De par ses sources, elle avait entendu l'appel de détresse d'un groupe de filles situées dans un bar du Cauldron. Une boîte de nuit, un appel de police, des filles tenues en captivité dans une salle qui ont réussi à appeler la police sans être entendues, la police ayant autre chose à faire que de les entendre. Mais Azzurra les avaient entendues et avait enfourché sa moto, mis son gilet pare-balle et son manteau ainsi que son masque d'or et se perchait au-dessus d'un bâtiment en face, utilisant la lentille de son masque pour zoomer et trouver les extrémités. Il n'y avait pas de moyens d'entrer aisément par en bas, mais les bureaux situés au dernier étage étaient accessibles par une fenêtre.

Sans trop attendre, elle descendit du bâtiment d'où elle se trouvait (ça faisait un peu peur la hauteur), avant de contourner le bâtiment où se trouvait la boîte, passer une barrière sans trop de mal qui n'était pas fermée, et monter l'escalier métallique menant à une sortie de secours. Sans aucune difficulté, elle court-circuita le système de sécurité et entra dans la boîte de nuit après avoir fermé la porte derrière elle.

Là, il y avait une musique assourdissante. Azzurra y était habituée. Les boîtes de nuit, elle avait l'habitude. Peut-être pas des boîtes de nuit de ce genre. Elle n'avait même pas été strip-teaseuse. Plutôt "hôtesse". Les boîtes de nuit s'adressaient à un public différent. En parcourant le couloir de bureaux, plutôt vide, et en fouillant chaque pièce au cas où en vain, la jeune femme vit au bout un garde qui lui tournait le dos. Elle ouvrit une porte, se glissa à l'intérieur et la claqua bruyamment avant d'attendre à l'intérieur. La porte s'ouvrit et comme prévu, l'homme entra pour voir avant d'être quasi assommé d'un puissant Haymaker.

Le masque d'or posa son regard sur le sien et demanda de sa voix métallique.

- Les filles, elles sont où ?

Il ne répondit pas, tenta d'hurler avant d'être assommé pour de bon cette fois. La jeune femme tira le corps dans un coin de la pièce et se glissa dans le couloir, pour rejoindre la foule. Se disant que sans masque en passant par l'entrée principale, elle aurait tout a fait réussi. Passant inaperçu à travers une foule désinhibée, attirant quelques regards un peu inquiets, elle traversa la partie surplombant le dancefloor pour voir s'il y avait quelque chose. Une pièce où étaient enfermées des filles. Un certain flux de gens en costume se détachaient de la tohu-bohu générale et semblait converger vers des pièces menant au sous-sol.

En toute logique, c'était là. Des hommes en noir l'observaient, elle les voyaient parler entre eux. Il fallait trouver un moyen de descendre.

EPSILON

La tension montait. D'une certaine façon, Azzurra poupette avait son sang qui bouillonnait. Elle avait son gilet pare-balles, elle était prête à casser des gueules et mourir bêtement. C'était pour ça qu'elle était devenue justicière après tout. Mais la peur, comme toujours, l'envahissait.

Elle décida de se cacher de la vue du monde en se glissant dans une petite salle annexe le temps de réfléchir. Il y avait une table ronde, là, pas d'issues. Ce qui était relativement embêtant. Un garde entra, encore assez poli. Il avait l'air jeune, propre sur lui, et était seul.

- Euh, salut. J'aimerais vous demander de partir. Les meufs en costume on aime pas trop ça, ici.

Azzurra fit un bond gracieux avant de le prendre par l'épaule, puis lui dire d'une voix sensuelle

- Les filles, elles sont où.

- J'ose pas dir- euh y a pas de filles ici.

- Allons, mon chou. Je t'attache, comme ça personne saura que tu as dit.

- Elles sont au sous-sol avec le patron.

C'était facile. Maestra saisit sa corde et s'empressa d'attacher le type qui se laissait curieusement faire, avant de lui glisser un baiser volant et fermer la porte derrière elle en sortant, un peu abasourdie que ça eut marché aussi bien.

Un craquement assourdissant vint la faire sursauter. Une figure sombre, le chevalier masqué. Un autre Justicier, et pas n'importe lequel. Le Batman. Pour qu'il intervienne, c'était que le danger en valait le coup. L'homme Chauve-Souris était un homme très sollicité dernièrement. Face à lui, Azzurra se raidit.

