Tout remontait à il y a quelques mois, fin juillet plus précisément, lors d’une manifestation organisée par Anarky. Ecologie était le principal sujet de cette scène qui s’était passée en bordure de forêt, dans le but de faire annuler un chantier d’un dénommé Peterson. La principale raison pour laquelle Judith s’y était pointée, c’était d’en parler dans son propre petit journal trouvable facilement sur la toile. Et elle avait bien pensée que cela s’arrêterait là lorsqu’elle était repartie sur son vélo, qu’elle parlerait de Anarky face aux forces de l’ordre, d’une Poison Ivy entrée dans une rage aveugle suite à un tir de sniper… Elle fit cela, mais l’histoire ne s’arrêta pas là pour la journaliste en herbe. En effet, sur place, elle avait pris quelques photos, avait un peu filmée, de quoi agrémenter son article, et à force de les regarder, un détail finit par s’imposer à la jeune femme. Un détail d’une photo qui n’avait pas pour sujet ce qui s’avérait finalement intéressant. Lors de la manifestation, la police avait fini par lâcher des bonbonnes emplies d’une mousse étrange qui avait mis au sol les plantes pleine de hargne envoyés par Ivy… Et tout habitant de Gotham qui se tenait au courant de ce qui se passait dans sa ville qu’il fallait ne pas y aller de mains mortes pour venir à bout des enfants de l’ennemie de Batman. Judith sentait que tout cela cachait quelque chose, qu’il y avait anguille sous roche. Et personne ne semblait s’en être rendue compte… Qui de mieux placée qu’elle pour mener l’enquête dans ce cas-là ?

Deux mois suivirent. Elle recoupa ses photos, celles de manifestants, vérifia les sources, et finit par valider ce qu’elle avait trouvée. Ses bonbonnes avaient le nom du GCPD, mais également de WayneTech, qui trônaient fièrement sur elles. Elle tenait un gros morceau, quelque chose qui aboutirait peut-être bien à un très bel article à écrire. Mais des questions découlaient de tout cela. Voulait-elle vraiment se lancer dans tout cela ? Si oui, comment s’y prendre ? Combien de temps cela lui prendrait ? Tant de questions qui mirent du temps à trouver leurs réponses, qui peut tenir en une seule : Elle avait à faire cela. Que ce soit maintenant ou bien quand elle aurait trente-sept ans, c’était sa vocation que de partager l’information. Alors elle avait fini par se plonger dans les coins sombres d’internet, à la recherche d’un numéro. Un numéro d’une personne qui pourrait lui fournir des documents attestant d’une identité n’étant pas la sienne. Elle avait pour objectif de se faire engager chez WayneTech, et il était évident que postuler en tant qu’étudiante en journaliste se finirait simplement par une personne qui lui rirait au nez. Grifter. C’était finalement le numéro attribué à ce nom qu’elle avait fini par trouver. Mercenaire paraissait-il, mais qui pouvait apparemment élargir son domaine à différentes activités tant qu’elle restait illégale.
Un message avait été envoyée le soir de sa trouvaille, pour une réponse le lendemain, tôt dans la matinée. Un rendez-vous avait été fixé le mercredi prochain, dans un bar inconnu de Judith, pour vingt-deux heures. Elle ne savait pas véritablement à quoi s’attendre, mais elle avait assuré ses arrières. Un message envoyée à Florence le lundi pour lui proposer un verre dans ce même bar, sachant pertinemment qu’elle ne pourrait pas ce soir-là puisqu’elle lui avait répétée maintes et maintes fois que c’était sa soirée solidaire. Un reproche de ne pas l’écouter, certes, mais une personne qui aurait une idée d’où elle avait passé sa soirée s’il lui arrivait quelque chose. En attendant, il lui restait désormais plus ou moins trois jours pour finir de se préparer à cela. Elle préférait être méfiante pour rien que de se jeter bêtement dans la gueule d’un mercenaire qui connaissait surement bien cinquante façons de la neutraliser.

