Une rencontre fortuite au clair de lune avait donné lieu à une amitié. Ce n’était pas si poétique que Marylin aimait l’imaginer : la mafieuse s’était vu confier pour mission d’enterrer un corps, un peu à l’écart de Gotham. Elle avait eu beau essayer de faire comprendre au parrain, à travers son regard, qu’elle n’avait pas le physique adéquat pour déplacer des corps, en bon chien elle était obligée d’obéir aux demandes. Ce genre de situation servait à la rendre un peu plus amère. Alors, elle avait emprunté une voiture à la carrosserie sombre, et à trois heures du matin avait roulé jusqu’à Bristol. Avec difficulté, elle avait ôté le cadavre du coffre, non sans une grimace lorsque l’odeur parvint à son nez, et se mit à creuser. Sa manucure s’était écaillée, et un ongle s’était cassé. Elle avait alors failli, lors d’un de ces rares moments où l’émotion la gagnait, laisser libre cours à sa colère - elle avait été fortement tentée d’écraser répétitivement la pelle sur le visage déjà tuméfié du corps. Ce fût les bras redressées, prête à abattre l’objet, qu’elle avait fait la rencontre de la fille aux champignons. Son innocence entremêlé de vices qui étaient hors de son contrôle l’avaient tout de suite séduite. Marylin en avait oublié sa colère, son injuste travail. Elle avait devant elle la plus belle, la plus cruelle, des créatures, qu’elle pourrait choyer. Puis façonner. Elles avaient discuté, pendant un temps, puis, avec une douceur à peine feinte, la mafieuse l’avait invité à se revoir à Gotham, plus tard.

Quelques minutes avant l’heure du rendez-vous, elle marchait d’un pas confiant à travers les ruelles, empruntant les chemins les plus courts, puisqu’elle exécrait le retard. Le soleil s’était couché, néanmoins la plupart des magasins étaient encore ouverts. Elle avait prévu, tout d’abord, de lui offrir une sucrerie dans un fastfood récent, populaire auprès des adolescents, puis elle lui permettrait de dépenser son argent dans ce qu’elle désirerait. Marylin s’expliquait avec difficulté pourquoi cette jeune fille avait réussi à obtenir son empathie. Elle n’en avait jamais eu pour celles et ceux qu’elle avait côtoyé puis enlevé à leurs familles. Elle voulait en apprendre plus sur elle, ses goûts et ce qu’elle déteste, ses qualités et ses défauts, ses aspirations et ses peurs, son entourage... Rien ne serait utilisé contre elle, mais pour elle. Novalynn, au prénom sonnant similaire au sien, obtiendra tout ce qu’elle désire, dans les capacités de sa paye mensuelle. Quand elle repéra cette longue chevelure grisâtre, se balançant au rythme de ses pas, Marylin fit un signe de sa main, accompagné d’un large sourire, puis l’invita à l’intérieur.

- Tu verras ! Ils font d’excellentes boissons, et j’ai entendu dire que les desserts sont divins. Ne te soucie pas du prix, c’est moi qui invite.