Elle s'était encore mise dans la merde. Sa respiration s'accéléra et le Batman déclara qu'il avait rendez-vous avec Whale.

Le Whale ? Tobias Whale. Un gangster assez connu qui portait plutôt bien son nom. Elle avait eu affaire ses hommes lors d'une soirée où elle était hôtesse. De loin. Il n'avait pas l'air sympathique. C'est pas les gens sympathiques qui paient le mieux. Déjà les clients commençaient à paniquer, même ceux qui avaient rien à se reprocher couraient vers les issues de secours. Dans la panique, certains sortirent leurs armes et visèrent le Batman. Azzurra d'un bond se jeta sur l'un le désarma, le coup partant non loin du Batman et le sauvant surement par la même, et se saisit de la force de l'autre pour le mettre à terre et l'assommer.

Maestra monta et rejoint Batman :

- Leur patron se trouve dans le sous-sol, ils ont des filles séquestrées là on doit les sauver. En fait, je m'appelle Maestra.

Deux hommes surgirent de l'entrée du sous-sol et se dirigèrent vers la salle de danse pour faire ce qu'ils avaient rêvé de faire depuis longtemps : neutraliser le Batman. Azzurra se glissa sur les côtés, et esquivant la foule, laissant Batman s'en occuper. Elle s'engouffra dans l'escalier menant au sous-sol et dévala quatre par quatre, déjà un peu essoufflée, pour rejoint les sous-sol.

EPSILON

Maestra se sentait envahie d'une certaine extase à se battre du côté de Batman. Il était aussi taciturne qu'elle le pensait. Un homme de peu de mots, mais de mots justes. Le peu qu'elle avait dit était déjà trop pour lui. C'était, génial. Lorsqu'elle avait un peu de temps pour s'arrêter, elle le voyait se battre. La brutalité de ses mouvements, la force et la prestance qu'il dégageait. Azzurra n'était pas bien grande et faisait pâle mine à côté, mais elle respirait également la force quand ses muscles explosaient et un type plus lourd qu'elle était éjecté sur plusieurs mètres. Elle attrapa le masque avant de l'enfiler, remplaçant son autre masque qu'elle rangea contre sa cuisse discrètement, cachée de toutes caméras.

En temps normal, un filtre pouvait s'ajouter sur son masque, mais elle n'en avait pas pris. En général, ils n'utilisaient pas de gaz interdits par la convention de Genève, hormis le Joker. D'autres venaient. Alors que les clients avaient évacué, d'autres semblaient venir, probablement d'autres de ce gang venus en renfort.

Le Batman la sauva, cassant une main au passage. Azzurra avait surement fracturé quelques os, mais ce sentiment lorsqu'elle ne contrôlait pas sa force et brisait quelque chose lui avait toujours donné quelques sueurs froides. Un homme fondit sur elle, elle bloqua son bras. Il avait une machette, elle lui mit un solide coup au cou. Il lui mit un coup de genoux dans le ventre, ce qui n'eut pas tant d'effet que ça à cause de son gilet pare-balles, mais le coup encaissé lui donna assez d'énergie potentielle pour attraper ses mains et le jeter au sol. Littéralement contre le sol, l'écrabouiller avec une force qu'il ne pouvait pas attendre d'une telle femme. Un coup de talon et il resta au sol.

La zone nettoyée, il convenait de descendre plus profondément dans les souterrains. L'endroit était un peu exigu et des hommes plus fortes les y attendaient.

- Je vous laisse passer devant, je couvre vos arrières.

Dans les souterrains, elle fait irruption dans une sorte de salle de pause où on l'attendait de pied ferme. Maestra fit craquer ses doigts et d'un pas agile esquiva le premier pour atteindre un second qui semblait vouloir rester à distance. Manquait plus qu'il sorte une arme létale, là où le danger du premier qui l'avait attaquée de front était bien plus quantifiable. Elle s'en saisit et dans un calme olympien lui déboîta la mâchoire, avant de se retourner subitement pour prendre le second fonçant sur elle et l'envoyer contre le mur, lui retournant un coup de pied qui n'eut pas faire du bien alors qu'il était contre le mur.

Plié en deux, la bouche en sang, il faisait signe qu'il se rendait. Ca suffisait pour Maestra qui revint dans le couloir pour une seconde bouchée. Se battre auprès du Batman lui donnait une force incroyable et elle souriait derrière son masque, chose qui n'arrivait pas souvent.

