était un peu mort du choix d’en aider d’autres. La situation était inextricable. Le doute la rongeait comme un venin. Avait-elle fait le bon choix ? Celui qui sauverait le plus de vies ? Quelques fois, dans l’étourdissement de sa fatigue, elle voyait en boucle tourner des chiffres, celui du rendement de vivants qui sortaient de l’hôpital, celui du nombre de morts, celui du nombre d'heures que passant à sauver les uns elle ne consacrait pas aux autres, celui de son temps de sommeil, de plus en plus réduit… Des pensées qui la vidaient de son énergie et de sa joie, réduisant à ses yeux le monde à un vide sans fond, la livrant à l’anxiété et à la déprime. Mais jamais ne l’abandonnait la conscience d’une réalité pragmatique et affreuse : c’étaient des Hommes qui se tordaient de douleur avant d’expirer devant elle. Une pensée qui l’emplissait d’horreur et de désespoir.

Incapable qu’elle était de se poser, ne fut-ce qu'un instant pour combattre ses démons intérieurs, la crainte de l’absurde et le souvenir ineffaçable de la mort triomphante qui ne lui laissait jamais de répit. Les années avaient passé depuis le premier trépassé, mais jamais la jeune cardiologue ne s’était habituée à la souffrance. Jamais elle ne s’était habituée à voir des Hommes mourir.



Au milieu de l’abîme de plus en plus morne et gris de son esprit, un rayon de soleil surgit, faisant se dessiner un pâle sourire sur ses lèvres. Parmi les blessés gémissants et leurs proches au désespoir, une grande silhouette maigre se détacha du flot des entrants. Un brin de sentiments positif rayonna dans l’abysse de tristesse et d’épuisement dans lequel la directrice de la clinique sombrait progressivement depuis bien plus longtemps que n’était là le Gant. Elle vivait dans un morne désert, errait, seule et le cœur exsangue, de plus en plus séché par les tornades de sable sec qui la frappaient continuellement. Jamais cette sècheresse n’atteignait la force inébranlable de son humanisme, mais jamais cet humanisme ne la sauvait d’être étouffée par l’absurde de son combat désespéré contre la mort qui gagnait toujours, blessée par tous les cataclysmes, usée par toutes les petites choses usantes qui plombaient son quotidien et brisée par une absence cruelle : celle de l’espoir.

Il y avait dix ans que celui qui était son ami, son collègue et son compagnon était mort. Avec lui était partie la vie que Katheleen, issue d’une famille et d’un monde qu’elle ne supportait pas, s’était construite à ses côtés. Avec lui était parti le bonheur de Katheleen et ses espoirs. La suite ne l’avait guère aidée. La mort qui lui avait déjà pris Alan, mais aussi des amis et l’une de ses sœurs, ne l’avait jamais lâchée tout au long de son métier, lui volant sa capacité à espérer quelque chose de la vie en l’accablant de la conscience amère que quoiqu’il puisse arriver de beau dans l’existence, le temps et la fatalité l’anéantiraient. Et aux morts de ses patients, de ses amis, de son amour s’ajoutaient d’autres disparitions, guère moins cruelles. Jennifer, Andrew… sans parler de celle qui deviendrait tristement célèbre sous le nom d’Harley Quinn… Combien d’entre eux avaient trahi ? Combien avaient tourné le dos à la promesse qui les avaient fait médecin, sombré dans la malhonnêteté ou dans les griffes de la folie ?

Derniers survivants, Jonathan et elle vivaient sur le cimetière de ceux de leurs camarades de classe qui étaient tombés face à la tentation du crime ou aux méandres de la folie. Peut-être était-ce la connivence et la solitude de ce deuil commun qui les liait autant même après des années, même alors que leurs voies avaient progressivement divergé ? Jonathan s’était davantage tourné vers la recherche que Katheleen. Longtemps, elle avait rêvé de partager sa vie entre la recherche et les malades. S’aider des progrès de la Science pour faire progresser la Santé, nourrir de ses observations hospitalières le progrès de la Science et de la Vérité. La mort d’Alan l’y avait fait renoncer définitivement. Impossible seule de travailler à tant de buts en même temps, sans compter qu’il lui fallait s’occuper de leur enfant. Elle avait renoncé à la recherche et consacré son existence entière aux vies à sauver. Peut-être était ce pour cela qu’elle était si fière des modestes conseils qu’elle lui avait apportés pour l’aider un peu dans l’avancée de ses travaux ? Peut-être, mais elle était surtout contente d’aider un ami.

Elle l’accueillit avec un immense sourire qui transperçait la fatigue de son visage et illuminait les yeux bleus de la médecin d’une lueur nouvelle. Ne restait qu’une amitié criante de sincérité dans sa voix lorsqu’elle croisa son regard :

« Jonathan ! Je suis si contente que tu ais eu mon message, que tu ais pu venir malgré tout ce qui accable notre ville en ce moment, et l’insoutenable quantité de patients dont tu es toi aussi, j’imagine, accablé ! »



Sur le chemin vers son bureau, à coup sûr meilleur endroit pour discuter de la situation grave dont elle voulait l’entretenir que les couloirs gorgés de patients et bourdonnant de pleurs et de gémissements, elle s’arrêta un instant devant une machine usée qui réchauffait péniblement une bombonne de café, en tendit une tasse à son ami avec un sourire gêné de ne pouvoir lui offrir mieux par ses temps troublés où ils manquaient de tout, avant de se resservir elle-même du liquide noir dont elle abusait pour tenir le coup.

« Comment avancent tes recherches ? » demanda-t-elle une fois poussée la porte de la petite pièce emplie de livres, de revues scientifiques et de dossiers médicaux. « Les évènements récents te laissent encore du temps pour y travailler un peu ? » ajouta-t-elle avec un soupir « Tu dois être débordé, surtout maintenant qu’Arkham est tombé, depuis… que le docteur Hurt nous a trahis. »

Sa voix s’érailla un peu sur ces derniers mots. Certes, le docteur Grandt n’avait jamais eu bonne opinion de celui qui lorsqu’elle travaillait encore à Arkham, était son chef, et déjà une bien sinistre ordure, c’était visible. Apprendre qu’il a à ce point brisé les lois du serment d’Hippocrate n’en est pas moins une épine amère à avaler. Plus encore pour Jonathan sans doute, psychiatre lui aussi…

Dr Hurt, dr Strange, dr Quinzel, sans compter les démons de toute la dynastie Arkham… Il fallait bien avouer que leur spécialisation est particulièrement sinistrée. Était ce la dureté du métier à Gotham en particulier ? Toujours était il que l’universelle plaisanterie sur les médecins incapables de surveiller leur propre santé n’était pas à Gotham qu’une légende et que dans le domaine des maladies mentale en particulier, c'étaient vraiment les cordonniers les plus mal chaussés.

Sans doute y avait-il une part de superstition malvenue de la part d’une disciple des sciences dans ses craintes, mais elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour Jonathan. Elle craignait toujours que sa passion inarrêtable pour ses recherches et sa curiosité insatiable pour les méandres du cerveau humain finisse par l’entraîner sur les landes dangereuses du burn out et de la dépression. D’autant qu’elle ne l’avait malheureusement pas fait venir pour lui annoncer de bonnes nouvelles…


Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 19 Mai 2024 - 20:03, édité 7 fois
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Arkham Asylum
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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 19:33

I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] 2urw
Fear

Beware the Scarecrow



Ne trouvez-vous cela pas ravissant de retomber sur quelqu'un de votre passé ? Ce sentiment de nostalgie qui surgissait sans crier gare et qui vous inondait de souvenirs tout aussi pénibles qu'ils pouvaient être joyeux. Oui, c'était bien ce sentiment qui m'étreignait alors que je croisais, par le plus grand des hasards, une de mes anciennes connaissances. Mais pourquoi étais-je donc venu en ce lieu, me demanderait-on, si je n'étais pas un fou qui s'ignorait ? Tout simplement pour trouver le plus de cobayes possibles pour tester mes toxines, et faire la tournée des hôpitaux miséreux, nécessiteux, me permettait de tâter la marchandise. Mais ce message revenu d'outre-tombe pourrait aussi être l'occasion de trouver mes chaires fraiches pour tester ma nouvelle toxine. Kathleen Grandt. Comme ce nom revenait depuis le subconscient avec la vivacité d'une enclume en pleine face. Cela faisait bien longtemps, et il était étonnant qu'elle ait conservé mon numéro de téléphone. La nostalgie est un sentiment étrange, mais qui peut aussi être agréable. Ni une, ni deux, je rangeais mon masque d'épouvantail, et troquais mes vieilles fripes pour quelque chose de plus classique. Il ne fallait pas l'effrayer. Du moins, pas encore ... Me rendant sur place après avoir ordonné le déplacement de quelques patients isolés, j'arrive devant cette clinique. La clinique Blackwell. Je n'en avais pas entendu grand chose, et pour tout dire, tout ce que je savais, c'était que Kathleen la dirigeait. Elle avait changé depuis Arkham. Mais le bon vieux temps était mort, et enterré. Il fallait aller de l'avant, et l'épouvantail allait toujours dans le sens du progrès. Inspirant longuement, je pénètre dans ce lieu. D'un pas rapide, je traverse le long couloir sous les cris et les pleurs des patients les plus atteints. J'ai pris l'habitude de ce théâtre pathétique de terreur et de folie exacerbée, on frissonne autour de moi, je sens l'angoisse de mes confrères qui s'agitent, l'énervement et la compassion se lie dans mes pensées. Je monte un escalier et, face à cette porte rouillée et poussiéreuse, je prends la décision de l'ouvrir pour entrer dans un couloir un peu plus grand, mais toujours plus peuplé ... Ma chevelure rousse et mes lunettes me font passer pour un docteur, et certains patients n'hésitent pas à me demander de l'aide. Aide que je promets bien que je ne ferais rien. Alors que je marchais, perdu dans certaines de mes pensées les plus sombres, j'entends une voix des plus familières ...

