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 It's been too long but nothing's changed

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MessageSujet: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 15:39




  • Type de RP : normal
  • Date du RP : 27/11/2018  
  • Participants: Paul Ming (Tian Hong), Helen Tanakeno (Katheleen Grandt)
  • Trigger warning: famille, maladie, hôpital,
  • Résumé: Blessé depuis l'attaque que le Gant Noir a mené sur la mafia à laquelle il appartient désormais, Paul se remet doucement de l'opération d'urgence qui lui a sauvé la vie tout en broyant du noir dans la déprimante solitude de sa chambre d'hôpital. Cette solitude se voit interrompue par l'entrée de celle qui n'est pas seulement l'infirmière anesthésiste de la clinique Blackwell qui lui a sauvé la vie ce soir-là, mais aussi sa grande soeur de coeur, une jeune femme aussi déterminée à l'écouter et à lui remonter le moral que désespérée de le voir s'engager dans une vie de membre de la mafia.




Dernière édition par Katheleen Grandt le Lun 11 Sep 2023 - 1:47, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 15:40




Dans les couloirs seulement éclairés par le jour, la lumière a commencé à s’assombrir depuis déjà longtemps. Une jeune femme passe une main fatiguée sur ses yeux bridés certes, mais cernés avant tout. Depuis quatre heures qu’elle surveille la rémission des patients opérés, courant de chambres en chambres sans jamais s’arrêter, elle a tout vu, les meilleures comme les pires nouvelles.

C’est la dernière porte de la journée. Le dernier patient de sa tournée, avant d’aller récupérer quelques heures de sommeil sur un matelas de fortune installé dans la salle commune du personnel. Un petit sourire, un peu douloureux, un peu ému, un peu tiraillé, se dessine malgré tout sur son visage lorsqu’elle toque contre l’huis. Elle sait très bien qui est de l’autre côté, et dans sa poche il y a un petit papier.

Dans une toute petite pièce aux murs uniformément blancs, un tout jeune homme blessé, douloureusement allongé dans un lit regarde fixement devant lui d’un air morose. Dans la chambre du malade, le hurlement continu de l’hôpital apparaît comme un long bourdonnement. Seuls le percent le monotone rythme de la pompe et le petit bruit de flaque du goutte à goutte qui alimente la perfusion du second patient. Sur un brancard à côté du jeune sino-américain, un compatriote dans la cinquantaine comate depuis une semaine qu’une balle lui a perforé le poumon lorsque le Gant a détruit leur quartier. L’homme aux traits usés a une vague allure de malfrat et le pesant silence de gisant de ceux qui inconscients, oscillent entre la vie et la mort.


« Bonsoir, Otouto-san. » s’annonce la jeune nipponne depuis le pas de la porte.

Cela fait si longtemps qu’elle ne l’a pas revu, le quatrième petit frère de la bande, celui qui a mal tourné. A peine l’a-t-elle aperçu, un mois plus tôt, se rongeant les sangs dans une salle d’attente pendant qu’ils opéraient une tueuse suicidaire. Ses yeux fixent, graves, tristes et désolée, le pansement de bandages enroulés de la hanche aux côtes qui protège la cicatrice de la blessure qui a failli lui ôter la vie.  Et elle ne sait pas. Elle ne sait pas si elle doit le gifler ou le serrer dans ses bras, lui hurler dessus ou le rassurer, l’insulter ou lui avouer à quel point elle est soulagée de le voir respirer.

« Alors gamin, comme ça tu t’es reconverti comme ambulancier pour les blessés par balles du district ? »


Dernière édition par Katheleen Grandt le Sam 22 Juil 2023 - 18:17, édité 2 fois
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Yakuza
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 17:30

C'était une morne soirée, d'une sanglante semaine, d'une année extrêmement mouvementée. Pour une raison ou pour une autre, Paul semblait tenir à épargner à l'hôpital le coût d'un peu de lumière. Il restait allongé dans son lit, dans la pénombre ou l'obscurité, attendait d'être fatigué, dormait, mangeait ce qu'on lui amenait, il n'osait même pas demander un magazine ou un livre. A dire vrai, il ne parlait pas vraiment non plus, au moins avait-il pour lui de ne pas regarder le personnel d'un air maussade.


Sans doute cherchait-il à se punir mais, à la vérité, il ne parvenait juste pas à se changer les idées, à se croire sorti d'affaire. Les mauvaises pensées et les souvenirs allaient et venaient, le maintenant dans un état de triste mélancolie qui semblait heureusement pas s'aggraver. Après tout, ça ne faisait que quelque jours.

Soudainement, un léger sursaut. Malgré la douceur de l'avertissement sonore sur la porte, il ne s'y faisait pas. Tout juste a t-il le temps de reprendre contenance, de masquer le visage de la douleur causé par son mouvement de crainte. Lorsque Helen rentre, il ne la reconnait pas, il fait trop sombre, même dans le couloir, c'est sa voix qui provoque le hérissement de ses cheveux sur sa nuque.


« He- Helen. »

Ne trouvant rien de mieux que masquer sa surprise, il se pousse lentement en arrière afin d'être moins affalé, puis hoche la tête, à plusieurs reprises. Il ne sait pas où se mettre, ni quoi dire, quoi faire. Hésitant un peu, il finit néanmoins par se tourner légèrement et tendre le bras en arrière, trouvant l'interrupteur sans trop de peine afin d'éclairer la pièce d'une lueur douce qui leur permettent de s'observer ou, en tout cas, permettre à l'anesthésiste d'observer son regard fuyant.

« Je- j'sais pas, commence t-il, hésitant, j'dois être juste au mauvais endroit au mauvais moment. Comme d'habitude. »

La tête baissée, il observe ses mains qu'il entremêle, tordant et serrant ses doigts pour tenter de juguler le flot de stress et de pensées qui lui envahissent l'esprit. Il prend une longue inspiration, expire aussi profondément. Son souffle révèle déjà une légère saccade, son rythme cardiaque a augmenté, l'oxygène lui manque mais il tente pourtant de contrôler sa respiration.
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 17:33




Des doigts emmêlés par le stress, un regard fuyant et une respiration nerveusement saccadée qui inquiètent les machines auxquelles le garçon est encore relié accueillent son arrivée. Et tandis que s’occupant de changer les pansements de l’homme inconscient, elle observe à la dérobée le jeune asiatique, de vieux souvenirs reviennent. Des souvenirs joyeusement mélancoliques que rend malgré elle amers une vérité à laquelle elle ne peut malheureusement pas se dérober.

Car lorsqu’elle voit ce grand jeune homme au petit visage triste et honteux douloureusement allongé sur un matelas d’hôpital, Helen ne peut que constater la difficulté qu’elle éprouve à superposer le souvenir du gamin qui venait à la maison après les cours prendre le goûter et se chamailler en riant avec Hiroki et l’image de ce qu’elle sait qu’il est devenu, un gangster, un de ces mafieux à qui d’ordinaire elle a plutôt envie de péter les dents , humanisme et sens médical faisant qu’elle les soigne malgré tout mis à part. Les images ne parviennent tout simplement pas à se superposer et elle ne sait pas trop laquelle elle doit voir dans le jeune homme amaigri, mal à l’aise et au regard morose qu’elle aperçoit dans la vague lumière de sa lampe.

« Mauvais endroit, mauvais moment, peut-être, mais avec les mauvaises personnes surtout, ne crois-tu pas ? » fait remarquer l’anesthésiste d’un ton dans lequel le sarcasme bourru quoique grondeur, est certes déçu mais sans être méchant.

« Les ennuis te courent sans doute après malgré toi, mais je crains que tu n’aies pas toujours fui ceux qui te les attire, n’est-il pas ? » ajoute-t-elle avec un soupir et une pointe de sarcasme, sans le regarder, toujours travaillant à s’occuper de l’autre patient.

Mais lorsqu’elle se retourne enfin vers lui et ose poser vraiment son regard malgré tout plus affectueux que fâché dans ses yeux fuyants du jeune chinois qu’elle réalise à quel point le bandage rougeoyant qu’elle distingue autour de ses hanches lui fait mal à elle aussi, qu’elle ose s’avouer à quel point elle a eu, à quel point elle a et aura peur pour lui.