EPSILON

Visiblement, un des ennemis connaissait le Batmen, et pas en bien. Azzurra s'étira doucement dans le but de passer à la suite. Il déclarait que Whale n'était pas là. Comme c'était décevant. L'autre gamin lui avait menti, alors ? Elle croisa des bras, de la buée se formant dans son masque. Azzurra se tenait droite comme un piquet, jusqu'à acquiescer à la suite des ordres du Batman. Evidemment, les filles. Batman quitta la pièce et Azzurra avança au fond du couloir. C'était calme, on entendait quelques personnes gémir. La porte était fermée à clé. Elle donna un coup de pied dedans, puis deux, jusqu'à ce qu'elle ouvre avec fracas.

Derrière, il y avait les filles. Elles avaient l'air d'avoir été battues, certaines étaient à moitié déshabillées. Terrorisées comme des poules au fond d'un poulailler, et Azzurra était le renard.

- N'ayez pas peur. Je viens vous sauver. Prenez vos affaires et suivez-moi.

Elles se relevaient, un peu en peine. Qu'est-ce qu'il leur était arrivé ? Azzurra les invita à venir et les inspecta, faisant le tour pour voir s'il n'en restait pas. Tellement l'air mal en point que elle-même se demandait pas si elles arrivaient à marcher. Mais ça allait. Une fois que la zone était sécurisée, elle passa devant.

- Suivez-moi.

Une chancela. Azzurra l'attrapa.

- ... ça fait un moment qu'elle est là.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

- Ils nous ont rien donné à manger.

Azzurra fouilla dans sa poche de manteau pour en tirer des barres de céréales qu'elle donna à la jeune fille blonde. Celle-ci avait du mal à manger, mais finit par avaler calmement. L'aidant à marcher, elle traversait le couloir, suivie par les autres filles. Un gars en émergea, lui-même avait du mal à marcher. Azzurra pressa le pas pour le descendre d'un crochet, avant de secouer sa main. C'était rapide. Elles arrivèrent dans la salle principale où se tenait le Batman, ce qui leur tira quelques cris de joie.

- C'est bon. Je crois pas qu'il manque des filles. Il se passe quoi ? On doit partir... je pense que des filles ont besoin de soins.

Même si elle le cachait, elle se sentait si fère de se battre auprès de Batman.

EPSILON

Maestra se chargeait d'évacuer les femmes vers la sortie. Là, des policiers allaient les amener en sécurité et prendraient le relais. On la regarda avec peur, certaines pleuraient et la remerciaient, mais la plupart étaient silencieuses, comme des agneaux qu'on ramenait dans leurs enclos. C'était suffisant.

Azzurra leur avait sauvé la vie, et Batman avait fait de même en l'empêchant de se tuer sur autant d'hommes. Avec du recul, elle n'aurait peut-être pas pas réussi sans lui. Azzurra n'étais pas une femme qui réfléchissait avec des "Si". Elle avait réussi. Elle aurait pu en pas réussir. Batman aurait pu ne pas être là. Elle aurait fini parmi ces femmes à moitié déshabillées qu'on allait peut-être prostituer.

Elle ne pensait plus à ces choses-là. Totalement détachée de son corps, de sa vie.

C'était... elle n'arrivait pas à en être heureuse. Son esprit se vidait alors que la voix grave du Batman l'invita à le suivre. Elle leva la tête et sur son masque, on ne voyait rien. Et pourtant on le devinait à sa pose. La tête alors baissée, une respiration difficile sous son gilet pare-balles qui affaissait son corps, et pourtant une pose qui se voulait fière malgré la difficulté à se tenir debout. On devinait un mur de flammes derrière un corps chancelant. Elle le suivit après avoir acquiescé, sportivement, suivant le mouvement de sa cape. Jusqu'à arriver à la Batmobile. La légendaire.

Ca aurait été très audacieux de sa part mais Azzurra aurait voulu volontiers faire un tour dedans. Un rêve d'enfance qu'elle aurait eu, si elle en avait eu une. Une enfance où on imagine l'avenir, où on se berce de rêves, où on a des modèles à suivre pour lequel on a du respect. Cela n'avait jamais été le cas d'Azzurra. Au mieux un pion. Tous ses modèles d'autorité l'avaient utilisées, fait tourner dans tous les sens. En silence, elle fixait le masque du Batman.

Monte.

