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 Il s'en est fallu de peu

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MessageSujet: Il s'en est fallu de peu   Il s'en est fallu de peu EmptyMer 20 Sep 2023 - 0:50




  • Type de RP : solo
  • Date du RP : 08/05/2018 Si tout du moins tel est bien le jour des évènements d'Alea jacta est et de Rendez-vous dans la rue du crime, en parallèle duquel ce RP se passe)
  • Participants: équipe soignante de la clinique E. Blackwell
  • Trigger warning: propos déprimants, sentiment de l'absurde et de l'échec, mort, deuil, dépression, désespoir, catastrophe nucléaire imminente
  • Résumé: Minutes par minutes, soignants désespérés et citoyens impuissants, les membres de la clinique voient arriver la catastrophe qui se déroule là bas, sous le Gotham Plaza . Que peut-on faire encore lorsque dans quarante-cinq minutes tout de nos vies sera anéanti ? A quoi se raccroche on lorsqu’autour de soi tout se brise ?


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MessageSujet: Re: Il s'en est fallu de peu   Il s'en est fallu de peu EmptyMer 20 Sep 2023 - 0:53



« Vous n'avez pas suivit mes règles. Vous n'avez pas accepté mon jeu. Ce soir, je mets fin à toute cette comédie. Vous avez quelques minutes de répit avant de confier vos âmes à Lucifer. La bombe nucléaire qui est sous le Gotham Plaza ne va pas vous manquer. Là où se dressa le bûcher de la Cour autrefois. Là où Arkham City fut déclaré. Là où la ville a chuté ...»

La phrase tournait dans la tête de la médecin, immobile, sidérées, dépossédée de son sens.

La première chose qu’elle ressentit fut le vide. Pour saisir l’horreur, il lui fallut regarder dans les yeux de son second. Elle y lut un abîme insondable qui lui renvoyait sa propre souffrance.

Elle aurait sans doute aimé dire, pour autant que soit encore important ce qu’elle aurait aimé à cet instant, que ses premières pensées allèrent immédiatement vers l’action. Construit dans une ville où les attaques de super-vilains pouvaient prendre des centaines de vies en quelques heures, l’établissement possédait ce qu’il convenait d’appeler un abri antiatomique, c’est-à-dire un sous-sol aux murs épais. Il importait d’ordonner l’évacuation de tous les malades vers celui-ci. L’instant qu’elle mit avant de lancer cette opération lui fut pourtant terriblement long, prise qu’elle était dans une autre et non moins terrible réflexion. Difficile pour la jeune mère en effet de ne pas penser à son fils, que quelque part hors de cette ville elle espérait loin du chaos, et qu’elle ne pouvait que douloureusement se représenter orphelin à dix ans.

A quoi te raccroches tu lorsqu’autour de toi tout se brise ? Lorsque la mer te noie et efface sur le sable toutes les traces de toi ? Lorsqu’il ne te reste plus le temps de fuir, mais celui encore de regarder la mort venir ? Pourquoi ai-je passé ma vie à sauver des vies qui de toute façon s’arrêteront ici ? Pourquoi ai-je passé ma vie à protéger des murs qui s’effondreront bientôt dans le souffle de l’explosion ?  Et si j’avais fait autre chose, qu’est-ce que cela changerait ? Les jardins bien entretenus, et les arbres plantés mourront dans le souffle atomique avec les peintures des pianistes et les mélodies des écrivains. Plus d’avenir, immobile ou vivant. Plus ne reste que le sentiment d’un passé dérisoire.

Il fallait bien faire les choses, ou du moins faire au mieux. Tant que l’on vit, on est obligé d’agir comme si l’on pouvait encore changer les choses, laisser quelque chose, mais si c’est moins que probable. Même lorsque sa vie est un échec, même lorsque toute vie est un échec, même lorsque tous les efforts sont absurdes, et qu’en plus on le sait bien, on continue quand même a essayé. Parce qu’en dépit de tout, on est toujours vivant.

Il n’y aura sans doute jamais assez de place pour tout le monde, pour tous les patients cet hôpital surpeuplé qui depuis un an, et même bien plus surement mourrait déjà lentement écrasé sous le poids de ses patients. Même dans ces derniers instants, il ne lui sera donc pas donner de fuir le dilemme illégitime du choix de qui vivra. Et à quoi bon encore ? Gotham Plaza, à l’échelle de la menace atomique, ce n’est pas bien loin. Ils ont à leur disposition un sous-sol solidement enfoui, pas un bunker blindé de l’armée, y aura-t-il seulement des survivants ? Le pire, ce n’est pas de souffrir, c’est de souffrir pour rien. Le pire, ce n’est pas d’être malheureux. C’est que cela n’aie aucun sens.

J’essaye en vain. Je crie dans le silence indifférent de ces espaces infinis et rien ne répond à mes efforts, qu’importe qu’ils soient légers sur mes épaules ou qu’ils me tuent. L’important, jusqu’à la dernière seconde restera surement de bien faire mon métier. Je n’ai plus le temps de me demander si j’aurais pu faire quoique ce soit d’autre.

