Du travail au noir, pour mettre du beurre dans les épinards. Comme si Eugenia avait besoin d'argent. Mais c'était le genre de propositions de travail qu'elle ne pouvait refuser.

Son travail au laboratoire légal terminé à l'heure prévue, elle marcha, en s'assurant ne pas être suivie, le long d'une rue, avant de bifurquer, d'atteindre une autre rue, et se perdre dans les méandres du quartier.

L'air était chaud et agréable, la saison était belle pour la femme de foudre. Un peu harassée par la fatigue, elle se laissait bercer par l'activité de la rue. Elle portait une robe d'été assez fine qui découvrait ses bras couverts de cicatrices dues à la foudre ainsi que des bas couleur chair et des chaussures ouvertes.

Pour cacher ses bras, elle avait une sorte de survêtement noir léger qui couvrait juste ses épaules et ses bras, mais ses mains elles étaient découvertes et dévoilaient ses violentes lacérations qui se prolongeaient jusqu'au bout de ses doigts.

Ses cheveux étaient longs, attachés soigneusement derrière elle. Sortant d'une ruelle sombre, quoiqu'éclairée par le soleil encore haut dans le ciel, elle vit Petrov, un membre de l'Organizatsiya et deux de ses hommes qui attendaient autour d'une voiture noire. En la voyant, un grand sourire illumina son visage et il lui fit de grands signes de la main.

- Eugenia, ma chérie. Tu es en avance.

Elle lui fit un sourire et le salua en retour.

- J'ai fini plus tôt. Et je compte rentrer tôt. Alors, on va faire vite.

- T'as tout compris, ma belle.

Elle embarqua sur la banquette arrière. Les deux autres hommes s'échangeaient des blagues en russe, lui lança par la même quelques piques graveleuses sur sa tenue, avant d'être corrigés par Petrov qui la protégeait. Changeant de quartier, ils reprirent leur sérieux et commencèrent à élaborer le plan, toujours en russe, là où dehors ils avaient parlé dans un anglais qui était impeccable pour tous les hommes, mais pas pour Teslady qui trainait son accent sibérien, que ce soit autant en anglais qu'en russe d'ailleurs.

- Bon, on va récapituler surtout pour Eugenia. Des connards d'Italiens, j'ignore de quel famille ils sont, vendent de la drogue aux enfants.

- Oh, ils nous volent du marché ? répondit-elle sèchement. Il plissa les yeux, la regardant depuis le rétroviseur central en faisant doucement non de la tête.

- C'est ce qu'on produit, qu'ils vendent aux gosses. Ils font exprès. Tu sais comment est la population avec les enfants ? Très protectrice. A raison. Si on apprend que des putains de gamin consomment notre drogue, tu sais ce qu'on risque ? L'Organizatsiya ne peut pas se le permettre.

Elle ne voulait pas en entendre plus.

- Tout compris. Plan d'action ?

- Bien. On a un casque rouge dans le coffre, et une cape rouge aussi, haha. Tu le mets, tu trouves le dealer, ou les dealers, je ne sais pas combien ils sont, et tu leur met la frousse de leur vie.

Quel plan ridicule. Eugenia n'était pas convaincue.

- Vous voulez pas les descendre ? Pourquoi moi ?

Il ne répondit pas. Un autre homme prit la parole.

- Il faut créer un message. Si on leur fait croire qu'un super héros stupide avec un casque rouge terrorise ceux qui touchent aux enfants, ça sera bien mieux que deux-trois morts dans une embrouille de mafieux. Et toi, parce que tu peux faire ton bzt bzt avec tes mains-là, c'est méga flippant quand on connaît pas, ça fait très super héros.

- Compris.

Pas à dire, elle s'en foutait en fait. Ils débarquèrent sur un trottoir, et elle se saisit du casque et de la cape dans le coffre. Comme c'était ridicule, comme idée, quel genre de super héros porterait un accoutrement aussi ridicule ? Et pourquoi se déguiser ? Une jolie robe suffit pour toutes les applications. Teslady n'avait jamais compris cette mode... mais bon, elle ne comprenait pas grand-chose de façon générale sur comment fonctionnent les gens.

