Un petit sourire en coin se dessina sur tes lèvres quand l’un de tes fidèles t’apporta le courrier au penthouse : Kyle, Lucas et toi étiez invités au gala de charité que Lex Luthor organisait le soir à Gotham Plaza. Tu avais déjà entendu quelques petits échos çà et là, alors, le fait qu’il en organise un ne t’étonnait pas : pas même le fait qu’il vous invite, en soi, puisque tu étais une cliente de longue date – tu achetais chez lui-même quand tu étais à Fawcett City sous un tout autre visage – et que Kyle était proche de lui. Si tu avais été quelqu’un de normal, tu te serais certainement méfiée de ce genre de rassemblements. Notamment, parce que, à chaque fois que l’élite de Gotham se rassemblait, des grosses emmerdes avaient lieu. Sans exception. Peu importait la sécurité renforcée, les précautions ou l’interdiction d’y aller armé. Toujours, absolument toujours, il y avait une couille dans le pâté – ou plusieurs. C’était principalement pour cet alléchant chaos que tu étais friande de ce genre d’événements.

Et puis…
Quelle bonne reine ne profiterait pas pour se pavaner face à la plèbe, faisant jouer ses propres intérêts, tout en passant un bon moment auprès de personnes qu’elle appréciait, hm ? Ou qu’elle détestait et qu’elle avait l’occasion d’humilier ou de rabaisser sans la moindre difficulté – ça va de soi. En tout cas, c’était l’endroit parfait pour gagner en influence, se faire bien voir et cueillir des informations de toutes sortes. L’age et l’expérience t’avaient fait aisément comprendre que les humains ayant quelques verres dans le nez étaient beaucoup plus bavards et faciles à manipuler que les autres. Sans compter le fait qu’ils étaient encore plus téméraires et prompts à commettre des erreurs aussi amusantes et embarrassantes que douloureuses et regrettables pour eux.

Quoi qu’il en soit, bien que tu avais déjà prévu la présence de deux de tes avatars les plus influents, tu n’avais pas particulièrement de plans pour la soirée. Ceci dit, tu savais plus ou moins ce que tu allais faire une fois au gala : pendant que tu serais occupée à jouer avec ta petite poupée blonde et ta petite poupée basanée aux échanges politico-diplomatiques, tu allais faire mumuse parmi la foule. Tu étais enceinte, mais ça n’allait pas t’empêcher de picoler comme d’habitude – même si Lucian n’était pas ravi à cette idée. Vous aviez décidé de vous y rendre en limousine et, puisque tu étais d’humeur joueuse et que tu avais envie d’attirer l’attention, tu avais opté pour prendre l’hummer rouge plutôt que la berline noire.

En général, tu n’étais pas du genre à figurer parmi les premiers arrivés, même si tes deux avatars étaient déjà en place et pas bien loin de l’amphitryon du gala. Après tout, Eve Powers était la représentante de la mairie et Amanda H. Parker était la nouvelle procureure – par intérim, pour l’instant – de la ville. C’était la première fois qu’une personne de couleur accédait à ce poste, mais, également qu’il était assigné à une femme. La conseillère municipale avait, également, un poste habituellement occupé par des hommes, que ce soit dans la mairie ou dans son milieu professionnel de prédilection – l’architecture. Plus précisément, elle était architecte en chef des monuments historiques et autres bâtiments culturels. Malgré son important penchant pour un genre d’architecture dynamique et quasi-futuriste, même avant que tu aies pris son âme et usurpé son identité, elle prenait grand soin du patrimoine de Cyrus Pinkney, entre autres. Elle restait très fidèle lors des restaurations des bâtiments et autres monuments gothamites, mais son homosexualité la rendait plus discrète que le reste de sa famille. Seule sa tente, Maria Powers, avait eu le courage et la fierté de miser sur elle et de la laisser assumer publiquement sa sexualité. Qu’elle soit une activiste sociale, écologique et féministe était difficile à concevoir pour les Powers – l’une des familles les plus riches et anciennes de la ville, membres de ce qui restait de la Cour des Hiboux pour ceux qui l’ignoraient.

Mais soit.
Là n’était point la question.