Aucune réaction sur le visage d'or. Mais Azzurra souriait. Elle se tut pour ne pas dire quelque chose de faux. Il n'y a rien à dire de correct dans ce genre de situations, si ce n'est qu'un doux silence. Alors elle monta sans poser plus de question. Sans aucun doute envers lui.

Le moteur vrombissait avec une régularité incroyable. Lancé à 200 km/h, elle s'y endormirait comme un bébé. Même son lit avait plus de turbulences. Quoique, dit ainsi, c'en était peut-être un peu cynique. Presque assoupie, le Batman semblait agité. Des poursuivants. Des hommes de Whale, très certainement. Jusqu'à ce qu'ils se crashent tous après avoir appuyé sur un simple bouton. Le Batmant mit le GCPD sur l'affaire et poursuivit son chemin. Azzurra n'en put plus et passa son bras derrière pour détendre son gilet pare-balles et prendre une longue inspiration. Elle tourna sa tête vers la fenêtre. Des lampadaires se suivaient à intervalles réguliers. La voiture la berçait.

Le Batman l'emmènerait-elle vers son repaire ? Azzurra se sentirait presque... être quelqu'un. Elle s'en voulait qu'un peu d'attention bienveillante la mette dans un état pareil. Elle ferma les yeux. Elle repensait à Lui. Ces balades sous le soleil Romain au bord de la mer Tyrrhénienne. Elle se souvint alors de ce moment dans la vie où elle avait eu de l'espoir. Ou elle était aimée. Ou elle rêvait. Partager une bruschetta sous un olivier. Un cliché dira-t-on. La simplicité d'une vie simple.

Un avenir. Des projets. Y repenser la perçait d'une flèche dans le cœur. Même si elle le voulait, même si Azzurra retournerait à Rome, elle n'y trouverait pas celui qu'elle a aimé. Les routes seraient désertes. Azzurra reviendrait aux endroits où elle avait vécu ses meilleurs souvenirs, les endroits où elle a espéré, aimé. Et n'y trouverait rien. De l'herbe. Du soleil. Des oliviers. Le jardin botanique de Gotham City faisait tout pareil. Elle ne retrouverait pas de toit. Il n'y aurait qu'un soleil vide de sens. Que des hostilités pour ceux qui encore connaissaient son nom.

Azzurra déglutit, rouvrant les yeux. Pas d'herbe à Gotham City. Des gratte-ciels menaçants. Le froid. Le crime. Gotham City était son cauchemar, et l'espace d'un instant elle aurait espéré donner sa vie pour celui qui la conduisait. Qu'on en finisse. On quittait la ville.

La voilà ta forêt. Azzurra laissa conduire dans l'obscurité, jusqu'à arriver à un endroit, une cave gigantesque comme dans les films ce qui tendit Azzurra qui se mit à regarder avec de grands yeux émerveillés, derrière un masque tout aussi inerte que d'habitude, mais à son corps on y voyait une curiosité doublée d'excitation.

Azzurra sortit du véhicule, et contempla les alentours. Un homme âgé, d'une élégance sans faille leur avait amené deux tasses. S'était-il attendu que Batman kidnappe une jeune femme ?

C'était son majordome ? Sa tête lui disait quelque chose.

Il avait emmené Azzurra jusqu'à son repaire ? Cette dernière remit le scratch de son gilet pare-balles pour le resserrer comme il faut, quitte à pouvoir moins bien respirer.

Elle avait beau être serveuse, Azzurra servait des tacos à des ouvriers. C'était à deux doigts qu'ils lui mettent une claque aux fesses quand elle passait et qu'elle en rigole. Personne ne l'avait jamais fait, tout le monde l'avait respecté et Lalo avait veillé à ce qu'il en soit toujours ainsi. Mais la droiture de cet homme l'impressionnait et elle serait incapable de lui faire honneur. Elle tremblait sur ses jambes, et d'une main tremblante passait sa main sur son masque pour en déverrouiller la mâchoire du masque et libérer sa bouche.

Azzurra saisit la tasse, encore plus angoissée de voir sa main trembler autant, la stabilisant d'une autre main. Elle était glacée. Mais elle tenait fort pour éviter que la tasse ne tombe.

- Merci. Je. Vous êtes vraiment élégant, Monsieur.

C'était pas la chose la plus intelligente à dire mais elle lui venait du plus profond de son cœur. Impressionnée, elle baissa la tête et espérait qu'on ne la réprimande pas.