- Il traine dans cette ruelle à cette heure selon nos sources, et devrait être seul, mais c'est pas sûr. Tu cours, tu lui mets un coup de jus en hurlant des trucs en latin, je sais pas, démerde-toi pour le faire flipper. On te couvre.

- Ouais, couvrez-moi. Je veux pas devoir expliquer des trucs aux ambulanciers puis à la police.

Elle enfila son casque et sa cape, marcha en direction de l'endroit convenu, pendant que les autres la suivaient de loin. Un virage, et elle vit le type tel qu'ils leur avaient décrit, qui attaquait une gamine au couteau. C'était une blague ? Elle courut, fit un grand mouvement de bras, décrivant un cercle qui s'illumina de foudre, et lui hurla :

- Tu la touches, tu meurs. lança Teslady avec un ton théâtral.

Ses yeux étaient injectés de sang, il avait l'air en colère en agressant cette pauvre enfant.

- T'es quoi ?

- Je suis... Red Hood.

Il rit, elle chargea son poing de foudre et l'envoya voltiger, il fit une spirale latérale et fut envoyé dans le mur avec une brutalité que personne ne pouvait attendre du corps frêle de la jeune femme.

- Mange le poing de la justice ! lança-t-elle triomphalement.

Le dealer prit la fuite, menaçant de ramener ses copains, poursuivit par Petrov et les autres qui le coursèrent. Le mafieux russe lança à sa très chère, s'arrêtant à peine pour qu'elle comprenne sa phrase :

- On s'occupe de lui, prends soin de la gamine et rentre chez toi. Adieu, Red Hood.

L'accalmie vint alors. Eugenia soupira et retira son casque. Elle allait devoir se le trimballer jusqu'à chez elle, dans les transports en commun, où ils allaient la chercher ? Quelle merde. Elle espérait qu'ils la paient, cette fois. Peu importe. Le visage rougi et transpirant par l'effort, sa main apparaissant cramoisie par le courant électrique, elle se tourna vers la petite. Elle avait une très jolie chevelure que Teslady enviait d'une force. Secouant sa main, elle ne put s'empêcher de le lui signaler avec entrain :

- J'adoooore tes cheveux. Pas de mal ? Je m'appelle Eugenia. Je suis venue avec des copains pour donner une bonne leçon à cet enfoiré. J'étais comment ? Convaincante ?

Pour ne pas effrayer la petite, elle tira ses manches pour couvrir ses mains, dès qu'elle remarqua que ses cicatrices étaient visibles, tout en lui octroyant son plus beau sourire.

Au visage renfrogné de la jeune fille, Teslady se sentit déçue. Elle n'avait jamais vu autant peu de joie de vivre sur le visage d'un enfant depuis qu'elle avait arrêté le babysitting. Ah, le babysitting. Traitée d'amateure ! Oui, cette gamine avait pris ça très à coeur et s'était sentie agressée, l'agressant en retour. Mais quelle petite peste ingrate. Interloquée par ce comportement, Teslady resta dans l'expectative à un moment. Pas besoin de se casser la tête, Eugenia. C'est juste une gamine qui a passé un sale moment, elle s'est faite agresser au couteau, ça traumatise. Cela dit, ça ne pouvait rester impuni.

- C'est quand que t'as arrêté d'être une enfant, toi ?

Se rendant compte de son ton sec désobligeant, elle adoucit sa voix et poursuivit :

- Je... je ne suis pas une héroïne. C'était pas mon idée, le déguisement. On m'a juste dit de faire peur à ce type. Ne te tracasse pas pour si peu, d'accord ?

Sorti tout seul de sa bouche. Elle sourit ensuite, deux coups de feu en direction de là où les mafieux s'étaient barrés. Un bruit de course, des cris.

Ce coup de feu, c'était le Glock 18 de Petrov. Il avait descendu le dealer. Les trois mafieux coururent dans leur direction, Petrov lui lança, en anglais :

- Balance le casque !!

