Deux semaines. Ça faisait deux semaines que Gin, ton chat, est mort. À peine deux semaines. Bien entendu, tu étais anéanti, meurtri, comme quelqu’un qui aurait perdu un membre proche de la famille – après tout, c’est ce qu’il était pour toi : de la famille. Même s’il t’avait assuré que l’être à qui tu faisais endosser la responsabilité de cet accident n’y était pas pour grande chose, tu ne pouvais qu’en vouloir ce foutu troll. Ce gros sac à merde aurait mieux fait de foutre la paix à ton chat, mais au lieu de ça, il l’avait chopé comme un bourrin et, logiquement, Gin ne s’était pas laissé faire.
Toutefois, un ou deux détails que ton chat avait mentionnés et l’état de son corps quand tu l’as récupéré t’ont permis de comprendre que, quoi qu’il en ait été, il serait quand même mort. Peut-être que c’était mieux ainsi, surtout, quand tu reçus les résultats des analyses et de l’opération qu’il avait subi avant d’être enlevé : lymphome multicentrique à un stade assez avancé et il y avait des métastases... En somme, un cancer en phase 3 qui se développait très vite, qui avait échappé à tes radars et à ceux du vétérinaire, de par le fait qu’il a toujours semblé être en bonne santé malgré la fatigue et la perte progressive d’appétit.
Décidément, tu n’étais pas au plus haut de ta forme et tu avais beaucoup de choses en tête. Tu avais porté plainte contre le vétérinaire qui s’occupait de ton chat pour s’être trompé dans son diagnostic et avoir pratiqué une opération que tu n’avais pas autorisé sur Gin, mais, aussi, parce qu’il n’avait pas été assez professionnel en laissant que son assistante s’occupe de lui, ce qui aurait pu faire que le cancer soit passé à la trappe lors des précédentes visites. L’avocat que Garash avait payé pour le coup était très bon, et, clairement, tu comptais ruiner la clinique vétérinaire en question pour ceci – tu n’étais pas le seul à les dénoncer, donc ça risquait d’être vite expédié.

En attendant, même si tu exécrais la foule et que tu n’avais pas envie de passer froid, dehors, tu ne supportais pas d’être seul à la maison. Il y avait encore l’odeur de ton chat, ses jouets, son arbre et son panier… Même une pisse sur le tapis de ton bureau et une crotte mal enterrée dans le pot d’une de tes plantes préférées. Gin savait bien qu’il ne devait pas gratter certains pots et, pourtant, il adorait le parfum de la menthe douce et avait l’habite de chier dedans quand vous vous y attendiez le moins.
D’habitude, tu nettoyais les plantes quand il faisait ça, mais, cette fois-ci, tu l’as laissé et tu as bien demandé à Garash de ne rien toucher – après tout, les plantes sur la terrasse étaient sous ta responsabilité, parce que lui, il s’en cognait. Daegan faisait de son mieux pour te remonter le moral, mais, bon… il ne pouvait pas être h24/j7 collé à toi et tu ne voulais, surtout, pas être désagréable envers lui. Tu n’avais plus que lui et encore, ton estime et ta confiance ne volaient pas bien haut, ces jours-ci.

