Le déplacement à Bludhäven n’était pas prévu, à la base. Ceci dit, une de tes sources t’avait mise au courant sur la venue d’une personne que tu avais perdue de vue depuis quelque temps : un vétéran de l’armée syrienne qui s’était reconverti dans la politique et qui avait été porté disparu suite à un grand scandale de corruption et de destruction d’une réserve naturelle pour l’exploitation des ressources minières et fossiles - certainement pour se faire oublier. Tu avais beaucoup à faire depuis que tu étais arrivée à Gotham, alors, même si tu te tenais au courant pour à peu près tout ce qui t’intéressait, tu ne pouvais pas être partout. De ce fait, tu agissais selon tes priorités, le temps et les moyens que tu avais à ta disposition. Puisque tu avais la journée libre, tu avais profité pour faire une petite virée à Bludhäven et inspecter les lieux où ta cible avait décidé de s’installer pour le reste de son séjour.

Yousef Al-Cassim.
Il était venu sous une fausse identité pour faire affaire avec Tobias Whale. Il avait apporté une cargaison assez importante avec une nouvelle drogue ayant été produite dans son pays d’origine et qui était censée booster les soldats ; une énième arnaque, diront certains, mais celle-ci avait été prouvée et faisait en sorte que les sujets qui la prenaient avaient une meilleure endurance, concentration, mémoire et pouvaient rester éveillés plus de temps. Beaucoup de personnes, de nos jours, recherchaient ce genre d’effets, pour tout et rien. Nul besoin de rechercher de quoi devenir un bodybuildeur avec des effets secondaires indésirables, quand tu pouvais devenir plus performant en restant toi-même. C’était une drogue pouvant intéresser plusieurs publics et être prise par n’importe qui – elle était polyvalente et très addictive. Du moment qu’on en ingérait une certaine quantité, les effets perduraient et aucun effet secondaire n’apparaissait. Ceci dit, si on tentait d’arrêter de la prendre, c’était très risqué : les muscles et le cerveau s’atrophiaient, pertes de mémoire et d’autres sens survenaient à cause des deux premiers effets et, le corps pouvait, même se dégénérer, jusqu’à causer un important taux de mortalité chez ceux qui parvenaient à d’en décrocher.

Ce qu’on faisait ou non avec cette drogue t’importait peu, en soi.
C’étaient le moyen de la fabriquer et de la transporter, ainsi que la personne qui la promouvait, qui t’intéressaient. Le pétrolier avec lequel avait amarré cette vermine et où transportait la merde qu’il vendait avait déjà causé des problèmes dans plusieurs pays. Avant de venir, il avait déversé une partie de son cru pour ne pas payer des impôts dans certains ports et il a plusieurs fois eu des accidents – il avait manqué de couler, une autre, qui plus est. Ce n’était pas un modèle récent, mais il était fonctionnel, selon ses propriétaires, raison pour laquelle ils se moquaient éperdument de l’impact environnemental qu’il avait. Jusqu’à présent, on ne t’avait pas fourni assez de preuves et d’informations pour le contraindre à rester à port et être démantelé, mais l’utilisation du navire comme cargo de drogue et va savoir quoi d’autre était largement suffisant puisque l’engin devait être spécialement adapté pour cacher ce genre de cargaisons dans certains espaces et zones de la coque – entre autres. Il faudra le démonter entièrement pour pouvoir trouver jusqu’au dernier gramme des produits et substances qu’on y transportait.

