Je vérifie une dernière fois l’adresse avant de partir. Pourquoi un lieu aussi désolé ?

Je n’avais pas poussé la question plus avant, connaissant Lisbeth il y avait une raison et si elle ne figurait dans le sms, c’est qu’elle ne devait pas y figurer. Une peur que le message soit intercepté ?

L’interrogation m’avait travaillée depuis la réception quelques jours auparavant, mais je l’avais lentement écarté de mon esprit. Mener une double vie était déjà suffisamment éreintant pour les nerfs sans avoir en plus à gérer les secrets des autres.

Pourtant, tout remontait à présent, au fond de ma tête, une pensée s’agiter, une peur. Et si c’était un piège ? J’avais confiance en Lisbeth autant que je puisse avoir en un humain, mais mille scénarios se jouaient dans mon esprit. Peut-être n’était pas celle qui avait envoyé le message ? Peut-être l’y avait-on forcé ? Les malades de cette ville ne reculaient devant rien et j’étais bien placée pour le savoir…

Mais lorsque mes talents claquèrent sur le béton du bas-côté en descendant du bus et qu’elle découvrit le spectacle, toutes ces pensées s’envolèrent.

Devant mes yeux s’étendait un spectacle époustouflant, celui d’une tentative, d’un espoir. Je ne sentis pas mon sac quitter mon épaule et choir sur le trottoir, ni ne me préoccupais des larmes qui embuaient mes yeux. Au fond de moi, en tendant les doigts, je sentais ces vies naître et tenter de survivre dans ce milieu hostile.

« Hep, y’a un soucis ? »

Je ne tournais pas mon regard avant qu’il ne soit trop proche pour pouvoir espérer qu’il s’adresse à quelqu’un d’autre. Il était descendu en même temps que moi. Ses longs regards insistants n’avaient pas vraiment attirés mon attention, habituée à ce genre de traitements par les primates peuplant cette ville, mais soudainement je sentais bouillonner en moi une froide colère. Le siens avaient fait ça, ils avaient rendu cet endroit malpropre à la survie et alors que j’assistais à un miracle, on venait me déranger…

Je sentais son regard sur moi et je le voyais voyager entre mon épaule, mon sac et mes courbes. Le mouvement de sa langue sur ses lèvres me renseigner sur son état émotionnel et son regard sur le trouble de ses intentions. Je le voyais hésiter, devait-il continuer son approche, tenter sa chance, ou fuir avec le sac pour tout trophée ?

Je décidais sur lui et prenais le pas sur ses pensées futiles. Lui adressant un regard langoureux assorti d’un sourire lascif, je ramenais une mèche derrière mon oreille.

- Quelle idiote je fais, j’ai laissé tombé mon sac. Seriez-vous assez aimable pour … ?

Je n’ai pas même besoin de finir qu’il se plie déjà pour récupérer ce que quelques instants plus tôt encore il souhaitait me dérober. Je peux lire dans son regard son étonnement, son envie d’y croire, à cette chance. Je lui souris alors qu’il me rend le sac et pose ma main sur son bras, la refermant avec une poigne qui ne manque pas d’attirer un regard surpris.

- Accompagne moi.

Ma voix claque, sèche, alors que mon corps déploie son arsenal. Les artifices sociaux ne sont plus nécessaires à cette distance et j’inonde rapidement l’espace qui nous sépare de mes phéromones. Non sans un plaisir sadique, je lis son regard, l’étonnement d’abord, puis la peur et enfin, lentement, l’acceptation. Ses traits se détendent, son sourire se fait aussi idiot que son esprit et il opine benoîtement.

Le problème réglé, je lui fais signe et peut enfin me diriger vers le but de mon voyage, cette forme courbée que je distingue à moitié au milieu du terrain vague.

La terre est sèche, poudreuse et mes talons la martèle sans parvenir à dissimuler la colère qui animait il y a quelques instants encore mon cœur. Suivie de l’imbécile, je me dirige vers celle qui m’a invitée, peut-être la seule personne que j’ai vraiment envie de voir aujourd’hui.

- Lizzy ?