Sujet: Stendhal Syndrom | Ft/ Elio Phillips Ven 19 Nov 2021 - 20:53
Stendhal Syndrom
19 Novembre 2017 | L'art et ses vertiges...
Dahlia. Elle t’avait appelée Dahlia Larose. C’était le nom que tu lisais sur tes papiers d’identité. C’était le nom qui s’échappait de tes lèvres lorsqu’on te le demandait. C’était le nom qui hantait toutes tes pensées sans vraiment en faire partie. Qui étais-tu ? Quel âge avais-tu ? Pourquoi étais-tu ici ? Tu sentais son souffle sur la nuque, ses doigts enserrant ton être. Tu sentais aussi chacune de ses pensées, chacune de ses sensations… L’impression du manque, l’impression du vide. Comme si on t’avait arraché une partie de ton âme. Comme si tu n’aurais jamais dû être ici.
Tu étais Poison Ivy. Et en même temps, le miroir te criait que tu ne l’étais pas. Que tu ne l’avais jamais été.
La porte des toilettes s’ouvrit sur une silhouette longiligne. Les talons de la jeune femme claquaient sur le sol dans un équilibre parfait, comme s’il s’agissait pour elle d’une seconde nature. Ses cheveux roux répandaient leur éclat sur ses épaules fines qui se couvraient d’un élégant manteau gris et d’une écharpe de laine assortie. Elle les avait boutonnés jusqu’au menton, comme si elle craignait d’avoir froid, ce qui n’aurait pas manqué avec les chaussures dont elle s’était acoquinée.
Les températures étaient particulièrement descendues, il gelait de plus en plus fréquemment le matin, et les gothamites esquivaient de plus en plus les loisirs pour la chaleur douillette de leur demeure. Un lieu plein de courants d’air tel que le Gotham Museum était devenu la terreur des badauds, ce qui expliquait le peu de visiteurs qui pouvaient se targuer roder dans ses couloirs.
Dahlia était seule, et cette perspective, elle ne savait trop pourquoi, la réconfortait. Son esprit, habituellement toujours tenaillé par cette volonté étrangère, et en même temps, si familière, se sentait apaisé, libre. Pour une fois.
Elle ne savait trop ce qui l’avait amenée ici, mais il lui semblait connaître les lieux. Comme une réminiscence d’un été lointain, où elle promenait ses jeunes yeux sur un monde aux couleurs délavées, où elle entendait les paroles monocordes d’un guide, où ses pensées rejetaient en bloc les œuvres pour ne s’attarder que sur son retour… Elle ne pensait qu’à une seule personne, mais elle n’arrivait pas à se souvenir de qui il pouvait s’agir.
Toute à ses souvenirs, elle ne s’était pas rendue compte qu’elle s’était arrêtée face à une œuvre. Une jeune femme à l’œil féroce la dévisageait. Sur fond d’orage, les vagues lueurs du crépuscule ou de l’aube pointaient au-dessus de l’horizon, son poing vengeur brandissant une tête décapitée. Comme un message. Comme une menace. La peinture avait beau avoir les yeux noirs, elle avait la sensation qu’un éclat vert y était imprimé.
Il lui glaçait la sève. Il la tétanisait.
Tant et si bien qu’elle ne s’était pas rendue compte qu’elle était restée au beau milieu du passage, et qu’il lui suffit de quelques pas arrière pour percuter un autre visiteur.
« Pardon, c’est ma faute, je ne voulais pas… »
Sa voix sonnait étrangement. Elle était mélodieuse, mais avait une fragilité qu’elle ne se reconnaissait pas. Elle s’en étonnait toujours, mais faisait mine de rien. Les serres lui intimaient d’avoir l’air digne, d’avoir l’air professionnelle. Elle était là pour la représenter, elle était là pour diriger.