Sans trop réfléchir, tu as passé une bonne partie de la journée dehors.
Tu as traîné çà et là, prenant des rames de métro au hasard quand tu te lassais d’un endroit ou qu’un caprice traversait ton esprit. Tu ne te souviens pas de tous les endroits où tu as été, aujourd’hui, mais tu sais que le dernier métro que tu as pris était parti d’Old Gotham pour te déposer du côté de Chinatown. Tu n’avais envie de rien, tu voulais juste te changer les idées, au moins, la partie asiatique de la ville promettait de t’occuper un moment. Les magasins fermaient plus tard et il y avait beaucoup de choses pour capter ton attention.
D’ailleurs, si tu ne mangeais pas des masses depuis que Gin était mort, il fallait bien avouer que tu avais faim et qu’il fallait que tu prennes quelque chose pour ne pas tomber dans les pâmes. En ce moment, la tristesse était toujours présente, mais c’est la frustration, la colère, l’impuissance et la confusion qui se bousculaient brusquement en toi, bloquant tout le reste. Tu détestais ce que tu étais, actuellement, parce que ça te rappelait ta période en asile psychiatrique et en maison de correction – clairement, pas ce dont tu avais besoin.
Tu avais pris un peu de cash et l’une de tes cartes prépaiement bien chargée parce qu’il fallait que tu t’achètes un nouveau téléphone. Tout en grignotant un gros corn dog que tu avais acheté à Koreatown, tu es entré dans un magasin d’électronique où tu n’as pas trop traîné. Tu as pris un smartphone assez cher, mais qui te semblait être suffisamment performant pour que tu puisses le bidouiller et l’adapter à tes propres besoins – coder dessus, supporter beaucoup de jeux, etc.
Ça avait retenu l’attention de deux autres clients, car il faut croire que ce n’était pas le genre d’achats que les gens de cette zone-là accoutumaient à voir, surtout, de la part d’un étranger aux allures suspectes, telles que toi. Il faut dire que tu étais couvert de la tête aux pieds et qu’on ne voyait que tes yeux à cause de ton masque et de ton écharpe – et encore, tu n’avais pas mis de barrettes, donc tu avais les cheveux sur le visage. Tes vêtements étaient complètement noirs, à l’exception des détails et petits accessoires métalliques.
Il n’était pas difficile de te prendre pour un adolescent imprudent et aisé, pas bien musclé et pas très bavard. Le genre de personnes que ces gens détestaient et qu’ils pensaient être faciles à braquer. Alors, en sortant du magasin, un troisième type s’est joint à eux et ils t’ont suivi pendant un moment. Tu ne semblais pas avoir prêté attention à eux, encore moins quand ils t’ont interpelé – après tout, pouvoir apercevoir le câble de tes écouteurs pendouiller par-dessus ton écharpe. Te pousser brusquement dans une ruelle sombre pour essayer de t’arracher ton sac à dos et te dévaliser fut la plus grosse erreur de trois jeunes jopok.
Oui, ils étaient plus baraqués et nombreux que toi, mais sous-estimer un inconnu, surtout quelqu’un avait la hargne au corps, comme toi, aurait pu leur coûter très cher. Bon, tu t’es pris quelques coups parce qu’ils t’ont attaqué en traître, mais ça n’a fait que t’enrager encore plus et tu les as frappés comme une brute jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus bouger. Tu avais le coin des lèvres pété, une éraflure à l’arcade et une entaille sur la capuche parce qu’on a voulu te poignarder, ceci dit, au final, c’est la lame d’une de tes bottes qui a planté plusieurs fois l’un d’entre eux.

Tu n’as repris tes esprits que lorsque tu as vu qu’ils n’arrivaient pas à se lever et que deux avaient perdu conscience. Visiblement blasé, les mains et le visage tachés de sang, tu t’es vaguement essuyé tout en enjambant tes assaillants, poussant un petit soupir d’agacement et de soulagement. Tu avais un peu mal à cause du coup que tu avais pris au visage et du fait que tu avais frappé un peu trop fort avec tes mains – alors que tu n’étais pas habitué –, mais, au moins, tu te sentais un peu moins frustré et tu avais encore plus faim. Au moins, sur du noir, on ne voyait pas les taches de sang, juste un peu de poussière d’être tombé quand ils t’ont poussé la première fois.
En sortant de la ruelle, rentrant la lame de ta botte avec un petit coup sur le talon, tu t’es rendu compte que tu n’étais plus à Koreatown, mais à Little Tokyo. C’était un quartier que tu adorais et que tu n’avais pas visité que deux fois depuis ton arrivée à Gotham. Gin adorait les sushis d’un resto en particulier où vous aviez pris à emporter peu de temps après que Daegan te laisse seul avec Jacob.

C’était quoi le nom de la boîte, déjà ?
AH, l’Assiette de Geisha !

