C’est elle… La fillette qui poignarda Bruce Wayne, jadis, aux premières heures où il combattait le crime. C'est cette rencontre qui participa, entre autre, à l’élaboration du costume du Chevalier Noir, car Batman estimait qu'il n'était pas assez craint.

Holly se souvient de la terreur ; un sentiment qui dominait tous les autres à cette époque. Usée, épuisée par l’angoisse alors qu’elle n’était qu’un bout de chou, elle fuyait la maison où elle grandissait, parce qu'y vivaient des gens mauvais. Violence et mal nutrition, cloisonnement et solitude, misère et ignorance ; naïve comme elle était, la petite Robinson pensait vraiment que les rues de Gotham étaient plus tendres…

Qu'on le croit ou non, la petite Holly était un coupe-jarrets errant dans les rues... Rues dans lesquelles elle rackettait et faisait les poubelles, avant d’y fabriquer son petit sanctuaire sous un pont, avec le bric-à-brac qu'elle trouvait sur place. Elle fut très vite repérée, et récupérée par un proxénète qui s'y était prit d'abord avec quelques billets verts et seulement ensuite avec des bonbons... Ses ennuis avec la police commencèrent donc très tôt. Ayant été signalisée à maintes reprises, elle avait constamment la police à ses trousses, son quotidien se résumant en un cycle de petits larcins, de racolage, de refus d'obtempérer, d'absence aux convocations, de parutions devant les corps disciplinaires, son casier judiciaire est long comme le bras, et donne généralement le cafard aux policiers qui doivent s'en charger...

Un jour, Monsieur Wayne parcourait les rues de l'East End, les mains dans les poches et le visage imbriqué dans son col. Incognito... Holly faisait quant à elle ce qu'on lui ordonnait de faire : proposer, vendre sa compagnie, son "propriétaire" lui ayant apprit les rudiments du métier d'une façon que la bienséance somme de taire. En tous cas, sa petite taille et sa voix juvénile trahissait son âge. Elle avait beau être maquillée comme une putain, porter une mini-jupe et des haut-talons, elle ressemblait à une adolescente, tout au plus... Chose que Monsieur Wayne, dégouté par ce qu'il voyait, fit remarquer au proxénète.

Selina était présente, elles aussi, assistant à la scène depuis la fenêtre de sa chambre, voyant l'échange entre les deux hommes qui s'enflammait. La lame d'un couteau s'éleva vers le justicier, on y allait aussi avec les poings. Tout le monde partait en vrille sur le trottoir ; des hommes de mains, et même des prostituées s'étaient misent à s'en prendre à Bruce Wayne... Holly, également, s'empara du couteau qui échappa des mains de l'un des belligérants et poignarda sauvagement le milliardaire à la cuisse. Va-t-en ! Dégage !

La petite Robinson, c'était juste une pute qui défendait son gagne pain. Une pute de treize ans, certes, qui avait déjà conscience de l'écosystème dans lequel elle vivait. Une situation si perturbante qu'elle éveilla la justicière qui sommeillait en Selina qui, sautant de ses hauteurs, prêta main forte à un Wayne prêt à faillir. Enfin... Si l'on veut être précis, Selina tira plutôt le bras de Holly pour la dégager du pugilat avant qu'elle ne devienne une meurtrière, comme s'il lui fallait arracher cette mauvaise herbe à sa vie de chien.

Selina la prit sous son aile un temps. Sans aucun doute l'une de ces périodes les plus clémentes et les plus heureuses de sa vie. Un épisode marquant puisque Holly se souvient encore du jour où Selina tenta de lui inculquer quelque chose. Le proxénète lui apprenait à satisfaire les hommes, quant à Selina, elle lui montra que, plutôt que de se vendre, elles pouvaient aussi prendre -voler- sans avoir à se donner... C'est ainsi que Catwoman naquit plus tard, et l'inexorable se produisit. A contre cœur, Selina dû laisser Holly dans un orphelinat, au bon soin et entre les mains de sa sœur, Maggie Kyle. Sous le masque de Catwoman, Selina s'assura depuis les toits que la fillette ne manquait de rien. A distance, elles s'échangèrent alors un dernier regard, Holly contenant sa tristesse, son amertume, avant que la femme-chat ne se volatilise dans la nuit... Elle lui avait dit qu'elle ne reviendrait pas... La voix douce de Maggie souffla alors derrière elle. "Il est temps d'aller au lit jeune fille. Tu as école demain". Elle était gentille, Maggie. Holly l'aimait beaucoup aussi.