Mais cette fois, rien. Elle ne pouvait que promener un regard perplexe sur ce monde qui se découvrait à elle, tenter de sourire à l’inconnu avec cette juvénilité qui était la sienne, tenter de trouver une place en ces lieux si froids, alors que son être hurlait de revenir à la chaleur de son monde à elle.
Si elle pouvait en avoir le droit… Mais Ivy lui avait donné un rôle, et elle se devait de le jouer.
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Sujet: Re: Stendhal Syndrom | Ft/ Elio Phillips Mar 23 Nov 2021 - 17:02
Stendhal syndrom
Elio reconnaissait son manque de culture, portant peu d’intérêt envers ce qui ne concernait pas ses passions - ce qui ne l’empêchait pas d’admirer le travail derrière une œuvre. Ainsi les musées n’étaient pas les lieux qu’il pensait à fréquenter durant son temps libre, il s’y était rendu aujourd’hui en mémoire de son fiancé, Simeon, qui l’y trainait de force du temps de son vivant. En cette glaciale journée de novembre, les courants d’air n’apportaient aucun réconfort, au contraire lui rappelait l’absence d’une voix expliquant avec enthousiaste à quel point « Picasso était un connard ». Il pouvait néanmoins apprécier le calme, qui changeait du tumulte de son quotidien, loin d’une Elena Volgin à impressionner et d’un Liam Faith à fuir. Seul avec ses pensées, voyageant entre statues et tableaux.
Tête baissée alors qu’il contemplait les raisons de sa venue ici, il contourna la figure sur son passage, comme il l’avait fait avec les quelques rares personnes présentes. Au moment où il passait dans son dos, la figue recula et le bouscula. Il leva le nez pour s’empresser de s’excuser par réflexe, et resta bouche bée devant la beauté de la femme. Le jeune homme se fit la réflexion qu’elle pourrait bien être actrice, ou agent secret, capable de capturer les cœurs d’un simple sourire. Alors qu’il contemplait ses lèvres écarlates, les siennes se fermaient enfin avant qu’il ne se force à relever les yeux. Il déglutit, puis sourit à son tour.
- Ce n’est rien… D’habitude c’est moi qui bouscule les autres.
Son sourire s’agrandit et, curieux, il jeta un œil au tableau à côté d’eux. Il fût frappé par la noirceur de ce dernier, autant que par le regard de la femme qui tenait de ses mains délicates un glaive et une tête. La peinture provoqua en lui un malaise qu’il ne saurait décrire, ainsi préféra-t-il se détourner de cette vision angoissante pour le joli minois de sa nouvelle rencontre.
- Voilà qui est bien sombre. Il n’y a pratiquement que cela dans le musée… On fuit la violence de Gotham et on la voit ici. Peut-être que c’est… Comment on dit déjà…Catha… ? Cathartique.
Il avait entendu le mot de Simeon, lors d’un monologue passionné sur le théâtre auquel il n’avait pas tout saisi, juste le principal. Elio haussa les épaules, continuant sa réflexion sans, pour une fois, craindre de déranger son interlocutrice.
- Je n’en sais trop rien, je trouve ça juste dommage que l’on soit entouré de ce genre de choses.
Art is coming face to face with yourself or so i heard
Dahlia n’était pas particulièrement physionomiste. Comment aurait-elle pu, elle n’était pas humaine après tout. Elle arrivait à percevoir leurs différences physiques entre chacun, parfois avait-elle un vague souvenir d’une personne ressemblant à une tête qui se présentait. Celui qui lui faisait face, elle ne savait trop, lui évoquait un sourire rassurant, peut-être un peu gêné. Un sourire qu’elle avait vu un soir d’été, à l’ombre de lampes électriques où les moustiques se plaisaient à venir se loger. Elle se rappelait qu’elle aurait pu y prêter davantage attention s’il n’y avait eu celui qui captivait toutes ses pensées. Elle n’arrivait pas à se souvenir ni de l’un, ni de l’autre, tout lui échappait encore et encore, mais celui qui lui faisait face lui laissait un arrière-goût de chaleur bienvenue dans ce couloir si malmené par les courants d’air.