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Helen Tanakeno
Coordinatrice générale des soins et infirmière anesthésiste à la clinique Blackwell

Un dernier regard à l’électrocardiogramme de l’homme endormi et l’infirmière suspend ses gestes et son travail pour s’approcher du jeune homme et venir s’asseoir à côté de lui. Lui prenant la main d’un geste rassurant pour lui parler, elle réalise soudain qu’elle ne sait pas quoi dire, que les mots se bousculent au bord de ses lèvres. Elle aimerait lui raconter à quel point elle a eu peur en le reconnaissant dans le chauffeur inconscient de cette voiture, à quel point elle n’a cessé, pendant qu’elle s’occupait de soigner l’ami qu’il avait mis ses dernières forces à sauver, et que lui était opéré par d’autres, de craindre qu’il ne se réveille pas. Elle aimerait lui expliquer qu’un jour peut-être il aura moins de chance, qu’il n’y aura peut-être personne pour le sortir du déluge de plomb, qu’un jour peut-être une balle mieux tirée visera plus haut et attendra le cœur. Et alors, qu’adviendra-t-il du sien ?

« Est-ce que tu vas bien ? » demande-elle pourtant seulement, doucement, très doucement et d’une voix sincère. Parce qu’elle s’inquiète pour sa santé, et ce au-delà de sa blessure. Parce qu’elle s’inquiète pour lui. Parce que son métier d’infirmière, et de grande sœur, n’est pas de lui communiquer ses peurs mais de consoler les siennes. Et puis un peu aussi parce qu’il lui faudrait alors lui avouer que ce qu’elle reproche à son adhésion à la Triade, ce n’est pas seulement qu’elle fait de lui un criminel, qu’elle fera inévitablement de lui un assassin, si ce n’est pas déjà fait. Mais c’est aussi et peut-être surtout qu’elle lui fait courir le danger d’être un jour un assassiné. Et elle ne veut pas voir son petit frère pleurer son meilleur ami. Et elle ne veut pas pleurer le quatrième de ses trois petits frères. Entre ses principes et son affection fraternelle pour ce garçon, son cœur est déchiré. Mais cela, elle est peut-être un peu trop fière pour l’avouer.
 



Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 14:49, édité 12 fois
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Yakuza
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 17:39

Momentanément laissé à lui-même et ses pensées, le grand gamin ne sembla pourtant pas parvenir à retrouver son calme. C'est avec la répétition du même pattern, les saccades dans la respiration, la mine basse, et maintenant les reniflements, que la répression de ses sanglots paru plus évident.

Et alors que tout son être entier tente de se concentrer pour ne pas craquer, c'est la remarque moralisatrice d'Helen qui crée la première faille. Le reniflement est plus fort, son poignet va à son oeil droit et frotte d'un geste vif. Il parvient malgré tout à saisir l'once de réconfort accompagnant sa seconde réplique et murmure, peut-être pour lui-même.


« Certains en valent le coup. »

Ne relevant vraiment les yeux que pour regarder Helen s'installer à ses côtés, sa main douce se posa sur celle du blessé qui répondit par un léger frisson. Combien d'années est ce que ça faisait ? Quand est-ce qu'il avait acté la rupture ? Il parvenait seulement à se rappeler cette peur viscérale, la crainte du rejet, de la solitude. Tellement d'années à jouer la répulsion. Pourquoi ?

Est-ce qu'il allait bien ? La question suscita son étonnement. Puis, comme si il jouait une mauvaise scène de soap-opera, sa tête pivota, il fixa le vide. Qu'avait-il à répondre à cela ?


« Est-ce qu'il est vivant ? »

Sous la main de l'infirmière, le poing serra les draps, trembla. Puis, sans lui laisser le temps de répondre, il reporta son attention sur elle.

« S'il te plait. On me dit rien. On-on veut juste que je reste au lit. Que- Prendre mes médocs, me remettre en forme. Et personne sait rien, ou on veut pas me dire la vérité. Je-j'dois savoir. Helen dis moi. »

C'était sorti comme c'était venu, et il le regretta à l'instant même où ses lèvres se refermèrent, rassemblées mais tremblantes. Il se vit alors, se projeta la scène pathétique du gamin larmoyant, sanglotant, à faire son caprice avec sa voix cassée, et il voulu mourir, pour la quatrième fois aujourd'hui.
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 17:43



Un haussement d’épaules désabusé doublée d’une moue dubitative répondirent à sa première allégation. Quoiqu’elle puisse penser, c’est-à-dire un scepticisme achevé à l’égard de son affirmation et beaucoup de mal de ceux qu’il tentait maladroitement de défendre, la jeune japonaise se tut cependant, laissant en suspens cette discussion. Même si elle avait été aveugle et sourde, et elle ne l’était pas le moins du monde, Helen n’aurait pas pu ne pas remarquer que le gamin était au plus mal. Respiration saccadée et mine de dix pieds de long, il semblait sur le point de fondre en larmes et elle ne voulait pas l’enfoncer.

Si elle esquissa un demi sourire à l’entendre s’inquiéter en premier pour autrui, quoiqu’elle puisse penser du autrui en question, c’est parce qu’en son for intérieur elle se sentait soulagée de ce que la vie de mafieux n’ait pas ou pas encore tué en ce garçon tout ce qu’il y avait de bien chez lui. C’est aussi sans doute pour le rassurer, supportant bien mal de le voir aussi déprimé.  



Quelques, ou plutôt quelques centaines de remarques sarcastiques quant à son mafieux d’ami fleuriraient volontiers au détour de sa réponse. Mais voir le jeune chinois s’effondrer, l’entendre supplier pour une réponse qu’il attendait depuis bien trop longtemps, comprendre que depuis une semaine il se rongeait les sangs en craignant le pire désarma son ironie. C’est donc avec le plus grand des sérieux qu’elle posa la main sur son épaule pour l’inciter à reprendre sa respiration, retrouver son calme et la regarder, et c’est avec la même franchise qu’elle hocha gravement la tête en signe d’affirmation.

« Ton ami est toujours dans le coma. J’ai personnellement participé à son opération, et honnêtement, je ne peux pas te dire quand-est-ce qu’il se réveillera, ni en quel état. Mais je peux t’affirmer qu’il vivra. »

Elle ne pouvait pas vraiment détailler davantage. Même si Paul ne serait sans doute pas très surpris, l’infirmière était et restait soumise au secret médical et ne pouvait donc pas vraiment expliquer au jeune homme que la toxicomanie de son gangster d’ami ne l’avait pas spécialement rendu facile à anesthésier, pas plus qu’elle ne pouvait lui dire que cette complication doublée du manque ne ferait sans doute pas de son réveil une promenade de santé. Ni pour lui, ni pour elle qui allait devoir s’en occuper.  

Néanmoins, son sourire grave était malgré l’angoisse de leur situation et les temps sombres porteur d’une petite lumière d’espoir.



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Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 8:56, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 18:04

Un long soupir, suivi d'un léger renversement, répondirent initialement à cette inespérée annonce. Contractant sa ceinture abdominale malgré la main d'Helen sur son épaule, il pencha la tête en avant, poussant un petit hoquet de douleur avant de placer sa main libre sur son ventre. Si, pendant une seconde, l'immense soulagement avant momentanément effacé tous ses maux physiques, ceux-ci ne manquèrent pas de se rappeler à son bon souvenir.


« Ca va. Ca va… dit-il pour devancer les inquiétudes de son amie, je pensais… je sais pas en fait. J'ai… oublié. »

Moins alarmé et larmoyant, le gangster releva pourtant un regard perdu vers la japonaise. On avait bien daigné lui expliquer comment il était arrivé, avec qui, et dans quel état, mais même l'équipe soignante n'aurait su lui conter l'enfer duquel il était sorti, les flammes et le sang qui ne lui revenait que par flash, le parfum âcre de la poudre qui semblait lui remplir les narines à chaque éclat de voix, à chaque claquement de porte… et ce sentiment de perte, d'horreur, de vide, à chaque fois qu'il posait le regard sur son inconscient compagnon de chambre.