Les règles dans l'orphelinat étaient stricts. Normalement stricts, mais que vaut la Discipline devant la Liberté ? Holly n'était pas militaire, seulement une orpheline qui aimait l'oxygène et les grands espaces.

Un nouveau drame eut lieu et fini de convaincre la jeune fille qu'elle ne trouverait son salut qu'auprès d'elle-même, sans espoir de compter sur les autres. Un gradé du GCPD abusa d'elle, il s'appelait Strunk. La justice et les médias auraient dû se déchainer, mais l'affaire sera étouffée par un haut-fonctionnaire de police. Selina avait dit qu'elle ne reviendrait pas, et pourtant, informée de la situation par sa sœur, elle revint auprès de Holly.
Le Capitaine était un vétéran qui servait dans la police depuis vingt-sept ans. Il allait à l'église tous les dimanche, n'a jamais pris un centime qu'il n'a pas gagné. Il avait acquit le respect des flics de son département et la bienveillance de leurs familles. Il n'oubliait jamais leurs anniversaires, ni les dates commémoratives, et il a un jour promu une femme au grade de Commandant. Il était bien sous tous rapports. Fin de l'histoire. Il n'y a rien à voir.

Selina mena son enquête et traqua le Capitaine, mais Batman parvient à la convaincre de ne pas tuer Strunk. Holly ne croyait plus en rien, surtout pas en "l'humain". Elle ne demanda pas à ce que Selina risque sa vie ; "ne laisse pas sortir le chat", lui fit-elle. Mais la Justice... La Justice était encore l'un de ces mots touchants qui n'avait pas de tangibilité concrète. C'était un doux rêve, une hallucination, qui ne prenait forme et ne s'exerçait que pour ceux qui avaient les moyens de se l'offrir. Pour Holly, cette Justice, c'est un peu comme une pute de l'East End prisonnière d'un jeu érotico-maniaque dans lequel on lui aurait bandé les yeux. Il y aura suffisamment d'ordures pour exploiter cette dame aussi.

La jeune Robinson s'enfuit de l'orphelinat par la suite, et si on lui demandait quelle était la plus grande douleur au monde, elle répondrait humblement qu'il s'agit de l'existence...
Sa vie infernale recommença. Sans y mettre le lavis d’une couche littéraire, elle était à peine plus âgée quand d'autres de ses ravisseurs l'enlevèrent dans l'arrière salle d'une discothèque. D'abord en lui présentant des stupéfiants. La drogue, comme les opiacés, c'est toujours gratuit au début. Puis, une adolescente ivre et en proie au désespoir n'est pas difficile à convaincre...

Ensuite, c'est la descente aux enfers pour Holly. Rapidement accroc, dépendante, malléable ; prête à subir toutes les humiliations en échanges d'une dose. Personne n’a besoin des détails, mais on ne l'envoyait pas vraiment dans des établissements de bons gouts. Il y avait des endroits, ici à Gotham, où l'on employait exactement le même jargon que dans les abattoirs. Il arrivait même qu'on héberge les filles en batterie, comme des petits poussins ; une révolution industrielle, un exode urbain vers les bas-fonds. C'est aussi et surtout ça, Gotham. Tout ce temps à défiler, passe après passe, dans les réseaux de tous les excès et de tous les fétiches marqua Holly à jamais. On la chosifiait, érodant son humanité à mesure que les années passaient. Son cœur s'endurcit, lui aussi ; à présent, ce n'est plus qu'un petit caillou fatigué de ressentir. Ses yeux se sont ouverts plus grands, et lui montrèrent jusqu'où l'âme humaine était prête à s'encrasser. Ça s'est produit dans les quartiers rouges de la ville. A l'abri des regards, là où le Diable résidait... et le Diable avait un faible pour Holly.

Tout aurait pu prendre fin comme au premier jour de sa naissance ; dans les cris, le sang et les larmes. Alors que la banlieue rencontrait une vague de meurtres, les prostituées étant ciblées, Holly se réfugia dans l'une de leur ancienne planque… Elle y croisa par miracle Selina qui avait à faire dans le secteur. C'est là que sa protectrice l'a pris définitivement sous son aile. Notamment parce que Holly lui démontra qu’elle n’avait pas froid aux yeux et qu’elle voulait protéger les filles de l’East End quoi qu’il lui en coute.

Selina insuffla en elle tout ce qu'il fallait de Savoir et de Détermination pour qu'elle puisse retomber sur ses pattes. Pour se faire, elle lui présenta Ted Grant, et après des années passées à étudier et à s'entrainer à leurs côtés, Holly parvint à porter secours à ses semblables. Si les habitants de sa banlieue pensaient aujourd'hui que Catwoman était de leur côté, c'est parce que Holly portait son masque ces nuits où elle y combattait le crime. Et comme il lui arrivait de subtiliser son costume à sa propriétaire, la jeune Robinson, qui ne cessait de grandir, continua de protéger les prostituées de l'East End.

