Le journée avait été longue, une enquête sordide, un connard s’amusait à dépecer ses victimes et Shelby et moi avions été déployés en urgence, on ne savait pas vraiment si ces crimes étaient commis par un méta humain ou non et donc qui de nous deux hériterait du dossier. Nous avions donc opté pour une collaboration de nos services. À mon habitude, comme à chaque fois que je cherchais le calme, j’avais quitté notre nouveau bureau tout équipé du deuxième étage offert par le maire Fox pour notre ancien bureau miteux de l’ancienne salle des archives du premier sous-sol. Luke avait vraiment mis le paquet pour l’unité Gordon, et je lui en était vraiment reconnaissant. Déjà ça me rapprochait clairement du reste de ma brigade,  et de mon autre bureau dans ce même étage. Mais pour le calme les sous-sol étaient bien plus appropriés. Bon trop calme du coup, j’avais fini par m’assoupir la tête dans les dossiers, une autre de mes habitudes.

Soudain des coups de feu à l’étage me tirèrent de mon sommeil, d’un coup d’œil sur la montre que m’avait offert Levaihcam m’indiqua qu’il était à peine plus de 21h. Je sortais dans le couloir, putain la lumière était morte, on manquait vraiment de moyens au GCPD. J’allumais la lampe-torche de mon téléphone offert lui aussi par Luke pour me guider, je mettais en marche ma radio en mode toutes fréquences pour entendre des cris d’horreur et de souffrance. Aucun doute le central était attaqué. Je tentais de passer un appel aux voitures de patrouilles mais de toute évidence les communications étaient brouillés vers l’extérieur. Bordel, c’était du vrai travail de pro, d’ailleurs ils avaient dû couper le courant également, ce n’était pas simplement l’ampoule du couloir qui avait grillé. Une pression sur l’interrupteur de la salle des archives me confirma que nous étions plongés dans le noir.

«À toutes les unités, ici le Lieutenant Bullock, le GCPD est pris d’assaut, nous ne pouvons compter que sur nous même. S’il y a des hommes près du générateur du troisième sous-sol essayez de le redémarrer. Pour les autres, formez des petits groupes, dos à dos et visez les entrées et les sorties. Progressez lentement, on essaye de se retrouver au plus vite dans la salle de repos du premier étage. Je vous apporte de l’équipement. Bullock terminé.»

Je dégainais mon arme, et je me ruais vers l’armurerie. Dans le couloir je croisais l’officier Marave, je lui faisais un signe de tête avant d’ouvrir la porte brusquement, la coupure de courant l’ayant déverrouillée. Heureusement les assaillants n’avaient pas encore atteint l’armurerie.

«Bon Marave, on remplit des sacs avec tout ce qui est possible, des armes lourdes si possible, fusil à pompe, armes automatiques, grenades tout ce qu’on peut porter sera utile.»

Bon la situation était critique, mais je comptais pas me laisser faire comme ça, et avec des bonnes volontés comme celle de Marave on pouvait s’en tirer. Putain qu’est-ce qui pouvait tuer des flics sans un bruit ?

Victime collatérale

«Coordinateur, étage numéro cinq nettoyé, passons au quatrième.»

William Cobb avançait dans le noir, sa vision était parfaitement adaptée à cet environnement. Le cinquième étage du GCPD était parfaitement silencieux à l’exception des gouttes de sang qui tombaient de sa lame contre le carrelage froid de l’open space. Le clapotis rythmé était comme une berceuse, il apaisait presque l’assassin, enfin s’il avait été autre chose qu’une machine à tuer aux ordres de la Cour il l’aurait apaisé.

«Ergot continuez comme ça, je vous rappelle que la cible est le commissaire James Gordon, ne perdez pas de temps en futilité.»