Le meilleur restaurant japonais de la ville, à ton avis. Ton ventre gargouilla un peu en y pensant, ce qui te fit rire jaune. Tu n’allais, indéniablement, pas pouvoir te changer les idées de sitôt, mais, au moins, tu allais bien manger. Tu marchas à travers les rues du quartier à la recherche du restaurant de tes souvenirs, espérant qu’il n’aurait pas fermé ou changé d’endroit – et ce n’était pas le cas, heureusement !
Rapidement, tu t’époussetas d’une main et rajustas ton masque avant d’entrer. Ce ne fut qu’en poussant la porte que tu remarquas que tu avais une entaille dessus, puisque tu avais dégouliné du sang sur la porte. Tu n’étais pas très présentable, mais, à ton avis, tu n’étais pas le cas le plus sordide qu’ils ont dû croiser – surtout, dans une zone où la mafia était aussi active. En croisant un serveur, qui te regarda un peu de travers, suspicieux, tu grattas un peu ta joue avec ta main épargnée – enfin, tu avais quand même les jointures égratignées et rougies.
Tu le saluas vaguement en inclinant la tête avant de demander où étaient les toilettes. Ce n’était que pour les clients, selon le serveur, mais tu en étais un. Tu fronças les sourcils et le dévisageas par-dessus ton masque. D’un pas léger et visiblement agacé, tu lâchas ton sac sur une chaise, dans une table au hasard que tu pris. Sourcils froncés, tu retiras ton écharpe et la jetas sur la même chaise.
Tu ne voulais pas attirer autant l’attention, mais ton regard disait qu’il ne fallait pas trop jouer avec tes nerfs. Tu n’étais pas malpoli, mais c’était très limite, actuellement. Pour adoucir la chose, même si tu n’y pouvais rien, tu pris une profonde inspiration et sortis une petite trousse de ton sac tout en regardant le serveur.

— Sorry. J’ai dégouliné sur vot’porte d’entrée. Je l’dis parce que c’est un bon resto et j’veux pas d’emmerdes. t’excusas-tu assez sèchement. Vous emmerdez pas à me dire le menu, j’sais déjà c’que j’vais prendre : 1 Tonkotsu miso ramen, 1 Unadon, 1 Tempura de légumes, 1 Sashimi de thon, uni et flétan... et… 1 plateau de sushis variés. J’prends aussi la soupe de miso qui vient avec l’Unadon.

À peine passée commande, tu t’éclipsas dans la salle de bain pour te rafistoler un peu. Tu te lavas les mains et utilisas la petite trousse médicale que tu avais pris mettre des sutures autocollantes, un bandage et quelques pansements. Tu profitas pour essuyer le sang de tes chaussures avant de retourner à ta table pour attendre ta commande, te laissant lourdement tomber sur une chaise – masque retiré, mais pas la capuche. Tu n’avais pas une allure d’être adepte des bastons, mais tu ne semblais pas, non plus, avoir honte de t’être fait cogner, parce que tu les avais massacrés sans remords – et ça, ça t’avait fait du bien.

Comment pouvais-tu ne pas avoir vu la perche asiatique qui était assise à la table où tu avais aussi négligemment balancé tes affaires. Ce pauvre type n’avait rien demandé, mais tu étais trop à côté de la plaque quand tu es arrivé et que tu t’es installé pour le remarquer. Urg, et voilà que tu commençais à avoir une migraine d’enfer. Tu en avais aussi eu une bonne, hier. Tu avais essayé de prendre ce que tu avais de plus fort contre la douleur parce que tu ne la supportais plus et tu espérais vraiment que ça n’allait pas être CE genre de migraine-là, parce que les médicaments n’avaient pas aidé.
Alors, quand le brun s’adressa à toi et que tu réalisas, enfin, qu’il était là, tu levas brusquement la tête. Tu le regardas lui, puis tu regardas autour avant de le regarder encore. Ce n’était pas bien difficile de comprendre que tu te demandais d’où il était sorti, mais que tu t’étais rendu compte qu’il était là depuis un moment parce que tu avais remarqué que le pauvre était en train de manger – il essayait, du moins.
Au vu de son accent, ses soucis de prononciation et, surtout, le ano très caractéristique au début de son intervention, ce fut facile de deviner que ce type serait certainement plus à l’aise en parlant japonais qu’anglais. Tu ne voulais pas lui manquer au respect, même si tu étais un gros con arrogant quand tu étais en société. Pour le coup, tu te sentais stupide. Tu aurais très bien pu t’excuser et aller ailleurs, mais tu entendis quelqu’un parler coréen dehors et, même si tu écoutais le type te demander poliment de te trouver une autre table, la façon dont tu t’étais crispé et regardé vers la porte aurait presque pu lui faire croire que tu ne l’avais pas écouté.
Si le nippon était complètement blasé, toi, de ton côté, tu étais très lunatique. Tu étais en colère, frustré, triste, tu douillais et tout ce que tu voulais, mais malgré ton humeur maussade et ta frustration, tes émotions étaient moins stables que les valeurs des cryptomonnaies les plus minables du marché.