Sous sa main apaisante, la sienne avait fini par relâcher le tissu du lit mais, en dépit des efforts pour l'apaiser, elle ne semblait pas parfaitement tenir en place, pour ne pas dire être tremblante. Reprenant la parole, un autre genre d'inquiétude transperça à travers ses mots :


« J'arrive pas à me rappeler. Helen. Est-ce que ça va revenir ? Je, un nouveau hoquet s'échappa de sa gorge, je peux pas oublier comment on m'a sauvé la vie. »

D'une manière bien étrange, sa dernière assertion sembla teintée d'une gêne d'un tout autre ordre, une chose qu'il ne remarqua pas lui-même, sa mine déconfite cherchant seulement des réponses dans les traits rassurants de l'infirmière.
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 2 Juil 2023 - 19:12





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Toute la souffrance du jeune homme, tant physique que psychique, se lisait sur son visage tendu et égaré dans un labyrinthe de cauchemars qu’amplifiait la douleur qui déchirait son corps.

« Essaye de ne pas appuyer sur ta blessure. Ca ne fera pas disparaître la douleur, et tu risques plus de te faire mal qu’autres chose »  lui conseilla patiemment la nipponne avec un sourire de compassion.

« Ecoutes, comme tu le sais, je ne suis pas médecin… » commença t elle avec un petit rire nerveux et le brin d’amertume que celui-ci contenait. Celui-ci restait léger, cependant, car si elle avait encore à l’occasion des petits éclats de nostalgie pour sa vocation perdue dans les aléas de l’existence, elle ne regrettait pas ni son métier ni ce qu’elle était devenue.

« Il est possible que tes difficultés à te remémorer les évènements récents soient dues à un choc au niveau de la tête au moment où tu as été blessé, ou peu après. Mais honnêtement, je doute que tu aies plus qu’une commotion légère, parce que sinon, je pense que mes collègues qui en général ne sont pas trop des branquignoles l’auraient remarqué. Mais si tu veux, je peux leur demander de passer revérifier. »  débita-t-elle, d’une traite, elle qui avait toujours eu un faible pour les explications médicales et avait déjà à l’époque coutume de résumer dès que l’occasion s’en présentait, ce qu’elle avait appris de ses collègues ou lu dans des ouvrages spécialisés.

« L’autre possibilité, c’est que ce soit tout simplement une réaction psychologique à ce que tu as pu voire et vivre de traumatisant. »
ajouta-t-elle plus doucement, plus calmement, et à vrai dire d’un ton plus grave, car c’était intuitivement plutôt vers cette option que malheureusement les faits penchaient.

Sa main serra doucement les doigts crispés du jeune sino-américain dans un geste de réconfort et de soutien.

« Je ne crois pas que tu aies lieu de t’inquiéter d’une difficulté à te souvenir qui a toutes les chances de n’être que temporaire. Mais si tu penses qu’essayer de rassembler tes souvenirs peut participer à ce que tu ailes mieux, je te promets de t’aider. »


Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 8:20, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyMar 4 Juil 2023 - 18:14

Par réflexe, le jeune avait immédiatement ôté sa main de son ventre mais n'avait pas quitté l'infirmière des yeux, pas plus que le "Pardon", auquel il avait pensé par réflexe, n'étais parvenu à franchir ses lèvres. Paralysé dans l'expectative, il sembla passablement indifférent à l'introduction de sa réponse, en apparence seulement.


Combien de fois les Ming s'en étaient-ils remis à elle ? Tant que ça ? Avaient-ils comptés ? Comptait-elle ? Ce n'était pas le genre de choses qui se faisaient, pas entre gens bien. A cette pensée, la cicatrice à l'intérieur de son avant-bras gauche le démangea. Il occulta néanmoins cette désagréable sensation, tout concentré qu'il était sur les explications de son amie.

A l'idée d'être à nouveau ausculté par des inconnus, il eut une moue dubitative. Non pas qu'il s'imagine mieux savoir qu'eux si il avait été blessé à la tête puisqu'il ne se souvenait tout simplement pas, mais alors que ces gens semblaient vidés de leur énergie, lui-même se sentait être comme une abysse tentant d'aspirer ce qu'il restait. Muré dans son silence et sa peine, ce n'était pas son rôle de penser à eux mais il ne se voyait pas en imposer plus pour se rassurer.

Quant à Helen, ce n'était juste pas pareil. En quoi ? Paul n'était pas vraiment sûr de pouvoir donner une réponse, c'était juste comme ça. Il y avait des choses dont on ne parlais pas avec ses amis, pas même son meilleur ami, ou son mentor. Et quand bien même l'on fini par s'éloigner, tout ce temps, quoi que perdu, n'est qu'une parenthèse. Avec Helen, ce n'était simplement pas pareil.


« C'est- Non. Ca n'ira pas mieux. »

Son regard alla pour l'autre occupant de la chambre, plongé dans la tranquillité de l'inconscience. Quelle était son histoire à lui ? Était-elle plus triste que la sienne ? Allait-il juste rester comme ça à se morfondre éternellement ?

« Je ne me rappelle pas. Mais je le sens. Les autres, il inspira longuement puis souffla par légère saccade, réprimant le flot d'émotion qui tentait de l'empêcher de parler, y nous auraient pas laissés. Alexa… elle ne les aurait pas laissé non plus. On les aurait pas abandonné. »

S'arrachant à la contemplation de l'alité, l'Apprenti ramena son regard passablement vide sur la nippone et lui confia :

« J'aimerais ne pas me rappeler de tout. Mais en même temps… je dois me souvenir. J'aimerais juste... une étincelle parcourut son regard et il secoua la tête avec un brin de colère, non, pas disparaitre. Pas plus qu'il ne soit rien arrivé. Non, je sais pas.

Retrouvant un semblant de calme, son regard passa sur leurs mains posés sur le lit, avant que l'autre ne vienne les rejoindre, posée sur celle d'Helen. Il murmura maladroitement, les yeux baissés, le visage incliné.

« Arigatō, ooo... hésitant, il laissa durer la lettre une longue seconde, terminant avec un ton semi-interrogatif, kaa-san ? »
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptySam 8 Juil 2023 - 12:03



« L’accentuation manque encore de nuances, mais tu t’améliores en japonais ! Indéniablement. » Elle eut un petit rire amusé, dont elle espéra qu’il suffirait à dérider un peu le gamin. Si elle hésita un bref instant à le gourmander un peu pour cette appellation, elle n’en fit rien, même sur le ton de la plaisanterie.

Elle savait bien que pour ses frères, qu’ils soient ou non de même sang, elle avait dû par la force des choses être malgré son jeune âge une sorte de mère de substitution. La sienne épuisée par le travail et les soucis, rongée par la maladie, avait perdu la force de le faire. Pour Paul, c’était malheureusement pour des raisons plus tristes encore...


L’asiatique hésita à demander au jeune homme des nouvelles du reste de sa famille avant de se raviser. Il est des blessures qu’il est inutile de remuer. Et quand bien même, qu’en saurait-il ? Qui par ses temps troublés peut prétendre savoir où sont ceux qu’ils aiment et qui est en vie ? Elle-même ne savait rien d’où sont ses parents, ses frères, ses nièces et neveux. Et quoiqu’elle essayât de ne pas y penser, elle avait peur. Peur que comme il y a dix-sept ans, on l’appelle pour lui dire qu’un membre de sa famille est à l’hôpital une balle dans le corps. Peur que cette fois, il ne survive pas. Peur que toutes communications étant coupées, on ne puisse même pas l’appeler. A chaque fois que cette pensée traversait son esprit, elle la repoussait avec angoisse et fermeté. Avant ses craintes quant à quelque chose sur lequel elle ne pourrait ni agir ni rien contrôler, elle devait faire passer son devoir, c’est-à-dire son métier.

Et son métier, et son devoir de grande sœur, c’était de rassurer le jeune mafieux effondré, qui semblait dépassé par la violence du monde qu’il avait intégré et dont elle ne savait si elle devait se réjouir ou craindre qu’il n’y soit pas tout à fait adapté. Même si elle avait du mal à savoir par quoi commencer.

« Alexa, c’est la jeune fille blonde qui t’as amenée jusqu’ici ? Elle semble beaucoup tenir à toi. »

Si elle maintient dans sa voix le ton l’air innocent et l’air de ne pas y toucher, elle a laissé une petite touche d’insinuation filtrer dans le sourire complice. Elle a peut-être été très occupée durant cette interminable soirée de guerre, mais elle n’est pas stupide et elle a des yeux pour voir. Et étant donné le joli minois de la demoiselle et le ton avec lequel le tout jeune homme en parle, si cela, ce n’est pas une information de nature à lui redonner un peu de sourire, alors Helen n’y comprend plus rien.