"Accablé. Oui. C'est le mot. Tu n'as pas changé, de ce que je vois."

J'essaie de paraitre professionnel, comme toujours. Il fallait éviter de se montrer trop compatissant, surtout envers les patients. Une certaine froideur, face à la chaleur de cette jeune femme qui voulait toujours servir Hippocrate avec zèle. Ce blabla incessant, redondant de l'espoir et de la lutte n'était qu'un stupide sujet de discussion truffé de mensonges qui me fis rire jaune intérieurement, c'était là un défi digne des travaux d'Hercules que se lançait cette chère Kathleen. Il fallait avoir de la volonté pour vouloir tout faire pour sauver Gotham, car cette ville est tellement rongée par les énormes rats du crime qu'il me paraît personnellement impossible de la nettoyer. Elle surenchérissait déjà et j'insérais un dollar pour obtenir moi aussi un café, déposant ma mallette sur le sol carrelé et froid. J'inspire suite à sa conversation, elle parle beaucoup. Elle a toujours beaucoup trop parlé.

"Arkham ? Oh, je suis passé à autre chose depuis le temps. L'asile était déprimant. Et puis, je n'étais plus dans l'optique de m'occuper des cas les plus dangereux de cette ville. J'ai dû croiser Simon Hurt trois ou quatre fois avant de quitter l'asile pour de bon. Mes recherches me prennent effectivement beaucoup de temps. Mais c'est exaltant, et je suis toujours à la recherche des pulsions les plus effrayantes de l'être humain. Je n'ai pas changé de ce côté-là."

Ne savait-elle donc pas ? Comment se pouvait-elle pas savoir que j'avais changé ? Et en mal ? Peut-être que quelque chose en elle se refusait à l'imaginer ? Peut-être qu'elle ne s'était pas intéressée à mon cas ? C'était étrange, et à la fois, délicieusement cruel de briser prochainement une intégrité que je n'avais plus depuis des années. Briser les fondements et les espoirs, c'était là une douce peur qui étreignait le plus féru des mortels. Je toussotais alors que je portais mon café noir à mes lèvres, après l'avoir reposé je réfléchis un instant, devais-je proposer sur le ton le plus cynique qui soit, une place à l'asile à cette chère Kathleen pour 'refus de la réalité' ? Voyons, cette jeune femme était le type même qui semblait penser faire revivre Gotham grâce à ses actes de compassion, de gentillesse, de douceur, elle ne devait pas être stable mentalement pour oser prétendre tout ça. Enfin, c'était de mémoire. Si elle n'avait pas changé depuis tout ce temps. Oh que la désillusion allait être amère, et délicieusement cruel. Je profitais de chaque seconde, comme un maniaque, qui allait dévorer morceau par morceau, ce qui restait d'espérance de cette jeune femme. Tout avait changé, et rien n'avait subsisté du timide professeur Crane, que l'on prenait pour un guignol et un professeur bien trop peureux. Quoiqu'il en soit, malgré l'heure tardive, je ne pouvais manquer une si belle opportunité de tester ma nouvelle toxine sur des patients réguliers. Cette fois, je l'avais fait plus forte histoire de bien constater la terreur dans les yeux des malheureux, cet instant où l'esprit flanche lorsque la lumière quitte les pupilles des yeux. Oh comme j'adorais ces moments. Cette puissance que l'on ressentait lorsqu'une personne voyait en lui la chose la plus terrifiante de toute la création m'emplissait de joie. Mais Kathleen ? De quoi as-tu peur ? Qu'est-ce qui te ronge au plus profond de toi ?

"C'est effrayant comme le temps passe vite, n'est-ce pas ? De voir que les choses vont de mal en pis. Que rien ne semble jamais changer. Qu'en penses-tu, Kathleen ?"

Immiscer en elle le doute, la peur de l'avenir. Lui faire douter de ses aspirations les plus profondes. Voila le travail de sape qui doit être accompli avec une pareille créature qui se nourrit d'espoir. Je ne savais pas à quoi j'avais affaire véritablement, il me fallait jauger la question, éviter tout mouvement hâtif. Ma toxine me permettrait de faire des miracles sur la psychologie de cette personne, mais les réactions qui s'ensuivraient alerteraient le personnel. Il fallait trouver un lieu plus adéquat, mais en attendant, je devais la sonder, intérieurement, et voir si elle était prête à connaitre les tourments de la toxine. Pour le moment, jouons calmement.




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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyJeu 31 Aoû 2023 - 13:42





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« Tu n'as pas changé, de ce que je vois. »

Un mince sourire parcourut ses lèvres. Un voile de nostalgie adoucissait l’éclat bleu de ses yeux. Toi non plus, Jonathan, tu n’as guère changé. Ou si peu… Tu as toujours cette interminable silhouette maigre et cet air si sérieux qui surplombe les malades d’un œil si scrutateur qu’il en est presque intimidant. Tu le sais pourtant qu’il y a dans le regard froid que tu poses sur eux quelque chose de glaçant, qui fait presque trembler les patients comme s’ils étaient un lapin sur une table de dissection. Tu es doué pour analyser les gens, brillant, et pas du genre à laisser l’occasion aux autres de l’oublier. Mais pour ce qui est d’inspirer de la sympathie, et pire de la confiance, je crains que tu sois un bien médiocre.

Timide ? Maladroit socialement ? Un peu mal dans ta peau, sans doute plus du moins que tu ne voudrais jamais l’avouer ? Aussi conscient de ton génie que doutant de tes capacités ? Mauvais acteur dans le théâtre des hypocrisies de se monde car trop intelligent pour n’être pas écœuré par sa superficialité ? Ce sont là le genre d’arguments que mon amitié a bien longtemps opposé aux persiflages de ceux qui te jugeaient méprisant, avec bassesse mais, disons-le, pas tout à fait sans motif. Mais l’amitié n’est pas là pour interdire la lucidité et j’ai bien conscience que ces excuses ne tiennent pas, pas totalement. Tu es trop bon psychiatre pour n’avoir pas conscience de l’image que renvoie ton comportement, pour ne pas savoir que tu donnes l’impression de détester les gens. Parce que tu détestes véritablement les gens, misanthrope que tu es.

Misanthrope et médecin, bien étrange cohabitation en vérité ! Va, nous avons tous nos paradoxes et nos contradictions, et j’en ai moi-même sans doute un bon paquet. Tu sais très bien ce que l’on dit : Il est presque toujours aisé d’être logique, il est presque impossible de l’être jusqu’au bout. Sans compter que sur ce point, nous ne sommes pas si illogiques que cela. On peut être humaniste et misanthrope. Je dois juste admettre que tu es, je le crois, un peu moins humaniste et beaucoup plus misanthrope que moi. Mais cette méfiance envers nos semblables, nous la partageons, ne t’inquiètes pas. Même si je n’ai pas exactement cette tendance qui est tienne de chercher toujours plus ou moins volontairement à éloigner les autres de toi, comme si souvent le font ceux qui ont l’habitude d’être rejetés. Tu ne l’admettrais pas. Probablement même pas à toi-même. Tu es de ceux, n’est-ce pas, qui préfèreraient crever plutôt que d’admettre qu’ils ont peur d’être désavoués par les autres ? Crois-tu que je ne reconnaisse pas ce sentiment, cette peine et cette amertume ? Je ne suis peut-être pas psychiatre, mais je passe mes journées à écouter les lamentations de gens qui se racontent des histoires à eux même, et je finis par penser qu’on le fait tous un peu.

Et puis je te connais bien, depuis nos ressemblances et toutes ses années. De ton passé, dans le fond, je ne sais pas grand-chose. A peine quelques esquisses. Que tu étais du Sud profond, comme moi. Et que, comme moi tu ne l’aimais guère. Que tu t’es empressé de le quitter, aussi vite que je l’ai fait de mon côté, et aussi vite qu’on l’a pu. Que tu n’avais pas trop de père, et je n’ignore pas que dans les contrées charmantes de la Bible Belt, c’était loin d’être un cadeau. Ce pays-là tolère à peine davantage les veuves que les filles mères. Crois-moi, j’en sais quelque chose… Être pauvre ou être une femme y sont des malédictions, et nous n’y aurions jamais trouvé ce que nous a un jour offert Gotham : un avenir, dusse-t-il être sombre, douloureux ou effrayant.