Il attrapa le casque rouge ainsi que la cape en l'air, un de ses compatriotes lança en échange un grand sac contenant une multitude de petits sachets de poudre blanche, que Teslady réceptionna avant de le glisser discrètement dans son sac. Cela provenait très certainement du dealer, et il fallait s'en débarrasser pour éviter de se faire choper.

- Joyeux anniversaire, Red Hood ! Voilà ta paie !

Pourquoi elle ? Il y en avait pour plusieurs mililier de matos là-dedans. Petrov disparut à l'horizon et quelques secondes après, une policière et son coéquipier débarquèrent en courant. Teslady pointa la direction de Petrov du doigt et rien d'autre fut échangé, ils avaient l'air bien occupés. L'accalmie. Elle en profita longuement.

Eugenia savait qui reprendrait tout ça à un bon prix, elle pourrait en profiter pour se payer un voyage, ou quelque chose du genre. C'était beaucoup d'argent... croisant les bras, elle semblait pensive. Eugenia avait l'air très louche. Elle revint vers la jeune femme, et soupira encore en la voyant disparue. Elle regarda autour d'elle suspicieusement. Bon. Un problèm en moins à régler.

Il fallait à tout prix qu'elle se débarrasse de cette merde. Si on la fouillait avec ça, c'était pas Blackgate mais Guantamo directement, où elle mourrait incendiée vivante parce que des agents de la CIA l'auraient forcée à tout avouer et qu'elle avait une mafia russe internationale sur le dos.

Pourquoi c'était toujours sur elle que ça tombait ? Le garder, le brûler, le garder... non.

On allait brûler cette merde. Sans se poser plus de questions, elle alla chercher un repère de clodos éloigné pour s'occuper de ça.

On ne touche pas au enfant de l'Est

La Teslady & Care

La jeune justicière était un peu décourager. Cette femme avait du pouvoir, des trucs bien plus fort et utile que Care, et elle servait la Mafia. C'était décevant, mais ça ne la surprenait pas. On était à Gotham. Sauf qu'elle ne semblait pas réalisé que ses petites magouille était réellement dangereuse. Qu'elle pouvait la tuer ou la blessuer sérieusement.

Et donc, quand l'attention de la jeune femme fut détourenr par l'arrivé des policier, Care en profita pour se cacher. Elle n'avait aucune envie d'être vu par les policiers, et ce qu'elle vit la jeune fille faire lui confirma, que malheureusement, elle était loin d'être digne de confiance. Care n'aimait pas faire peur, elle voulait être un symbol de guérison et d'espoir, mais c'était parfois aussi la dure réalité de Gotham. Pour guérir il fallait réalisé qu'on avait un problème.

Donc, elle prit le temps d'observer de haut la jeune femme, l'analysant, ouais, sa semblait pas nécéssairement une mauvaise personne, mais elle était insouciante et un peu idiote. Elle continuait de réfléchir en pleine ruelle, a quelque pas d'un mort, avec des centaines de grame de cam dans les poches, comme si de rien n'était. Elle était idiote. C'était pas sa faute.

Donc Care décida d'user d'un peu d'artifice, de copier un peu les chauve-souris, elle se laissa tombé par terre, mais au lieu de le faire silencieusement, elle fit exprès de faire du bruit, en atterissant tout près de la jeune femme.

"Si j'étais toi, je brûlerais tous ça, et si tu en as pas les couille, aucun problème, je m'en charge. Mais je peut pas te laissé repartir avec tous ça pour pourrir la vie de centaine d'autre personnes. L'argent sale, ça fini toujours par te retomber dessus. Surtout si Red Hood apprend que tu as utiliser SON NOM pour tes petites magouille."

En fait Care n'en était pas certaine. Elle avait entendu dire qu'il était pas comode, elle avait aussi entendu des rumeurs sur lesquelles il aimait pas les mafieux et les dealer, mais rien de concret. Elle voulait juste faire réfléchir la jeune femme.