Elle redevint cependant sérieuse rapidement. Si elle préférait honnêtement le savoir traverser ces épreuves avec la jeune superhéroïne, qui lui semble être quelqu’un de bien, à ses côtés, elle se doutait bien que malheureusement, pour panser ses plaies ce ne serait pas tout à fait suffisant.

« Ecoutes, Paul, même si Alexa est une fille formidable, ce dont je ne doute pas, elle n’a que deux bras. Si elle vous a sauvés tous les deux, cela ne signifie pas nécessairement qu’il n’y avait que vous à sauver et que personne ne s’en est occupé. » Elle le regarda doucement.   « Veux-tu que j’essaye de me renseigner ? De voir si, au moins ici, l’on nous a amené d’autres blessés qui viennent de chez vous ? S’il y a d’autres survivants ? »

Craignant de lui donner de faux espoirs, elle ne voulait pas non plus le laisser se morfondre dans l’idée, surement fausse qu’il n’y avait plus aucun futur à envisager. Elle ne pouvait toutefois pas non plus le laisser se leurrer. Le quartier général de son gang avait été attaqué, et Chinatown plus généralement, mis à feu et à sang par le Gant. Il y avait et il y aurait des morts. C’était une réalité qu’il ne pourrait pas éternellement esquiver et s’il n’y avait pas vraiment de manière de s’en sortir sans séquelles, se perdre en conjectures informulées sans trouver de mots à poser sur ses suppositions ni sur la vérité n’était sans le moindre doute pas la méthode la plus recommandée. Pour cette raison, elle essaya d’introduire doucement chez lui la formulation de l’idée qu’il y avait et aurait sans doute des membres de la mafia qu’il avait rejoint, peut-être même certains de ceux qu’il appréciait qui seraient tués.

« Néanmoins, quand tu es arrivé, tu étais sérieusement blessé et … par conséquent.. je pense qu’il est important que tu commences à … disons, à envisager l’idée que certains membres de ton gang n’ont peut-être pas eu la même chance que toi. »  

« Je suis désolée, vraiment. Je sais ce que tu ressens. Moi aussi, je connais très bien ce sentiment » repris douloureusement celle qui depuis toutes ces années, avait comme infirmière vu mourir beaucoup de gens qu’elle essayait de sauver, mais aussi, du temps où elle travaillait à Arkham eu plus d’une fois l’occasion de revenir du week-end ou de ses heures de repos et apprendre que la veille le Joker s’était évadé en massacrant sur son sillage quelques collègues.

« Mais tu n’as pas à se sentir coupable de ne pas avoir pu tous les sauver. »


Dernière édition par Katheleen Grandt le Sam 22 Juil 2023 - 17:59, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyMar 11 Juil 2023 - 14:03

Le visage penché vers l'avant, il eut une petite moue dubitative devant le compliment d'Helen. Il y avait des années qu'il ne cessait de "s'améliorer", et comme le gamin qu'il était la première fois qu'il en avait prononcé un mot, il n'en croyait pas un mot et se sentais toujours aussi ridicule. Dire qu'elle même parlait couramment le mandarin qu'il avait lui appris dès la naissance, dans la maisonnée qui n'acceptais pas la langue de leur pays d'accueil.

Respirant encore assez régulièrement par la bouche, ventilant convenablement les émotions fortes qui tentaient encore de se frayer un chemin au dehors, il manqua néanmoins son coup à l'évocation d'Alexa. Pris par surprise, sa respiration se bloqua et, libérant la main de l'infirmière, son coude vint à son visage pour qu'il toussote gentiment dedans. Selon certaines coutumes, Alexa avait une lourde dette envers lui mais il n'avait jamais rien évoqué de tel lors de leur conversation. En fait, il n'avait même pas osé la revoir, de peur qu'elle se sente obligée, alors même qu'il lui connaissait son aversion pour la Triade, en particulier son leader.


« Oui c'est elle. » Souffla t-il discrètement, une fois son coude ôté de sa bouche.


Peur d'en dire plus ? Sans doute. Les choses étaient plus faciles avec ses amis, en parlant d'autres femmes. Le seul qui savait ce qui se tramais dans sa tête, cette personne se trouvait dans cet hôpital, dans le coma. Chance ou malchance, il avait oublié ce qu'il avait eu à dire sur elle, il savait juste que quelque chose se jouait, qu'un désaccord était né en lui.

Ainsi, peinant à suivre les propositions de son amie, il parut un peu dérouté face à ses questions. L'air passablement distrait, ou perdu dans quelques réflexion morbide, il se contenta de marmonner, comme s'il se parlait à lui-même :


« On a pas de noms. Les gamins n'ont pas le droit à un nom. J'avais un nom par ce que j'étais au procès Gordon, les autres, ils n'étaient personne. »

Il se laissa transpercer par un frisson qui le secoua un peu mais ne le déstabilisa pas. La main bien ancrée dans le matelas, appuyée par la présence rassurante d'Helen, il repris pleinement ses esprits, l'écoutant tempérer tout espoir un peu fou qui aurait eu la mauvaise idée de naître en lui pour mieux le fracasser lorsque la réalité lui tomberait dessus.

Évidemment, elle le rassura, c'était ainsi que faisait les gens qui tenaient à vous. Se sentait-il vraiment coupable de ne pas être Superman ? En fait, sans se rappeler une seule seconde de la bataille armée qu'il avait vécu, il savait avoir fait de son mieux. Il en voulait plus au Destin qui semblait s'amuser à lui faire suivre cette improbable suite d'évènements, pour qui ? Pour quoi ? Les autres n'auraient-ils pas mérités d'avoir leur Alexa ?


« C'est pas ça... c'est... Helen ? »

A nouveau interrogatif, encore une fois, il releva le regard vers elle. Moins ancré dans ses idées noires, son esprit tentait peu à peu de reprendre le rythme, de chercher à comprendre, à avancer, mais il se coinçait sur les mêmes questions qu'avant.

« C'est gênant. Je crois pas t'avoir embêté avec ça quand j'étais petit. J'ai jamais trop cru, même le Taoïsme de mon père, c'est... juste des trucs pour... se rassurer ? Excuse moi. Non c'est bête. 'Fin bon. Je me disais... »

Il haussa alors les épaules et, ressemblant un instant au gamin en perte de repères qu'il n'avait cessé d'être depuis une quinzaine d'années, lâcha benoitement :

« Tu penses qu'une main invisible nous guide ? »
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptySam 22 Juil 2023 - 17:08




Regard légèrement fuyant, air gêné, toussotement, réponse minimaliste et pas très à l’aise…. La réaction de Paul à l’évocation d’Alexa n’était pas pourvue de beaucoup d’ambiguïtés quant aux sentiments dont le jeune homme était animé. Evidemment qu’il n’était pas insensible au charme de la jolie occidentale. En dépit de ses efforts pour le dissimuler, le nez au milieu de la figure se serait moins fait remarquer. Et si Helen s’amusait un peu, gentiment des atermoiements timides d’adolescent du gamin qu’elle ne pouvait plus vraiment considérer comme un enfant, s’était sans critique et sans méchanceté. Elle n’était pas le père du jeune chinois, et si la dulcinée de ce dernier était blonde aux yeux clairs, cela n’était pas de nature à la déranger. L’infirmière n’avait eu que peu l’occasion de la croiser, mais de ce qu’elle en avait vu, elle semblait dotée de grandes qualités, dont un dévouement et un courage qui n’étaient pas à négliger. Aussi y avait-il tout lieu de se réjouir pour le gamin, si les sentiments étaient réciproques du moins. Mais le petit papier plié qui dans sa poche avait été glissé ne lui laissait pas trop de raisons de s’inquiéter.

 
Ce qui était de nature à la déranger en revanche, ce fut sa remarque suivante. En vérité, ce n’est pas que cela la dérangeait, c’est que cela l’offusquait. Que l’on puisse considérer qu’il est des personnes qui ne sont rien elle le refusait comme une conviction sans concessions. Alors, oui, il y avait pléthore de gens malheureusement, pour le dire et pire encore le penser. Ce n’était ni une grande découverte, ni une grande nouveauté. Le père de Paul disait ça, les Triades disaient ça, la ville disait ça, le système disait ça. Elle, elle disait autre chose. Ce n’était pas pour rien qu’elle soignait les démunis, les marginaux et tous ceux que la société avait abandonné. Ce n’était pas pour rien qu’elle est membre de la clinique Blackwell depuis avant sa fondation même, depuis des années, qu’elle en était l’un des piliers.
 