On ne peut pas dire que tu étais dans le meilleur des états, parce que tu avais enchaîné plusieurs nuits blanches, des fêtes, des soirées, le boulot avec le GCPD et celui que Nyssa te confiait – en plus de tes propres quêtes et ambitions. Quand tu as été miner la suite de cet hôtel miteux avec des explosifs de ta conception, tu n’avais pas encore dessoûlé. Tu étais fonctionnelle et efficace, mais… il arrive que quelques petits trucs te passent, dans ce genre de situations. Comme, par exemple, que tu piques du nez pendant que tu attendais à ce que ta cible se pointe. Tu ne savais pas quand il allait rentrer, mais tu savais qu’il avait été rencontrer un homme de Whale pour lui donner rendez-vous ailleurs et lui présenter quelques échantillons de sa drogue. Si ça n’en tenait qu’à toi, tu aurais fait tout simplement exposer son bateau, mais tu ne tenais pas à déverser tout ce cru sur les côtes – ce serait une catastrophe naturelle, tout le contraire de ce pourquoi tu luttais. Avant de faire quoi que ce soit, tu comptais zigouiller quelques blaireaux, transformer en lasagne le connard qui les gérait et livrer le reste à la police. Tu ne pouvais pas t’occuper du navire, malheureusement. Et, même si tu l’avais voulu, du moment que le pétrole et l’huile ne finissaient pas dans la flotte ou quelque part dans la Nature, tu t’en battais royalement les steaks.

Idem pour la came et/ou le reste de la cargaison.
Si les acheteurs crevaient ou s’entre-tuaient, ça ferait quelques abrutis de moins.
Le monde ne s’en porterait que mieux !

Il devait être vingt-deux heures et quelques quand tu as entendu la voix de ta cible. Le boucan qu’il avait fait en gueulant au téléphone avec un de ses hommes te réveilla. À défaut de pouvoir utiliser l’électro-écholocalisation pour suivre ses mouvements à l’intérieur du bâtiment, puisqu’il était hors de ta portée, tu estimas le temps qu’il pouvait tarder à rentrer dans sa chambre en fonction de ce que toi-même avais tardé. Tu attendis un peu plus, par prudence, et, lorsque tu aperçus son ombre à travers les rideaux de sa chambre, tu déclenchas les explosions en actionnant ton détonateur. Tu avais mal dosé les explosifs, ce qui avait provoqué beaucoup plus de dégâts que tu ne l’avais prévu. L’aile de l’hôtel où se trouvait la chambre de ta cible avait été sérieusement touchée, il y avait eu plusieurs morts qui n’entraient pas dans ton équation et d’importants dégâts structuraux.

Rapidement, tu quittas ton perchoir pour te rapprocher de ce qui restait de l’endroit que tu avais piégé pour t’assurer que ta victime était bel et bien morte – ou, à défaut, pour l’achever. Tu te devais de faire vite, parce qu’un tel incident risquait d’attirer la police et bien plus… Sans vraiment te soucier de l’incendie que tu avais provoqué, tu te glissas dans le bâtiment et pénétras dans ce qui restait de la chambre prudemment. Une partie du plafond et du sol s’étaient effondrés et, puisque tu ne voyais pas grande chose à travers les flammes et que l’ambiant était trop sec pour pouvoir le sonder via l'écholocalisation, tu dus te déplacer pour inspecter les lieux. Tu retrouvas le corps du syrien en lambeaux, une jambe en moins et une partie du crâne arrachée.

D’un geste assez nonchalant, tu poussas la dépouille du pied. Si tu n’avais pas prévu de mettre autant la pagaille, tu n’aurais pas pu imaginer que tu allais avoir un invité surprise que tu avais très mal accueilli. Ce sera la dernière fois que tu partiras en mission après t’être minée la gueule ! Décuver sur le terrain ne te réussissait pas !

Ni à toi, ni à personne, en fait…
Tu étais Jellyfish, pas cet crevard de Pack de Six.

Puisque tu ne pouvais pas te repérer correctement dans l’environnement que l’explosion avait causé, tu n’avais pas perçu la présence d’une tierce personne – cet invité que tu n’avais pas su accueillir correctement et auquel tu n’avais pas tardé à faire face. Pourtant, parmi les craquements du bâtiment et les frétillements des flammes, tu crus percevoir d’autres sons dont la source se trouvait près de ta position et qui ne tardèrent point à se rapprocher de toi. Ce n’était clairement pas des bruits hasardeux, mais des pas se voulaient discrets puis un infime frottement métallique qui produit une vibration très caractéristique – celle d’une lame, même si ce n’était clairement pas celle qui risquait de te mettre le plus en danger.

