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 Au son des basses qui résonnent, dans mon tout, mon être chavire | Ft/ Duke Thomas

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AnonymousInvité
MessageSujet: Au son des basses qui résonnent, dans mon tout, mon être chavire | Ft/ Duke Thomas   Au son des basses qui résonnent, dans mon tout, mon être chavire | Ft/ Duke Thomas EmptyDim 19 Sep 2021 - 14:42

Fond musical pour l'écritureclickFt/ Duke ThomasAu son des basses qui résonnent, dans mon tout, mon être chavireQu’est-ce qu’il lui avait pris de dire oui ? Ou plutôt, qu’est-ce qu’il lui avait dit de dire « peut-être » ? Cela équivalait apparemment à la même chose dans quelques cerveaux malades de jeunes filles en fleur qui n’avaient d’autre désir que de briser enfin la glace qu’on avait soigneusement entretenu pour elles durant toute leur vie adolescente. Une part d’elle trouvait ce constat bien pathétique, affrontant les yeux embués et les faces boutonneuses de liserons remplis d’espoir. L’autre trouvait que c’était surtout triste.

Surtout quand elle songeait qu’elle était peut-être une d’entre elles.

Le bal de fin d’année qu’elle avait affronté il y avait bien six mois n’était qu’une banale soirée bonne enfant. Le grand gymnase offrait un air chaud, empli de sueur, mais respirable, où l’on pouvait s’esquiver facilement. La boisson, amenée par le conseil des élèves, était tout ce qu’il y avait de plus inoffensif et au moindre problème, on pouvait très facilement trouver un surveillant apte à nous aider.

Tout le contraire de cette "fête". L’appartement minuscule accueillait la foultitude d’une masse compacte d’étudiants de tout âge, qui allaient jusqu’à s’étaler dans les endroits les plus inappropriés. Un éternel nuage de fumée de cigarette planait près du plafond, étouffant le moindre espoir de trouver un peu d’air frais autre part que sur le balcon, où de toute manière s’étaient réunis autant de fumeurs. L’alcool avait pris sa place au milieu des jus de fruits, à la faveur d’étudiants plus âgés qui se mêlaient aux nouveaux arrivants. Peu de danse, si ce n’était quelques irréductibles, on préférait surtout s’assoir pêle-mêle ci et là, flâner, discuter, rire pour un rien à la faveur de toutes les canettes de bière vides qui s’entassaient.

Rachel elle-même évoluait dans un éternel brouillard, où n’existait plus que son verre empli d’elle ne savait trop quoi. Elle ne l’avait pas terminé, mais l’odeur lui donnait déjà envie de rendre. Dommage pour elle, les toilettes n’étaient qu’une file ininterrompue, aussi s’était-elle résolue à s’avachir sur un pouf près de la porte vitrée du balcon, à attendre que toute la nausée qui s’emparait de sa personne ne disparaisse.

Elle avait moins d’espoir pour les voix qui enfonçaient leurs serres dans sa tête de jeune femme perturbée. C’était peut-être pour cela qu’elle avait accepté sans mot dire qu’on lui rajoute trois litres d’alcool plus ou moins douteux dans son verre de multifruits.

Il lui semblait qu'elle n'était pas sensée y aller seule, qu'elle n'aurait pas dû se retrouver en situation si vulnérable. Lonnie lui avait vaguement promis de venir passer un tour, pour, elle l'avouait, la rassurer un peu dans son malheur. Il n'était pas venu. Il fallait dire qu'il était occupé à des choses autrement plus importantes que tenir la chandelle à des jeunes filles perdues. Pour autant, ça lui faisait comme un intense vide en elle, comme si la moindre goutte d'alcool qu'elle avalait ne faisait que lui rappeler davantage qu'elle voyait s'éloigner davantage les personnes sur qui elle pensait compter.

Ou plutôt, éloignant de son propre chef les personnes qui lui étaient chères.

Il lui semblait plus simple ce soir là d’oublier pourquoi elle était venue, d’oublier qu’elle ne se sentait pas bien, d’oublier que cela faisait un peu trop longtemps que c’était le cas. D’oublier qu’elle se sentait désespérément seule et qu’elle n’arrivait pas trouver sa place en ce monde qu’elle risquait de blesser à chaque instant.

Les yeux fermés, elle se laissait aller dans une sorte de somnolence, sans entendre les conversations, où il lui semblait qu’on lui demandait de prendre part. Elle ne savait qui ils étaient, seulement qu’ils lui avaient servis son verre quand elle l’avait demandé. Les sons de la musique se mêlaient peu à peu à ceux des embrassades de ses voisins, lesquels se perdaient en ces délices éphémères, jusqu’à ce qu’elle sente les fourmillements familiers revenir la faire frémir.

Sans qu’elle ne s’en rende compte, une main s’était glissée sur elle, tentant de trouver une affection qu’elle était incapable d’offrir. Elle reconnaissait que trop bien cette atmosphère qui avait cédé la place aux premiers instants de joie : la peur d’être seul, quitte à imposer ses volontés aux autres.

D’un mouvement qui lui semblait tenir davantage du réflexe nauséeux que du rejet, elle se relevait, ses muscles lourds ayant du mal à lui répondre. Tout tournait autour d’elle, la lumière, les silhouettes, les verres renversés… Ses pieds, elle ne savait trop comment, étaient nus, mais elle avait pourtant l’impression que ces derniers n’étaient que deux blocs de béton se trainant sur un sol de guimauve. Elle trébuchait à chaque pas, bousculant davantage la foule compacte, sa voix chevrotant des « Désolé » tout en cherchant la tranquillité des toilettes.

Où étaient-elles ? Elle était incapable de se repérer, comme si les murs s’étaient soudainement poussés jusqu’à créer un espace immense et labyrinthique. Elle se sentait comme un Thésée sans fil d’Ariane, le minotaure sur ses traces en la hélant avec une lourdeur typique du mâle vexé et éméché. Il marchait d’un pas lourd, poussant avec force ceux qui lui barraient la route, alors qu’elle-même se frayait son chemin comme elle pouvait. Il lui semblait que la catastrophe qu’elle était habituellement n’était qu’une loque ridicule, une biche effrayée qui se plaquait contre les murs pour trouver son équilibre.

Au détour du couloir, alors que le nom de « Rachel » était une nouvelle fois vociféré par son prince charmant de la soirée, il lui semblait que quelque chose n’allait pas. Certes, oui, il était plutôt commun que rien n’aille quand on se sentait à ce point éméché, quand on avait senti cette intrusion soudaine et écœurante, qu’on avait brisé son intimité avec autant de hardiesse. La nausée avait atteint un certain summum, mais pour autant, le frisson qui hérissait son échine n’avait aucune sorte de rapport avec cela.
Au milieu des sentiments disparates mais pourtant bien communs de ces jeunes gens baignés dans leur transe, il lui semblait sentir quelque chose de bien différent. L’effroi qu’elle ressentait n’était en aucune manière quelque chose qu’elle aurait eu à sentir dans une fête étudiante. Il lui semblait que tout ce qu’elle ressentait était concentré en une seule phrase : « Ils sont là, partout. »

Qui était là ? Qu’est-ce qui provoquait une telle frayeur ? Son esprit épuisé, corps prostré contre le mur du couloir, n’arrivait à saisir l’essentiel qui se cachait sous cette peur anonyme : l’odeur prochaine du danger.
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