Codage par Libella

[/quote]

Oh, tu sais ce qui serait  bien ? Une vodka bien glacée. Oh oui. Je crame tout ça, et je vais prendre un apéritif avec du beef jerky que j'irai chercher à la station service en renterant. Là on sera bien.

Peut-être même garder un sachet pour elle ? Teslady hésitait. Non. Elle était beaucoup trop facilement addict à tout pour toucher à ça. D'autant plus qu'elle n'avait pas idée de ce que c'était... oh, c'était de la cocaïne, très certainement coupée avec du verre pilé. Quel perte de temps et d'argent... Un bruit la fit sursauter. Juste derrière elle, un spasme violent et elle fut projetée en avant.

La gamine était de retour. A quoi elle jouait ? La petite lui somma de brûler tout ça. J'allais le faire, merci. Sur le visage d'Eugenia, une colère non dissimulée, simplement affichée. Elle parla de Red Hood aussi. Eugenia ne connaissait pas ce type... Elle toussa doucement, puis déclara sèchement.

- J'allais le brûler.

Sa voix fut soudainement plus ému alors qu'elle passait sa main sur son visage, remettanten place une mèche de cheveux un peu rebelle.

- Tu crois que ça me fait plaisir, que je fais ça par choix... ? Allons cramer ce truc. On parlera après du bien et du mal.

Eugenia tourna le dos et, se glissant sous un pont, repéra deux clodos qui grillaient des rats au-dessus d'un feu de poubelle. Voilà ce qu'elle voulait.

- Salut, les gars.

Ils la toisèrent, un avec envie, l'autre avec dégout. Elle ouvrit son sac ; celui qui faisait la tête bizarre se brusqua et recula. Elle sortit le sac de poudres blanches, leurs yeux s'illuminèrent. Un éclat de flammes, un gros SBROUF, en un mouvement de la mafieuse.

- NON ! NOOON !

Le clodo se rua, chopa le sac avec les mains qui brûlaient ; ses mains se consumaient avec. Pour le protéger, elle le projeta contre un pilier qui maintenait le pont dans un immense arc électrique, l'autre se retourna vers elle se mit à hurler tout en fuyant :

- C'EST LE DIABLE !! IL VIENT NOUS TOURMENTER POUR NOS PÉCHÉS !

Ils ne prenaient pas de coke, visiblement. Les ravages... l'autre gisait inanimé. Teslady resta là, interdite quelques secondes. Elle se saisit d'une bouteille de vodka qui trainait. Oh non, elle ne tenait pas à choper la siphyllis. Elle revint vers le tonneau qui brûlait et balança la bouteille dedans. Une gerbe de flamme vint terminer d'éliminer la substance interdite.

Eugenia vint s'asseoir à même le sol, sans trop savoir quoi dire. Elle essaya d'établir un lien maintenant avec la jeune fille maintenant qu'elle avait brûlé l'équivalent d'une baraque pour bien se faire voir.

- Je ne suis pas un monstre. Si tu as quelque chose qui ne va pas, tu peux me le dire.

Elle cacha sa main brûlée dans la poche de son survêtement. Ce coup là, elle l'avait senti partir et la douleur l'agrippa très vite.

La gamine ne semblait pas amusée par ce tabassage de clodos, elle courut au secours de l'autre. Eugenia l'observa faire, de loin. Il n'avait pas l'air très en forme, c'était le cas de le dire. Assise en tailleur sur le sol, elle la laissa faire. Drôle de massage cardiaque... c'en était pas un. Sa main tremblait dans sa poche, son regard fuyait, sa respiration s'accélérait.

Elle se prenait pour qui à jouer la secouriste comme ça ? Elle ne faisait pas de massage cardiaique... Lorsqu'elle eut terminé, elle revint vers Teslady, encore plus énervée que jamais. Des gens qui se faisaient tranquillement à manger ! Des clodos qui bouffaient des rats.

Eugenia concéda le reste, elle n'avait pas tort, elle avait merdé. Teslady n'était pas payée pour réfléchir après 18h, et ça se sentait. Eugenia croisa les bras, soupira longuement encore. Que répondre à ça...

