L'asile d'Arkham. Cet endroit, j'y mettais les bien plus souvent que ce que je voudrais. Il n'y avait pas d'unité psychiatrique à la Clinique Hollmann et je devais donc envoyer mes patients atteints de ce genre d'afflictions à l'asile qui en échangea m'envoyait leurs fous pour mes affaires, soit les affaires de la Cour des Hiboux la plupart du temps. Un délicieux échange de bons procédés qui rendaient service aux deux partis.

En arrivant sur l'île, je ne manquai pas de traverser la cour intérieure et de me promener du côté du jardin botanique. Celui-ci était resplendissant, comme quoi ça paie d'investir dans les décors plutôt que dans les soins des patients. J'y pénétrai quelques instants le temps de voir si la plante plantée en hommage à ma très chère était toujours là. Traversant les allées, saluant les employés, je finis par retrouver ce bonsaï, avec la plaque au nom de cette femme que j'ai aimé et qui avait séjourné ici, tout comme sa fille qui était l'objet de ma visite. Pour les mêmes problèmes, à un âge équivalent, ce qui m'inquiétait au plus haut point. Une lignée maudite ? Mon recueillement terminé, je me dirigeai vers le pénitenciaire où ils l'avaient installée. A la même cellule que sa mère, une cage de Faraday destinée au blocage de ses pouvoirs électormagnétiques.

Il était nécessaire, la Cour m'avait bien fait comprendre que si elle pouvait détecter mon coeur d'électrum, elle pourrait non seulement le neutraliser mais également découvrir ma vraie nature. C'était pour cette raison que je n'avais pas pu trouver de meilleures opportunités de la rencontrer avant. Ca et l'incapacité totale que nous avions de la tracer, douée de magie elle se déplaçait d'un plan de l'existence à l'autre, d'une façon que nous ne pouvions bien cerner.

Après avoir salué le vieux collègue qu'était le Dr. Strange, je slalomai entre les cellules des plus aliénés, pour finalement retrouver cette princesse électrique. Fait surprenant, ils avaient installé un perchoir dans sacage totalement impossible à atteindre sans... être sacrément acrobate, et elle me toisait depuis en haut.

- Yevgeniya Volgin ?

- Et comment qu'c'est moi ! hurla-t-elle.

- Je me présente, Dr. Athens Hollmann, directeur de la Clinique Hollmann.

Sur son perchoir, elle pencha la tête sur le côté, intriguée. Comment démarrer cette conversation ? Je soupirai longuement.

- J'ai connu votre mère.

Pas de réponse. La jeune femme, légère comme une plume se fit descendre pour arriver sur le sol, et s'approcha de moi. Plus grande que Anastasiya, mais les mêmes yeux, ce même regard de biche. Mon coeur d'acier se fissura, je déglutis. Elle avait beaucoup grandi depuis ses... 10-15 dernières années que je ne l'avais plus vue ?

- Vous ne vous souvenez pas de moi ?

Elle avait l'air idiote, je leur avais pourtant dit de ne pas trafiquer son cerveau !

Cet élégant petit oiseau était méfiante, et elle en avait bien raison. Caché derrière la vitre de cette cage, j'étais hors de sa portée. Elle ne m'effrayait pas, j'avais suffisamment de ressources en moi pour la neutraliser. Elle s'énervait, je lui fis signe de la calmer. Je la tutoyai d'un coup sans trop le vouloir.

- Calme-toi, je vais tout expliquer.

M'approchant du tiroir qui servait au transfert d'objets, je sortis de ma poche intérieure une petite poche, comme un écrin. M'en débarrasser me faisait beaucoup de mal, mais cette fille en avait infiniment plus besoin que moi. Elle me fixa en chien de faïence, avant de finalement se résoudre à la récupérer, me demandant ce que c'était. J'espérais qu'elle le reconnaitrait. Ce fut le cas, elle en tira un collier très fin d'or avec comme pendentif, taillé comme un cristal allongé, un morceau d'électrum. Je la vis paniquer, et fut moi-même pris d'émotion quand elle le serra contre son coeur.

- Tu le reconnais.

Ce cadeau que j'avais fait à sa mère aurait dû être une malédiction. Si la procédure pour faire d'elle une ergot capable de magie avait fonctionné, ce pendentif l'aurait ramenée à la vie. A présent, il n'avait plus qu'une valeur sentimentale, mais c'était le seul objet appartenant à sa mère que j'avais encore en ma possession. Si un jour la Cour décidait de revenir à ce projet abandonné d'ergots surnaturels, Yevgeniya serait la nouvelle cobaye, et ce collier serait l'objet qui permettrait sa ressurection. Je ne voulais ça pour rien au monde, cette personne était la dernière chose en ce monde qui me restait d'Anastasiya. Son pouvoir de ressurection serait inutile sur la jeune femme puisqu'elle n'a pas été préparée pour, c'était sans danger pour elle.

- Tu peux le mettre. Il est à toi. Personne n'a le droit de te le prendre, ne t'en fais pas, tu n'as pas à le cacher.

Elle s'empressa de le faire. Si Strange le lui confisquait, cela poserait des problèmes vis-à-vis de la Cour.

- Ce pendentif est précieux, il peut accumuler une grande énergie magique. Conserve-le précieusement près de ton coeur.

Comment poursuivre ?

- Ta mère était... une femme formidable. A ton image, belle et intelligente. Mais... elle a eu beaucoup moins de chances que toi de devenir meilleure et ça lui a été fatal. Beaucoup de gens comptent sur toi, Yevgeniya. Alors... fais ce qui est juste.