— Ah… Gomen. soufflas-tu, avant de regarder le nippon et lui adresser un semblant d’inclinaison du buste. Je ne voulais pas m’incruster, je ne vous avais pas vu. Mais, dites, je peux à votre table ? Je ne vous parlerais pas et je ne prendrais pas trop de place, puis je ne vous dérangerais pas. Vous allez vite oublier que je suis là. lanças-tu en lui parlant en japonais. Tu étais beaucoup plus poli quand tu parlais cette langue qu’en anglais. Certes, parfois tu avais un petit accent, mais on voyait que tu n’en étais pas à ton premier coup. Ton langage n’était pas recherché, c’était plus le fruit d’échanges, culture geek et de voyages : le japonais quotidien, en somme, même si tu devais réfléchir pour trouver certains mots, puisque tu ne parlais pas souvent cette langue. Enfin… j’espère qu’entendre un gaijin parler en japonais ne vous offensera pas, j’ai pensé que vous seriez plus à l’aise.

Tu marquas une courte pause, grattant un peu ta joue avec ton index. Ce n’était vraiment pas dans tes habitudes de faire ce que tu venais de faire : t’incruster à la table d’un inconnu et, surtout, lui taper la causette. Tu n’as pas eu le temps de dire au serveur d’attendre, au cas où on voulait vraiment que tu dégages, avant qu’il pose les premiers plats sur la table. Le malaise fut encore plus présent à cet instant-là.

— Je… hm… pour m’excuser du dérangement, puis-je vous inviter ? Je veux dire… que ce soit pour payer la note ou à boire quelque chose après... ajoutas-tu, lui adressé un sourire gêné avant de grimacer à cause de la blessure au coin de tes lèvres. Tu claquas la langue contre ton palais, fronçant un peu les sourcils avant de frotter un peu le pansement que tu y avais mis. Foutus coréens.

Ces deux derniers mots avaient été prononcés en anglais, par contre. Tu ne pensais pas les avoir dits, tu avais pensé à voix haute. Tu n’avais pas haussé la voix, ce fut plutôt un murmure et ton visage avait, une fois de plus, changé.
Cette fois-ci, à cause de cette pensée pour tes assaillants, ton sourire avait failli s’effacer : ton regard contrastait avec l'air amical que tu tentais de préserver, tes lèvres avaient tremblé et tu avais des tics nerveux à une paupière et un sourcil. Tu ne savais pas si les trois jopoks allaient s’en sortir sans séquelles, mais tu regrettais de ne pas les avoir frappés moins fort pour pouvoir les cogner plus longtemps. Ce qui était fait, était fait. Urg, en plus, Daegan risquait de grogner quand il rentrera et qu’il te verra dans cet état.

Le nippon semblait aussi peu enclin à la discussion qu’à avoir de la compagnie et, bien que tu t’attendais presque à ce qu’il insiste pour que tu partes, il ne le fit pas. Il se contenta de manger, écouter et passer de nouveau commande quand on vint t’apporter le reste de la tienne. Tu organisas tes plats de façon à ce qu’ils ne prennent pas trop de place – comme promis.
Tout en passant ta langue sur la blessure au coin des lèvres, tu pris des baguettes. Tu étais en train de séparer tes baguettes quand tu le brun te tendre un petit pot avec un baume qui, comme il disait, avait une odeur très forte. Tu haussas un sourcil, surpris par son geste, mais en soi, tu le trouvais ça très gentil. Tu posas tes baguettes sur le coin du bol de miso ramen et pris ce que l’inconnu te tendait, lui adressant un léger sourire – notamment, lorsque tes narines descelèrent la présence de carotte dans le baume.

— Merci, c’est gentil. Oh ? Avec des huiles essentielles de carotte, c’est sûr que votre baume doit être excellent. commentas-tu, prenant juste un peu pour la blessure au coin des lèvres et les deux jointures des doigts qui étaient en pire état avant de lui rendre le baume. Je vous en dois une ! Pas une carotte, hein, j’adore les carottes, dans tous les sens du terme – ou presque –, mais je n’ai pas de raisons pour vous carotter.