Home is where it hurts. Aussi loin que l’on fuie, les démons du passé ne nous quittent jamais tout à fait. Tu n’as pas besoin pour autant de passer ton temps à ériger autour de toi des murailles. Tu pourrais te laisser aller à montrer aux gens un peu de compassion. Avoir l’âme un peu accessible au commun des mortels n’égratignerait en rien tes compétences analytiques et je doute que ce soit ce biais-là qui pourrait te rendre manipulable. Et j’ai trop confiance en ton amour de la vérité pour mettre cette réserve sur le compte d’un recul inquiet devant ta propre psyché et ton rapport… disons… ambigu à ta propre capacité d’empathie. Tu es comme moi : de ceux qui préfèrent savoir de quelle vérité mourir plutôt que de vivre en bienheureux empêtré dans le mensonge. Alors quoi ? Peur de te tromper dans tes comptes ? Le cœur n’est pas une caisse enregistreuse.

Je sais à peu près ce que tu me répondrais si je te tenais ce langage. Tu hausserais les épaules avec le léger agacement du tatou qui rentre dans sa carapace. Tu me répondrais que c’est moi perds du temps à laisser les malades me vomir dessus leurs chagrins professionnels et leurs peines de cœur, à demander des nouvelles de la scolarité du petit dernier en même temps que de leur tumeur au poumon, que l’investissement émotionnel auprès des patients doit être mesuré pour être efficace et aller à l’essentiel de la science et du traitement des pathologies, que je m’expose inutilement à l’épuisement psychologique et au burn out. Je connais ce discours, moi aussi, j’étais là quand ce cher professeur Pigeon nous a ressorti ses vieux cours sur la RMM. Va, tu sais bien que sur ce sujet comme sur d’autres, on ne pense pas pareil…

« C'est effrayant comme le temps passe vite, n'est-ce pas ? De voir que les choses vont de mal en pis. Que rien ne semble jamais changer. Qu'en penses-tu, Kathleen ? »

Un genre fatigué de rire sans joie lui répondit. Tu me connais décidemment bien, Jonathan… Comment ne pas être affligé de toute la noirceur dont on voit cette ville être chaque jour davantage recouverte ? Comment ne pas penser à toutes les blessures que causeront ceux que l’on a soigné ? Comment ne pas rire tristement de l’énergie avec laquelle ceux que l’on vient de sauver, s’empressent de recommencer à foncer dans les murs sitôt leur corps un peu réparés ? Comment ne pas broyer du noir en pensant que chacune de nos victoires sur la mort n’est jamais qu’un petit délai de gagné et que tous nos efforts resteront à jamais bien minimes devant les sanglantes mathématiques qui viendront tôt ou tard -ici, souvent tôt- régler l’addition ? La notre aussi, inéluctablement, s’approche et nous ne sommes plus à l’âge d’une jeunesse qui a encore la vie devant elle et du temps à revendre. Bientôt, je mourrai en ne laissant derrière moi que cette clinique, quelques papiers d’éthique médicale et l’affirmation d’une conception de la médecine que nous ne sommes, je le crains, plus très nombreux à partager. Et quelquefois, je l’avoue, je t’envie l’espoir de laisser à l’Humanité le fruit de tes recherches et de ton travail, et cette pensée qui donne un sens à tes jours. N’est-ce pas là après tout ce que nous recherchons ?

Pour toi non plus, je sais bien que ce n’est pas toujours facile. Parmi ceux qui sont ton quotidien, à la fois patients et sujets d’études, bien des cas ne doivent pas être léger. Je connais ça… Une autre forme de souffrance, difficile pour toi, j’imagine. Te confronter à la folie chaque jour, voir toi qui attache tant d’importance à la Science et la Vérité, tant de gens perdre pied avec le réel, faire face, toi que les sentiments humains passionnent, à cette manière terrifiante dont la folie sait éroder l’humanité de ceux qu’elle atteint. J’espère que tu arrives à la supporter… Et en même temps, je t’envie un peu ce choix de la recherche de t’avoir éloigné du spectacle cruel de la mort, ici devenu si courant. Et pourtant jamais je ne m’habituerai…

Je ne regrette rien. Dans l’horreur que je lis dans les yeux de ceux que j’ai entendu crier « Jamais ! » au moment de mourir, il y a déjà toutes les raisons pour lesquelles je n’abandonnerai pas. C’est juste que tu as raison, bien cruellement raison. Etre médecin à Gotham, c’est se confronter chaque jour à la violence et à la cruauté. C’est voir chaque jour que la situation ne fait qu’empirer. Être médecin, c’est être humaniste, et tu imagines donc bien ce que la venue du Gant Noir doit être pour moi : une interminable défaite.



« La Peste, cela consiste à recommencer. »

Elle ne précisa pas d’où venait cette phrase. Du reste, elle se doutait bien que c’était inutile. N’avaient-ils pas le même gout insatiable pour la littérature ? Ne s’étaient-ils pas pendant des années échangés des références littéraires ? Ne la connaissait-il pas assez bien pour comprendre ?

Un haussement d’épaules blasé accompagnait ses mots et seul le regard complice qu’elle lui adressait allégeait un peu la lourde chape de tristesse qui la recouvrait depuis si longtemps. Depuis dix ans. Bientôt onze… Oui, le temps passait à une vitesse effrayante. Et les Hommes avec lui…

Comme tous les maux du monde, tous ceux du moins contre lesquels l’on pouvait faire quelque chose, si insignifiant que cela fût-ce, la Peste qui brûlait aujourd’hui la ville amenait avec elle une énergie de résistance qui contre elle avait illuminé les cœurs un temps. Comme tous les fléaux lorsqu’ils se réveillent, la montée au pouvoir du Gant Noir donnait contre elle une force intérieure provoquait la fureur et l’indignation devant le spectacle macabre du charnier à leurs pieds. Et cela, si douloureux que cela fut-ce, donnait un sens aux jours. Quelque chose de grave se jouait ici et maintenant, et cela suspendait les angoissantes interrogations qui se fondent le reste du temps dans la vie ordinaire, lorsque l’on a que celle-là et qu’il s’agit bien de savoir qu’en faire et si possible de la vivre.

Lorsque le monde va bien, ou plutôt qu’il va normalement mal, on continue comme on le peut à faire les gestes que l’existence commande. On porte la croix habituelle de tracasseries du quotidien et la répétition immanquable des tâches monotones, les horreurs et la laideur habituelles. La trivialité. Tous les Hommes sains d’esprit ayant déjà constaté que de trivialité en trivialités, ce sont les Hommes qui passent et les vies qui se fanent, se glisse toujours entre ces lassitudes l’angoissante perception de l’aspect dérisoire de ce petit amas d’habitudes. S’impose la question oh combien anxiogène, mais indispensable, des motivations qui prétendent surpasser le vide, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et l’inutilité de toute cette souffrance. Suivent ses consœurs, qui n’en sont dans le fond que la conséquence et les reflets, toutes celles qui interrogent la pertinence des buts, des valeurs et des idées qui nourrissent la vie de leur sens.

Lorsque la Peste réveillait ses rats et les envoyait mourir dans une cité heureuse, de telles pensées à défaut de disparaître, s’effaçaient, se mettaient en recul. Pour laisser la place à d’autres peurs, naturellement. Elles ne sont pas spécialement plus grave. La première pour être idéelle n’en était pas futile, elle engageait le plus sérieux des problèmes philosophiques. Mais face à l’envahissement des rues par des sectes armées, on remet vite l’ordre des priorités. Le Gant Noir, ses armes, ses milices étaient factuels, concrets, tangibles. Et pouvaient apporter la mort.

Chez certains peut-être, la montée au pouvoir d’un ennemi si absolu, si cruel, libérait l’exaltation idéologique des combats. Mais Katheleen n’était pas de ceux-là. Au mieux, la résistible ascension du mal libérait du doute. Pas en général, bien sûr, car cela n’existait pas. Mais face à l’horreur et à l’inacceptable, face à la mort, la douleur et la misère que ce nouveau fléau apportait avec lui se dressait une vérité simple comme une évidence. Il fallait lutter contre le Gant. Cette vérité n’était pas difficile, son application ne l’était pas davantage, si ce n’était que la tâche était immense, leur dénuement total et la victoire impossible. Mais sa méthode tombait sous le sens. Pour résister au Gant, c’est-à-dire empêcher autant que possible les Hommes de mourir et de souffrir, il suffisait de poursuivre ce qu’elle avait toujours fait, à savoir être honnête. Et pour les médecins qu’ils étaient, cela consistait simplement à bien faire leur métier.

Cela était bien et la conscience aigüe de cet engagement lui avait, les premiers jours, contre vents et marées donné un nouveau souffle de force, une forme de solidité dans la certitude qui n’avait fait qu’affirmer sa détermination. Mais ce paradoxal et relatif allègement n’avait duré qu’un temps.

