Contrôle parental

"Ceci n’était pas une suggestion, commissaire Gordon. Vous êtes le seul policier à peu près compétent de cette ville, je le crois. Ne me donnez pas tort. Batman ne sera pas là pour planer à votre secours. Maintenant, faites votre travail ou je pourrais reconsidérer le projet de fonds pour le GCPD, me suis-je bien fait comprendre ? Fort bien. Bonne journée."
Cloitré dans son bureau, Hugo enchaînait les appels et les documents pour répondre à la menace hibouèsque qui planait de nouveau sur la ville. Si tenté que cela fusse possible, il était plus paranoïaque que d’habitude. Il ne sortait plus que de jour et même là, il faisait son possible pour sortir le moins longtemps possible. Son discours le lendemain de l’incident du gala se voulait rassurant mais il savait qu’il n’en était rien. La cour était insaisissable, il vous trouvaient mais jamais n’étaient trouvés. Se massant la nuque, Hugo regarda stupéfait l’heure qu’affichait sa montre. Se rendant dans la cuisine, il fut surpris de ne pas y trouver Cassidy, pourtant si prompt à manger.
Après avoir avalé deux cuisses de poulet et quelques légumes, il se rendit frénétiquement dans sa salle de sport. Poussant fonte après fonte, enchaînant le pompes, frappant dans le punching bag aussi fort qu’il le pouvait, Hugo laissa s’échapper sa frustration d’une situation en apparence inextricable. L’impuissance était la pire des sensations pour le maire qui se rendait compte plus que jamais de l’incompétence dont il était entouré. Enchaînant les exercices, la corde à sauter, les poids, les burpees et les développé couché, il continua ses exercices intensifs jusqu’à l’épuisement. Il s’aperçut que dans sa colère, il avait déchiqueté sa chemise avant de la jeter à terre. Ce bout de tissu blanc était le triste reflet de sa frustration et de sa rage, la frustration que la cour des hiboux le prenne pour un minable et un idiot, la rage qu’il éprouvait envers lui-même. Est-tu un tel incapable, Hugo Strange ? Est-ce digne de toi de paniquer à la moindre crise ?

Il se posa sur son tapis de yoga pour méditer sur la situation. Un esprit calme réfléchit mieux. Son plan était en marche, mais les hiboux pouvaient tout faire capoter. Il faut réfléchir différemment, prendre un différent point de vue sur la situation. Le cambriolage dont il avait été victime, peut-être était-ce du fait des ergots ? Avaient-ils fouillé chez lui à la recherche d’informations ? Un sourire illumina le visage d’Hugo lorsque l’idée lui traversa l’esprit que peut être que la cour avait peur de lui. Sinon, pourquoi vouloir sa mort et pourquoi chercher des informations chez lui ! Son égo quelque peu restauré, Hugo s'apprêta à se lever lorsqu’il sentit un poids sur ses genoux. Il ouvrit les yeux pour apercevoir Persephone qui le regardait avec intérêt. Les chats étaient des créatures tout simplement parfaites à tout égard. Aussi agiles que puissants, ces prédateurs avaient quelque peu perdu de leur superbe sous le joug de l’être humain, les fauves étaient les derniers vestiges de leur magnifique sauvagerie qui les caractérisaient.
Persephone avait cette lueur dans les yeux. Parfois, Hugo avait l’impression qu’elle le comprenait lorsqu’il lui parlait. Il avait parfois des conversations passionnantes avec elle sur la nature humaine, les dernières innovations médicales ou lorsqu’il lui parlait de son sujet favori : Batman. Il parlait avec passion de Wayne, de la sensation qu’il avait ressenti en découvrant son identité, ses pensées sur la psychologie du chevalier noir. Hugo s’en voulait d’avoir délaissé le chevalier noir pendant si longtemps. À une époque, Hugo pensait à lui jour et nuit, désormais il avait trop en tête, même pour son génial cerveau. Mais il était inexorablement poussé vers lui. Cet homme qui était devenu cette obsession maladive était insaisissable, mystérieux, distant. Hugo avait la nette impression de l’avoir compris sur le plan psychologique et se sentait proche de lui, et pourtant il ne pouvait chasser cette idée qu’il n’avait que gratté la surface de cet esprit si prodigieusement intéressant.
Des idées bien plus macabres interrompirent ses joyeuses pensées, la mort qui l’attendait si il ne faisait rien, la déchéance de cette ville qui redevenait cet asile de fou qu’il s’était forcé de transformer en ville digne de ce nom. Les Hiboux voulaient la guerre ? Très bien, ils allaient l’avoir. En parallèle de ses activités de maire, il travaillait sur une nouvelle race de monster men. Plus obéissant, rapide, fort et aussi plus humain physiquement. Les tests étaient encore infructueux mais cela ne saurait tarder. Bientôt, la cour connaîtra la fureur d’Hugo Strange. Pour chasser ces idées de défaites, qui lui semblaient insensées sinon abjectes, Hugo se servait plusieurs verres du meilleur whisky qu’il puisse trouver. Après son cinquième verre, une idée germa dans son crâne chauve. Cassidy, une fois de plus, pourrait être l’as dans sa manche. Il pourrait lui assurer la victoire.
Montant consciencieusement les escaliers qui séparaient la cuisine de sa chambre, il prit une douche en enfila des vêtements à peu près présentables avant de se présenter devant la porte du jeune homme. Il toqua avant d’entrer, sans attendre de réponse. Le garçon était penché sur son bureau et faisait mine d’être tellement absorbé par son exercice de mathématiques qu’il ne l’avait pas entendu entrer.

"Cassidy. J’aurais voulu te parler. Il est vrai que je ne te laisse pas vraiment sortir, et il m’apparaît que tu ne vois pas beaucoup de gens de ton âge. Ça te plairait ?"