« Personne n’est rien, gamin, personne. Aucune vie ne vaut rien, nom dans la Triade ou pas. Et s’il y en a d’autres de chez toi que vous deux pour s’en être sortis et pour être arrivés vivants ici, je te promets que je les retrouverai. »

Sa voix était claire, nette, déterminée. C’était la même voix qui avait déclaré qu’elle s’occuperait des problèmes de santé de ses parents, et des problèmes d’argent de sa famille, et de mettre à la porte les mafieux, usuriers et autres vautours qui les menaçaient et d’éduquer les trois petits frères, et le quatrième…. Cette voix qui ne savait pas promettre que tout irait bien, parce que ce n’était pas vrai mais qui pouvait vous jurer qu’elle n’abandonnerait pas. Et qu’elle ne vous abandonnerait pas. Sur ce point, malgré les années, Helen n’avait pas spécialement changé.


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Ce qui changea en revanche, ce fut son expression lorsque le jeune garçon, après moultes hésitations, posa sa question :

« Tu penses qu'une main invisible nous guide ? »

« Eh, oh, c’est pas bien gentil de me poser des colles comme ça. J’ai fait ma thèse en sciences infirmières, pas en théologie, moi ! »
répondit-elle, poings sur les hanches avec un rire qui tentait, mal, de cacher son embarras. Il y avait à la clinique quelques collègues très compétents et intéressés par les questions de métaphysique et de théologie, mais l’anesthésiste nipponne craignait de n’être pas de ceux-là. Mais elle vit bien vite dans le regard de son interlocuteur que sa maladroite tentative de déviation par l’humour ne suffirait pas. Paul attendait des réponses. Il avait besoin de réponses. Son regard perdu, noyé dans un monde qui e dépassait et qu’il ne comprenait pas le criait. La question était peut-être difficile, mais elle était sérieuse et méritait que l’on y réponde sérieusement.

« Ne bredouille pas comme ça…. Tu ne m’embêtes pas. On a toujours le droit de poser des questions avec moi, au pire si je ne veux pas répondre, je ne réponds pas. Et en l’occurrence, ce n’est pas le cas. »


C’était rarement le cas. Du moins, lorsqu’il s’agissait de guider les jeunes gens dans les tourments et les difficultés du passage à l’âge adulte. Peut-être était-ce parce qu’elle avait des frère et que c’était elle qui les avait élevé durant leur adolescence, peut-être était-ce par identification, souvenir de cette période difficile de sa vie, peut-être était-ce parce que lorsqu’elle travaillait en centre de désintoxication, elle avait trop vu de jeunes perdus faire des conneries dont ils payeraient le prix toute leur vie, mais elle se sentait à leur endroit sent une responsabilité qui leur donne l’envie de les soutenir et de les guider. Et si elle ne savait que trop qu’il était tant de choses, tant d’introspections, tant de choix qu’ils devraient faire seuls, cela n’entamait pas sa détermination inébranlable à les aider.

« Tu sais… moi, j’ai plutôt grandi dans une influence shintoïste. A la limite un petit peu bouddhiste, encore que… pas trop. Oui, plutôt une culture shinto. »

Elle réfléchit, ne sachant pas trop par quoi commencer pour pouvoir expliquer ce qui était plus un ensemble d’histoires, de coutumes et de leçons de respect présentes au quotidien qu’une série de dogmes solidement établis. Poser les bases d’une mythologie qu’elle voyait, personnellement, plus comme des légendes métaphoriques que des réalités avérées ? Décrire les petites habitudes du quotidien qui en étaient inspirées et lui expliquer la symbolique religieuse derrière les gestes qu’enfant il les avait vu faire sans se les expliquer ? Comparer cette philosophie à celle du taoïsme, terrain mieux connu pour lui, mais qu’elle connaissait surtout en théorie, sans être certaine de l’avoir comprise et intégrée ?

« Le shintoïsme est… - Oh ! comment expliquer cela ? -  Le shintoïsme est fondé sur le respect des kamis, que l’on pourrait décrire comme étant les esprits et les âme des choses, des lieux, des concepts et des éléments… Ce n’est pas un ensemble de dogmes ou de croyances en un au-delà, ou en un être métaphysiquement supérieur qui nous guiderait et qu’il faudrait vénérer, et pas non plus vraiment en une matrice éternelle préexistant aux choses différenciées qui serait la source de tout, comme le disait sans doute ton père. Disons que c’est plutôt une voie vers la sagesse, le bonheur et l’accomplissement de soi en harmonie avec les autres, la nature et le monde. »

Hésitant, ne sachant trop quoi dire, ni dans quel ordre exprimer ses idées, elle chassa d’une petite pichenette une mèche de cheveux qui s’était perdue sur son front, comme elle avait l’habitude de faire lorsqu’elle était mal à l’aise ou gênée.

« Mais, tu sais, ce n’est pas vraiment comme si c’était très présent, ni très important au quotidien. Pour Tsutomeru, peut être un peu plus, vue que chez notre grand-père les traditions et la culture japonaise étaient bien plus présentes que chez nos parents. Mais pour moi… J’ai installé un tout petit autel shinto sur une étagère dans mon appartement quand j’ai déménagé, mais je ne sais trop moi-même si c’est plutôt par croyance, ou plutôt comme souvenir d’enfance ou pour entretenir une tradition, voire juste comme de la déco… »

Son sourire se fit mi-amusé mi-gêné. Qu’aurait dit son grand-père s’il l’avait entendu parler ? Elle ne l’avait pas assez connu pour en avoir une idée précise. Elle ne savait même pas exactement en quoi et à quel point il croyait. On pouvait se douter toutefois qu’il n’aurait guère apprécié d’entendre un pan de leur culture qualifié de colifichet décoratif.

« Même les kamis, je ne sais pas exactement si j’y crois comme à une réalité factuelle ou comme une parabole illustrant le fait qu’il faut respecter le monde qui nous entoure mêmes dans ses éléments les plus petits, les plus banals et quotidiens, voire même s’ils sont conceptuels ou invisibles…  Bref, pour répondre à ta question, que les kamis puissent de temps en temps guider imperceptiblement les humains pour filer un petit coup de main, pourquoi pas. Mais une main invisible comme ce que croient les chrétiens…. enfin je crois. Je veux dire, je crois qu’ils croient ça. Enfin, certains… Enfin, il me semble… En tout cas, moi, personnellement, je n’y crois pas. Peut-être suis-juste trop attachée à ma liberté ou à mon indépendance pour cela. »

Helen, chez qui caractère entier et affirmé était pleinement assumé, qu’importe ce qu’en disait son frère et certains standards nippons, eut un petit rire d’autodérision.

« Par ailleurs, de manière générale, j’ai pour principe de toujours commencer par expliquer les évènements rationnellement avant de chercher des explications ésotériques, paranormales ou religieuses. Et si ça peut te rassurer je pense qu’en ce qui concerne les évènements récents, on peut tout à fait expliquer les choses rationnellement. Je n’étais pas là pour voir ce qu’il s’est passé, mais de ce que je sais, des fusillades ont éclaté partout dans la ville et en particulier dans notre quartier. Pourquoi est-ce que les mafias, dont vous, ont été particulièrement visées ? Parce qu’elles ont un pouvoir considérable. Et pour se l’approprier. Parce que vous représentez un cadre dans le quartier, en étant incontestablement dans le quartier et pour ses petits voyous une force et une autorité. Bonne ou mauvaise, ça c’est une autre question. Et ma réponse, que tu sais, n’a pas spécialement changé… Mais passons… Pourquoi tuer des gens pour s’approprier leur pouvoir, et de surcroît détruire les cadres d’autorité ? Parce que c’est le Gant Noir. Parce qu’ils veulent le pouvoir et instaurer peur, douleur et chaos. Pourquoi ? Par pure volonté de nuisance. Pourquoi ? Parce que ce sont de gros sacs à merde. Oui, on pourrait développer, mais l’expression me semble assez adéquate pour pouvoir s’en passer. »