L’infinie répétition du même spectacle de la fin définitive, toujours la même derrière ses abjectes variations, toujours la même horreur et le même gouffre, la ramenaient inlassablement au même assourdissant silence des couloirs surpeuplés de mourants et aux lieux déserts de ses murs absurdes. La fatigue s’ajoutant à la fatigue - Katheleen qui avait toujours et plus encore depuis son veuvage, eu l’habitude de travailler trop avait depuis un mois atteint un autre stade du surmenage – les angoisses et les doutes s’accumulaient, tournant en boucle dans le fond de son esprit, mais sans jamais que ses journées ne lui laissent le temps d’y réfléchir vraiment. Lors, le sinistre absolue de l’apocalypse qui se déroulait sous ses yeux aidant une tendance qui était sienne depuis l’enfance, un pessimisme bien sombre lui soufflait comme le plus crédible les options les plus dramatiques de tous ses petits drames métaphysiques qu’il aurait été bien trop égoïste de régler quand des malades bien réels l’attendaient au dehors de sa pensée. Car son énergie et sa force usée n’égratignaient pas une chose. Famille, déments, Hurt ou le Diable, pour ce qui était d’aimer son métier et d’y croire, elle leur ferait jusqu’au bout savoir qu’ils n’y pouvaient rien.

Par l’un de ses automatismes qui savent si bien trahir les secrets des pensées refoulés, son regard se porta vers un cadre tout simple au milieu du bureau, comme l’on a le réflexe de regarder vers la cachette de ses économies ou du coffret à bijoux lorsque quelqu’un au dehors crie à l’incendie. Là n’était point pourtant un secret qu’elle aurait souhaité cacher à Jonathan. Une vieille photographie, sombrement intitulée "Académie de médecine de Gotham, première année Promotion 2001". Au premier rang, aux côtés de la grande silhouette maigre aux allures de premier de la classe et de l’étudiante au visage sérieux et au grand regard bleu, un jeune homme aux cheveux blond et au regard pétillant de vie souriait à l’objectif comme s’il avait encore toute la vie devant lui. Sur la photographie officielle, cela se voit à peine, mais Katheleen se souvient bien que les deux jeunes gens se donnent la main. Derrière lui se tenaient les boucles brunes que l’on retrouverait quelques années plus tard dans une salle d’études vide et une marre de sang. Un peu plus à gauche, un sourire crâneur orne les lèvres que tout Gotham entendra bientôt rire aux côtés du Joker. Emaillent cette foulent oh combien d’autres aspirations à la médecine qui n’auront pas une meilleure fin qu’elle.

« Il me manque. Ils me manquent. » pensa la médecin qui elle était restée vivante et fidèle à son serment. Mais les mots ne franchirent pas la barrière de ses lèvres, vaincus avant que d’exister par le sentiment de leur propre inutilité. Entre les deux médecins encore vivants ne subsistait du silence de ces disparitions qu’un regard complice à travers la douleur et le deuil. Un silence de plus à ajouter à la somme des non-dits. Atmosphère de connivence ou parfait terreau des quiproquos.


« Si seulement les choses ne se contentaient que de ne pas changer. Chaque cas que l’on reçoit ici est plus sordide que les précédents. Et chaque fois que l’on se dit que cette ville a décidemment touché le fond, le réel se charge implacablement de nous montrer à quel point nous manquons d’imagination. » ironisa-t-elle avec un dégout teinté de lassitude. Pessimiste ? Le mot était faible, comme à son habitude. Chaque jour cette ville, dans sa course insensée vers le profit et nulle part, piétinait davantage les idéaux auxquels, elle, elle avait consacré sa vie. Et pourtant elle ne désarmait pas.

Un long regard fixe un instant Jonathan, suspendant le temps une seconde. Elle aimerait rester là, avec ce vieil ami, loin du monde et de sa désolation. Elle affectionnait toujours autant sa compagnie. Il fallait bien dire aussi qu’elle n’avait guère loisir de discuter beaucoup ses temps ci. Les brefs échanges avec ses collègues se résumaient souvent à des questions utilitaires toutes plus déprimantes les unes que les autres ou à de longs silences qui en disaient bien trop. Côté patients, il suffisait de se rappeler qu’en ces premiers jours c’était prioritairement les gangs, criminels et autres mafias que le Gant avait ciblées pour miner la concurrence. Autant dire que nombre de ses patients n’étaient pas des petits anges. Encore plus que d’habitude. Et c’était sans compter la peur, l’urgence et le désespoir qui rendaient fous jusqu’aux plus pacifiques des civils. Dans ces conditions, la majorité de ses échanges avec des êtres humains ressemblaient plus à des combats en duels qu’à des dialogues aimables et urbains. Elle aurait apprécié discuter encore, échanger des propos pleins de nostalgie sur les souvenirs tristes du bonheur passé, de tous ceux qu’ils avaient aimé et qui étaient devenus poussière et des remarques désabusées sur le monde et comment il va. Hélas, ce n’était pas le moment. Plus tard, peut-être, lorsque la situation s’améliorerait. Lorsque la Peste cesserait de charrier sur l’hôpital des tombereaux de malades, ils réfléchiraient, et il fallait l’espérer, ces derniers aussi.

Avec l’un de ces soupirs désolés qu’elle employait toujours pour entrer dans le vif du sujet – ses vifs du sujet étaient presque toujours désolants – elle ajouta :

« As-tu eu la curiosité de prendre des nouvelles de la qualité de l’eau récemment ? »
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Arkham Asylum
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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyLun 4 Sep 2023 - 14:00

I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] 2urw
Fear

Beware the Scarecrow



Le temps, qu'est-ce que le temps ? Le temps est une des dimensions de notre réalité. Le temps qui s'écoule fait que toutes les choses évoluent, changent, devenant ainsi autre chose que ce qu'elles étaient. Quand on essaie de penser le temps, on ne se représente pas vraiment le temps lui-même, seulement ses effets sur nos êtres : le changement, le vieillissement ... La mort. Tout changeait, et qu'importait ce qui pouvait arriver au final, nous n'étions que de faibles échos, semblables à ces papillons de nuit, qui meurent au petit matin. Dans sa vie, l'être humain a tendance à regretter le passé, avoir peur de l'avenir et fuir le présent. Pourtant, bien que ces parties soient distinctes, elles représentent un tout. Ainsi, le passé n'est que l'expérience de notre présent tandis que l'avenir est la conséquence du moment présent. Mais derrière tout ça, il y'avait la peur. La peur de l'inconnu, de ce futur si effrayant. Dans l'histoire de ce temps, nous n'étions que des parcelles de vies, chacune avait la sienne, et le plus important, était de savoir quoi en faire, comment se mettre à profit, du temps qui nous est imparti. Mais au final ... Étant conscient du temps qui passe, l'être humain sait que sa destinée est de mourir. La temporalité de l'homme est marquée entre sa naissance et sa fin. Cette idée d'un temps irréversible qui nous rapproche un peu plus de la mort chaque jour est à l'origine de notre angoisse existentielle. Une délicieuse angoisse qui terrorise intérieurement, tout être humain normalement constitué. Une simple peur, mais délicieuse par l’appellation. Elle était le summum de notre terreur : la peur de l'après. Mais pour en revenir à notre discussion, il fallait quand même écarter ces théories des plus plausibles. La jeune femme n'avait pas changée. Non. Elle avait toujours ces mêmes yeux, son même teint de jeune fille. Comme si elle n'avait pas quitté l'université. Moi, j'avais perdu de ma superbe, mais ma crinière rousse était toujours inchangée, sauf peut-être quelques petits cheveux blancs qui étaient apparus avec le temps, mais que voulez-vous : nous ne sommes pas éternels. Mon café dans la main, ma mallette à mes pieds, je dandinais aux réponses qu'elle me donnait, enfin, qu'elle voulait bien me donner, et pourtant, toutes ces affirmations me semblaient si vaines, si ... Inintéressantes. Pourquoi me parlait-elle de l'eau ? M'avait-elle simplement convier pour que nous discutions de l'aqua vulgaris ? J'eus un haussement de sourcil. Je suis docteur en phobies, pas géologue, et encore moins ingénieur de l'eau. Je désapprouvais ces sciences stupides : ceux qui étudiaient la terre ne méritaient que d'être enfouis dedans. Peut-être que ceux qui faisaient des études dans ce domaine avaient peur de finir six pieds sous terre, dans quelque chose qu'ils ne connaissaient pas ... Théorie intéressante, la peur du "ça". Cette petite bête inconsciente qui s'exprime quand vous n'êtes pas éveillé. Je bus une légère gorgée de ce café infect. La nausée me retenait, vraiment.

"Je crois que tu n'as pas eu la chance de découvrir les nouveaux cas à Arkham. Je crois qu'une petite visite te serait bénéfique. Peut-être que tu pourras constater que cette ville a encore de beaux jours devant elle. Et je ne parle pas que du Joker. Certains pensionnaires réservent des surprises."