Le silence gêné entre l’inconnu et elle s’étira davantage. Ils se jaugeaient l’un et l’autre d’une façon singulière, se mouvant comme s’ils semblaient tout aussi mal à l’aise dans leurs trop grands corps, elle le rattrapant singulièrement alors qu’il était d’assez bonne taille pour dominer n’importe qui. Le tableau revint captiver leurs regards, ou plutôt, les effrayer davantage. La lueur avait disparu dans les grands yeux de biche de la représentation, mais il lui semblait pour autant qu’elle lui adressait toujours cet avertissement silencieux qu’elle avait cru percevoir.
Les mots de l’inconnu vinrent la distraire, cherchant à accrocher son attention, ou à exprimer toutes les pensées qui lui venait en tête. Ses yeux verts se posèrent sur l’homme, lui adressant un sourire désolé, pas tant pour ses paroles qu’encore et toujours pour l’avoir dérangé de la sorte. Elle eu un silence, puis finit elle-même par sentir le flot de sa voix trop fluette s’élever, des réminiscences de connaissances de jadis lui venant en même temps que la parole :
« C’est une scène de la Bible. Judith ramène au peuple juif la tête du général babylonien Holopherne pour raviver leur foi et les convaincre de résister à l’envahisseur. »
Elle s’interrompit, surprise elle-même par cette information, mais il lui semblait avoir lu pour la classe l’histoire de Judith, il y a plus longtemps encore que le souvenir précédent. D’autres informations lui vinrent, bien qu’elle ne s’y attendait pas plus.
« Les histoires antiques et bibliques qui inspirent les œuvres d’art sont particulièrement violentes pour cette catharsis dont vous parliez. Elles illustrent les châtiments que peuvent subir les hommes qui osent se dresser face aux dieux. On écoute les histoires des anciens, on les voit représentées au théâtre et on voit les œuvres qui les représentent pour se libérer de nos pulsions noires. Celles qui nous pousseraient à commettre des actes irréparables. On se rappelle alors que l'on est que le jouet de puissances qui nous dépassent, l'instrument d'une foi. »
Elle eu un autre silence, presque désolée que ses propres paroles illustrent trop bien sa propre situation. Ses yeux finir par se placer sur l’homme qui lui faisait face avec une sorte de pudeur dans l’expression, comme si elle hésitait encore. Elle finit par reprendre :
« Il y a plus loin des représentations champêtres du XIXe siècle, ce sera peut-être plus joyeux… Enfin si cela vous dit de m’accompagner… ? Je me nomme Dahlia, et vous..? »
Il écouta attentivement sa nouvelle rencontre lui parler art, laissant les souvenirs d’un temps révolu remonter à la surface. Elio ne pensait pas un jour pouvoir éprouver de la nostalgie pour une personne, et voilà qu’il découvrait cette douce amertume. Un courant d’air le fit frissonner, comme si la Mort souhaitait rappeler qu’elle veillait sur tous les gothamites. Il ne croyait pas au destin, toujours pas à Dieu, mais lorsque son regard croisa le sien il crut y voir son propre reflet. Sans doute n’était-ce qu’un jeu de son esprit. L’envie d’être compris par quelqu’un.
- J’en serais ravi… Dahlia. Je ne veux pas paraître lourd alors que nous venons de nous rencontrer, mais cela vous va bien. Enfin… Euh… Elio. Mon prénom.
L’origine n’était pas « Elijah », ses parents loin d’être religieux n’auraient jamais choisi une référence biblique pour leur fils, mais « Helios ». Ce qui le laissait extrêmement confus, puisqu’il se pensait loin d’être brillant. Chaleureux peut-être, il espérait l’être assez pour réchauffer une fleur dans un musée glacial. Surpris tout d’abord par son propre lyrisme, il en fût ensuite honteux. Outre la lourdeur de ces pensées, il ne se pensait pas digne d’une personne aussi charmante qu’elle. Elle méritait quelqu’un capable de la protéger de Gotham. Lui ne pouvait offrir qu’une maigre consolation, de par sa présence et ses paroles.