Restant stable sur mes appuis, je poursuivis :

- Je sais que tu ne veux pas l'entendre, mais avant la disparition de ta mère, ton père était un homme bien. J'ai veillé sur toi jusqu'à cet incident quand tu avais 10 ans où beaucoup de choses ont changé, mais les choses étant les choses je n'ai pas pu faire mieux. J'en suis désolé.

Je plaisantai en ajoutant, avec un sourire :

- C'est même moi qui t'ai donné tes premiers cours de piano. Peu importe. Oh... et félicitation pour ton master. Même si ça fait longtemps... ta mère aurait été fière de toi, elle m'a toujours dit qu'elle avait toujours rêvé faire des études... je sais que tu n'as pas été félicitée à ta juste valeur là-dessus quand tu as été diplômée. Félicitations. Quant à Miss Gotham... bravo aussi. Elle aurait été plus que fière, j'en suis sûr.

Bon, avec un tel diplôme, ses choix de carrière avaient été beaucoup plus douteux, mais au moins elle avait accompli cela déjà. Quelque part, je me disais qu'elle avait été comme une fille pour moi. J'aimerais tellement simplement l'inviter à un repas... enfin. Ca rendrait folle ma femme qui tout comme les officiels de la Cour n'a jamais apprécié ma relation avec Anastasiya. Mais je ne pouvais pas. Je devais rester le plus loin possible d'elle pour son bien, car la Cour verrait ça comme une opportunité de relancer le projet et elle subirait le même sort qu'elle. Je ne le supporterais pas. Je dois rester fidèle à la Cour, mais mon coeur d'acier me hurlerait de la protéger.

- ... Malheureusement nous ne pouvons pas nous fréquenter outre mesure. Tu es une Homo Magi, tu dois développer tes pouvoirs. Trouve d'autres magiciens, apprends à contrôler le tonnerre qui t'anime. Laisse le passé derrière-toi, car sinon il te rattrapera.

Je ne voulais pas qu'elle se sache abandonnée.

- Cependant, si malgré tout, il arrive un jour où tu as tout perdu, ou si tu es blessée, alors la Clinique Hollmann et moi-même t'accueillera tout de même. Parce que je ne peux pas te le refuser.

Je fis mine de regarder ma montre et terminai :

- Le temps file. D'autres questions ?

Peut-être que les compliments étaient de trop. Le rapport disait juste, elle avait un réel besoin d'attention si possible familial. Je ne devais pas me montrer aussi paternel, sinon elle me rechercherait et courrait à sa perte. Elle posa la question qui fâche, celle que j'attendais avec tristesse car je devrais mentir, et je ne voulais pas lui mentir.

- La magie de la foudre est une magie extrêmement difficile à contrôler. Ceux qui ne travaillent pas dur, ceux qui ne voient pas, alors iront à leur perte. J'ignore les circonstances exactes de... son décès. Je n'en sais pas plus. Elle a été dans cette cellule il y a des années de cela. Pour les mêmes raisons que toi, mais la vie a été bien moins clémente envers elle. Par pitié, ne subis pas son sort.

Quant à ce qu'elle devait faire, c'était une question redondante. Je la rassurai alors :

- Ne t'en fais pas, tu sortiras bientôt. Pas avec un casier judicaire vide, mais tu ne seras pas traquée à vue tant que tu ne te mets pas en sitation délicate. Fais-toi petite, et renforce-toi. Tu as du potentiel mais tu es faible.

Il était évident qu'avec ces pouvoirs elle pouvait déterminer de quel métal il s'agissait, et il était évident également qu'elle n'avait pas entendu parler d'électrum, hormis Mr. Freeze, c'était une substance dont seule la Cour avait le secret.

- Un métal rare et précieux, je n'en connais pas la nature exacte. Tout comme peut l'être une électromancienne. A l'image de toi et ta mère. Il te protégera tant que tu le gardes près de toi.

Je soupirai à cette ultime question.

- Ta mère a travaillé pour moi et la Clinique. Nous étions... très proches. Malheureusement, je n'ai pas su saisir l'opportunité. Sa dépression l'a amenée ici, je me suis occupé d'elle comme j'ai pu. Elle a rencontré ton père, un infirmier qui travaillait ici à l'époque. Lors de son accident, je me suis promis de... veiller sur toi. Mais ce qui m'a éloigné d'Anastasiya à l'époque et m'a empêché de saisir cette opportunité, était ce qui m'a éloigné de toi. Nous ne vivions pas dans le même monde. C'est la vie. Mais sache que cela ne m'empêchera pas de continuer de veiller sur toi. Allez.

Je ne voulais pas spécialement raconter plus d'histoires. Elle avait eu les réponses à ses questions, j'ai eu les réponses aux miennes et le collier d'Anastasiya était en sa possession. Je m'étais assuré également que Arkham ne lui avait pas trop démoli la tête. Tout allait bien.

- Pardonne-moi de ne pas être venu te parler plus tôt. Tu es aussi imprévisible qu'insaisissable. Et si tu veux un conseil d'or... reste imprévisible et insaissisable. C'est ta force. Adieu, très chère.

Après l'avoir saluée, je la laisserai cogiter un peu. Je tournai les talons et disparut dans l'obsucrité. Mon coeur était plus léger, à présent, mais je ne pouvais rien faire de plus. C'était à elle de construire sa vie. J'espérais simplement qu'elle ferait de meilleurs choix, cette fois. Parce qu'elle ferait un ergot particulièrement trop cher pour ce que c'est, et ce serait dans l'intérêt de personne, encore moins elle.