Tu avais l’air de plaisanter, mais ce n’était qu’à moitié parce que tu étais sérieux par rapport au fait que tu lui devais une faveur – au moins, sur ce plan-là, tu étais du genre réglos. Tu pris le temps de glisser ta franche et les mèches qui encadraient ton visage dans ton bonnet, pour qu’elles en trempent dans ta nourriture, avant de commencer à manger tes miso ramen.
Même si tu n’aimais pas utiliser des couverts, en général, les baguettes étaient une exception et tu semblais être très à l’aise avec les tiennes. D’un point de vue externe, tu étais pratiquement en train d’engloutir ta commande, mais ça, c’était parce que personne ici ne t’avait vraiment vu en train de manger, avant. Tu prenais un peu ton temps, faisant parfois des pauses où tes yeux se rivaient sur le sashimi. En effet, tu n’étais pas en train de lui taper la causette et, contrairement à tout à l’heure, tu semblais être pratiquement inexpressif en mangeant.
Clairement, tu étais perdu dans tes pensées, mais ton regard trahissait le fait que ce qui occupait ton esprit devait te mettre mal et, soit t’énerver, soit te frustrer, puisque tu serrais parfois la mâchoire – et ce, sans te rendre compte. Lorsqu’il ne resta que le sashimi et que tu pris un morceau de thon rouge, tu t’accoudas sur la table, regardant le morceau de poisson prisonnier entre tes baguettes avec un certain dédain.

— Pourquoi pas ? J’suis toujours à temps... murmuras-tu en anglais, continuant de réfléchir. C’branleur… Pour c’qu’il en fait, il n’aura pas besoin d’ses mains.

Tu pensais au vétérinaire à cause duquel ton chat était mort.
Certes, il devait mourir, mais ça aurait pu être évité : autant si le troll l’avait laissé tranquille, comme si le véto aurait fait son travail correctement. Tu avais vraiment envie de faire plus que lui pourrir la vie. Gagner le procès à venir n’allait pas être difficile avec les moyens de Garash, mais tu voulais vraiment donner une leçon à ce vétérinaire à deux cents. Peut-être lui couper les mains ? Le pousser sous une voiture ? Peut-être, simplement, le harceler et le ruiner jusqu’à ce qu’il se tue lui-même ? Tch. Trop simple ou pas assez, à tes yeux, mais tu allais certainement faire en sorte qu’il ne puisse plus utiliser ses mains et/ou ses jambes, au moins.
Une connaissance te devait une faveur, tu pouvais toujours lui demander de s’occuper de cette vermine. Ça vaudrait le coup, parce qu’il ne pourrait plus exercer, car les dénonces qu’il avait actuellement n’étaient pas suffisantes pour lui faire perdre sa licence – il serait sûrement mis sur le banc de touche un temps, mais c’est tout. Jusqu’à avant ta première mort et la trahison de Jacob, tu n’aurais pas fait la moitié des choses que tu oserais faire maintenant.
Certes, frauder, hacker, voler par internet ou lors de certaines missions ne t’a jamais posé problème, mais, en dehors de ta sœur, tu n’avais jamais essayé de tuer ou tué quelqu’un – autres que des créatures nuisibles. Tu n’as jamais écouté vraiment tes envies de meurtre ou de violence parce que c’était une perte de temps et que ça pouvait t’apporter des problèmes, mais tu ne t’en souciais plus vraiment.
Bien évidemment, en dehors du plaisir que tu prenais dans certaines bagarres, tu n’allais pas toujours mettre à exécution les conneries qui te passaient par la tête, tu étais trop flemmard pour ça, mais dans le cas de la vermine qui t’avait trahie et des certaines personnes comme ce vétérinaire à la con, tu étais prêt à te salir les mains.

La bagarre t’était pratiquement sortie de la tête et la perte de ton chat était revenue à l’assaut, te faisant ruminer et tirer la tronche, mais, au moins, tu mangeais avec envie. Tu mangeais pour deux, puisque tu te disais que ton chat aurait adoré pouvoir remanger la nourriture de ce restaurant. Tu grognas un peu, mangeant le poisson plus lentement que le reste de ton repas.
D’ailleurs, lorsqu’un serveur passa récupérer des assiettes vides pour faire de la place sur la table, tu profitas pour commander encore deux autres unadon, une soupe d’udon aux crevettes extra épicée et une grande assiette de gyozas.

Il te fallait plus de nourriture.
Ça allait t'occuper, au moins, quelques instants de plus.