Il marcha à ses côtés dans le couloir, leurs chaussures résonnant contre les murs à chaque pas sur le marbre ; ils étaient définitivement seuls ici. Alors que ses yeux parcouraient les tableaux, appréciant les différents paysages, il reprit parole.
- Quand j’étais jeune j’habitais près de la mer. Cela me manque. J’apprécie la nature, néanmoins je ne m’y rends pas souvent. Tous les jours, il n’y a que la crasse de Gotham…
Il lui semblait pour cette raison qu’elle ne venait pas d’ici. Lui, avait été habitué à la criminalité, depuis longtemps, à Atlantic City d’où il venait, et ici ; elle, paraissait bien trop délicate, bien trop pure, pour ce genre d’endroit. Et son cœur se sera à nouveau, car il ne pouvait s’empêcher de penser à ce qui pouvait lui arriver.
- Pensez-vous que sans l’art, les humains oublieraient d’où ils viennent ? Ce musée a l’air d’être en dehors de Gotham… Comme une autre dimension. Non ?
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Le carrelage claquait du son de leurs pas, formant une douce harmonie dans laquelle Dahlia laissait ses pensées se perdre. Il lui semblait que la froideur de ce lieu de pierre s’atténuait dans cette nouvelle compagnie. Bien que l’humanité lui semble encore si inconnue, elle ne comprenait que trop bien la manière dont ces mammifères bipèdes ne pouvaient s’empêcher de chercher la présence de leurs semblables. Elle n’avait jamais été habituée au silence. Elle n’était, auparavant, que le membre d’un infini réseau, qui s’étendait de toutes parts. Elle se souvenait avec nostalgie de la berceuse du Vert et ses chuchotements, comme un océan duquel on l’avait extraite pour lui donner individualité. Pour la faire devenir Ivy, pour qu’elle se rappelle de ce passé qu’elle avait vécu, et qui, à la fois, n’était pas le sien… Et que Poison Ivy, sa créatrice la prénomme Dahlia.
Les mots de celui qui lui disait être Elio lui parvinrent comme on souffle un rêve. Ils réchauffaient délicatement sa sève, la berçait dans ce récit intime qu’il lui comptait. Elle avait déjà pu admirer la mer polluée qui entourait Gotham. Il lui semblait que le flot noir d’encre était assez épais pour l’engloutir toute entière et ne jamais lui permettre de pouvoir remonter. Pour autant, elle le savait, la couche terrible cachait quelque chose d’inimaginable aux yeux des hommes, comme la crasse pouvait cacher l’or…
« Vous savez, la baie de Gotham n’est pas une mer si terrible. Elle se révélerai certainement aussi belle que l’eau de votre enfance si vous en connaissiez les trésors biologiques qui s’y nichent…C’est comme… »
Ses mots se perdirent un instant dans l’admiration de jeux d’enfants au milieu de la campagne. Les fleurs étaient peintes d’une bien délicieuse manière, éclatant dans le vert des champs comme des gros bouquets pâles. Pour autant, cela lui semblait d’une fadeur à en mourir tant l’homme n’arrivait à saisir la beauté incommensurable de son monde à elle. Pouvait-il seulement y parvenir ? Les projets de Poison Ivy, les projets de leur reine, de leur championne, pouvaient-ils seulement aboutir ? N’étaient-ils pas condamnés à la destruction sous l’indifférence farouche de l’homme ? A ces pensées macabres, elle ne put s’empêcher de se tendre, ses mains venant s’accrocher au bras d’Elio, comme pour ne pas sombrer.
