‘MomoVici’ ne pouvait pas révéler sa véritable identité, sous aucun prétexte, mais elle aiderait la princesse mycélienne en se faisant passer pour sa propre meilleure amie. Nova valait cette peine. Elle avait un nombre d’abonnés ridicules, comme la plupart des génies, et puis il y avait des psychés rafraîchissantes, qui parvenaient à retenir son attention, plus que d’autres.

Un fourgon noir s’arrêta dans la ruelle, non loin de Nova. La porte coulissante s’ouvrit, et Min-Ji en sortit, un bonnet noir sur la tête (qui n'est en fait qu'une cagoule retroussée sur elle-même), avec un sac de sport sous le bras. Elle était en tenue de combat, son harnais tactique pourvu d’un étrange dispositif, sur lequel quelques câbles ondulaient le long de ses courbes, et censés lui apporter un camouflage numérique.

Pas besoin de trop s’attarder sur les silhouettes ricanantes qui se découpaient à l’intérieur du véhicule. Au regard de Nova, l’une d’elle lui sembla visser une ogive sur l’embouchure d’un lance-roquette, mais rien d’alarmant, vraiment. Ceux-là sont des trolls, professionnels, et comme tous les pros du milieu, ils n’ont pas d’âme. Les seuls gestes d’empathie qu’ils pouvaient avoir à l’égard des êtres vivants, se résumaient en une proposition de trêve USD TRC, qui consistait à cesser toute forme de harcèlement, à condition qu’ils soient payés, plus que leur employeur ne les payait déjà. Comme des mercenaires. Ils obéissaient au doigt et à l’œil de Min-Ji, parce que c’est elle qui les a sorti de leur tombe, et qu’elle tenait leurs comptes en banque.

La porte coulissante se referma, et Min-Ji ne prêta plus attention au fourgon qui repartait. Ses acolytes avaient leurs ordres et resteraient dans les environs. Se tenant prêts, par exemple, pour embarquer et extrader le père de Nova. La ténébreuse se dirigea alors vers la jeune fille à la longue, si longue chevelure blanche.

— Hey. Je suis Nova. Merci de m'aider. Mais j'crois que ça va être dangereux, t'as une idée de comment je pourrais rentrer sans que tu te mettes en danger ? Faudrait désactiver les caméras, trouver où est mon père, trouver comment le libérer, et le libérer sans alerter personne.

Dangereux ? Min-Ji détailla un instant le visage de Nova, en inclinant la tête sur le côté. Elle lui sourit alors doucement.

— Salut Nova, moi c’est Min-Ji. Mes associés s’occupent du poste de transformation. Dans quelques minutes la rue sera coupée d’électricité.

Min-Ji lui parlait comme le font les hôtesses de l’air ; le timbre doux, bienveillant et chaleureux, de quoi rendre l'entrevue plus agréable, à défaut du vol. Ensuite, elle sembla l’ausculter. Lentement, elle lui tint le menton, comme une gentille infirmière cette fois, lui faisant pivoter le visage vers la gauche, puis vers la droite, et inversement.

— Tu auras 60 secondes pour entrer, jusqu’à ce que les générateurs de secours prennent le relais. Ensuite, les systèmes prioritaires seront à nouveau fonctionnels, mais les ombres continueront de couvrir tes mouvements jusqu’à la salle de contrôle. C’est là que tu pourras plus facilement localiser ton père.

En théorie... Elle utilisa ensuite son pouce, délicate, aidant la paupière de Nova à s’ouvrir plus grand, pour en observer l’état de son œil, et inspecter ses pupilles.

— La lumière reviendra dans les cages d’escaliers. Prends garde.

Elle s’écarta de la jeune fille, tout en extirpant un pistolet mitrailleur de son sac de sport ; type Uzi dont le canon était allongé par le tube d'un suppresseur de son. Min-Ji lui fit enfin un cours accéléré, comme une instructrice en arme à feu, tout en manipulant le Uzi dans ses mains. Tenu sous le regard de Nova, il cliqueta dans tous les sens, le chargeant, le déchargeant, dans une explosion de bruitages simplement jouissifs.

— Tu peux insérer ou retirer le chargeur en appuyant là, et en le tirant vers le bas. Comme ceci, tu vois ? […] Pour l’armer, tu tire sur le levier vers l'arrière. Ici, tu peux vérifier qu'il y a bien une cartouche dans la chambre. […] 9 mm Parabellum, regarde. […] Ici, c’est le sélecteur de tir ; semi-auto, full-auto, comme dans Counter Strike. […] Si l’un de leur homme te repère vide ton chargeur sur la cible, à courte portée, de préférence. […] Tiens prends-le. Il est à toi.

Après cette rapide démonstration, Min-Ji reposa le dit Uzi dans les mains de Nova. Mais alors, les gestes s’enchaînèrent rapidement, la jeune fille n'eut peut-être pas le temps d'assimiler toutes ces informations qu'en arrivaient d'autres, lorsque Min-Ji lui confia un premier magasin de munitions, suivit d'un second, puis d'un troisième. Comme si cela ne suffisait pas, la coréenne glissa un écouteur derrière l'oreille de Nova, de sorte qu’elles puissent rester en contact quoi qu’il advienne.