- La police ne viendra pas... dit-elle sèchement. Tu es la seule personne qui te soucie de ces sans-abris ici. Même pas eux se soucient d'eux-mêmes. A la limite, si en leur mettant le feu, la fumée importune ceux qui vivent au-dessus du pont et qu'ils se mettent à appeler la police, là ils se bougeront. Bienvenue à Gotham.

Le froid se mettait à l'attaquer. Eugenia réfléchit longuement avant de continuer.

- Merci... Je suis désolée d'être aussi crue et pour mon comportement. Eux et moi sommes pas si différents, dans l'essence. Des poulet sans tête qui évoluent dans la vie comme ils peuvent, avant que le second couperet, celui de la mort les termine...

Eugenia ne savait pas vraiment quoi dire. Elle avait honte d'elle-même et ça se montrait. Elle fouilla dan son sac et sorti deux Capri-Sun, ceux avec les animaux de la savane dessus. Elle en tendit un à la petite énervée, et ensuite lui demanda :

- Tu connais Red Hood pour de vrai ? J'ai l'impression que toute cette affaire t'a beaucoup touchée. J'en suis désolée, je savais qu'il existait mais honnêtement, j'en sais pas beaucoup plus. La vie m'a rendue pas mal apathique. Les addictions, les relations sociales compliquées, les rêves brisés. Tout ce qui accompagne la vie d'une Gothamite, on me dira. Mais s'il y a quelque chose que je ne supporte pas, c'est voir des gens innocents souffrir, et toi...

Comment expliquer cela ? Cette fille était une méta-humaine, ou quelque chose qui dégageait une certaine aura. Eugenia ne saurait l'expliquer, mais sa présence la dérangeait, l'agressait, un goût âcre dans la bouche et le coeur lourd, comme si elle était une cassure sur le tableau déjà rapiécé de la vie.

- Tu dégages quelque chose qui m'intrigue et m'inquiète beaucoup, et j'ignore comment réagir face à ça. Mais à ta façon de voir les choses, j'imagine que tu as beaucoup moins besoin d'être aidée que... enfin. Tu te débrouilles bien, alors je ne devrais pas m'inquiéter pour toi. Je suis désolée.

Elle fit un trou dans son Capri-Sun avec sa paille, et celle-ci passa à travers ; Eugenia corrigea ça d'une insulte en russe. Elle essaya de la repositionner, lécha ses doigts -- mêlant du sang au reste -- car elle ne supportait pas d'avoir du sucre sur les doigts, et finalement but dedans. Il lui fallait à boire, une bonne vodka fraîche, mais le sucre allait la maintenir éveillée un peu plus longtemps et cette eau chimique l'hydraterait un peu. De la mélancolie dans son regard, de profonds regrets et surtout une grande incompréhension face aux jeux sournois de la vie.

Pauvre petite, à errer dans les rues de Gotham... C'est pourquoi elle voulait aider les gens. Ce n'était pas vraiment un environnement sain pour les jeunes personnes, la rue. Elle devrait aller à l'école, faire des études de médecine, et ensuite, aider les gens. C'était du potentiel perdu.

Se faire casser la gueule par Red Hood. Nope. Pas envie d'avoir des super héros qui lui cassent la gueule. Hé, c'était pas son idée, peu importe.

Avec tes dons, tu peux faire mieux, tu vaux mieux que ça... ça, ça la toucha en plein coeur. Eugenia y réfléchit. C'était le questionnement de sa vie, tout ça. Elle était liée à la mafia sans solutions pour s'en sortir, et ses pouvoirs leur avaient servi à faire le mal. Comment voir les choses autrement ? Elle essuya quelques larmes qui lui montaient. De la fureur. Clairvoyante, la petite.

La petite retourna voir le clodo qui reprenait connaissance. Eugenia finit par se lever, et la suivre. Il les regarda sans trop comprendre.

- S'est passé quelque chose ? J'crois, trop bu.

- Rien. Vous devriez aller vous reposer quelque part.