Le ton, vis-à-vis de Paul si doux et gentil, était sans complaisance, dédaigneux jusqu’à la hargne à l’égard du Gant Noir. Depuis un mois que coincée ici, à sa manière elle luttait contre eux elle aussi, elle n’avait de cesse de penser à celui que l’on disait le chef, et qui avait il y a longtemps été le sien avec la plus vive des antipathies. Avec angoisse aussi : si lorsque Katheleen lui avait proposé son projet insensé elle avait refusé et qu’elle avait continué à travailler à Arkham, que serait-il advenu d’elle durant cette terrible nuit ? Et de Benjamin ? Auraient-ils été du nombre de ces médecins et infirmiers de l’asile qui ce soir là avaient été tués ? Elle soupira et repris un mince sourire complice en ajoutant, pourtant toujours aussi sérieusement :

« Quant au fait qu’Alexa soit venue te sauver, c’est tout à fait normal. Enfin, normal, on s’entend. Je me doute bien qu’elle a pris, ce faisant, des risques conséquents. Il ne s’agit pas de minimiser son immense courage ni son grand dévouement. Juste de dire que son comportement est parfaitement explicable rationnellement. On protège les gens qu’on aime. »


Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 0:32, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyDim 23 Juil 2023 - 12:42

Sans en avoir douté une seconde, Paul obtint ce qu'il avait si maladroitement demandé, de la manière la moins surprenante qui soit de la part d'Helen. A la fois bien trop compréhensive, et en même temps bien trop éloignée du monde dans lequel l'Apprenti s'était enfoncé malgré lui. Était-ce possible de sermonner quelqu'un sans le juger ? L'infirmière l'avait fait par le passé, ses frères aussi, pourtant il n'avait jamais claqué la porte. Sans doute les idéalisait-il un peu, après tout, ils étaient la famille qu'il avait choisi.


Au cours du laïus de son interlocutrice, le jeune homme sembla à la fois se fatiguer et se détendre. Ainsi reprit-il appui sur sur lit, sans la quitter des yeux, sans éloigner sa main de la sienne. Elle s'était mise en tête de contextualiser sa réponse, et même si une lueur d'incompréhension avait évidemment traversé le regard de l'Apprenti, à aucun moment il n'avait paru se lasser de l'écouter, ni regretter sa question, non.

Elle était bien parvenue à lui tirer un léger sourire en coin à certains moments, les rappels à ces temps aussi éloignés avaient toujours eu cet effet sur lui, le souvenir d'une vie simple. Simple ? Pour lui uniquement, fort heureusement, il n'y pensa pas, trop occupé qu'il était à assembler les briques de savoir pour les empiler dans son propre esprit.

Ironiquement, la réponse finale lui parut plus simple que ce à quoi il s'était attendu, et en même temps, elle n'avait pas besoin de s'enrober de faux semblants, de générer plus de questions encore. Attendaient-on de Superman qu'il guide nos existences ? Batman tentait-il d'insuffler un nouveau souffle de droiture dans les criminels ? Non, ils donnaient l'exemple, disséminaient les graines d'un monde meilleur, mais c'était encore aux gens de les faire pousser, d'entretenir ces valeurs, d'être des exemples à leurs petits niveaux.

Même s'ils nous apparaissaient comme différents, à l'extérieur, ou à l'intérieur.


« Les gens qu'on aime… »

Soufflant ces quelques mots, il détourna le regard. Malgré ses plus vaillants efforts, le jeune chinois se sentait irrémédiablement emprisonné dans la spirale de la culpabilité. Ceux qu'il avait abandonné, les seconds qu'il avait perdus, les derniers dont il ignorait le sort. Il inspira lentement, longuement, sentit le pitoyable soupir se préparer au fond de sa gorge. Il ne savait pas comment allaient les gens qu'il aime, tout ça par ce qu'il avait fais les mauvais choix, encore.

Dans un léger hoquet, il empêcha l'air de s'extirper de ses poumons. Ses yeux en amandes se redressèrent vers la belle infirmière. Sur le lit, sa main se retourna lentement et saisis délicatement celle qui l'avait rassuré et apaisé.


« Comment vas-tu ? »

Par ce qu'il y avait mieux à faire que se punir pour ceux qui n'étaient plus qu'un souvenir à chérir. S'il n'était pas un surhomme, alors il pouvait déjà être un homme, il pouvait au moins essayer, en souvenir de ceux qui n'étaient plus, pour ceux qui étaient, ceux qui seraient.
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 20:42




"On protège les gens qu’on aime."

Cette devise, Helen en avait mesuré toute l’étendue du sens à un âge fort jeune. Mais cette jeunesse et la brutalité avec laquelle elle y avait été confrontée ne l’avait jamais empêchée de l’appliquer fidèlement et tout au long de sa vie. "Il ne faut jamais désespérer, ça ne sert à rien et on n’a pas le temps pour ça ! " disait-elle. Elle se savait dans le vrai, même si elle n’avait pas toujours pu s’empêcher de vaciller, de se recroqueviller dans un coin discret et de se laisser submerger par quelques instants de terreur de la vie et de crainte de n’être pas à la hauteur. Puis elle se relevait, respirait un grand coup, vérifiait que ses frères pour lesquels elle voulait être un exemple de force et de stabilité ne l’avaient pas vu pleurer, et repartait au boulot. Elle était solide, Helen, malgré ses doutes et ses failles. Elle en avait quelques-unes, comme tout le monde mais face à l’adversité, elle tenait bien. Avec elle vous pouviez faire face aux vagues, aux loups, à la tempête. Elle s’accrochait à vous, vous tenait fermement, vous asphyxiait peut-être un peu à force de vous tenir, quoiqu’elle y fasse attention. Mais elle ne vous lâchait pas. Vous pouviez lui faire confiance, jamais elle ne vous laisserait sombrer.

L’entrée dans l’âge adulte avait pour chacun de ses frères été un passage difficile, périlleux, où il avait fallu les soutenir et les aider, après leur adolescence troublée. Ehren ne parvenait pas à comprendre, encore moins à accepter de voir l’état de santé de leurs parents décliner et avait accueilli leur amélioration avec moins de soulagement que de crainte de les voir rechuter. Obtenir un bail pour ouvrir sa quincaillerie avec ses aînés à défaut de parents pour leur servir de parents n’avait pas non plus été chose aisée. Quelques années après, Fred avait divorcé très jeune et découvert assez tard sa bisexualité, craignant presque davantage la réaction du plus âgé de ses frères que cette nouveauté un peu taboue dans les familles nipponnes et plongeant Helen dans les tourments d’une incompréhension familiale délicate à gérer. Et quand était venu son tour de grandir, Hiroki, avait failli la rendre dingue d’inquiétude.

Ado turbulant et qui avec son ami ne manquait jamais une occasion de se mettre dans des situations pas possibles, le cadet était arrivé à l’âge adulte alors que leurs parents et leur situation allaient suffisamment mieux pour que la simple perspective d’un métier simple et honnête permettant à la famille de sortir la tête de l’eau ne lui suffise pas comme ambition pour commencer la vie, mais sans non plus voir ses perspectives être débarrassées de tous les nuages sombres. Il ne s’était pas plu dans la quincaillerie de ses frères, bon vendeur, mais affligeant de désintérêt pour ce qu’il vendait. Il n’avait ni le sérieux scolaire ni les notes lui permettant d’envisager de suivre sa sœur dans la médecine, et les études en général l’ennuyaient. Confronté au vide de sens qu’il ressentait à faire de la paperasse dans un bureau un peu comme son frère, il n’avait pas tenu trois semaines avant de rendre son tablier. Les artisans du quartier l’aimaient bien… mais pour ce qui était de l’embaucher… Et personne ne pouvait leur reprocher de n’avoir pas envie de s’encombrer d’un apprenti presque trop débordant de vivacité et de nouvelles idées pour n’être pas légèrement épuisant. Il s’était senti une âme d’artiste et des aspirations vers la création. Sauf qu’il chantait plus faux qu’une casserole, avait été qualifié de « cas désespéré » par la pote violoniste qu’Helen avait convaincu de lui donner des cours et s’était toujours montré incapable de dessiner un bonhomme.