EPSILON

Azzurra Falcone. Il connaissait son nom. C'était donc si facile de savoir qui elle était ? Il était vrai qu'elle... était impulsive quand il s'agissait de faire la justice. Trop impulsive. Même si elle prenait le temps de planifier la plupart du temps, quand l'appel de la justice était là, elle se ruait tête baissée pour résoudre ça. Elle était comme ça. Peut-être faisait-elle passer sa vie après celle des autres.

C'était faux de dire ça. Il y avait une certaine frange de la population qui comme elle souffrait. Peut-être était-ce égoïste. Au final, Azzurra se battait pour elle, ses peurs, plus que pour aider ceux qui souffrent ? Elle ne voulait pas se poser la question. Son problème était sa particularité. Ses méthodes de combat. Beaucoup l'avaient reconnues à cause de ça. Une femme qui sait prendre des coups et projeter un homme sur plusieurs mètres.

Le Batman lui dit qu'il avait vu de quoi elle était capable et voulait la former ? Elle. L'espace d'un instant elle se crut importante. Mais c'était un choix déraisonné. Il y avait des gens plus jeunes qu'elle, avec bien plus de potentiel. Il était fortement égoïste que de saisir cette opportunité là où beaucoup d'autres en rêveraient. D'autres qui méritaient bien plus. Il avait sorti des insignes. Celle du très célèbre Robin. En fait, il y en avait plusieurs. Le masque cliqueta alors qu'elle corrigeait son zoom pour être sûre d'avoir bien vu, bien compris. Puis, planté devant elle, il enleva son masque. Instinctivement, Azzurra ne voulut pas voir. C'était impoli de regarder les gens sous leur masque.

Mais elle vit.

Bruce Wayne.

Un visage qui ne lui était pas inconnu. Un homme qu'elle avait profondément respecté, pour beaucoup de raisons. Déjà, parce qu'elle n'avait jamais croisé aucun de ses affiliés à des endroits où elle travaillait et où il y avait beaucoup de gens corrompus qui venaient passer du bon temps. Par instinct, Azzurra savait que tout le monde avait de sombres secrets à Gotham, et que personne n'était puissant sans se salir les mains.

Un homme aussi mystérieux que Bruce Wayne, le roi sur la colline, l'ombre dans le manoir, cachait forcément des choses. Quitter la ville ainsi, venant de sa part avait plutôt déçue la poupette. Mais il était là. Il était Batman. Et un sourire. Quelque chose cassait la glace et pourtant qui était emprunt d'un profonde mélancolie.

- C'est de l'injustice.

Ses mains tremblantes, Azzurra les passa sur les côtés du masque. Un cliquetis vint le décrocher et elle le retira, dévoilant son visage elle aussi. Sa vue devint floue car les lentilles étaient intégrées au masque. Des mèches de cheveux trempes lui collaient au front, son visage brillait à cause de la sueur et de larmes et une légère contusion dont elle ne saurait dire d'où elle venait lui maculait une pommette. Elle glissa son masque dans la partie interne de son manteau, alors qu'elle glissait sa main dans sa ceinture pour en extraire ses lunettes qu'elle posa sur le nez. Ses tremblements ne cessaient pas.

- Pourquoi moi ? Ma vie est déjà... gâchée... je ne mérite pas votre protection. J'ai vu tant de choses. J'ai vu beaucoup de jeunes... avec beaucoup plus de potentiel que moi. Je ne mérite pas une opportunité ainsi.

Elle n'osait pas le regarder dans les yeux, avant de soupirer. L'Italienne retira ses gants, douloureusement, dévoilant des phalanges écarlates un peu gonflées par l'impact des coups qu'elle a donné. Emotive, elle partit sur un soliloque.

- Ou peut-être que si. J'ai vu beaucoup de choses. Je connais c'est quoi dans les ténèbres de la ville. J'ai rencontré le Pingouin. Des gens contrôlés à distance ont tué des femmes battues, que je voulais protéger et soutenir. J'ai dû casser des jambes à des innocents qui rigolaient à cause du Joker, et je n'ai pas réussi à arriver jusqu'à lui. Un homme étrange qui pensait être dans un conte de fées voulait prendre le thé avec moi. Il était avec cet homme, lui il avait un masque en toile. J'ai vu autour de moi le corps des gens qui étaient morts avec la peur. Mais moi, je ne suis pas morte de la peur... mais je suis condamnée à vivre avec.

Azzurra soupira, assez difficilement car elle n'avait plus de force.