Mais Cobb savait bien qu’il allait devoir tuer un maximum de policiers pour se frayer un chemin jusqu’au rez-de-chaussée et jusqu’à sa cible. Cela ne lui posait aucun problème, il avait été entrainé à ça, il était un parfait soldat froid et implacable aux ordres de l’Emissaire. Et face à lui peu importe leur nombre, il n’étaient que des humains, faibles, fragiles, son conditionnement l’avait rendu tellement supérieur, le liquide froid qui coulait dans ses veines en avait fait un surhomme, un être immortel, un ergot.

Cinq minutes dans le quatrième étage et déjà il ne restait plus âme qui vive, la moquette de la salle de repos était saturée de sang et chacun de ses pas produisait un bruit immonde de matière organique expulsée du tissus. Qu’ils avaient été stupides de tous se regrouper ainsi, cela ne les rendait que plus faciles à avoir. Bien évidemment ils s’étaient  défendus, l’assassin avait reçu plusieurs balles, mais il était insensible à la douleur, certes ses mouvements étaient un peu diminués par les dommages, mais cela ne l’empêcherait pas de poursuivre sa mission.

Un son sortit l’ergot de sa frénésie, il restait une cible encore en vie dans cet étage, un homme, de toute évidence il était intelligent, si Cobb n’avait pas réussi à le voir de prime abord. Il aurait dû aller directement à sa cible principale, mais après tout, s’il restait moins de personnel la prise de pouvoir de la Cour n’en serait que facilitée. L’ergot pris une initiative, fait rare pour un assassin de la Cour des Hiboux.

Cobb s’élança sans un bruit, l’homme était là dans le noir, il avait allumé une lampe torche, risible, cela le rendait visible, comme un lapin pris dans des phares succombant aux serres d’un Grand-Duc. L’ergot avança rapide, silencieux mortel et trancha la gorge de l’homme avant de monter au plafond accroché à la gaine de ventilation. L’homme restait debout un instant mais Cobb était sûr de son coup, il tomberait mort sous peu. Quelques secondes plus tard un bruit sourd confirma à l’ergot ce qu’il savait déjà : l’homme était tombé raide mort. L’assassin avança jusqu’à la cage d’escalier avant de passer une nouvelle communication silencieuse.

«Coordinateur, étage numéro quatre nettoyé, passons au troisième»

Les archives du Central avaient pendant longtemps, été un de mes lieux préférés. On peut dire ce que l'on veut de ce vieux bâtiment poussiéreux, mais j'aimais regarder des archives des anciennes affaires, de celles de Sarah notamment, ses premières ici, quand elle bossait pour Loeb. Le bon vieux temps diraient les vieux de la veille, mais je suis réaliste. Le bon vieux temps n'existe pas. Il n'a jamais existé, pas à Gotham City du moins. Chaque jour, suffisait sa peine, disait l'adage. Je refermais les quelques dossiers que j'étais venu consulter, calmement, essayant de prendre des notes pour les prochaines enquêtes que je devais regrouper avec les collègues. La fatigue m'avait pris, et alors que je sortais une cigarette pour "fêter" mes trouvailles. Mais soudainement, c'est le début du cauchemar. Les plombs qui sautent, les radios qui fusent, et les cris paniqués de mes hommes qui ne savent plus à quel saint se vouer. Encore une attaque. Déjà en moi, je repensais à la dernière attaque de ce genre, et ça n'avait pas été une partie de plaisir. Bon Dieu de merde. Pour la clope, ce sera plus tard. Je lâche mes dossiers et je dégaine mon arme. Heureusement, chaque policier à de quoi se défendre, mais malheureusement, on ne sait jamais sur quoi on peut tomber. Qui ? Le Joker ? Bane ? Une nouvelle milice ? Je me faisais vieux pour ces conneries. Bien trop vieux. Je redresse mon dos et je me tiens aux aguets. Je m'avance dans la pénombre, arme au poing, essayant de discerner les traits et les formes de ce quartier général que je connaissais comme ma poche. La seule chance de survie pour mes hommes, c'était d'atteindre le générateur de secours. Pas évident dans le noir, ça non. Je n'ai pas de torche, pas de lumière, il faudrait faire attention et compter sur mon ouïe. Tu parles d'un atout ... Je me contiens, je garde mon calme, et j'avance patiemment, le temps m'est compté, et malgré tout ce qui peut bien se passer. Sans faire attention, je me prend une porte dans la cuisse, et je camoufle mon envie de hurler. Le mieux à faire était de regrouper mes hommes, de retrouver le générateur de secours et de remettre nos défenses sur le devant. Je retiens mon envie de jurer, je me mord le doigt pour passer l'envie. Quel imbécile, trop pressé, vieille branche, trop pressé ... Bullock et les équipes devaient sûrement être de retour des patrouilles, il fallait contacter nos hommes au dehors. Il fallait les prévenir. Que quelque chose se trame et que ça merde sévère.