« Comme découvrir la vraie couleur des peintures après les avoir restaurées. On retire la couche de vernis abîmée, la crasse des ans, et soudainement, tout semble reprendre vie… »
Elle eu un de ses autres silences, semblant méditer sur les paroles de celui qu’elle accompagnait avant de finalement lui répondre :
« IJe crois que la création est intimement liée à la vie. Même si l’homme n’en était pas un, il créerait quand même, quand bien même le “véritable” humain serait trop inculte en tant qu’homo sapiens pour comprendre quoi que cela à cet art… Même si notre monde était détruit, même si la civilisation s’écroulait, je pense que l’on continuerait à jouer du Shakespeare, car cela nous parle, cela évoque quelque chose en nous. L’art nous a permis de communiquer avec les dieux, communiquer avec les autres communautés, nous parer, nous glorifier, nous représenter dans notre fragilité d’homme…Sans art, nous ne serions rien, sans art, nous n'arriverions à mettre en scène nos réflexions, nos pensées… Sans art, nos traces pour les générations futures ne seraient plus. Et vous, qu’en pensez vous, Elio ? »
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Sujet: Re: Stendhal Syndrom | Ft/ Elio Phillips Mar 1 Mar 2022 - 1:08
Stendhal syndrom
Les mains autour de son bras le remplirent d’une tristesse qu’il ne pouvait définir, comme spectateur d’un drame, sans pouvoir agir. Dahlia, en cet instant, lui paraissait éphémère. Cette rencontre, oni-rique. Un musée vide, lui, et cette femme, un reflet de lui-même, aussi perdue que lui. Infiniment tou-chante. Ce n’était pas sur lui qu’elle devrait se reposer. Elle méritait un homme capable de la porter, tendre une main pour la sortir de ces marécages sombres, sans fond, un chevalier. Lui n’en avait pas l’étoffe, il prétendrait seulement pour le temps qu’il passerait avec elle aujourd’hui, et cet amour inno-cent qu’il ressentait ; un parfait fin’amor comme le chantaient les troubadours, si le courage et le ly-risme avaient été dans ses cordes. Les paroles de la belle perçaient son cœur sensible, malgré la faible armure qu’il avait construite autour. Il dû tourner la tête pour cacher ses yeux embués, feignant obser-ver un tableau plus loin. Sous la crasse, s’il parvenait à la nettoyer, trouverait-il un jour le bonheur ?
- Je ne comprends pas l’art comme un passionné, je reconnais le talent, les émotions… Mais vous par-lez comme quelqu’un que je connaissais. L’art, c’était la seule conversation sérieuse que j’avais avec lui, ce qui nous a rapproché. Je ne suis pas un expert, mais il écoutait, comme vous m’écoutez mainte-nant. Je ne crois pas en Dieu, ni aux Dieux… Néanmoins s’il nous permettait de créer un avenir plus sûr entre humains… J’en serai ravi.
Il tourna les yeux vers elle, se plongea dans la contemplation de la couleur de ses cheveux, son visage, ses yeux. Bien plus belle création que toutes les œuvres ici, tout aussi inatteignables. Un nouveau pin-cement au cœur. Il entrouvrit les lèvres mais ne trouva pas les mots. Rien ne semblait juste, ou néces-saire. Alors il se contenta de lui sourire, et la guider au prochain tableau d’un pas lent. Le temps ne pouvait être ralenti, néanmoins ses pas pouvaient retarder leur séparation.
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Sujet: Re: Stendhal Syndrom | Ft/ Elio Phillips Dim 6 Mar 2022 - 8:52
Stendhal Syndrom
19 Novembre 2017 | L'art et ses vertiges...
Autour d’eux, le silence s’était fait. La foule qui venait et vaquait entre les œuvres venait de fondre pour ne leur laisser que cet espace d’éternité où ses mains s’accrochaient à ce bras. Les yeux tendaient de se joindre sans jamais vraiment le pouvoir, comme retenus par les émotions partagées. Elle remarquait son regard qui s’illuminait de lueurs nouvelles, son regard qui lui rappelait que trop bien le sien et qui en cet instant, préférait s’attarder sur les pales imitations de nature champêtre plutôt que sur celle qui l’accompagnait.
