Fraichement promu Sergent, déjà un mort sur la conscience à cause d’une erreur. Protéger Eugenia de la traque des métas semble avoir était un échec également. L’impression de tourner en rond. Pas le temps de voir Elena. Puis finalement succomber à la tentation des somnifères afin d’avoir au moins une heure complète de sommeil, quitte à devenir accroc aux médicaments – déjà trop tard, il le sait, même que ça passe très bien avec la vodka (la notice ment). C’est avec cet état d’esprit particulièrement pessimiste – mais loin d’être inhabituel -, qu’Elio attend son supérieur près de la voiture de fonction. Il hésite à s’allumer une clope. Flass ne semble pas être du genre à s’embêter avec le règlement, cela ne devrait pas le déranger. Il n’a aucune preuve, le Sergent ne le connait pas très bien, c’est seulement l’impression qu’il lui donne.

Avec un soupire, il renonce à l’attendre debout comme un con et entre dans la voiture, puis s’appuie contre le volant. C’est pas forcément confortable, mais c’est déjà mieux qu’avoir mal aux jambes. Cela le fait chier de le réaliser, Faith lui manque déjà. Ce n’est pas pour ça qu’il ne l’a plus au-dessus de son épaule, à surveiller chaque mouvement de son stylo tel un bourreau s’apprêtant à décapiter une pauvre victime. Ils restent partenaires particuliers. Cela reste étrange. Comme quoi on s’habitue rapidement aux petits messieurs grincheux. Ils sont presque mignons à râler tout le temps. Le Sergent Phillips ricane tout seul ; avale sa salive de travers lorsque la porte s’ouvre soudainement.

- Ah, Lieutenant Flass. Bonjour. Désolé j’ai préféré vous attendre à l’intérieur.

Pour monter qu’il est sérieux et que tout ce manège n’est pas dû à une immense flemme mais bien la motivation de travailler, Elio démarre la voiture. Pas de retour en arrière. Il ne peut plus échapper à sa première mission avec le Lieutenant. Direction Triconer Yards pour enquêter dans un entrepôt.

Le sergent jette un œil à son supérieur officiel, et se retient de faire une quelconque expression indiquant qu’il juge la tenue de ce dernier. Et surtout l’odeur caractéristique d’une nuit qui n’a rien de chaste qui parvient à son nez. Cela en dit long sur le sérieux du lieutenant Flass – qui ne plaisante cependant pas sur l’armement. Elio a bien fait de lire le rapport et d’avoir bonne mémoire. Sinon ils seraient pas dans la merde.

- Merci, lieutenant. C’est un petit gang qui commence à se faire connaître, et en provoque d’autres. Il y a eu une émeute il y a quelques jours qui a fini en bain de sang, un autre gang qui n’est pas content qu’ils fassent concurrence à leur commerce... Ils auraient un entrepôt plein de cocaïne pas loin des docks, possible qu’il y ait autre chose.  

Une soirée normale à Gotham, en somme. Enfin, peut-être même plus charmante que la normalité, vu tout ce qui traine en ville. Il n’aurait jamais pu rejoindre une brigade qui s’occupe de meurtres. Non mais sérieusement, les criminels devraient utiliser leur créativité pour autre chose que faire des sculptures de civils – ou peu importe ce que ces psychopathes faisaient avec les corps.

Tout en conduisant, il jette quelquefois des regards discrets vers son supérieur. C’est l’occasion parfaite de voir comment ce dernier travail ; et prendre la fuite s’il réalise qu’il a fait le mauvais choix. Ou rester, même si les rumeurs sur la corruption disaient vraies, car cela peut toujours être utile ? Ou pour essayer de le piéger et le jeter en prison ? Nah… Elio n’est pas assez intelligent pour manipuler ainsi. D’autant plus que Flass semblait l’avoir cerné sans même le connaitre, mieux valait ne pas se mettre en travers de son chemin. Et puis tout cela, ce n’était que des suppositions et des possibilités.

Il se gare assez loin de l’entrepôt, et se penche au-dessus de son volant pour observer les alentours. Oui. L’endroit craint comme il s’y attendait. Mais avec les superbes armes de Flass, ça devrait aller.

- Un plan, lieutenant ?

Ou bien ils se jettent directement dans l’aventure, comme Phillips a l’habitude de faire ; et de regretter ensuite.