Il les regarda, sans trop comprendre, se levant tout doucement, s'étirant, se grattant le visage, avant de poser son regard sur Eugenia, à qui il sourit de toutes ses dents, ce qui n'en faisait pas beaucoup.

- T'as un joli p'tit cul ma grande, tu veux que j't'offre un verre ?

Oui, j'en ai bien besoin, et aussi, allez vous faire foutre. Elle joignit les mains pour éviter d'envoyer un coup, soupira longuement avec agacement, leur sourit poliment comme on lui avait dit de faire, et retourna un peu plus loin pour s'éloigner de ce qui lui pourrissait la vie. En marchant, elle réfléchissait. A plusieurs choses, était-ce correct de la laisser seule avec ce clodo ? Elle la surveillerait le temps qu'elle revienne. Elle pourrait l'atteindre avec la foudre, d'où il était : des câbles épais étaient tirés sous le pont. Cela dit, elle avait le pressentimment que la petite saurait se débrouiller seule.

A cet instant là, débaroulant des buissons, l'autre clodo arriva, suivit d'un autre clodo qui était habillé en noir avec un col romain.

- C'est elle ! C'est elle le diable, putain !

L'autre semblait circonspect. Où avait-il trouvé ce vêtement de curé ? A moins que c'en état un vrai ? Eugenia soupira longuement et resta polie.

- Bonjour, mon père.

Il la toisa de près, il puait l'alcool, elle fit une moue de dégout. Puis, il annonça :

- Non, pas elle le démon. T'as vu sa tête.. c'est.. un... un ange !

- Bonne journée, alors.

Laissez-moi tranquille, putain. Eugenia était vraiment agacée. L'autre n'avait pas seulement bu, visiblement. Il plissa les yeux et quelque part dans sa tête se dit que peut-être ce n'était pas elle.

- P'tet c'tait l'autre alors, venez voir monsieur mon père.

Il bouscula Eugenia et trotta vers la petite qui était toujours avec le clodo. Fallait-il intéragir ? Ou voir comment elle se débrouillait ? Eugenia marcha lentement derrière eux, prête à dégainer si ça dégénérerait.

Elle semblait se débrouiller, dans ce cas. Il la souleva, et elle fixa Eugenia, toujours avec son regard de renard en colère. Tant pis, son problème. Le clodo finit par lui dire quelque chose, et il la reposa, un air de culpabilité sur son visage. En quoi cette fille pouvait être une démone, dans tous les cas ?

Bien qu'à Gotham, la plupart des démons avaient des gueules d'anges, et la plupart des anges des gueules de démons. C'était ça la vraie image de cette ville, le diable qui s'embellit et l'ange qui sombre dans les ténèbres à protéger autrui. Ils se dispersèrent et Eugenia, l'air serein, regarda la jeune fille.

- T'es douée.

Elle garda ses mains dans ses poches et soupira longuement, sans savoir vraiment quoi dire. Elle sentait que le courant ne passait pas. Les deux étaient beaucoup trop négatives et par conséquent elles se repoussaient, ce qui ne plaisait pas à Eugenia qui voulait en savoir plus sur elle. Simplement lui parler, qu'elle parvienne à dénouer les ficelles de sa psyché et comprendre ce qui la rendait si spéciale.

Mais parfois, forcer était tout à fait inutile aussi. Si le courant ne passait pas, alors il ne passait pas. A moins qu'il faille lui donner un petit coup de pouce de par sa nature paramagnétique. Même pas une flasque sur elle... quelle infortune. Cette fille disait avoir vécu dans la rue. Elle était surement orpheline, ou ayant fugué. Dans tous les cas, elle n'avait surement pas de relation très saine avec ses parents, qu'ils soient morts ou vivants. Mieux valait ne pas les mentionner, alors.

D'un autre côté, faisait-elle le choix de vivre dans la rue ? Cela semblait peu probable, les orphelinats étaient pleins à craquer à Gotham. Comment mettre un rayon de soleil dans sa vie ? Si Teslady savait comment mettre un rayon de soleil dans la vie de quelqu'un, elle l'aurait essayé sur elle pour commencer.