Combien de temps nous reste-t-il pour essayer d’évacuer ? Tel que je te connais, Hurt, c’est au moment où l’on aura fait tout ce que l’on aura pu, que les gens seront devant la porte de sortie que tout sera fini et qu’on aura échoué. Il y a donc des gens qui ne vivent que pour décrire ce qu’il y a de beau. Je ne crois pas que tu bluffes. J’aimerais bien sûr. Que l’on nous annonce tout à coup à la radio que ce n’était qu’une plaisanterie. Tu es assez cruel pour avoir le goût de cet humour qui sort de l’ordinaire. Mais aussi trop pour laisser aux humains le souffle d’espoir et de vie qui suivrait.

Ce temps, c’est par cruauté que tu nous l’accordes. C’est pour cela que l’on a eu le droit à tout ce cirque, le grand retour de la lumière et les effets d’annonce, au lieu de ne voir qu’un grand flash de lumière et que tout soit fini. Oui, c’est aussi sans doute pour pouvoir assurer les arrières de ta fuite, car je t’imagine mal mourir dans les cendres de ce que tu as détruit. Tu n’es pas le Joker. Tu es plus sadique et plus lucide aussi. Oui, c’est sans doute aussi un piège pour tous ceux qui viendront où tu les a menés, les justiciers, les désespérés et ceux qui ont décidé que la ville était à eux. Comme tous les autres, tu ne rêves que de te mesurer au Batman. Il vous obsède tous, c’en est presque fascinant. Tous les détraqués de la ville voyant leurs psychoses se cristalliser autour du symbole terrifiant d’un cosplayeur en collants. Mais dans le fond, ce qui t’importe vraiment c’est d’anéantir les autres et leurs vies, de les faire souffrir surtout. Toi aussi, ce que tu veux, c’est voir la peur dans les yeux de tes victimes.

Même au pire des moments, lorsque tu annonces aux gens que tu les rayes de la Terre, eux, leurs souvenirs et leurs enfants, tu trouves toujours le moyen de dire qu’ils en sont les coupables et que tu es leur victime, toi dont ils n’ont pas suivi les ordres. Tu manipules et ne supporte pas que l’on échappe à ton emprise. Tu veux tous les regards sur toi, te présente et te crois si supérieur aux autres. Tu crèves d’orgueil et c’est nous qui en mourrons. Dans quelques minutes, quelques secondes peut-être, une métropole entière périra en te maudissant. Les gens souffriront, seront annihilés et le seront en pensant à toi, leur bourreau, capable en une pression sur un détonateur d’anéantir à jamais ce que des siècles de vies humaines ont créé, dans ton esprit malade, quel triomphe ! Pour ce qu’importe encore d’avoir raison, je constate que le diagnostic que j’ai posé lorsque je travaillais encore à Arkham était, en ce qui te concerne du moins, le bon. J’ai déjà vu des pervers narcissiques, mais tu es une synthèse.

Dans le fond, ces réflexions, comme tout le reste, n’avaient plus d’importance.  Seuls comptaient encore un peu la mise en œuvre, vaillante et inutile des protocoles de sécurité. D’abord déplacer tous les patients en état de marcher, avec leurs proches ici présents, petit à petit mouvoir les fauteuils roulants et les lits d’hôpital, accueillir ceux qui du voisinage, auraient l’idée que se réfugier ici est la seule qu’ils puissent avoir. Agir dans le calme et la précipitation. Empêcher les mouvements de panique. Elle avait ordonné à une Helen trop abattue pour protester de descendre avec le premier groupe de patients. Pour encadrer tout d’abord une population hagarde sentant venir le danger même pour ceux qui n’en avait pas encore entendu la nature. Pour donner à ces malades et blessés les soins et secours nécessaires là-bas. Aussi parce que s’il en était qui survivaient, il faudrait quelqu’un pour gérer ce qu’il resterait de la clinique lorsqu’elle-même…ne serait plus là pour le faire.

Même lorsque la catastrophe attend, lorsqu’il ne restera plus rien, la baie vitrée le long du couloir est là, comme avant. De l’autre côté du verre s’étendent, irréelles, les mansardes misérables de gens qui n’ont que leurs vies, et qui la voient être volée, partir en fumée. Derrière, le ciel est immense, et si bleu. On voudrait presque profiter de la dernière brise printanière, comme si cela avait encore de l’importance.

Comme si cela avait de l’importance, tu m’as dit dans tes dernières heures, si doucement, si calme « Prends garde que cela ne t’arrive aussi. » Comme si je pensais à cet instant à bien regarder à gauche et à droite encore une autre fois avant de traverser ! Et aujourd’hui je la sens toujours plus forte, la douleur qui me comprime le cœur de toutes ses larmes et de tout ce vide et s’étend le long de mes bras, de mon dos, m’anéantissant lentement d’un chagrin sourd avant que la bombe ne le fasse. Non, Alan, je ne mourrai pas d’un accident de la circulation.
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