Lorsqu’il avait reçu la proposition d’interview, Strange pensait refuser, il pensait qu’il fallait attendre que la décision de la justice de le blanchir de ses "crimes" passés soit connue de tous mais il en conclu qu’il ne pouvait laisser sa place aux autres candidats. Hugo avait quitté sa blouse au profit d’un col roulé et d’une veste de costume. En arrivant sur le plateau, il était accueilli par le grand sourire de la présentatrice dont il devina immédiatement la fausseté et la froideur.
Une fois sur le plateau, Strange observa Cobblepot qui avait son sourire de businessman et l’autre homme,  Bradley Shepard, qui parlait avec un ton militaire. Il lui parut immédiatement sympathique. Strange aimait les hommes qui suivaient les ordres sans poser de questions. C’était lorsqu’ils accédaient à des positions de pouvoir que les ennuis commençaient.


"Nous avons compris que monsieur Shepard est un grand défenseur du second amendement. Moi, je suis défenseur du bon sens.
Un bon sens qui dit que les partisans de la violence, comme monsieur Shepherd ici présent, ne feront que plus de mal à cette ville. Cette ville a besoin d’un scalpel, pas d’un marteau. Cependant, il sait comme moi, contrairement à monsieur Cobblepot, que tout ne se règle pas avec un chèque.
Cela risque de ne pas faire plaisir à monsieur Cobblepot mais je préconise à notre ville une tolérance zéro envers la corruption. Réformer la police, certains pans de la justice est je pense nécessaire pour assurer une meilleure vie à la population. Mais pas que.
Les plus cyniques diront en entendant mon nom que je suis une personne à laquelle on ne peut faire confiance. J’aimerais qu’ils se demandent si les nombreuses personnes abandonnées par le système feront plus confiance à ce même système qui les snobe plutôt qu’à un homme comme moi, engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre le mal de cette ville. Je vous l’avoue, la corruption dont souffre la ville et la répugnance des riches à me donner les moyens de faire mon travail de cœur ne m’ont pas facilité la tâche. Mais j’ai tenu bon.
Je ne serais pas là devant vous si je n’avais pas bénéficié de l’éducation. Celle-ci est devenue un luxe pour beaucoup de gothamites et ce n’est pas normal. Tout comme il n’est pas normal que les les ultra riches, qui se reconnaîtront, centralisent les richesses et ne laissent que les miettes.
Je suis sûr que le Gant Noir a achevé de te montrer les problèmes dont tu souffres, Gotham. Je sais que tu écouteras ton cœur et feras le bon choix."

La journaliste les regardait comme un vautour observerait une proie, prête à fondre dessus à la moindre occasion. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle savait faire monter l’audimat. Tout sourire, les jambes croisées, elle regardait les trois candidats de manière intermittente. Strange semblait parfaitement à l’aise dans l’exercice mais ne l’était pas. Il était plus habitué à être dans le siège de celui qui pose les questions. Les caméras braquées sur ses moindres faits et gestes n’aident pas. Mais, les doigts joints et les jambes croisées tout comme la présentatrice, il gardait un léger sourire qui ne laissait rien paraître. Par contre, Hugo se faisait la réflexion qu’il aurait dû prendre un col roulé un peu moins épais, la chaleur sous les projecteurs commençait à se faire sentir. Ce doit être pour cela que Fries ne s’est jamais présenté.

"Tout d’abord pour vous répondre, je peux raisonnablement comprendre ce que mon nom inspire. Arkham City n’a pas été une réussite mais laissez-moi vous assurer que cela ne s’est pas du tout passé comme prévu. Nous avons sous estimé le penchant des criminels pour les plus fous qu’eux qui ont malheureusement été trop violents, au delà des estimations. Et je réfute les allégations qui disent que ceci était une expérience machiavélique d’un esprit malade. Oui, je suis…expérimental dans mes méthodes. Oui, je mène des recherches personnelles et uniquement et unilatéralement scientifiques et qui ne servent qu’à essayer d’améliorer les conditions de soins des patients. Par exemple, j’ai créé un composé médicamenteux à base de plantes qui réduit la violence des crises schizophréniques et qui, sur une longue période, peut être utilisé pour soigner cette maladie avec un taux de réussite de 86% ! Toutes mes recherches sont de cette nature et non pas d’extravagantes expérience sur le cerveau humain. J’assume mes erreurs et les couacs qui ont eu lieu, mais j’assure aux gothamites que mes intentions sont parfaitement pures.
Mais, les gothamites n’ont pas besoin de palabres et je ne suis pas venu pour essayer de les embobiner, ils ont déjà été suffisamment abusés comme ça. Ils veulent des actes et je les comprends. Laissez-moi vous demander à vous, mademoiselle, et à tous les téléspectateurs, cette simple question : votre vie s’est-elle améliorée sous le "règne" de sa seigneurerie monsieur Oswald Cobblepot ? A-t-elle changée ? Les pauvres sont ils moins pauvres ? Les ultrariches sont ils moins riches ? Le crime a-t-il baissé ? Monsieur Cobblepot était-il là lorsque le Gant Noir a imposé sa terreur ? Était-il à vos côtés ? Où bien à l’abri derrière sa fortune dont il dit à qui veut l’entendre qu’elle n’existe pas ?
Et bien que le projet de monsieur Shepard de transformer la ville en chantier géant semble alléchant pour les aciéries Sionis ou City Vision Constructions qui n’ont, soit dit en passant, jamais été aussi riches avec les réguliers actes de vandalismes qui sévissent, les gothamites n’ont pas besoin qu’on vienne les réveiller la nuit, les mettre en danger, dilapider leur impôts dans des bâtiments futiles. Et surtout, ils n’ont pas besoin qu’on vende leur ville à l’industrie de l’armement et aux lobbys qui se font des fortunes sur le dos des malheurs du tiers monde.
Je ne pense pas prendre trop de risques en disant-non, en clamant que les gothamites n’ont aucune envie que Gotham se transforme en Iceberg Lounge glorifié ou en ville forteresse !
C’est tout."