- Tu as faim ? On peut aller chercher une pizza. Et ensuite on ira se poser quelque part pour manger, peut-être à l'intérieur, vu qu'il fait froid. Y a un bowling dans le coin, si tu aimes le bowling, on peut se faire une partie ou deux. Sinon y a un karaoké que je connais bien juste dans la rue adjacente au pont, on pourra manger tranquillement et chanter.

Une petite soeur, une famille. Oh... une petite soeur. Sa petite soeur était dans le même lot que ses parents, c'est-à-dire tombée du camion qui était censée la livrer. En la regardant dans les yeux, elle ne se demandait pas si elle ne se faisait peut être pas trop d'illusions.

- Je paierai ce qu'il faut. Avec de l'argent propre. Je suis ingénieure, en vrai. Je travaille pour que vous puissiez savoir le temps qu'il fait, avoir la radio, et détecter les météorites ou les missiles ennemis pour prévenir les populations. Entre autres ! Ca te dit pas ? Sinon j'irai seule, mais je n'aime pas être seule.

Et c'était vrai. L'avantage d'aller seule, c'et qu'elle pourrait boire jusqu'à plus soif sans risquer de choquer autre chose que le Seigneur lui-même. Mais elle avait besoin d'avoir un peu de compagnie et ce serait très décevant pour elle. Mais compréhensible, elle était de très mauvaise compagnie et quiconque le subodorait était parfaitement dans son droit de fuir.

La petite était masquée. Teslady comprenait mieux où elle voulait en venir avec son histoire d'anonymat. La voir agir en super-héroïne dans les rues de Gotham... lui donnait de l'espace mais la plongeait dans une profonde mélancolie.

Quel genre de société a besoin de justiciers ? Quel genre de soicété a besoin de sacrifier des enfants pour qu'ils deviennent de justicier plutôt que de travailler dur pour changer le monde ? On occupe les enfants dans les rues, tout comme on les occupait dans les mines à l'époque, et on s'assurait ainsi de voir une jeunesse sacrifiée à la grâce des puissants.

La petite refusa son offre, ce n'était pas grave. Eugenia lui sourit, mettant ses mains derrière le dos. Encore une question... difficile.

- Parce que Gotham, et ce monde est traître ? Le mal règne ici, que ce soient les vilains qui foutent la merde ou les policiers incompétents au mieux, au pire corrompus qui les laissent faire. Faire le bien, c'est être un criminel quand en face les pires salauds engrangent l'argent et peuvent se payer des avocats. Et souvent, payer un assassin coûte moins cher qu'un avocat. Vouloir faire le bien, dans cette ville, c'est être un paria. On ne parle pas de politiciens qui promettent des choses pour se faire élire. Si un politicien était en mesure de changer les choses, jamais il ne pourrait se présenter ou être élu. Non, il se suiciderait de trois balles dans le dos. Avoir du pouvoir ici, c'est faire partie du système.

La voix d'Eugenia tremblait. Elle était persuadée de ce qu'elle disai. Elle s'éclaircit la gorge et frotta ses mains entre elles pour les réchauffer.

- Les super-héros sont des martyrs, se masquer leur sert à pouvoir travailler quelques années de plus avant de finir comme les autres. Tu en es une, c'est très bien. Mais tu es le symbole d'une société qui a échoué. Tu utilises tes petites mains pour soigner le nécessiteux, là, maintenant. Mais c'est tout du temps que tu devrais utiliser pour t'épanouir. Apprendre un art, te divertir, et étudier dur pour avoir un avenir. Devenir médecin, ou avocate, tu ne sauveras pas de vie maintenant, mais tu en sauveras quand le monde en aura besoin, et bien plus que jamais.

Son sourire s'affaissa. Elle ne voulait pas se montrer trop brusque, trop insensible.