Et, bien sûr, comme si ce n’était pas suffisant, alors que tu grognais et mangeais, pensant aux supplices que tu pourrais faire subir au connard qui avait condamné ton chat, un autre sujet surgit dans ton esprit – te minant encore plus le moral : ce que les fées et le troll avaient dit, l’évidence des faits et la façon dont ton professeur et Daegan t’avaient soutenus. Certes, tu ne pouvais rien y faire, mais tu n’avais pas vraiment parlé à ton compagnon de ce qui s’était vraiment passé. Tu lui avais dit pour ton chat, mais tu n’avais pas encore partagé ta découverte avec lui. Tu savais, juste, que Garash était déjà au courant et que, même Kreg et Vral savaient que tu n’étais pas un humain v2.0.

Confus ?
Oh que oui…

Le fait d’apprendre que tu avais du sang féerique n’avait pas arrangé ta situation, ni ne facilitait ton quotidien. Ça n’avait fait qu’apporter plus de discorde dans ton quotidien, même si tu ne savais pas ce qu’il allait en être à long terme. Tu n’avais pas la moindre idée d’où est-ce que cette merde pouvait venir, car l’héritage était assez frais. Il ne remontait pas aussi loin que tu le pensais, mais tu n’arrivais pas à comprendre où est-ce que tes calculs et tes informations avaient été faussées… Enfin, du moins, le peu d’informations que tu avais trouvées au sujet de ta famille.

Ce n’était, clairement, pas du côté de ta mère.
Peut-être de celui de ton père ?
Probablement…

Il allait vraiment falloir que tu fasses des recherches approfondies sans t’approcher de ta famille biologique. Tu n’avais envie de les voir, ni de les entendre : ni tes parents, ni tes grand-parents maternels, ni ta sœur n’étaient pas – ni n’ont jamais été – une vraie famille, pour toi. Karl, ton mentor, avait réussi à s’en débarrasser légalement via un accord judiciaire et il leur a même donné une bonne somme pour qu’ils ne s’approchent plus de toi ; surtout, pour qu’ils surveillent la tarée que tu avais pour cadette, même si, à l’heure qu’il est, elle doit sûrement en taule ou dans un asile psychiatrique – pour vu que ce soit le cas, tu le souhaitais très fort.

— Que de la vermine... murmuras-tu, avant d’entendre la voix du nippon avec qui tu partageais la table. Nani que quoi, hein ?

Tu eus un petit bug mental, croquant par mégarde dans tes baguettes avant de réaliser que tu avais certainement pensé à voix haute. Génial ! Doublement, génial. Voilà que tu avais coupé l’une des baguettes d’un coup de dents… Tu les sortis de ta bouche, regardant ce qui manquait avant de sortir la partie que tu avais bousillé en mâchouillant. Tu en avais fait la purée, pratiquement. Tu mis les baguettes cassées et ce que tu t’étais sorti de la bouche dans une serviette en papier avant de prendre une autre paire de baguettes, regardant ton interlocuteur.

— Ah… Ehm… J’ai pensé à voix haute, c’est ça ? Désolé, c’est une mauvaise habitude quand je me prends trop chou. soufflas-tu, grattant un peu ton cou, avant de séparer tes nouvelles baguettes. Tu poussas un long soupir, fronçant le nez avant d’ajouter : Principalement, c’est ce fils de pute que j’avais pour vétérinaire. Enfin, pas moi, mon chat. Ce connard faisait mal son boulot et passait outre certaines choses pour gratter plus d’argent aux gens. Il ne traitait pas mal les animaux, au moins, mais c’est encore pire, parce qu’il faisait genre de les aimer pour avoir plus de clients… J’sais pas si ça fait longtemps que t’es dans le coin, mais c’est le propriétaire de la clinique bourge du Fashion District nord qui a été saccagée le mois dernier et qui, maintenant, croule sous les plaintes et dénonces. C’était le véto préféré de Gin, mon chat. Je l’ai choisi parce que c’était pas bien loin d’où on créchait et parce que ce traître m’avait dit qu’il aimait bien l’endroit. Tu m’étonnes ! S’il se faisait se faisait soudoyer avec de la nourriture, grattouiller par les pétasses qui y bossaient et autres… Même pour le toilettage, Gin ne voulait aller que là-bas parce que la toiletteuse a des gros seins et elle le prenait souvent dans les bras. Il était vraiment con, mais putain, c’était mon petit con à moi...