Elle ne pouvait lui en vouloir, mais ressentait pourtant une douleur inexplicable en elle. Une part de son être aurait voulu lui demander de la regarder, hurler qu’il la contemple, qu’il lui fasse sentir à quel point elle existait en ce monde et y avait sa place. Pourtant, n’était-ce pas ce que tous semblaient vouloir lui dire quand leurs regards rampaient sur sa peau ? Pourquoi ne se sentait-elle vivante, ne se sentait-elle réelle, qu’ici et maintenant, alors même que tous les hommes se pâmaient de sa beauté ? Parce qu’au-delà de toute l’illusion de son apparence, il lui semblait qu’il l’écoutait, et par-dessus tout, qu’il la comprenait… ? Était-ce cela qui l’affolait de sentiments si éprouvants, à percer la sève de feu... ?
« Je suis… Je suis persuadée pour ma part que la divinité existe… Qu’elle m’a créé à son image. »
Ses paroles semblaient comme sorties du contexte, une soudaine tentative de retour à la dure réalité, mais elle sentait que trop bien qu’elle ne pouvait laisser faire ce violent présent, qu’elle ne pouvait s’empêcher de vouloir, rien qu’un moment, les enfermer en une bulle de rêve.
« Mais… Le propre de l’homme est de pouvoir prendre ses décisions. De devenir créateur à son tour, pour changer le monde. Vous pouvez devenir le propre dieu de ce monde… Ou de cette ville que vous trouvez si désolée, Elio. L’art n’est qu’un geste sans valeur logique aux yeux de la factualité de notre univers, mais… Il a du sens pour le cœur. »
Il lui semblait en cet instant être devenue elle ne savait quelle muse. Ses mots coulaient de ses lèvres jusqu’à atteindre le peintre se tenant désormais face à elle. Leurs yeux s’accrochaient davantage désormais qu’ils avaient cessé de cheminer, se trouvant presque à la fin du parcours. Leurs pas avaient ralenti si proches de la sortie, pour au final cesser sur cet instant d’intimité où tout ne semblait se jouer qu’entre eux deux.
Dahlia découvrait encore et encore de nouvelles choses sur l’humain en chaque instant, mais dans les bribes d’images qui lui venaient de son elle passé, il lui semblait devoir exorciser quelque chose. Elle aurait dû, il y a longtemps, happer ce sourire rassurant du soir d’été, se perdre en d’autres bras plutôt que prendre la main de son futur bourreau. Et il lui semblait, inexorablement, que l’éphémère instant qui se jouait désormais, était de ceux qu’elle dont elle ne devait perdre une miette. Quitte à ne plus jamais le vivre.
Ses lèvres se lancèrent, venant se déposer sur celles de l’inconnu qui lui avait tenu compagnie, à la faveur de ce moment inqualifiable, de cet instant volé. Elle en sentait le goût chaud, la texture abimée de froid, et elle ne pouvait s’empêcher, en cet instant, de l’aimer tout entier, de chercher davantage de cette promiscuité rassurante qu’il lui avait offert le temps de cette promenade.
Pour autant, elle le savait, il n’y aurait jamais rien de plus.
Le rêve se stoppait sitôt que leurs visages se séparèrent, sitôt que leurs pas d’ensemble trouvèrent leur dissonance à l’extérieur du musée. Le froid venait fendre leur intimité, et la beauté n’était désormais plus qu’une brève illusion dans la rue. Ses yeux verts se portaient encore sur lui, ses cheveux roux balayés par le vent, sa voix s’élevant une dernière fois :
« Merci Elio. Je sais que vous pourrez être celui qui créera un avenir plus sûr… Le mien me semble plus doux à supporter de vous avoir connu. »
Elle ne su jamais si le vent de Gotham permis à ses mots de l’atteindre. Dahlia n’était plus qu’un songe, disparue à jamais, laissant pourtant sa graine s’épanouir en l’être qu’elle avait rencontré.