Le silence ambiant est hypnotique, presque insupportable. Je me laisse quelques secondes avant d'avancer encore une fois à l'aveugle. Un bureau, un siège, celui de la concierge des archives. Elle doit avoir une lampe de poche, quelque chose, c'était obligatoire, surtout qu'elle travaillait dans les archives, il y'avait toujours des recoins sombres à vérifier, des dossiers oubliés ... Ah, voila qui est intéressant. Une mini-lampe de poche. Pas terrible, mais ça suffira. Maintenant, il faudra être aussi discret que possible. Si quelqu'un était en train d'infiltrer le GCPD, si quelqu'un était en train de nous attaquer, il fallait organiser la défense du poste. Il le fallait. Je commence à transpirer à grosses gouttes, les archives ont beau être au sous-sol, cette situation, c'est plus pour quelqu'un comme moi.

Marave et moi remplissions de gros sacs de sports du plus d’armes lourdes possible, je sais pas ce qu’on avait en face mais c’était lourd. Déjà de ce que j’avais pu entendre à l’extérieur c’était une véritable armée qui nous attendait, et à l’intérieur c’était une mort silencieuse qui rodait. Putain mais qui pouvait bien avoir les moyens d’assiéger le commissariat central ? Pas un criminel ordinaire non, une organisation. Ces types savaient clairement ce qu’ils faisaient et une attaque d’un de ces abrutis de criminels costumés aurait fait bien plus de bruit. Non je ne voyais que deux possibilité, soit il s’agissait là de la Ligue des Ombres, soit de la Cour des Hiboux. Mais à l’extérieur c’était bien des bruits d’arme à feu.

«Bordel de merde ! Officier, c’est la milice TYGER qui nous tient à l’intérieur.»

Ce qui voulait dire une chose, ce qui tuait entre nos murs était de l’ordre de la légende, légende qui s’était confirmée le soir du premier Octobre. Des ergots ! Et ben on était pas dans la merde. Des tueurs surentrainés et immortels, on allait devoir frapper très fort, il fallait que leurs corps soient incapables du moindre mouvement. Mais qu’est qu’il pouvaient bien foutre ici ? À moins qu’il n’essayent de prendre la ville et ses institutions mais alors dans ce cas.

«Gordon ! Leur putain de cible c’est Gordon.»

J’attrapais ma radio et j’émettais sur les fréquences disponibles, si elle était brouillée vers l’extérieur, au moins tous les gars dans le commissariat auraient le message.

«A tous les gars coincés dans le commissariat, nous avons des ergots à l’intérieur. Si certains peuvent accéder aux pièces à conviction du premier étage il doit y avoir des armes plus lourdes que celles de notre arsenal standard. Notamment des armes de Freeze, leur point faible c’est le froid mais si on en fait de la chair à pâté ça bouge plus non plus. Leur cible est le commissaire, essayez tant que possible de le retrouver, Jim si tu m’entends, j’arrive et je suis lourdement armé. Maintenant si certains de nos gars ont les moyens de refoutre ce putain de courant, on viserait vachement mieux avec de la lumière. Les gars n’oubliez pas, le GCPD c’est une famille, comptez sur votre collègue et laissez-le compter sur vous, on s’en sortira. Bullock terminé»

Je me tournais alors vers la jeune officière qui m’accompagnait.