Et par pensionnaires, je ne parle pas que des patients. La psychologie insiste sur un point : la limite entre la santé mentale et la pathologie est plus fine que ce l'on croit et il est crucial de ne pas enfermer les gens dans des boîtes simplement à cause de quelques signes. Oui, c'était sur le papier, mais à Arkham ... Qui y entre deviendra irrémédiablement fou. Cette maison était l'incarnation même du cauchemar thérapeutique. J'eus un demi-sourire, quant à cette affirmation. Après tout, j'étais à la fois docteur et patient en même temps, ce qui n'arrangeait pas beaucoup les choses dans les deux situations. Mais comment ne pouvait-elle pas être au courant ? Est-ce qu'elle était folle ? Se refusait-elle à accepter l'amère réalité ? Pourquoi ? Avais-t'elle ... Peur du changement ? Peur de voir l'image de Jonathan Crane ternie par une mise en disgrâce ? L'inconscient, sûrement. Quelque chose dans ce style, quelque chose dans cette idée pourrait lui amener une certaine peur de voir les choses changer. Jetant le reste du café, que je trouve immonde, je prend soin de saisir mon mouchoir, et de nettoyer les bords du gobelet avant de le jeter. Une précaution ? Juste une habitude qui me suit depuis le Sud. Tout devait être propre chez grand-mère, tout devait être parfait, et ne pas laisser de traces, oh que non. Ne jamais rien laisser derrière soi ...

"L'eau ? Je n'ai pas eu l'occasion de boire au robinet ces derniers temps. J'ai encore pas mal d'eau en bouteilles personnellement. Mais ... Pourquoi me poses-tu une question qui n'est pas dans mon domaine de prédilection ? Il t'aurait fallu ce crétin de Donovan Chandler, l'imbécile qui faisait brûler ses grenouilles au bec bunsène. Il est devenu agent d'entretien de l'eau dans la centrale de Gotham City. De ce que je sais ..."

Il y'en a beaucoup que j'avais traqué, beaucoup d'anciens camarades qui s'étaient moqués de moi, et qui avaient eu la pire frousse de leurs vies, jusqu'à en mourir. Tant mieux, je n'avais pas que ça à faire, de trainer les restes de ce passé que j'exècre. Il restait encore quelques bribes de ma jeunesse, et moins je laissais de traces, mieux cela valait pour moi. Il faut bien sûr, avoir des origines, avoir quelques souvenirs, un passif important. Mais les quolibets, les insultes, les brimades, et les injures, je ne pouvais clairement pas cela passer. Les bourreaux de ma jeunesse devaient payer. Les harceleurs et harceleuses ont rarement conscience de l'état dans lequel elles et ils laissent leurs victimes. Surtout quand une victime a un passif des plus toxiques ... J'avais enduré toutes les pires insultes, les pires moqueries, j'ai perdu des années à essayer ... De croire que je pouvais être comme les autres alors que ce monde ne voulait clairement pas de moi. Les livres m'ont accepté ... Un livre ne vous ment pas, il ne vous brise pas le cœur. Non ... Je n'ai jamais connu les premiers émois d'un amour naissant dans la poitrine d'un jeune adolescent. Je n'ai jamais connu le bonheur de prendre quelqu'un dans mes bras pour lui dire que je l'appréciais ... Que je l'aimais. Non. On apprend à se renfermer, on apprend à se détester pour ce que l'on est, ce que l'on représente. Moqué, humilié, on en apprend à souhaiter la mort des gens, on se condamne à cause des autres, à vivre une vie de loup solitaire car on ne fait pas parti de ce "monde". Hin hin hin. De ce "monde" civilisé, comme ils aiment l'appeler. Un monde qui se moque des plus faibles, qui glorifie l'imbécilité, et qui méprise ceux qui daignent exister et qui ne sont pas dans leurs cercles d'intérêt. Voila l'amère réalité que j'avais vécue. Mais au final, je n'avais pas si mal échoué ... J'avais bâti des murs autour de moi, mais à qui étais-ce vraiment la faute ? Parfois, il suffit à ces bourreaux de se regarder dans le miroir. Et jamais, je n'avais pardonné à ces monstres. La vengeance est douce, agréable, et vous n'imaginez pas comme cela peut-être libérateur de se débarrasser de ces chaines. Savez-vous qu'il est difficile d'être un rejeté, d'être mis à l'écart, surtout pour un jeune individu. Il ne s'adaptera jamais en société, et surtout, il n'apprendra jamais à apprécier la valeur des gens qui l'entourent. On devient un solitaire, et on se met à avoir des pensées noires, en permanence, tout le temps ... Mais alors que je revenais dans le commun des mortels, j'esquisse un petit sourire avant de reprendre.

"De ce que je sais, c'est que je ne boirais pas l'eau du robinet à Gotham City. Vu tout ce que l'on peut y déverser."

Il fallait vraiment être un fou pour accepter de boire quelque chose dans laquelle, tous les psychopathes de la ville pourraient avoir accès, et ce très facilement. Oh pourquoi une telle affirmation ? Mais parce que j'en ai eu l'idée dernièrement. C'était d'une folie, n'est-ce pas ?



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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyMar 2 Jan 2024 - 22:10





I've lost a lot a in this game
So would you stay around with me ?
I know that you are afraid
But I'm not selling misery
Maybe one day I'll feel hope again

Hold on, hold on with me
What if we could change this world today ?

Don't let me forget what it is to belong
You don't have to turn a blind eye
If you really look I'm a regular guy
But I'm not selling misery
Maybe one day I'll feel hope again







“Ce café est de plus en plus dégueulasse“ pensa Katheleen en finissant sa tasse. Durement frappé par les pénuries de toutes sortes depuis que Gotham était isolée du monde, l’hôpital s’approvisionnait comme il le pouvait en denrées essentielles pour continuer à tourner, nourrir médecins, patients et nécessiteux, soigner maladies et blessures, avoir encore assez d’essence pour éclairer les blocs opératoires et charger les électrocardiogrammes. Et assez de café pour ne pas s’effondrer tout simplement de fatigue. Même si celui-ci était de pire en pire. “Bientôt, il sera aussi ignoble que celui d’Arkham…“ soupira intérieurement la jeune femme avec une tristesse désabusée. Enfin, il ne fallait tout de même pas exagérer. Il y a des extrémités auxquelles ils n’en étaient pas encore. Au moins ce café-là était très fort. Et elle en avait besoin pour tenir.

Chaque minute, chaque seconde de sa vie était depuis un mois - mais en réalité depuis bien plus longtemps - une course infernale contre le temps. Elle réduisait toujours un peu plus la portion de temps qu’elle se laissait consacrer aux besoins normaux et habituels des humains, boire, dormir, manger. Pourtant, le devoir impératif et l’obligation de constante attention ne diminuait pas, augmentaient même. Chaque instant était le lieu d’une terrible lutte entre d’un côté la fatigue qui l’écrasait, poussait son esprit loin et souvent vers sa tristesse et ses doutes et de l’autre la nécessité permanente de se surveiller perpétuellement instant pour ne pas laisser l’inattention née de la fatigue lui grignoter son temps. Car celui-ci, fleuve sans pause ni barrages, fuyait toujours, inéluctable, indifférent aux remous de l’existence, et à ceux qui trop épuisés ou trop heureux le priaient de suspendre son vol. Impossible de mettre l’univers en pause, comme on le faisait à l’époque ou l’électricité existait encore, d’une musique, d’un film ou d’un écran. Même si le rythme de son existence ne lui avait pas désormais interdit les temps morts et ces salvateurs instants de vides consacrés à cette activité étrange que l’on appelle se reposer, elle l’aurait à peine pu. Tout juste parvenait elle à cet instant, au côté de son ami, à faire abstraction, un peu, de cette horloge et ce sablier qui toujours dans sa tête en un rythme infernal, scandaient le rythme des minutes qui sans retour défilaient.

Le temps est le pire des ennemis, et le seul que médecin, donc neutre, elle ait vraiment. Le temps et la mort à laquelle il conduisait inéluctablement. Toujours le même, sans cesse attaquant sournoisement différemment, insaisissable et omniprésent, terrifiant et oppressant, il serait un jour celui qui la tuerait surement. Une force qui s’asséchait dans sa poitrine lui chuchotait déjà pourtant presque inconsciemment qu’elle n’arriverait pourtant sans doute pas au bout du sien avant que l’essoufflement de la rattrape mortellement, plus dangereux encore que ces sociopathes et ces psychotiques qu’elle soignait en dépit du risque.



Lorsqu’il mentionna Arkham, ce fut cette fois elle qui eut un haussement de sourcil. Le sinistre établissement était une page de sa vie qu’elle avait tournée depuis longtemps, et sans regrets. Katheleen savait fort bien ce qu’elle pensait d’Arkham. Elle détestait cet hôpital et cet endroit. Y travailler y était désagréable et toxique, et si sa santé mentale en avait autant que possible rééchappé, elle avait fort eu l’occasion de comprendre pourquoi ce n’était pas toujours le cas. Ce qui l’avait marqué le plus déplaisamment n’était cependant pas les heurts et les déplaisirs de son vécu personnel, mais bien plutôt un constat terrifiant : ici plus que partout ailleurs, le système et le personnel soignant devenaient maltraitants. Souvent sans complaisance avec les patients, ce qui était une bonne chose, ils étaient aussi, ce qui était plus grave, sans empathie. Sans éthique, sans respect ni des patients ni de leur serment ; ils l’étaient aussi, et là c’était impardonnable. Car il y avait souvent bien trop de complaisance pour la souffrance, la mort et le mal. Et cela, Katheleen ne l’acceptait pas. Mais elle observait l’effet que l’organisation, les lieux, et les personnes sans scrupules sur les autres avaient, poussant à la répétition des mêmes cercles vicieux. Ce n’était pas ce qu’accepterait d’être, évidemment, celle qui jusqu’à son dernier souffle crierait qu’il n’existe pas de médecine d’acquiescement.