Derrière toi, puisqu’on se trouvait à moins d’un mètre, tu pus voir par écholocalisation une personne que tu reconnaîtrais parmi des milliers, même si tu n’avais pas encore eu à faire à lui : le célèbre Deathstroke, un poignard en main et un flingue dans l’autre – fièrement tendue vers toi. Tu ne te tournas pas dans l’immédiat, claquant ta langue contre ton palais – tu étais contrariée : c’était un imprévu que tu n’aurais pas cru ajouter, un jour, à l’une de tes missions. Sans faire de geste brusque, tu enjambas le cadavre et te tournas vers ton aîné. Ce dernier chargea son arme, la gardant braquée sur toi, avant que tu ne dégaines le katana que tu avais accroché dans ton dos. Tu ne le pointas pas en sa direction, d’une main, tu le plantas dans la nuque du cadavre afin de séparer les cervicales avant de trancher les muscles, comme si c’était du beurre, remuant l’arme dans l’ouverture que tu avais crée afin d’extirper ta lame. Ensuite, tu te penchas, attrapant la tête par ces horribles cheveux noirs, bouclés et gras qui n’auraient pas tardé à cramer si tu ne les avais pas éloignés du sol.  

— Jellyfish. lanças-tu, sur un ton neutre. Puisque c’était la cible de ton interlocuteur, tu lui tendis la tête du violeur de poules – comme tu l’aurais appelé, dans d’autres circonstances –, avant de poursuivre : Et je n’ai besoin de personne pour faire les courses. Je peux le faire seule, comme une grande.

Avec ces mots, tu sous-entendais que personne ne t’avait envoyé et que tu avais agi de ton propre gré. Même si, si cet homme connaissait ta réputation, il n’aurait aucun mal à se méfier ou douter de tes dires. Après tout, n’étais-tu pas un agent de l’Ombre ? Rares étaient ceux qui savaient ce que tu faisais ou, du moins, avec qui tu traînais depuis que tu avais mis le dawa dans la Ligue et que tu étais partie, tuant plusieurs de tes camarades d’arme. Nyssa, ta nouvelle guide, était quelqu’un de plus discret que le fondateur de la Ligue.

— Ce n'est pas tout ça, mais, à moins de vouloir bien me chauffer, j’apprécierais que tu m’braques avec ton gros flingue ailleurs - Deathstroke. précisas-tu avec ton arrogance habituelle et le ton presque froid de ta voix – non sans ajouter un double sens et un jeu de mots très douteux à ton discours. T’en dis quoi d’une ballade sous étoiles, au frais, uh ? Cet hôtel n’est pas très terrible pour un tête-à-tête.

Lentement, mais sûrement, tu décuvais et, avec tout cet alcool qui quittait ton sang, d’autres besoins surgissaient – tu avais faim. Et, il fallait bien avouer que tu croquerais bien le mercenaire. Bon, ce n’était peut-être pas le même genre de faim qui tiraillait ton organisme, mais cette envie était aussi présente. Les hommes dans son genre et, surtout, dans sa tranche d’âge, titillaient ta libido. Ceci dit, tu ne pouvais pas te laisser aller durant une mission de ce gabarit. Slade Wilson était une distraction et un dégât collatéral, un imprévu – pour ainsi dire.

Tant bien que mal, il fallait que tu te concentres sur ton objectif : anéantir les trafics auxquels votre cible était liée, faire partiellement couler son navire pour l’obliger à rester à port pour qu’il soit, ensuite, démantelé par la police. Ce que ces trouducs faisaient ou non avec la drogue ou le combustible ne te concernait pas, tu voulais juste te débarrasser cette arche de mort qu’était leur navire – du moins, ça ne te concernerait que si ça finissait quelque part dans la nature.