- Gotham m'a faite alors que je n'y suis pas là depuis très longtemps, monsieur Wayne. Elle m'a prise dans son nid et m'a donné mangé à ses araignées et moi je n'ai pas su les arrêter. Personne d'autre, je veux que personne d'autre n'ait à être mangé. S'il y a une personne qui doit être face à ces ténèbres pour que personne d'innocent n'ait à souffrir, alors ce sera moi. Jusqu'à mon dernier souffle.

Elle leva les yeux, encore timide.

- Vous avez dit que vous me connaissez. Vous savez que tous mes souffles jusqu'à mon dernier seront consacrés à rendre cette ville moins pire pour les innocents. Vous savez que je le ferai à vos côtés, ou pas à vos côtés. Mais que côte à côte nous serons plus forts, parce que je ne fuirai pas tant que je serai là. Même si je suis pas parfaite et même quand la peur me glace, je serai debout, pour vous soutenir, monsieur Wayne.

Azzurra soupira encore avant de saisir sa main pour la serrer. Une main chaude. Une main qui... transmettait une confiance en elle. Une... bienveillance, peut-être ? Elle sentit ses jambes défaillir alors qu'elle se penchait en avant et s'accrocha à son bras pour ne pas chuter. L'émotion la fit pleurer encore un peu, alors qu'elle tentait de se ressaisir tout en élançant son bras pour déscratcher son gilet pare-balles et l'enlever, parce qu'il était devenu trop lourd. Son corps entier l'était devenu. Elle voulut s'excuser d'avoir tant parlé pour rien dire, mais c'était comme si des années de choses qu'elle avait sur le cœur mais sans pouvoir être dites à quelqu'un car il ne comprendrait pas... comme si elle avait trouvé la personne capable de l'entendre. Et que tout était sorti d'un coup.

EPSILON

Alors Azzurra allait devenir Robin. Elle n'y avait jamais pensé. Elle n'était qu'une pute qui essayer d'aider les gens autour d'elle, parce qu'elle ne valait pas mieux. En voyant autant de gens découvrir son identité, que ce soit Mindy ou une autre, elle pensait être une piètre justicière. Elle en était une. Mais auprès de Batman elle ferait de son mieux. Personne ne saurait qui est la nouvelle Robin, et elle se ferait discrète.

Même si elle n'y avait pas pensé. Il lui promettait un foyer. Mais... est-ce que Bruce Wayne oserait s'exhiber avec une prostituée ? Les médias la stalkeraient et trouver des informations sur elle ne serait pas difficile. Même si elle utilisait un pseudonyme, ses visages n'étaient pas inconnus. Elle voulait se cacher. Elle ne méritait pas.

Remarque, elle avait d'excellents dossiers sur tout le monde. Il valait mieux que les grands pompes se taisent.

Azzurra avait tant voulu rencontrer le Batman pour lui parler de tout ce qu'elle savait. Elle avait un don pour se retrouver dans la merde, pour tomber maladroitement sur les pires crapules et les pires fils de pute de la ville. Ca, elle pouvait l'apporter à Batman. Après, tomber sur des fils de pute dans Gotham City, si ça avait été un talent le monde aurait été bien meilleur. C'était pas bien difficile.

Il la prévint alors qu'elle sera traquée, haïe, prise pour cible. C'était ce que les méchants voulaient au Batman, il était vrai. C'était ce que beaucoup lui voulaient à elle aussi, elle avait beau être discrète et peu expérimentée, beaucoup avaient des frais d'hôpitaux sur les décennies à venir qu'ils voudraient lui faire payer

Azzurra n'était pas juriste. Si elle avait quelques outils pour garder des criminels en prison, elle les utiliserait. Mais Azzurra ne savait qu'utiliser ses poings, son corps et un peu sa bouche. Elle livre les criminels la police. C'est tout ce qu'elle peut faire. Le reste ne dépend pas d'elle.

Azzurra retira son gilet pare-balles, poliment après avoir vu Batman se mettre à l'aise lui aussi. Elle le posa contre quelque chose et s'étira, libérée d'autant de poids, plutôt soulagée. Elle déboucla son harnais et le posa aussi, avec son manteau, pour se retrouver en chemise. Un peu calmée, elle accepta sa main tendue avec, enfin, un vrai sourire, qui lui venait de loin. De très loin.

- Partenaire. Pour Gotham. Pour les milliers d'âmes de cette ville, et ultimement aussi les nôtres.

EPSILON