Un jour, Helen avait eu l’idée d’économiser pour l’envoyer visiter ses cousins au Japon.

Etonnamment bon agriculteur, le jeune homme avait allumé dans le cœur de sa sœur l’espoir de le voir avoir enfin trouvé sa voie… Avant de l’entendre déclarer que cela ne lui déplaisait pas pour le moment, mais qu’il ne voulait pas pour autant consacrer sa vie à planter des légumes et ratisser du fumier. Ce jour-là, Helen avait failli balancer son téléphone par la fenêtre. Puis manqué de le lâcher de stupeur lorsqu’il lui avait déclaré avoir économisé pour faire le tour du Japon à pied. Et dire qu’elle avait cru que l’y envoyer serait une bonne solution…  Pourtant, elle ne s’était sans doute pas trompée, et quelques mois plus tard à Chinatown, le petit restaurant du jeune chef ramen ne désemplissait pas. Un temps, Helen s’était félicitée de son idée et d’avoir réussi à les soutenir tous les trois, et les guider loin des voies plus sombres où leur situation aurait pu les entraîner. Maintenant, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si l’éloignement de son meilleur ami n’avait pas contribué à diriger celui qui lui demandait aujourd’hui ce qu’il en était du destin, des religions et des dieux, vers les voies de la délinquance et le monde dont elle avait tant voulu l’écarter…





« Comment vas-tu ? »

Sortie de ses pensées par la voix de celui vers lesquelles elles étaient dirigées, Helen eut un instant d’hésitation, aussi interloquée par la question qui venait de lui être posée que si celle-ci avait été surprenante et incongrue. Quoi de plus logique pourtant, dans le fond, que cette interrogation ? Paul était son patient, certes, mais il était surtout son frère. N’était-il pas normal qu’il s’inquiète pour elle, pour sa santé, alors qu’elle enchaînait les heures de travail sans les compter ? Pourtant, à cette question, qu’elle aurait dut à elle-même se poser, ne fut-ce que par hygiène mentale et par sécurité pour sa propre santé, elle se rendit compte avec étonnement que répondre n'était pas aisé. Mais que lui arrivait-il donc pour hésiter face à une demande d’une telle simplicité ?

A la différence de Katheleen, la jeune japonaise n’avait pas encore complètement perdu toute capacité à se soucier de sa propre santé. Bien sûr, elle se donnait à fond pour ses patients, ses concitoyens et son métier en ses temps troublés. Bien sûr que son travail d’anesthésiste et son rôle dans la direction de l’équipe la plaçait en première ligne de leur combat. Bien sûr que lorsqu’il avait fallu décider de se réquisitionner pour soutenir la santé et l’hôpital face au Gant Noir, elle n’avait pas hésité, même si sa famille douloureusement lui manquait… Dure à la tâche, elle était encore capable de s’arrêter avant la limite du stade où le surmenage devient dangereux. Du moins le croyait elle.



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Helen Tanakeno
Coordinatrice générale des soins et infirmière anesthésiste à la clinique Blackwell

Aussi se surprit-elle elle-même de la justesse des mots qui sortirent de sa bouche, découvrant leur réalité, presque leur sens, à mesure qu’elle les prononçait : « Je pense que ça va. Que cela va encore… Mes frères me manquent, mes parents aussi… Je ne crois pas vraiment qu’il leur soit arrivé quelque chose, peut-être est-ce juste parce que je ne peux pas l’envisager.  Mais je serais tellement plus rassurée si je pouvais être sûre que tout le monde est en sécurité… » Elle eut un soupir dans lequel l’angoisse était mesurée, posée, mais bouleversante de sincérité. « Je suis fatiguée… Très fatiguée, mais je parviens à tenir. Pour l’instant je sais que ça va aller, mais je m’inquiète de ce que cela va devenir dans la durée, car j’ignore combien de temps on va rester coincée ici, avec tout ça… » Elle eut un geste vague vers le dehors et la situation de la ville qui de partout les encerclait, un mouvement qui trahissait un peu à quel point elle se sentait perdue, dépassée par les évènements. Face à la cruauté et la brutalité de leurs ennemis, face à l’ampleur de la tâche qui leur incombait pour défendre malgré tout la sécurité et la vie des autres citadins, face à la fragilité de leur position, elle se sentait toute petite. Pourtant cela n’était guère un sentiment auquel elle et son un mètre quatre-vingt-treize de hauteur étaient habitués. Et cela n’était guère agréable.

Consciente d’avoir été un peu trop sinistre, un peu trop anxiogène peut-être, et ne voulant pas accabler le jeune homme qu’elle essayait de protéger en s’épanchant si sérieusement sur ses ennuis, elle ajouta d’un ton plus railleur, plus léger : « Sans compter qu’on de gère pas que des rigolos... » Elle eut un autre soupir mais celui-là ironique, franchement rieur, mais transmettant tout à fait sincèrement un certain agacement. Ils avaient eu Cobblepot dans leur hôpital durant cette nuit sinistre, tout de même ! Et qu’est-ce qu’il avait pu faire comme charivari ce sale type ! « On se retrouve avec réunies ensembles et brutalement des blessés, y compris graves, tous attaqués par le même ennemi, mais venant de faction qui par ailleurs ne sont pas elles-mêmes amies ! Pas du tout quelquefois ! Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? » Elle eut un petit rire las et amusé. « Tu sais comme j’apprécies les mafias… Tu sais comme je suis à l’aise avec les gamins en très bas âge… Tu vois ça ? Eh bien imagine moi gérer des mafieux blessés qui se comportent comme des gamins en bas âge. Tu imagines à quel point je dois m’amuser… »
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Yakuza
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptySam 9 Sep 2023 - 20:46

La mine inquiète, le jeune homme hocha doucement la tête en écoutant l'aveu d'inquiétude de l'infirmière. Leurs mains serrées, il eut une respiration plus sonore, plus profonde. Ainsi, elle ne savait rien de plus que ce que lui avait rapporté d'autres blessés, elle espérait en regardant la ville brûler depuis l'îlot salvateur qu'était la clinique, comme lui. L'idée ne fut clairement pas pour le rassurer mais, au lieu fragiliser sa résolution, elle la renforça. Certains avaient été perdus mais ils ne savaient pas encore qui, et il lui fallait savoir, et se donner une chance de changer les choses s'il en avait encore l'opportunité.

Puis Helen embrancha sur un plan plus personnel, avec plus de légèreté. Le sujet avait beau résonner lourdement dans l'esprit de Paul, relancer une légère douleur fantôme, il n'en montra rien. Ce n'était plus son moment, aussi se laissa t-il étirer un léger sourire, prendre par l'aspect loufoque d'une guerre de gang à base de duels de regards entre alités, en se croisant dans les couloirs.


« J'imagine. J'imagine très bien oui, répondit-il en dodelinant de la tête avec son sourire entendu, il y a des guéguerres qui ne s'oublieront pas comme ça. Mais personne n'agira ici. Ce sont des sales gosses, mais même la rue a ses règles. »

Tourné sur son côté, l'Apprenti posa son autre main sur celle de Helen. Ainsi positionné, sa fatigue parut d'autant plus évidente. Privé de pensées parasites à ressasser, l'esprit s'apaisait, commençait à réclamer le repos qui lui manquait depuis son arrivée ici. Pourtant, il reprit la parole :

« Merci Helen. Ca n'a jamais été facile, je le sais. Je te promet. Un jour, tout ira mieux. Je ferais ce qu'il faudra, et on se retrouvera tous, sans secrets, sans sujets à éviter, sans conflits. Et tu pourras te reposer, vraiment. Mais… »

Il se hissa légèrement en s'aidant de ses jambes, remontant sur le lit dont l'assise était relevée, histoire de se rehausser.