«À leur place j’aurais pénétré le bâtiment par le toit et par le sous-sol pour nettoyer étage par étage, y a deux solutions soit tu viens avec moi chercher Gordon, soit tu descends aider les gars qui remettent les plombs, enfin si on a des gars au générateur. Dans les deux cas c’est à la fois risqué et utile. Si tu descends, quand vous avez fini rejoignez le point de rendez-vous pour la contre offensive.»

Sans attendre vraiment de réponse de sa part je chargeais un fusil à pompe avec des balles de gros calibre et je prenais une volée d’escalier.

"Lavrinenko ? C'est vous ?"

Ma voix se veut rassurante, je me sens légèrement réconforté. J'abaisse ma lampe tandis que je baisse mon arme par la même occasion. La jeune agente avait elle aussi été au mauvais endroit pendant cette panne impromptue. Mais quelque part, je suis rassuré de la voir. Un bon augure dirons-nous. La jeune femme voulait s'enquérir des autres qui étaient dans les étages supérieurs, mais le vieux sage que j'étais avais quelques bons conseils. On avait pas de radio, ni l'un, ni l'autre. On va essayer de faire comme on peut avec les moyens du bord.

"Ce serait une erreur de retourner aux étages supérieurs maintenant, on doit d'abord ramener le courant. Être aveugle dans une situation de crise n'est pas l'idéal, et vous le comprendrez."

L'ambiance est perturbante, on sent que les choses ne sont normales, et que quelque chose allait de travers. Dans mon esprit, je me demande qui peut bien s'en prendre à nous. Quel criminel, quelle organisation pourrait s'en prendre à une place forte comme le Central. Quelqu'un qui en a les moyens, mais qui ? Nombreux étaient nos ennemis, et malheureusement, on allait devoir faire avec. On allait devoir se démerder seul. Bullock était un bon chef, dans les moments de crise, il avait toujours le bon mot, la bonne action à faire pour gérer les situations de crises pendant mes absences, ou si j'étais indisponible. Le connaissant, il savait quoi faire, et il savait quelles étaient les meilleures procédures.

"J'ai confiance en mes hommes, Lavrinenko. Et j'ai confiance en vous. C'est pour ça que j'ai besoin que vous gardiez votre sang-froid. Vous m'accompagnez aux générateurs de secours et vous couvrez mes arrières."

Remonter le moral de mes troupes quand la noirceur nous tombe dessus, c'était le boulot d'un commissaire. Toujours être là pour ses gars, qu'importe les problèmes. Je m'en tenais à mon rôle et je me donnais les moyens d'avoir des hommes qui me le rendent bien. Les ténèbres nous entourent, et même si Lavrinenko ne semblait pas spécialement à l'aise, elle avait quand même la chance d'être avec moi. Rien ne pourra lui arriver tant que je serai dans le secteur. Ce vieux commissaire que j'étais en avait encore dans le coffre, et je compte bien m'assurer que mes hommes et moi, ressortions vivants de cette attaque. J'entends des bruits venant des étages supérieurs. Bon Dieu, qu'est-ce qui peut bien se passer là-haut ? Les secondes passent, et je peux commencer à m'inquiéter. Qu'est-ce qui se passe ... Cela m'inquiète, et il fallait vite qu'on trouve le moyen d'aider nos amis. L'électricité était nécessaire, et nous pourrions avoir nos dispositifs de sécurité une fois le courant rétabli. Du bruit dans les couloirs ... Je m'arrête et j'éteins la lumière. Je murmure quelque chose que seule la jeune femme peut entendre.

"Du bruit. Faites attention ... Préparez-vous ..."

Si quelqu'un d'autre était avec nous dans les archives et dans les sous-sols, alors on allait discuter. Ennemi ? Ou allié ? En temps de guerre, il faut connaitre son ennemi. Je sens mon cœur qui bat dans ma poitrine. La peur me tenaille, mais je dois me contenir, dans quelques secondes, Lavrinenko et moi, nous surprendrions ceux qui sont à côté.