On peut dire que ce n’était plus le même registre.
Tu n’étais pas malpoli, mais ton langage était plus… fleuri, maintenant. Ce n’était pas que tu étais particulièrement à l’aise, tu n’avais juste pas fait attention – tout comme le fait que tu avais inconsciemment mentionné le fait que tu comprenais ton chat. Puisque l’inconnu t’avait tutoyé, tu l’avais instinctivement tutoyé, également. Ta voix semblait un peu étouffée, tout à coup, et tu baissais un peu la voix au fur et à mesure que tu finissais ta phrase. Tu baissas la tête et mis une main sur tes yeux, tentant de ravaler les émotions qui te tourmentaient depuis que ton très cher confident est mort.
Quand même, ça faisait quelques mois que tu avais remarqué que son odeur avait légèrement changé et il avait souvent des problèmes digestifs, etc. Tu avais changé plusieurs fois de véto depuis que vous étiez arrivés à Gotham, mais celui-là était le meilleur que tu avais trouvé. En soi, pour les petits bilans, couper les ongles, toilettage, nourriture et autres trucs du genre, ce n’était pas un mauvais endroit, mais quand l’animal n’allait pas bien, c’était une autre histoire, visiblement… Gin ne s’en plaignait pas, puisqu’on le traitait comme un roi et les animaux ne savent pas quand on doit ou non leur faire des preuves déterminées.

— Si ce connard de vétérinaire avait fait son job, peut-être que mon chat aurait vécu plus longtemps et il aurait moins souffert. Il avait un cancer très avancé qui est passé sous les radars… De toutes façon, on n’a pas fait les preuves qu’il fallait. ajoutas-tu, serrant les dents avant de découvrir tes yeux, lentement. J’aurais dû lui foutre plus qu’un coup de poing dans la gueule. Maintenant, je vais avoir du mal à mettre la main sur lui à cause des allées retours des poulets, étant donné qu’il n’y a pas que moi qui veux lui niquer sa sale tronche de rat.

En soi, malgré toute cette bile que tu crachais, tu avais l’air plus blessé et impuissant qu'en colère et le ton que tu employais était très sec ; ce n’était pas contre ce yakuza, on pouvait clairement savoir que toute cette rancœur était dirigé envers l’ex-vétérinaire de ton chat. Tu étais quelqu’un de très rancunier et, si ta mémoire était assez sélective, tu n’allais certainement pas oublier tout ceci. Tu essayais de te contrôler, mais tu avais les yeux qui te sortaient de la tête à cause de la colère et de la migraine – tu avais besoin de décompresser.

— Et, en plus, il faut croire qu’avoir tabassé ces jopoks n’a pas réussi à me changer les idées. lanças-tu, avec un petit rire nerveux. Tu avais les nerfs à fleur de peau, tu étais à cran. Merde. Voilà que je prends la tête à un inconnu… Gomen.

Comme d’habitude, tu étais une grande gueule. Tu n’aimais pas raconter ta vie et, encore moins, à des inconnus – surtout, un gars qui semblait aussi encore moins doué que toi pour se faire des amis. Tu continuas de manger, vidant tes assiettes à bonne vitesse sans même laisser les décos comestibles, puisque tu n’aimais pas laisser de la nourriture dans un plat, surtout, si tu payais pour elle.
Urg… Et voilà que la fastidieuse douleur qui te vrillait parfois le crâne revenait. Tu avais tellement l’impression que quelqu’un s’amusait à clouer des trucs dans ta tête sur une poupée vaudou à ton effigie. C’était très désagréable. En temps normal, tu aurais pris un dessert étant donné que c’est ta partie préférée du repas, mais tu n’en avais pas envie, là.
Le brun se leva, laissant de l’argent sur la table pour payer pour ses consommations. Tu aurais bien râlé et insisté pour payer, puisque tu avais dit que tu allais le faire, mais, alors que tu allais sortir de quoi payer ta propre note, le nippon s’adressa à toi, te faisant tourner la tête vers lui – un peu surpris : tu pensais qu’il allait se barrer parce que tu le gonflais, mais… non, en fait, il t’observait et il t’avait carrément invité à aller te défouler. Avec lui, qui plus est !
Il avait beau être sec, ça te semblait presque gentil comme proposition. Il aurait pu simplement t’envoyer chier, mais non. Quoi que… peut-être qu’il entendait par vous défouler de vous cogner dessus ? Voulait-il te frapper pour l’avoir emmerdé ? Il y avait un doute dans un recoin de ton esprit, mais, puisque tu étais tordu et bizarre, ce n’était pas la première chose qui te venait en tête.