« Ne laisse pas la racaille avoir ce qu'elle ne mérite pas. Dors. S'il te plait. Et s'il le faut. Demande moi. L'autre là, il fit un léger signe de tête vers le lit derrière l'infirmière où reposait l'inconscient, il n'est pas de bonne conversation. Je suis sûr que je peux rendre ce que tu me donnes, sans le perdre. »

Il cligna rapidement des yeux, eut une mine un peu hésitante. Son regard quitta le visage de sa sœur de cœur. Il parut réfléchir une seconde puis bredouilla :

« Est-ce que c'était compréhensible ? J'ai l'impression de parler comme dans un soap. Enfin... Commença t-il en relevant les yeux vers la japonaise, je me reposerais. Mais je n'ai pas envie de rester dans un coin, je préfère… il y a des gens qui ont besoin de parler, et ils ne t'ont pas, toi. »

Subtilement, il raffermit l'étreinte sur sa main. Il avait fait de son mieux pour ne pas supplier, pour bien choisir ses mots malgré la prégnante envie de fermer les yeux. Il pouvait déjà changer les choses, ici, mais il ne pourrait le faire que si Helen l'acceptait, et c'est certain, elle n'aurait pas accepté de lui la proposition de sacrifier le peu de moral retrouvé, pas plus que de passer ses journées à nouveau entouré de gangster. Alors il pouvait toujours être un peu de ce qu'Helen était, pour des gens normaux, aussi normaux que puisse être les quidams de Gotham City.
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MessageSujet: Re: It's been too long but nothing's changed   It's been too long but nothing's changed EmptyLun 11 Sep 2023 - 1:10




Presque amusée, Helen pensa qu’il n’avait pas vu le Pingouin essayer d’égorger un quidam avec les dents pour crime de lèse-majesté envers sa propre personne. Elle pensa qu’elle en avait un bon paquet d’autres, des anecdotes parfois tragiques, mais tout de même rigolotes, qui moyennant un petit coup d’anonymisation, feraient de bien drôles histoires à raconter. Il doit avoir tellement besoin de rire un peu… Elle aussi.

Bien plus tristement, elle pensa que quelques années plus tôt, c’était elle qui du haut de ses connaissances extérieures, de ce qu’elle en savait et de son regard d’adulte, tentait de leur expliquer ce qu’il se passait si loin en bas de chez eux, pourquoi son père avait été blessé, pourquoi il y avait des coins de la cité qu’il valait mieux éviter. Aujourd’hui, c’était le gamin qui hier encore faisait du skate avec Hiroki et jouait aux LEGOs sur le tatami du salon avec ses frères, qui lui expliquait les dures lois de la rue et d’un monde aussi violent que dépourvu de pitié et qu’il connaissait de l’intérieur.

Elle se sentit vieille tout à coup. Vieille et écrasée par le poids de l’échec. Elle avait réussi à guider ses frères jusqu’à bon port, à les éloigner de tout ça. Mais ce là gamin aussi, elle le voyait comme un petit frère. Et elle avait l’impression de l’avoir abandonné. A quel moment avait-elle échoué ? Comment avait-elle pu tout rater à ce point ?

Allons, l’heure n’était pas aux pensées sombres se morigéna-t-elle. Et puis tout de même, il ne fallait pas exagérer… Elle avait trente-quatre ans, elle ne remontait pas non plus au Jurassique ! Allez du courage et haut les cœurs !

Occupée à refouler les émotions qui depuis la hantaient depuis l’instant où elle avait posé le pied dans cette chambre, et sans doute même avant, elle ne le reprit pas une seconde fois pour lui dire que personne ne valait rien, que personne ne valait pas la peine d’être soignés, et que même si beaucoup étaient des sales types, et certains mêmes de vraies ordures de compétition, elle les sauverait quand même, parce que c’était son métier. Tout juste se contenta-t-elle d’un hochement de tête de dénégation assorti d’un regard réprobateur.

Mais elle était malgré tout touchée par son inquiétude pour elle, émue par le souci qu’il se faisait pour sa santé, bouleversée par les promesses de futur paisible et de retrouvailles débarrassées de la douleur de ces non-dits et des demi-secrets amers, même si elle savait bien qu’il était des promesses qui ne pourraient jamais être tenues, et qu’elles étaient de celles-là. « A moins, il ne nous abandonne pas. » ne put-t-elle s’empêcher de ressentir comme une pointe d’aveux, d’espoir et de regret. Ce n’était pas le moment de flancher, de se laisser prendre à la gorge par l’émotion. Et pourtant c’était difficile…


« Si je comprends bien si je tombe sur un insupportable bavard, il vaut mieux que je transfère ici plutôt que de le balancer par la fenêtre parce que je les trouve superlativement énervants, lui et sa manière de, ce faisant, me rappeler que l’hôpital dans lequel je bosse, n’arrive pas à avoir assez de moyens pour que je puisse prendre vraiment le temps, comme je le devrais, d’écouter et de rassurer mes patients… C’est ça ? »

Si le ton, complice et même un peu moqueur, réussissait de manière assez convaincante à être plutôt joyeux, elle mesura à l’amertume qu’il y avait au fond dans ses derniers mots l’ampleur de son second échec. Et encore… Ils n’étaient plus à Arkham, et la manière dont était organisé la clinique leur permettait heureusement d’assez correctement éviter l’écueil désolant d’être submergé jusqu’à être à la limite du maltraitant, de mal accueillir, mal soigner et mal vivre le sentiment de mal faire leur métier. Cela n’empêchait pas de trouver désolant de s’épuiser autant et d’être si loin de faire assez.

« Comme ça vous pourrez, au gré des dernières alliances et des chamailleries intraclaniques en date, discuter à bâtons rompus pendant des heures au lieu de vous reposer et de vous rétablir ou bien vous regarder dans le blanc des yeux d’un air menaçant durant toute votre convalescence. »

Cette fois son rire sonna vraiment sincère, son sourire eut l’air vraiment franc. Sans doute parce qu’ils l’étaient effectivement. Et pourtant, quel océan de regrets fantômes et de sentiments enfouis se cachait sous la surface de l’iceberg, et sous les efforts à moitié convaincants de sa volonté d’aider pour prendre les choses avec légèreté.


« Merci pour ta volonté d’aider, Paul. C’est gentil, vraiment. Et vraiment, j’y penserai, je dis cela sérieusement. Mais la priorité est quand même que tu te reposes pour l’instant. D’accord ? »

Et pourtant, il n’avait pas tort. Cette lourde solitude en seul compagnie du coma d’un inconnu devait lui être pesante. Il avait sans doute besoin de parler à quelqu’un. Et elle ne pouvait pas être là pour lui autant qu’il en avait besoin, parce que tant d’autres patients avaient un besoin urgent de ses mots, de ses soins. Alors, puisqu’ils étaient tant à être coincés ici, en incapacité d’aider là où ils voulaient faire avancer les choses, pourquoi ne pas être un peu idéaliste et commencer un peu à espérer qu’ils puissent, rien qu’un instant s’épauler les uns les autres.

Elle sourit. Vraiment, et cela venait du cœur. Constater que ce gamin, malgré le monde odieux dans lequel il s’était retrouvé plongé et tous les tourments qu’il avait dû traverser, avait conservé une part d’altruisme, de principes et de générosité. Et même si cela ne devait être qu’une petite étincelle, elle n’en réchauffait pas moins le cœur de l’infirmière.


Dans une impulsion qui venait des tréfonds de tous les sentiments compliqués qui l’avaient étreints durant cette discussion, elle le pris dans ses bras et le serra contre elle dans un geste d’affection presque maternelle. L’accolade ne dura que quelques secondes, mais ce fut suffisant pour dire un peu ce que les paroles n’avaient su exprimer de toute cette tendresse fraternelle et de tous les souvenirs qui malgré tout les reliaient et faisaient de lui un membre de la famille.

« Tu es un type bien, Paul. Essaye malgré tout le reste de t’arranger pour le rester. Tu en vaux la peine. » souffla-t-elle.

Aucuns mots n’auraient pu davantage exprimer la somme de sa sympathie et de sa tristesse, de ses remords et de ses angoisses, du combat entre affection et principes qui l’écartelait et de tout le soutien qu’elle avait envie de lui offrir malgré tout. Ils ne relevaient pourtant d’aucune préméditation. L’instant d’avant, elle ignorait ce qu’elle allait faire, quels mots elle allait prononcer.

La gorge nouée, mais pourtant rasséréné, elle s’écarta, déposa le petit papier sur sa table de chevet et reprenant son attitude précédente comme si n’avait jamais eu lieu ce moment d’égarement, elle déclara d’une voix douce qui tentait d’être neutre, mais ne cachait pas la sincérité de sa voix :

« Reposes-toi, maintenant. Il faut que je retourne travailler. Et dormir, oui, j’y penserais. Je reviendrais, je te le promets. »



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