Quant à ses méthodes. Certaines étaient au goût de Selina, ... et d'autres pas. Lorsque sa protectrice lui posa des questions, Holly lui trouvait toujours une raison d'agir comme elle le faisait ; Un violeur mort ne viole plus personne ! S'écria-t-elle un jour, s'enfuyant sur les toits pour y chercher la paix.
Darkseid, et des hommes de cette nature, Catwoman en a tué une poignée. Mais pour chacun d'entre eux, ce fut Holly qui portait le masque. Selina acceptait de prendre la charge de ces crimes, mais il y avait des disparitions, des morts, dont elle n'était pas toujours informée ; Je te demande pardon Selina... Cette fois j'arrête. C'est le dernier...

A ce jour, on ne saurait dire pourquoi Miss Kyle ferma les yeux sur le comportement toujours plus meurtrier de sa pupille. Peut-être qu'au fond, elle savait qu'en tentant de brider Holly, elle s'enfuirait à nouveau ? A moins qu'elle portait en elle le poids de la culpabilité ; si elle l'avait gardée auprès d'elle, Holly n'aurait jamais croisé le Capitaine Strunk ? Qu'au final, la jeune fille aux insatiables colères souffrait en fait à cause de ses décisions ? Elles n'en n'ont jamais parlés. Une chape de plomb s'installait chaque fois que le sujet était effleuré, parce qu'aucune d'entre elles ne voulaient emprunter les sentiers de la discorde.

Plus tard, les penchants meurtriers d'Holly s'exprimèrent à nouveau, malgré tout. La victime était l'ancienne collaboratrice de Selina, Irina, aussi connue sous le nom de Sylvia Sinclair, poignardée par Holly Robinson parce qu'elle menaçait de mort Selina.

Est-ce qu'elle y prenait goût ? Mais goût à quoi dans ce cas ? ... A la vengeance ? Au châtiment ? ... Il est vrai que le fouet avait changé de main, mais ça n'avait rien d'un jeu pour Holly. C'est la colère d'Achille quand il apprend la mort de Patrocle ; de la même manière qu'Holly découvrait dans quel état Black Mask leur avait rendu Maggie Kyle. Qui peut juger ça ? Même Selina ne le peut pas. Holly voulait apporter une solution à moindre coût sentimental. Tuer, c'était participer à faire changer le quotidien des habitants de l'East End. C'était offrir à quelqu'un l'opportunité d'avancer, de poursuivre sa vie. C'est pouvoir respirer, comme après avoir pulvérisé le moustique qui perturbait la nuit, dirait Holly.

Maggie, pauvre Maggie. Dans son plan diabolique, Black Mask se servit d'elle comme d'un appât pour attirer Catwoman dans un piège. Il l'avait tant torturée qu'il la leur restitua dans un état catatonique. La sœur Kyle de retour auprès des siens, Holly tâcha de lui rendre visite aussi souvent que possible, assurant à Selina que cette fois-ci, c'est elle qui prendrait soin de sa sœur. Et c'est ce qu'elle fit, et fait encore à ce jour.

Aujourd’hui, Holly vit toujours dans l’appartement qu’elle occupait avec Selina. Elle a soutenu sa campagne électorale, et veille aujourd’hui sur la meute de chats que son amie avait recueilli dans l’East End. Dont le vieil Otto qui leur survivra surement. C’est un siamois. Ainsi qu’une nouvelle venue, un petit chaton noir qu’elle baptisa Kitty, troisième du nom, ne sachant pas si elle resterait.

Elle finit par trouver un emploi de Bartender dans un night-club de l’East End, mais ne le garda malheureusement pas longtemps. On lui faisait du chantage en quelque sorte ; les enfers revenaient la menacer, prêts à l’engloutir à nouveau. Elle refusa donc la « proposition » qui lui fut faite, non sans défigurer quelques visages pour se dégager une sortie, puis s’en alla en quête d’un patron qui saurait lui témoigner du respect. C’était malheureusement un quotidien connu de certaines filles dans l’East End. Vouloir changer de vie ne suffit pas toujours ; ceux qui tirent les ficelles -comme les gangs, la pègre, parfois même les autorités- le voyaient peut-être autrement. Même si ce n’est plus vrai, Robinson sera toujours vu comme une prostituée. Ça lui marque la peau… comme les tatouages bovins.