« Arkham ? Cela fait quelques éternités que je n’y ai pas mis les pieds, et ça n’est pas dommage. D’autant qu’après leur avoir balancé que les trois quarts de leur fonctionnement hospitalier est une hérésie éthique et médicale, je ne suis pas très sûre qu’ils aient envie de me revoir. »

Déjà entrée à Arkham dans le climat de vive méfiance qui avait suivi la trahison d’Harley Quinn, d’autant plus suspecte qu’elle avait été étudiante de la même promotion et trop humaniste ; déjà entrée à Arkham dans le climat de quasi guerre froide qui avait suivi l’adhésion syndicaliste d’Helen et sa dénonciation du harcèlement entre médecins et de la corruption, d’autant plus suspecte qu’elle avait été trop honnête et qu’elle l’était restée…. Faire une thèse en éthique hospitalière lorsque l’on travaillait à Arkham la situait comme un objet de vive méfiance, à la limite du sacrilège. Alors lorsqu’elle avait publié le résultat de ses travaux … ! Helen l’avait prévenue : « Si tu publies un quart de ce qui est écrit là, saches tu y gagneras la détestation éternelle de Strange, de Hurt, de ses sous-fifres et alliés, de la plupart de ta hiérarchie et la méfiance d’une bonne moitié de ta profession. » Elle n’en avait pas publié le quart, elle n’en avait pas publié un huitième, elle n’en avait pas publié la moitié. Sa thèse, elle l’avait publiée en entier.  

« Et ne pas les revoir, ça me va très bien d’ailleurs. Sans citer de noms, il y a quelques cas, d’autant plus dangereux qu’ils sont du “bon côté“ que je me passerais très volontiers de rerencontrer. » Elle eut un rire vague, faussement joyeux, mais le fond du propos était amer. Car les noms, elle aurait pu les citer. Simon Hurt, Hugo Strange, Jereminah Arkham…


Pour la médecin aux yeux bleu chaque nouvelle défection de ces collègues qui se séparaient des des idéaux de la voie de la médecine et reniaient leur sacerdoce était un nouveau deuil et une nouvelle trahison. Phénomène psychologique usuel et bien connu : on fait d’avantage confiance aux gens des mêmes cercles de métier, car on fait plus facilement confiance aux gens qu’on croit voir nous ressembler. Fatalement, l’on n’est trahi que là où l’on a accordé sa confiance.

Cela n’explique pas tout. Katheleen n’avait été jamais été trahie personnellement ni par Hurt ni par Strange. Elle n’était ni psychiatre ni psychologue, mais assez douée pour analyser les gens. Du moins, le plus souvent… Elle ne leur avait jamais fait confiance.  La blessure est ailleurs. La jeune femme tenait en telle estime le serment et les valeurs de leur métier que les trahir était pour elle, qui pourtant connaissait bien l’horreur, d’une monstruosité et d’une aberration presque inconcevable.

La découverte, toujours fréquentes malheureusement à Gotham de ces médecins peu scrupuleux voire carrément malveillants dont l’histoire avait trop montré qu’ils pouvaient exister pour être ignorés, mais dont la réalité avait l’horreur toujours renouvelé intacte de l’inacceptable réactivait en elle les deuils bien réels de ceux qu’elle avait aimé et qui étaient mort au service du métier. Sur le cimetière des médecins passés s’ajoutaient chaque jour les nouveaux cadavres, réels ou au sens figuré, tandis que la souffrance que créaient au lieu de la combattre ceux qui avaient retourné leur blouse insultait ceux qui étaient morts pour celle-ci. Si elle pouvait à la rigueur pardonner sa propre douleur, si elle peinait à tolérer qu’existe de tels sacrilèges, il y avait pire et c’était le sort des victimes. Elle avait trop de fois vu dans trop d’yeux la douleur et la mort. Cela, elle ne le pardonnerait pas.


« Sans compter que j’ai déjà ici assez de boulot pour trois vies. » ajouta-t-elle. C’était à peine de l’ironie. Accablée par le silence des morts et par le vide non moins dramatique de ceux qui avaient trahi le serment qui les avaient fait médecins, le docteur Grandt, rare survivante si seule dans l’immensité de ce tombeau, se sentait l’obligation de travailler pour tous ceux qui étaient tombé. Projet d’autant plus absurde que pour elle faire sa part, c’était déjà faire le maximum, ce sentiment pesait lourd sur le poids qui certains jours, de plus en plus fréquemment, pesait sur sa poitrine et lui coupait le souffle.  

« Et je peux t’assurer que je ne manque pas non plus de fous furieux et autres tarés dangereux. J’en vois même tous les jours. »

Elle se tourna vers lui, cherchant sa complicité, croyant voir le miroir de la sienne dans l’œil de son ami. Il n’y en avait pas tant que cela, à Arkham, des gens qui non seulement lui manquaient vraiment, dont elle retiendrait plus de sympathie que le désagréable constat de leurs bassesses, de leur incompétence, de leurs manquements ou plus grave encore de leurs arrangements avec les règles élémentaires de l’éthique et du respect des patients, mais aussi tout simplement des gens qui étaient encore vivants.


Combien des leurs encore, ce sinistre vingt novembre étaient tombés ? Arkham avait été l’un des premiers foyers de départ de l’incendie et elle savait qu’autant Hurt que les pensionnaires évadés avaient été sans pitié. Ils avaient un métier dangereux dans cette ville, et la neutralité de la blouse blanche ne les sauverait pas. Les morts silencieuses de leur profession pour cruelles qu’elles fussent n’apparaissaient que comme le symptôme naturel et presque fataliste d’une folie généralisée qui ne s’épuisait ici jamais même au milieu des cadavres de toute sorte qu’elle accumulait, toujours plus nombreux. Dans le fond quoi de plus logique qu’ils soient parmi les premiers sinistrés ? Ils savaient en s’engageant à quoi s’attendre, pas seulement parce qu’ils étaient en première ligne mais surtout parce qu’ils se devaient comme médecins d’être humanistes et que la Peste a tendance à cueillir les humanistes en premier, parce qu’ils ne se méfient pas ou du moins pas assez. Katheleen pensait qu’à ce titre il suffisait d’être humaniste et méfiant, ce qui ne signifiait pas non plus que c’était facile, parce que la Peste s’infiltre facilement et partout, et qu’il faut bien se scruter pour être tout à fait certain que l’on n’en n’est pas soi-même atteint.

Cela ne garantissait pas grand-chose non plus malgré tout puisque méfiants ou non, ils resteraient quoiqu’il en soit en première ligne et un symbole aussi, pas très puissant mais bien probablement de ceux que Hurt, ou d’autres, voudraient éliminer.  Par ailleurs, rien ne garantissait non plus que ceux qui étaient morts à Arkham avaient tous été toujours humanistes jusqu’au bout. Depuis que le dossier de Lisbeth était passé entre ses mains, elle se posait des questions sur nombre de visages côtoyés, dont elle avait pu voir les qualités mais aussi les faiblesses, et parfois la lâcheté. Difficile de ne pas se poser quelques questions, mais maintenant qu’ils étaient morts, quel procès même de mémoire pourrait être vraiment juste ou plus qu’une mascarade ridicule et futile vue de l’esprit. Peut-être valait il mieux en un sens ne pas trop s’interroger sur ces fonds d’une abyssale amertume, et qu’elle n’avait pas le temps de sonder. Sans compter qu’il est des professions sans doute où il est peut-être plus difficile encore de penser à un coupable qu’à un mort.    



« De ce que je sais, c'est que je ne boirais pas l'eau du robinet à Gotham City. Vu tout ce que l'on peut y déverser. »

« Ça, moi non plus, je peux te rassurer. » Son ironie légère se ponctua d’un sourire mi-ironique, mi-désolé. J’ai vu assez d’intoxications, volontaires ou non, ces dernières années. Le service de l’eau de Gotham, je te garantis que je m’en méfie. Par chance, les systèmes de filtration d’eau de l’hôpital fonctionnent encore, dieu merci. »

Les deux derniers mots avaient un arrière-goût de sarcasme, une forme d’ironie. Ces mots, elle ne les prononçait que rarement mais parfois les vieux réflexes trop longtemps imposés par sa vieille éducation sudiste revenaient de cette manière. Pourtant ce n’était jamais qu’avec cette sorte de second degré qu’elle avait toujours lorsqu’elle mentionnait la religion, d’une manière plus ou moins marqué. Comme beaucoup d’enfants de leurs régions, Katheleen était de ceux qui avaient dû apprendre la bible par cœur, de ceux qui avaient passé des heures et des heures de leurs enfance sur les bancs du temple a entendre les radotements de plus en plus redondants d’un pasteur vieillissant, de ceux a qui l’on avait durant des années et des années tenté d’enfoncer dans le crâne de rester ce qui était supposé être leur place à grand spectre de peur, du diable et des punitions de parents intraitables. Comme on pouvait facilement l’observer, ça n’avait pas tellement marché.