Finalement, mercredi était arrivée, et la nuit était tombée sur Gotham alors que Judith vérifiait sur son téléphone le lieu et l’horaire donnée par Grifter. Dans son sac se trouvait déjà une bombe à poivre, ses véritables papiers, et de quoi payer le service rendu. Elle était décidée, elle allait se plonger corps et âme dans cette affaire, et ne s’en extirperait que lorsqu’elle aurait ce qu’elle recherche, à savoir la vérité qui se cachait derrière cette mousse. Peu importe ce qu’elle devrait laisser derrière elle, elle le sentait, elle le savait, cette affaire finirait de faire elle une nouvelle grande journaliste de la ville, on parlerait d’elle et on arrêterait de la traiter comme une simple étudiante. Même si elle l’était. L’horloge tourna, la poussant finalement à s’extirper de son appartement en prétextant une soirée avec des amis à ses parents. Un vent frais soufflait sur les pavés de la ville, alors que Judith marchait à vive allure en direction du quartier de Little Odessa. Elle arriva dix minutes en avance, quelques mètres à côté des portes du bar, contre le bâtiment qui l’abritait. Son regard se mit à aller de l’heure qu’affichait sa montre mauvais prix, pour qu’on ne vienne pas l’importuner en voulant la récupérer, aux différents individus qui pénétraient dans le bar. Elle n’avait pas véritablement d’idées à quoi ressemblait Grifter, s’il viendrait en tenues normales, de civils, ou bien s’il avait un costume spécifique de mercenaire. Elle se faisait discrète, patientant jusqu’à l’arrivée de celui-ci. Elle espérait qu’il ne lui poserait pas de lapin pour une quelconque raison, de la méfiance à un empêchement de dernière minutes. S’il ne venait pas, elle ne prendrait pas le risque de le recontacter, et devrait sans doute repartir dans d’importantes recherches pour obtenir des affaires qui attestent d’une identité qui n’est pas la sienne… Et puis elle finit par entendre des pas se diriger vers elle alors qu’elle avait baissée son regard vers son téléphone. Des pas calmes, sûrs d’eux, qui s’arrêtèrent face à elle. Les pas de Grifter, qui la firent relever le regard en amorçant une formule de politesse.

« - Bonsoir. »

Pas de noms prononcés, dans l’éventualité qu’elle se soit imaginée trop rapidement qu’il s’agissait de son rendez-vous, une main se glissant dans sa poche où se trouvait la bombe au poivre au cas où. Tout était réfléchi, Judith savait les risques qu’elle courrait, et pourquoi elle les avait néanmoins pris.

Judith eut rapidement la confirmation que l’homme qui lui faisait face était celui avec lequel elle avait pris rendez-vous pour obtenir ses faux papiers. Invitée à le suivre, elle se retrouva alors assise à une table avec l’homme, alors qu’une musique démarrait, plutôt mauvaise. Mais à vrai dire, peu de personnes ne semblaient ici pour véritablement apprécier la musique. Non, comme elle et ce dénommé Grifter, tous semblaient être en train de conclure quelques affaires plus ou moins illicites.

« - Phoebe Dawn, vingt-cinq ans, fraichement débarquée d’Angleterre après avoir finie des études d’ingénieuse dans l’université de Bristol. Tout est noté ici, avec ma taille, couleur de mes yeux, ces conneries.

Répondit-elle d’une traite, sans hésitation. Elle avait longuement réfléchi à cette nouvelle identité désirée, au point de finir par la connaitre par cœur. Et pendant qu’elle avait donnée ces informations, elle avait extirpé de sa sacoche une pochette, l’ouvrant pour donner la feuille sur laquelle contenait tous les détails sur cette Phoebe Dawn à Grifter. Cependant, elle s’interrompit en voyant arriver le serveur du bar. Pendant que son interlocuteur passait sa commande, elle jeta un coup d’œil aux tables alentours, pour vérifier un doute. C’était bien ce qui lui semblait, au vu du peu de personnes avec une assiette posée sur leurs tables, une boisson suffirait certainement.

- Une pinte s’il-vous-plait.

Dit-elle simplement en se retournant vers le serveur, qui nota rapidement la demande de cette table. Son attention pût alors revenir sur le trafiquant, tandis que sa main ouvrait à nouveau sa pochette pour lui tendre la feuille sur laquelle figurait les données désirées pour sa fausse identité.

- Merci pour l’information, je m’en suis douté en voyant qu’il n’y avait qu’un seul type qui avait pris à manger, là-bas…

Déclara-t-elle avec un geste de la tête vers une table… Vide ? Elle chercha un instant son larron, avant de réaliser qu’il était en train de courir jusqu’aux toilettes. Un sourire moqueur naquit alors sur ses lèvres, pendant qu’elle concentrait à nouveau sur la discussion avec son fournisseur. Judith s’interrogeait sur l’identité derrière son masque, depuis combien de temps il faisait cela, qu’est-ce qui l’avait décidé ? Choix, obligation ? A Gotham, milles-et-unes réponses à cette question cohabitaient ensemble, comme pour toutes les autres interrogations que l’on pouvait un jour se poser dans cette étrange ville.

- Vous donnez toujours rendez-vous ici ? »

Le questionna-t-elle, finissant par se laisser aller à sa curiosité de journaliste, démarrant doucement mais surement son interrogatoire. Plus ou moins malgré elle.