Si tes autres deux corps, tes chers pantins, étaient sur place à première heure, aucun de vous trois n’avait vraiment d’engagement horaire. Dans ce milieu, il valait mieux se faire désirer et tu ne le savais que trop bien. De ce fait, quand vous êtes arrivés, on pouvait déjà entendre le discours du sénateur Luthor depuis l’entrée du Gotham Plaza. Votre chauffeur vous déposa devant le tapis rouge et ne partit se garer que lorsque vous êtes entrés. La police n’était pas dupe, on savait que tu n’étais pas quelqu’un de très clean, mais il n’y avait pas de preuves pour t’incriminer. Tu te laissas fouiller, adressant un petit sourire aux policiers qui géraient l’entrée avant d’y pénétrer d’un pas fier – on n’avait pas trouvé d’armes sur toi, tu n’en avais pas besoin. Bien qu’on savait que tu étais une mafieuse et qu’on supposait que tu étais certainement une marraine de cartel, publiquement, tu n’étais qu’une femme d’affaires qui avait beaucoup investi dans Métropolis et Gotham.

— Profitons de cette merveilleuse soirée, mes amours. soufflas-tu, à ton fils et à ton amant, t’accrochant à leurs bras. Détaillant la foule avant de t’attarder sur les personnes sur scène, tu ne regardas que brièvement tes avatars, le faisant davantage avec les autres individus présents et, surtout, avec Lex Luthor. Le regard pétillant de malice, tu esquissas un large sourire et ajoutas : Je sens qu’on va s’amuser~

Huhuhu~
D’ailleurs, en parlant de Métropolis…

L’un de tes jouets préférés allait être présent sous son identité civile, bien entendu, mais allait quand même être ici – Superman. Son petit cul moulé dans sa tenue ne te manquait pas plus que ça, mais pouvoir l’embêter et le faire tourner en bourrique sans qu’il n’en ait conscience, oui. Tu tirais les ficelles dans pas mal d’endroits et de milieux, mais tu ne ciblais pas toujours quelqu’un en particulier. La preuve, tu ne ciblais personne en particulier quand tu as proposé à Kyle d’alimenter le chaos de la ville et qu’il a choisi de faire s’effondrer le Gotham Stadium – triste accident qui demeure encore difficile à expliquer mais qui a permis de jeter de la lumière sur un vieux cas de corruption et de détournement de fonds. Les gens supposent que c’était à cause de cette faille océanique que tu as ouvert à 2km du littoral de New Gotham, mais aucune secousse n’avait été enregistrée par les appareils ce jour-là, même si une avait été ressentie uniquement dans le Coventry et à proximité.

Pour l’instant, tu allais te contenter d’observer et d’applaudir comme n’importe qui d’autre le ferait, écoutant les divers discours – y compris ceux que tu faisais toi-même. Tu n’avais pas encore mis au courant les hommes de ta vie au sujet de tes nouveaux avatars. Tu les avais mentionnés, mais tu n’avais pas décliné leur identité. Lucian, ceci dit, pourrait presque les repérer, puisque ce n’était pas la première fois qu’il en croisait. Tu te rappelais d’une fois où tu as veillé sur lui via un de ces avatars quand il était encore un enfant ; tu avais dû t’absenter pour régler une histoire dont tu ne voulais pas qu’il soit témoin et… tu n’avais pas eu besoin de lui dire pour qu’il comprenne que c’était toi. Ce petiot avait un don et un lien très étroit avec toi – c’est toujours le cas malgré le fait qu’il soit plus qu’adulte, à présent.

La directrice du département de recherche et développement technologique de la LexCorp gothamite était une jeunette fort prometteuse. Elle manquait encore d’expérience, mais elle allait avoir un grand avenir devant elle. Des scientifiques et des génies dans son genre, tu en avais croisé des centaines au cours de ton existence. Il n’était pas bien difficile de prévoir qui est-ce qui allait ou non s’en sortir dans son milieu ou non. L’âme d’ Elisabeth Caroll était trop pure pour que tu t’y intéresses davantage, mais, si tu ne la connaissais pas tellement, tu pouvais supposer qu’elle avait son petit caractère et une certaine force malgré sa douceur apparente.

Comment allait-elle évoluer ?
Combien de temps allait-elle rester pure ?
Comment allait-on la corrompre et dans quelles circonstances ?
Des questions dont tu avais hâte d’avoir les réponses.

Amanda Parker fut appelée à prendre la parole et, avec son assurance, sa fierté et son sérieux habituel, tu la fis marcher jusqu’à l’estrade. Heureusement pour toi, cette femme n’était bavarde que lorsqu’elle prenait le soin d’écraser quelqu’un sur qui elle constituait des dossiers – entre autres. La faire parler et respecter sa personnalité était plus simple que de jouer avec ta petite Eve Powers.