« Mais il y a des gens à Gotham qui boivent encore l’eau du robinet, que ce soit par inconscience, manque d’informations ou de moyens. J’en ai parmi mes patients, et ceux là ne sont pas en très bon état en ce moment. »

Il y avait beaucoup de points communs entre Katheleen et Jonathan. Mais, et quoique la jeune femme ne le mesurait pas, ou du moins pour son malheur très insuffisamment, il était quelques minces, mais cruciales, différences qui les distinguent radicalement. Et celle-ci notamment : le docteur Grandt se souciait sincèrement des gens.

Des patients quelques heures, quelques jours après le drame, lui étaient arrivés au milieu des blessés qui s’accumulaient dans la folie furieuse qui s’était emparée de Gotham ou dont Gotham s’était emparée. Tous présentaient plus ou moins les mêmes symptômes. Les hurlements de damnés et les larmes silencieuse des corps raides, immobiles, dont seules les mains tremblaient encore de légers soubresauts, les convulsions de tétaniques, les pupilles dilatés fixant comme brisées des horreurs indicibles. Lorsqu’elle avait vu les fièvres, les angoisses, les symptômes et les séquelles, le docteur Grandt s’était sincèrement préoccupée des souffrances, de la survie et de l’avenir traumatisé de ses patients.

Un ou deux, puis quelques poignées, puis d’avantage… Lorsque les cas s’étaient accumulés, la médecin avait vu ressurgir le spectre angoissant d’une épidémie. Il n’y avait qu’à voir dans les rues, où dans les conséquences aux urgences, combien les sectes, les fanatiques, les sadiques ou les dingues laissaient pulluler leur malveillance eet leur cruauté dans la ville endeuillée. Ce qui était vrai des pestes métaphoriques l’était aussi des épidémies les plus factuelles. Maintes fois de tristes exemples avaient démontré combien sur le terreau de la misère et du désespoir les bacilles étaient prompts à se développer. Lorsqu’elle avait vu ainsi s’abattre sur cette ville qui n’avait vraiment pas besoin de ça la perspective d’une épidémie le docteur Grandt s’était sincèrement préoccupée de l’avenir de la ville, ou pour le dire plus crument, du nombre de gens que cette nouvelle calamité allait encore tuer. Lorsqu’elle avait vu ainsi s’abattre sur les hôpitaux de la ville, qui étouffaient déjà, la perspective d’avoir encore cette catastrophe à gérer, le docteur Grandt s’était sincèrement préoccupée de ce que cela signifierait pour leur système de santé déjà au bourd de l’effondrement, et pour leurs médecins qui n’en pouvaient plus déjà.

Et puis elle avait fait le rapprochement. Elle avait remarqué la proximité entre les symptômes de cette curieuse maladie ou plutôt cet empoisonnement et certains effets secondaires des pilules distribuées par son ami Jonathan. Le docteur Jane Wilson dont les toxines et leurs usages criminels à Gotham étaient la spécialité travaillait avec elle dans le même hôpital. Lorsque la toxicologue lui avait confirmé que les deux substances présentaient des similitudes troublantes, le docteur Grandt s’était sincèrement préoccupée de ce que pour son collègue et ami cela pouvait signifier.

Elle avait sincèrement pensé qu’il n’y était pour rien, en tout cas pas volontairement, que quelqu’un lui avait volé sa formule et ses travaux pour les distordre et les utiliser à de mauvaises fins. Elle s’était sincèrement inquiétée des répercussions que pourraient avoir sur lui et sa carrière ce terrible évènement. Elle avait sincèrement pensé qu’une utilisation malveillante de ses recherches allait le peiner et le blesser, et elle s’en était sincèrement inquiétée.


Dix-sept ans d’amitié et elle ne l’avait pas vu venir. Était-il moins célèbre qu’il ne se pensait ? Etait elle moins bien informée qu’elle ne le croyait ? Les murs d’Arkham sont épais et gardent bien leurs secrets, surtout lorsque le secret arrange, surtout lorsque la vérité dérange. Elle aurait pu, peut-être deviner certaines choses à certains signes. Elle aurait pu peut-être dès le début d’avantage se méfier, ou à une certaine époque le voir sombrer. Sans doute avait-elle trop cru en la force de leur attachement commun à la science et la médecine. Elle qui se méfiait toujours avait accordé de la confiance par amitié. Amour de leur métier, détermination à essayer de croire qu’il y avait des choses qui pouvaient valoir la peine dans l’Humanité, amitié et estime d’une personne dont elle ignorait les pires travers mais connaissait les qualités. Tout du moins avait-elle des motifs nobles pour s’illusionner.

« Si jamais j’avais trouvé dans l’eau des microorganismes pathogènes, j’aurais sans doute contacté Donovan Chandler. Lui ou quelqu’un de la même spécialité, mais qui ait des compétences, contrairement à ce dernier. »

Un fin sourire, un peu d’ironie ornèrent un instant ses lèvres, un éclat de critique, un brin de sarcasme brillèrent dans ses yeux. Rien de très flagrant, rien de très appuyé, juste le rappel que si Katheleen était gentille, elle avait le jugement féroce. Le respect que l’on doit aux personnes, toutes les personnes l’avaient. Pas son estime. Et Donovan Chandler ne l’avait pas, comme ne l’avaient pas les incompétents et les lâches, ceux qui se complaisaient dans leur médiocrité, ceux qui fondaient leur réussite sur l’exploitation éhontée du travail d’autrui, ceux qui se complaisaient dans la souffrance, fut-ce celle de simples animaux de laboratoires. Parce que la jeune femme, pour avoir dû renoncer à la recherche n’en était pas moins dès que le temps se présentait, assidue lectrice des travaux d’autrui dans une curiosité intellectuelle ouverte d’esprit et aux goûts éclectiques, elle avait un peu idée de comment leur ancien camarade de classe avait évolué. Et si elle voulait bien entendre de réviser son jugement sur des gens qui auraient changé, elle ne s’était pas cru dans la nécessité de le faire : qu’il soit bête était regrettable, qu’il n’ait jamais choisi d’agir pour changer était impardonnable.

« A l’inverse, lorsque les symptômes que présentent mes patients s’apparentent à des illusions cauchemardesques, lorsque ce que Jane isole comme substance dans l’eau est une toxine psychotrope qui stimule les peurs phobiques de ceux qui la consomment… C’est plutôt à toi que je dois demander de l’aide, n’est-il pas ? »

Il faudrait vraiment être un fou pour penser demander conseil à quelqu’un d’autre en pareil cas. Pourquoi une telle affirmation ? Mais parce que pour connaître la chimie des toxines et la psychologie des peurs jusqu’à celles des pires psychopathes de la ville, il n’y avait pas meilleur que lui. Personne ne pouvait donc être mieux placé pour les soigner. C’était là ce qu’était la médecine, n’est-ce pas ?


Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 19 Mai 2024 - 20:42, édité 1 fois
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Arkham Asylum
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MessageSujet: Re: I'm not selling misery [Jonathan Crane & Katheleen Grandt]   I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] EmptyMer 3 Jan 2024 - 11:55

I'm not selling misery   [Jonathan Crane & Katheleen Grandt] 2urw
Fear

Beware the Scarecrow



Pauvre pauvre petite doctoresse en perdition, comme ta souffrance me fait délicieusement rire. Je ne peux que savourer ce nectar que tu diffuses. Tes craintes, tes appréhensions, elles sont un véritable miel pour mon esprit. Je devais ne rien montrer de mon état de jouissance intérieure, toujours garder une mine grave, mais ... C'était si délectable de te voir dans ce genre d'état. Si proche, et si près de sombrer dans la panique ... Ne comprends-tu pas que ton combat est si vain ? Cette peur que tu essaies de percevoir, de comprendre, lentement, elle s'insinue en toi ... Elle était si proche du point de rupture, cela se sentait parfaitement. Elle était si prête de se fracasser contre l'amère rebord de la réalité pour enfin fléchir dans le monde de la folie. Il en fallait beaucoup à un homme pour le faire chuter d'un monde de relative santé mentale, mais quand ça le percutait, ça le brisait définitivement. D'aucuns disaient qu'il fallait une journée pourrie de trop, une journée pourrie pour transformer le pire des hommes en monstre. Pour moi, ce que le Joker disait n'était qu'une excuse, une simple petite excuse digne d'un enfant de six ans qui se vautre dans l'étonnante flemmardise de chercher au plus profond de lui, le problème qui est ancré en son âme. Nous sommes tous torturés, dans ce monde. Nous vivons dans une prison et nos âmes sont en proie aux plus délicieuses tortures que nous pouvons endurer. Peurs, morts, misère. Le tout ponctué par cette pensée Nietzschéenne qui consiste à croire que l'homme est un loup pour l'homme. En plus des fléaux naturels, nous devions subir l'imbécilité chronique de tous ces ratés qui nous entourent, mais à cela, j'avais déjà dit non. Lire, c'est savoir, et savoir, c'est pouvoir. Une telle cruauté était délicieuse, et faire le plus de mal à autrui relevait très probablement du génie. Le mal existe, parce qu'il est possible de l'infliger, et c'est à cause de brutes comme Moses Chatterham, qui m'a longtemps persécuté enfant, que je suis devenu à mon tour, une brute sans pitié pour les ordures de son espèce. Ajoutons aussi une dose de solitude exacerbée, des mauvaises traitements parentaux et vous pouvez imaginer la dose de haine, de ressentiment, et de dégout pour l'espèce humaine que je peux ressentir au plus profond de moi. Mais ce mal nécessaire, m'avait permis de devenir un véritable expert en phobies, et j'étais devenu un professeur émérite en tous points. Voila ce que je pouvais dire de mon parcours. Le mal est un besoin nécessaire à l'homme, afin qu'il puisse évoluer et se trouver une délicieuse motivation pour embrasser ce pour quoi il est sur cette foutue planète. Inspirant légèrement, je bois une nouvelle gorgée de ce café que je trouve de plus en plus repoussant. Non sans moins écouter les dires de Kathleen.