- Mais j'imagine que si tu es ici, à faire ces actions, plutôt qu'ailleurs à te construire un avenir, c'est quelque part ta vie a été volée. Tout comme la mienne a été volée. Mais j'ai un toit, et je mange à ma faim. Je ne comprendrai jamais la souffrance que tu as enduré, et pourtant j'en ai souffert. Mais je ne me plains pas car il y a toujours pire.

Devait-elle en dire plus ?

- Je bois par exemple. Si je suis à cran en ce moment, c'est à cause du manque, j'essaie d'arrêter mais c'est difficile. Je fais preuve d'une grande faiblesse, et toi, tu sembles très forte. Mais ne te surmène pas, héroïne masquée. Ce monde est impitoyable.

Eugenia attendit sa réaction. Elle espérait ne pas avoir dit de bêtises, et d'avoir compris où elle voulait en venir avec sa question.

Ils avaient des gens à protéger, c'était vrai. Qui Eugenia avait-elle à protéger ? Elle, devait être protégée. Elle faisait partie des victimes protégées par les super-héros, pas des super-héros. Il était vrai qu'imposer son choix de vie... ce serait toute fois un mensonge, pour Eugenia.

Aucun proche ne veut savoir que tu te mets en dangers pour des préceptes de justice dans un monde aussi corrompu... si ?

Ce qu'elle avait dit à la petite semblait l'avoir touchée. Elle ne voulait pas, c'était trop dur. Elle qui était si douce, de tels mots n'avaient pas à sortir de sa bouche. Surtout face à fille qui n'avait rien de mauvais en elle, en apparence. Si elle ne voulait pas manger avec elle, c'était car elle avait énormément de travail à faire. Quel stress intense. Elle n'était pas médecin, ou militaire, pourquoi s'infliger de telles responsabilités ?

La petite lui parla d'un choix. C'était là toute la question, utiliser son pouvoir pour faire le bien, ou le mal. Eugenia croisa les bras longuement avant de répondre.

- Dans la vie je ne pense pas avoir eu beaucoup le choix. J'ai du faire ce qu'on m'a demandé de faire sinon... mais je cherche sans cesse à aspirer à mieux. Un jour je serai libre. Après, le libre arbitre est une illusion. Même si toi tu as le choix, j'imagine que ton instinct te hurle de faire ça. Prendre la défense des plus démunis. Telle est a voix que tu suis.

Elle jeta un oeil vers le ciel qui rougeoyait et eut un sourire.

- Quel triste monde dans lequel on vit. J'espère que tu trouveras la lumière. Cela ne te sera pas difficile car elle est en toi.

Sortant de son sac un calepin, elle déchira nonchalamment un bout de page et y écrivit son numéro dessus avant de lui donner :

- Il est bon de savoir qu'on sera là quand les autres en ont besoin, mais aussi bon de savoir qu'une âme est à tes côtés si un jour tu sombres. Je ne prétends pas avoir la grâce nécessaire à pouvoir t'aider, mais si un jour tu as besoin de moi, alors je fonderai à ton secours. Tu sais de quoi je suis capable et j'ai le pressentiment que tu as de meilleures idées que moi de ce que je pourrais en faire.

Elle espérait ainsi pouvoir lui donner qu'une seule illusion d'espoir. Teslady avait toujours aspiré à être le genre de personnes sur qui on pouvait compter.

- Je veux que tu m'apprennes à faire le bien autour de moi, et que tu me montres. On pourrait même collaborer un jour si tu as besoin d'un coup de main dans une de tes entreprises. Je connais bien cette ville. Après j'imagine qu'il faut travailler dans l'ombre, je comprends le principe d'anonymat... et mes pouvoirs me permettent d'agir à distance.

C'était une proposition comme ça. La fin la creusait, Eugenia commençait à perdre patience. Boire, manger, dormir, voilà ce qui la tourmentait à cet instant. Elle garda un sourire. La nuit était tombée à présent, et il commençait à se rafraîchir. L'air était toutefois encore agréable, mais vétue comme elle était, Eugenia se sentait happée par le froid.

- On devrait aller se mettre au chaud, tu ne penses pas ?