— Messieurs, mesdames, bonsoir. Ce soir, ce n'est pas pour faire politique que nous sommes ici, mais pour aider ceux qui sont dans le besoin. Faisons-en une priorité, car la pauvreté et l'instabilité économique sont deux des principaux facteurs qui contribuent à la hausse de la criminalité. commença-t-elle, regardant sobrement la foule. Chacun de ses gestes et de ses paroles étaient minutieusement mesurés, mais semblaient naturels puisqu’elle était une femme sobre et intègre. Des nouvelles initiatives judiciaires et législatives sont progressivement mises en place afin d'améliorer la ville et rendre nos services plus justes. Le renouvellement dans certains postes et l'enrôlement de sang jeune dans les rangs du GCPD montrent un avenir plutôt prometteur dans notre lutte contre la corruption et le crime. continua-t-elle, ajoutant aussitôt : Mais, nous, forces de l’ordre, ne sommes pas les seuls à pouvoir changer la ville et à la canaliser : nous devons nous battre à tous les niveaux, ensemble. C’est pourquoi, le changement commence dans les petits gestes de tolérance et d’entre-aide. ajoutat-elle, marquant une courte pause, laissant sous-entendre que le changement pouvait avoir lieu avec le plus infime des gestes envers la lutte contre la pauvreté. Désormais, j’aimerais donner le tour de parole à  la Conseillère Municipale et porte-parole de la mairie, Mlle. Eve Powers.

L’afro-américaine esquissa un léger sourire, invitant la grande blonde à s’approcher d’un geste de main, lui laissant la place pour retourner à la sienne, sous les applaudissements de la foule. Les deux contrastaient beaucoup. Elles semblaient être le jour et la nuit. L’une était excentrique, l’autre mesurée, mais toutes les deux avaient un charisme et une élégance bien à elles. D’un pas plus léger et claquant que celui de la procureure, la conseillère prit aussitôt la parole :

— Bonsoir à tous ! Tout d’abord, nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre à l’invitation de M. le sénateur. Comme madame la procureure a si bien dit, nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, mais pour contribuer au bon développement de la ville et de nos concitoyens. commença-t-elle, se montrant aussi énergique et persuasive. Bien sûr, nous savons tous très bien que la pauvreté n’est pas une priorité pour beaucoup et certains ne l’admettront jamais en public, mais quel que soit notre point de vue à ce sujet, nous sommes tous d’accord sur quelques points : l’instabilité économique et la hausse de la criminalité font beaucoup de mal, et ce, à tous les niveaux.

Malgré sa pointe d’humour et son sérieux, son discours semblait être purement social, mais on pouvait quand même comprendre qu’elle ne s’adressait pas uniquement au peuple – elle le faisait surtout aux grandes fortunes, aux personnes qui avaient les moyens de changer les choses et qui ne le faisaient pas pour X ou Y raisons. Son discours était poli, mais très audacieux et réaliste. Très cru et, pourtant, elle se montrait prudente dans sa façon de demander aux gens de se bouger le cul. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait failli être élue mairesse de Gotham lors des dernières élections. Malgré les nombreux candidats qui s’y étaient présentés, Jaina Hudson et Eve Powers étaient les plus votées et il n’y avait qu’une différence de dix-sept votes – on peut dire que c’était passé très près.

— Nous ne pouvons pas nous permettre de mener la ville à noue nouvelle grande crise. Les gens qui nous voient et nous entendent ce soir, qu’ils soient ou non gothamites pourront confirmer que plus que NOUS, autant que nous sommes, avons toutes les armes pour reconstruire et améliorer la ville. Nous, l’élite de Gotham. Donnons l’exemple, car nous seuls pouvons changer les choses à grande échelle, en peu de temps et en bonne et due forme. continua-t-elle, marquant une courte pause. Elle avait une flûte de champagne entre les doigts, qu’elle caressait de temps à autre avec son index. Les nouvelles initiatives sociales, culturelles et économiques que la mairie et les bienfaiteurs de la ville mettent en place sont vouées à redorer le blason de notre sombre métropole. Nous ne laisserons ni Gotham ni les gothamites glisser et chuter de nouveau. Le changement est déjà en marche et nous avons, ce soir, l’occasion de l’accélérer avec vos contributions – quelles que soient. ajouta-t-elle, levant son verre à tous les présents et aux médias. Nous, tous ceux qui entendons ces mots, quel que soit notre milieu, sommes l’espoir et avons le pouvoir de changer la ville. Pour une Gotham plus sûre, tolérante et glorieuse. précisa-t-elle, esquissant un léger sourire avant d’achever son discours. Je vous remercie pour votre attention et profitez de ce sublime gala. Sur ce, accueillez chaleureusement le Gnral. Ted Baker qui collabore avec le GCPD pour rendre notre ville plus sûre.

Sans lâcher son verre, elle applaudit légèrement, suivie aussitôt de la foule, tout en donnant la parole au concerné. Elle lui proposa une bonne poignée de mains avant de retourner à sa place, sirotant son champagne.