Oswald avait enfin perdu son calme. Cela avait prit plus de temps que prévu, il était de plutôt bonne humeur. Heureusement que Strange était ici pour la gâcher. À mesure que Cobblepot sortait les noms d’oiseaux, le public se regardait, stupéfait. Hugo crut apercevoir un sourire satisfait sur le visage de la journaliste. C’était bon pour l’audience, un coup de gueule. Et puis, ça n’était pas Shepherd qui allait relever la barre. Le pauvre n’était absolument pas dans son élément. Strange avait eut la décence de s’entraîner devant son miroir, mais Shepherd parlait d’une voix à peine plus expressive que celle de la femme du métro ou de la voix de grand magasin. En fait on aurait dit…un briefing militaire. Le pire était que son programme était moins pire que celui du Pingouin. Le Pingouin cherchait à maintenir le statu quo, Bradley avait des projets. Stupides, risibles, irréalisables et irréalistes, mais des projets. La journaliste ne laissait rien passer. Était-elle avide d’informations ou d’audience ?

"Je vois que miss Alley est…pointilleuse. L’intégralité de mes recherches s’étaient arrêtées après Arkham City qui. Et, pour vous répondre, mes "sujets" étaient des patients de l’asile dont les familles avaient accepté qu’ils soit des "sujets" avec l’assurance de ma part que rien de dangereux ne serait essayé sur eux. Quelques sujets étaient aussi issus de la morgue et les familles des corps étaient d’accord pour que le corps de leur défunt soit donné à la science. Je ne vais pas mentir, certains tests étaient dangereux. C’est pourquoi ils étaient simulés par ordinateur ou, dans de très rares cas, sur des patients en phase terminale dont c’était le seul espoir de guérison, toujours avec le consentement éclairé du patient lorsque cela était possible. Toutes mes recherches concluantes sur la guérison de maladies mentales ont été données à des sociétés pharmaceutiques dont nous étions convaincus de l’honnêteté et aux institutions médicales des États-Unis. Si ces découvertes ne sont pas arrivées aux oreilles des populations, c’est tout simplement parce que ces choses prennent du temps. D’ailleurs, mes recherches m’ont amené à également me pencher sur l’écologie. Voyez-vous, la pollution et l’état de notre planète a une influence directe sur l’état mental des populations ! C’est pourquoi je propose aussi un plan écologique qui vas électrifier les bus de la  ville, créer plus d’espaces verts, et bien plus !
Mais, je dois vous faire une confidence, habitants de Gotham, car je suis fatigué que cette histoire d’Arkham City revienne me hanter en permanence. Je prends des risques en vous disant ceci : Arkham City…n’était pas mon idée. C’était l’idée…de Bruce Wayne. Il m’a promis de mettre les découvertes de Wayne Tech au service de la santé, ce qu’il n’a par ailleurs jamais fait. Vous me direz que Wayne avait fait une campagne contre Arkham City, à l’époque. Et à ça…je n’ai pas de réponse satisfaisante. Peut-être était-il prit de remords ? Peut-être était-ce encore une autre manipulation politique ? Les voies de seigneur Wayne sont impénétrables, j’en ai peur. J’ai dû, tout comme d’autres gothamites, porter la croix d’un autre pendant plusieurs années. Mais je ne veux plus.
J’accuse les puissants de Gotham ! De faire pression sur les petites gens par d’horribles manipulations !
J’accuse les notables ! De manipuler les gens de bien, comme moi-même, pour exécuter leurs intérêts fallacieux et nauséabonds de luxure et d’égocentrisme !
J’accuse le pouvoir politique de Gotham ! D’user d’intimidation, d’extorsion, et de l’île d’Arkham comme d’un goulag où l’on enverrait les gêneurs !
Et j’accuse Hugo Strange ! D’avoir été assez lâche pour avoir été témoin de la suffocation des gothamites, et de n’avoir rien fait. J’aurais dû venir vers vous plus tôt, j’aurais dû ouvrir les yeux. Désormais, essayer de sauver Gotham derrière mon bureau à Arkham n’est plus assez. J’ai donné plusieurs décennies de ma vie à tenter de sauver Gotham. Alors, qu’est-ce qu’un mandat de plus ? Une chance de faire plus. Une chance de prouver que tout le monde n’est pas pourrit. Prouver à ceux qui se fichent de cette ville, ou qui sont seulement intéressés par les richesses qu’elle peut leur apporter, que ceux qu’ils ont délaissés, les gens du service publique comme moi, les prolétaires comme eux, les militaires comme vous monsieur Shepard, les génies étouffés, les parents écrasés, les enfants orphelins d’une ville où ils ne se sentent pas à leur place, les policiers qui veulent juste faire leur travail. Nous avons tous un rôle à jouer ! Laissons les nantis là où ils sont, dans leur royaume de solitude. Un serpent qui se mord la queue, inconscient qu’il précipite sa propre fin !