Quoi qu’il en soit, les propos de ton aîné te sortirent de ces pensées amères et t’arrachèrent un ricanement entendu. Tu étais rassurée qu’il se soit contenté de prendre la tête du gars et qu’il n’ait pas tenu rigueur du fait que tu avais failli l’ajouter au barbecue de ce soir.

— C’bon à voir, ça. Je ne suis pas bien compliquée, non plus. lanças-tu, par rapport à son dernier commentaire. En dehors du kebab, j’avais prévu d’ajouter des poiscailles au menu, mais les choper sur les docks. Si tu as encore envie de zigouiller quelqu’un, vu que je t’ai volé ce plaisir, ya assez de morues autour du port pour les deux. plaisantas-tu, n’ayant aucun respect pour tes cibles. Tu te moquais ouvertement d’elles, d’eux. Autant du cadavre décapité, comme de ceux qui n’allaient pas tarder à voler en éclats. Si t’as du temps, on peut grailler un truc après et reparler de cette affaire de flingues~

Suite à ces mots, tu t’empressas de quitter la chambre d’hôtel et retourner sur ton ancien perchoir. De là-haut, tu pouvais voir les docks et, plus précisément, le navire que tu avais pris en grippe. Malgré le ton que tu avais employé pour t’adresser à ton aîné, tu étais très sérieuse : autant pour la bouffe, comme pour le reste. Tu lui avais fait des avances, mais tu n’insistais pas. Pour toi, c’était un jeu et si ça passait, tant mieux – sinon, tu n’allais pas t’en offusquer, ça aurait été amusant au moins. Pour l’instant, il ne semblait pas trop contre, ce qui était encore plus intéressant.

En temps normal, tu n’aurais pas dévoilé ton visage.
Peu de gens le connaissaient ou, du moins, peu de gens pouvaient affirmer faire le lien entre Jellyfish et ce à quoi tu ressemblais sous cet uniforme androgyne et sombre. Ceci dit, ce soir, tu allais faire une exception. Il n’y avait pas de caméras là où tu étais perchée et tu voulais pouvoir grignoter quelque chose. De ce fait, même si Deathstroke était-là, tu découvris ton visage et dénichas un paquet de mikados dans l’une des poches de ton pantalon. Puisque l’éclairage était faible, là-haut, et que vous étiez loin des lampadaires, on ne pouvait que remarquer que ton corps était très particulier. Tu aurais pu passer pour quelqu’un d’étrange, qui aimait abuser du maquillage et des teintures phosphorescentes – une jeune fêtarde, en somme.

Chaque partie de toi émettait une bioluminescence très particulière : tes iris habituellement couleur améthyste étaient devenus jaunes-dorés, ta peau était bleue-violacée et quelques mèches d’un rose éclatant dépassaient – encadrant ton visage. La partie plus lumineuse, indéniablement, de ton visage, étaient tes yeux. Mais, on pouvait clairement comprendre que tu n’aurais pas cet accoutrement pour partir en mission : si tu portais du maquillage nocturne, en t’éclairant normalement, on verrait d’autres couleurs plus discrètes, mais tu ne portais rien. C’était naturel. On ne verrait que ta peau nue et tes cheveux à moitié déteints, arborant partiellement leur couleur naturelle.

— Sinon… C’pas cool pour ton casque. J’avais pas prévu que tu sois dans le lot. commentas-tu, prenant un mikado avant d’en proposer à ton aîné, lui tendant le paquet comme si de rien n’était. Mine de rien, c’était ce qui s’assemblait le plus à une excuse, de ta part – tu n’étais pas du genre à t’excuser, en général. Après un court silence, pendant lequel tu détaillas indiscrètement le quinquagénaire, tu achevas ton discours avec un air sérieux qui contrastait beaucoup avec la nature de tes mots : N’empêche, t’es beaucoup plus violable en vrai. J’dis pas que t’sois pas photogénique, au contraire, mais les photos peuvent pas capter vraiment des trucs comme le charisme et le charme de certains.

Inutile de préciser que tu avais dit ceci en toute naturalité.
Tu avais le mérite d’être franche, au moins.