Soudain.

— Un p'tit coup de fouet ? Inspire profondément.

Min-Ji leva devant les yeux de Nova un inhalateur avec, cette fois, juste un brin d’insistance, pour lui éviter de trop y réfléchir. C’était une drogue de combat ; pervitine.

— Les nazis appelaient ça de l’Ampheton.

HRP:

— Tu veux plus jouer au docteur avec moi ?

La coréenne lui sourit simplement, comme parfois, sans rebonds. Pourtant, parmi toutes les créatures qui habitaient Gotham, Nova figurait parmi ses préférées. C’était à cause du vide qu’elle sentait en elle-même… Usée… Min-Ji se sentait usée... C’est tout. Donc elle sourit simplement, et vérifiait au préalable que la jeune fille n’était pas déjà sous l’effet d’une drogue, avant de lui proposer l’inhalateur. Pour se lancer dans un plan pareil, il fallait être sous substance, un peu, d’ordinaire. Mais pas Nova, qui était dans son état naturel. Heureusement pour elle, personne ne devenait accroc à la pervitine à la première dose. A faible quantité, elle sentirait une augmentation de sa puissance, de sa concentration, et de son agressivité, tout juste ce qu’il fallait pour fonctionner pendant vingt-quatre heures.

— Hm ?

Min-Ji inclina la tête sur le côté, alors que la Grise lui attrapa les mains, tout à coup, l’air d’en souffrir, les larmes lui montant aux yeux… Ah… Merde… D’habitude ses associés plongeaient dans  l’euphorie à mesure qu’ils découvraient leur force, mais pas Nova ? Pourquoi ?

La jeune fille s’en écarta, serra les poings, et… des champignons. Un foisonnement de champignons, plutôt, apparu dans son périmètre derrière elle. Nova était pleine de surprises. C’était donc une méta ? Min-Ji cligna des yeux, baissant rapidement sa cagoule sur son visage, avant de mettre son masque à gaz. Un objet unique en son genre, qui ressemblait plus ou moins à un masque de paintball.

Dès que l’électricité fut coupée, la ténébreuse la suivit donc comme prévu dans le dédale des bâtiments. Elle se fiait au son de ses pas et au tintement émit par son arme, jusqu’à parvenir à une première porte. La plus discrète, juste derrière l’établissement, non loin d’un binôme de vigiles qui agitaient le faisceau de leurs torches dans tous les sens, alertés par la subite extinction des feux.

— Je crois que je peux me repérer.

Min-Ji gloussa. Il y eut alors comme un grondement sinistre, à cause du modulateur incorporé dans son masque, et qui lui donnait la voix de Satan.

— JE SUIS DERRIÈRE TOI.

Min-Ji aimait la nuit. L’heure où fuit la mouche, et apparait le moustique. La ville dormait. Le monde, quant à lui, semblait s’être arrêté de tourner. Moins d’agitation, moins de stress. Pour elle, du moins. Ce n’était pas forcément le cas pour tous ceux qui devaient traverser les coupes gorges de Gotham pour rentrer chez eux.

En entrant, Min-Ji extirpa son propre Uzi de son sac. Le duo déambulait depuis un moment déjà, avec prudence, dans les couloirs. Puis il y eut comme une ombre mouvante, avec elles, dans le dédale, alors que toutes deux approchèrent de la salle de contrôle.

— Attention. Elle est pas humaine.

C’est là qu’une femme étrange apparu devant elles, pour provoquer aussitôt Nova. Rien qu’à son visage décharné, Min-Ji comprit qu’il s’agissait d’une saloperie. La créature leva le doigt.

— Ne TIREZ PAS. Ça va ricocher et vous allez vous blesser.

Min-Ji resta interdite, un temps. Le temps, en fait, pour Nova de gérer sa connaissance, mais la dame s’énerva quand la Grise la noya dans un nuage de spores. Son adversaire sortit les griffes et fonça sur elle comme une bête sauvage.

Min-Ji arma son Usy d’un bon coup de levier. Elle se mit alors en position de tir, un genou à terre, tout juste à l’encadrement de la porte menant aux escaliers. Son pistolet mitrailleur cracha une gerbe d’étincelles, et ils en craquaient comme des gros paquets d’allumettes qui volaient tout autour d’elle par essaims de balles et de douilles fumantes. A cause du cylindre qui garnissait son canon, il y eut comme un bruit d’oisillon en rafale, des éclairs partout !

La non morte qui lui faisait face bougeait extrême vite, comme un agent de la matrice, filant sur les murs, le plafond, les balles perforant le plafond d’où s’échappèrent tubes et câblages. Ça explosait de partout, en nuage de plâtre et poussière, mais puisqu’elle s’approchait ainsi, de plus en plus véloce, Min-Ji disparu dans la cage d’escalier pour l’attirer à elle, et poursuivre le combat, plus loin, dans le bâtiment. Ainsi Nova pourrait libérer son père plus facilement. Se disant que, peut-être, en continuant de pianoter dans sur les consoles de la salle de contrôle elle parviendrait à un résultat.