"C'est surprenant. Je dirais même édifiant."

Je mentais. Je savais très bien ce que ce composé était capable de faire, et ce qu'il pouvait infliger aux crétins qui peuplaient cette cité. Une ville qui vote Oswald Cobblepot ne mérite que très clairement d'être vidée de ses habitants. Je parle de Darwinisme, une bonne sélection naturelle permet de faire le tri et d'éliminer les crétins et les autres mous du bulbe qui ne comprennent clairement pas ce qui se passe vraiment dans cette ville. Quand j'ai sombré, mon moi le plus profond s'est affirmé, et c'est à ce moment bien précis que j'ai embrassé ma véritable nature : Celle d'être un sadique. Je le reconnais, j'aime voir les gens pleurer, implorer pitié, et hurler de terreur à mon passage. Aussi, je fis mine de ne pas sourire quand elle évoqua le dernier point qu'elle me demanda d'éclaircir. Des terreurs dans l'eau ? Un poison qui fait hurler les gens de peur ? Je vois que mes petites toxines avaient fait un joli petit travail. L'échantillon 2X-2 avait parfaitement accompli son œuvre, et quand j'y pensais, je n'avais fait que verser dans l'une des canalisations de réapprovisionnement de l'East End. Et si je venais à verser tout ça dans le grand réservoir qui se trouvait en dehors de la ville ? Je me demande si je pourrais entendre les cris des Gothamites depuis l'endroit où je me trouverais. Une cité dominée par la peur, que ce serait un chant des plus délicieux pour mes oreilles. Le seul soucis éventuellement, ce sont les filtres qui empêcheraient le poison de circuler librement dans toutes les canalisations de la ville, et Kathleen avait eu de la chance. Beaucoup de chance. Comme j'aurais aimé voir ces gens hurler de terreur, comme j'aurais aimé voir tout un hôpital dans le stress des urgences, et de voir les cadavres morts de peur, s'empiler dans les chambres froides. La mort terrifiante, un simple aller, sans retour, et un voyage qui ne serait clairement pas des plus agréables. Toujours concerné, je ne pouvais m'empêcher de rester froid à ce qu'elle pouvait me dire, montrant une certaine gravité dans le regard.

"Nous avons bien un criminel à l'asile d'Arkham. Il se spécialise dans les terreurs et les peurs. Un sujet très fascinant, je serais curieux de voir les enregistrements vidéos des patients terrorisés que tu as accueilli. Pour voir si cela concorde avec ce que nous avons eu. Et je te le dis en vérité, ma chère. Ce monstre n'est pas à prendre à la légère. Cela fait quelques années qu'il sévit dans les ombres à Gotham City, et ... Il revient toujours à la charge, comme un damné."

Je n'aimais pas faire le florilège de ma propre personne. Je n'ai pas cette culture de l'ego qui me tourmentait à ce point. Non. Mais si je devais noyer le poisson, autant utiliser le plus de fil de pêche pour. Kathleen n'avait pas lu les rapports ? Bien sûr, la presse a souvent du mal à passer dans les quartiers les plus pourris de la ville, et beaucoup ne connaissaient que l'épouvantail de nom, mais pas son véritable nom. Pas celui de Jonathan Crane. Même si les avis de recherches étaient parfois explicites, certains quartiers avaient un tel retard. Et dans les rues, dans le stress de la misère, dans certains bâtiments, on ne connaissait que les rumeurs, que les bouts de chemins, que les vagues allusions aux criminels qui sévissaient, mais dont on savait qu'il fallait très vite les éviter. Cette clinique en était un parfait exemple, du moins, Kathleen, qui ne semblait pas être aux faits et gestes de mes petites errances. Sinon, elle ne m'aurait jamais appelée. Jamais. Un mince sourire sur mes lèvres, que je dissimule le plus vite possible, loin des yeux de Kathleen. Est-ce vraiment possible d'être autant dans l'ignorance que cela ? Je ne veux pas y croire, pourtant. Il me suffisait d'une simple petite possibilité, et je pourrais transformer cette clinique en un véritable chaos. Un temple pour les cris et les hurlements, un véritable sanctuaire à la gloire de l'épouvantail. Il ne fallait qu'une simple petite poussée. Mais je m'en gardais, du moins, pour l'instant. Je n'étais pas fou, non. Mais je savais reconnaitre la possibilité d'avoir des patients et des sujets d'expériences, ce qui me permettrait de pousser mes recherches encore plus loin que je ne l'espérais. Inspirant légèrement, relevant mes lunettes, ma chevelure rousse mal coiffée brilla dans la lumière d'un des néons de l'hôpital.

"Il répond au nom de l'épouvantail. Un criminel qui parle en rimes et qui joue de son costume pour effrayer les quidams et autres habitants de cette ville. Depuis que le Gant Noir a attaqué l'asile, il fait parti de ceux qui se sont échappés. Entre autres, comme le Joker, Black Mask, Harvey Dent, j'ai aussi Cornélius Stirk. Un autre patient qui utilise la peur, mais pour des fins ... Cannibales. As-tu recensé des disparitions de patients dans ton service ? Non pas que je m'inquiète, mais Stirk est un véritable danger."

C'est ça, il fallait la mettre sur d'autres voies, lui offrir un panel illimité de candidats qui adorent utiliser la peur. Après tout, c'était un excellent stimulant, et la peur offrait aussi, une très bonne dose d'adrénaline. Une jouissance sans nulle pareille. La peur nous maintient en vie après tout, elle fait ressurgir notre instinct, notre aptitude à la survie, et cela permet aussi de grandir émotionnellement des pires horreurs qui se dressent dans les ténèbres. Rien de tel qu'une bonne peur, pour se faire plaisir. Dans le cas de Stirk, et dans le mien, la peur avait toujours une fin des plus morbides. Mais cela restait quelque chose de naturel chez l'homme. Nous avons besoin de la peur. Nous avons besoin de cette peur, non pas pour éprouver, mais pour vivre dans la crainte de la triste réalité de l'existence. Il n'y a rien avant l'individu, rien après l'individu. Et c'était ça, la peur ultime qu'il me faudrait exploiter un jour. Un jour, je serais à même de devenir la peur, sans gaz, sans aucune explication. Non, je serais devenu la peur, et c'est ça que je recherchais au plus profond de mon être. Faisant un léger geste du cou, un petit crac se fait entendre. Les articulations, par temps froid, ce n'est pas très bon. Mais qu'importe, j'étais tendu, et pour tout dire, avec ce qui se passait en ville, je devais avouer que j'étais content d'avoir mon laboratoire clandestin à Chinatown. Enfin ... De ce qu'il en reste. Le quartier a été décimé. Et j'ai eu beaucoup de chance de sauver le peu d'éprouvettes afin de m'en servir pour me défendre. Je n'avais pas dormi depuis des jours, et ce café était plus que bienvenu. Les traits tirés, j'essaie de ne pas paraitre trop fatigué aux yeux de la jeune femme.

"As-tu des patients qui souffrent de cette peur en ce moment-même ? J'aimerais pouvoir comparer les toxines que vous avez isolé."

Gourmandise, tu me perdras. Tel l'enfant satisfait de sa bêtise, je ne pouvais que savourer le fait que des gens souffrent au sein de cet endroit. Que des gens, des brutes, des ordures puissent payer le prix de leurs incartades de la plus horrible des façons. Et quelque part, tous le méritaient. On était tous le bourreau de quelqu'un. Que ce soit le père indigne qui frappe ses enfants, le patron qui humilie ses employés, le collègue qui ligue tout le monde contre un autre employé, l'abominable flic qui colle une contravention alors que ce n'est pas mérité. Tous méritaient de payer. Après tout, si l'homme est un loup pour l'homme, alors moi, je serais le destin implacable et sans pitié, qui répandra la terreur dans les cœurs et dans les chaumières de Gotham City. Tous hurleraient le nom de l'épouvantail à jamais. Tous hurleraient, et moi, avec ma faux, je savourerais ce moment des plus délicieux. Je pourrais vendre mon âme pour entendre toute cette ville agoniser de la pire des peurs possibles.


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