Cogner sur quelqu’un.
Voilà une exceeelleeente idée~♪

Tu te levas, laissant sur la table quelques billets aussi. Tu savais combien tu devais payer et que tu en avais trop laissé, mais, tu estimais qu’un bon pourboire était toujours le bienvenu avec un client aussi emmerdant que toi. Certes, tu savais que les japonais n’aimaient pas recevoir des pourboires, pour la plupart – c’était offensant dans leur culture –, mais ils étaient aux USA, pas au Japon.
Même si tu aurais eu du mal à bouger, tout à l’heure, tu semblais être maintenant boosté. Tu pris rapidement ton sac-à-dos, adressant un petit sourire en coin à ton interlocuteur, le regard pétillant à la mention de ce qu’il t’avait proposé. La violence n’était pas une solution à tout, mais souvent, ça faisait du bien et c’était une alternative comme une autre – la dernière que tu prenais, en général, puisque tu étais un fainéant invétéré.

— Haha, compte sur moi ! J’espère que tu n’as rien contre le sang ? lanças-tu, te rapprochant plus de lui, tout en remettant ton masque. Ton regard était plus sombre et intense sans voir ton sourire, ce qui te donnait un air plus inquiétant. Tu lui donnas un petit coup de coude, amicalement, tout en mettant tes mains dans les poches de ton hoodie. Enfin, quelque chose me dit que ça ne va pas trop te décoiffer. Au moins, je n’aurais pas à retenir mes coups.

En soi, ce type pouvait t’amener pratiquement où il voulait, ce soir.
Tu ne demandais pas où, tu allais le suivre et voir par toi-même.

En silence, tu as suivi le brun à l’extérieur. Une fois dans la rue, tu marchas à côté de lui, gardant les mains dans tes poches. Tu sentais que tu étais un peu ankylosé et que tu allais certainement avoir quelques bleus à cause de ta dernière bagarre ; tu aurais pu les éviter et les frapper en premier, plutôt que te laisser cogner au début, mais tu étais comme ça… Dans ton état d’esprit actuel, tu ne pouvais pas réfléchir convenablement et tu faisais des choix qui n’avaient ni queue ni tête.
Tes yeux se perdaient dans les lumières du quartier, sans vraiment faire attention à où pouvait bien t’amener le nippon. Même si les sons étaient étouffés légèrement ta capuche, tu avais toujours une bonne portée d’ouïe. Les bruits de la ville avaient quelque chose d’hypnotisant et, ironiquement, même si ça pouvait être stressant, tu ne savais pas vivre dans un milieu trop calme. Certes, tu pouvais apprécier la paix qui régnait dans la campagne, mais tu préférais le quotidien chaotique des grandes villes.
Des plaintes et gémissements de douleur te parvinrent avec plusieurs impacts et des voix, ça semblait être, encore, des foutus coréens et, quelle fut ta satisfaction quand le yakuza opta pour aller dans la ruelle où se trouvait un petit monde en train de tabasser quelqu’un qui était déjà bien amoché.

Six agresseurs et une victime au sol.
Aucun honneur, ma foi.

Tu ne cillas pas, toisant ces types avec un mépris et un amusement malsain qui ne pouvaient pas être dissimulés même si tu portais un masque qui couvrait ton nez et ta bouche – ton regard en disait long et, le choix de ton partenaire de méfaits semblait te satisfaire.
Les coréens, qu’ils soient civils ou non, ne semblaient pas apprécier votre arrivée – surtout, celle de ton accompagnant. Ils s’adressèrent à lui, tout en s’approchant, mais le japonais ne semblait pas se sentir vraiment concerné et se contenait de les fixer en silence.
Quand il se pencha un peu et qu’il regarda vers toi, tu compris qu’il allait passer à l’action, même si son visage ne trahissait en rien ce qu’il projetait de faire. Même si on ne voyait pas ta bouche, la façon dont tes yeux se plissèrent pouvait trahir un petit sourire malicieux qui venait de se dessiner sur tes lèvres. Notamment, lorsqu’il sortit une baguette de va-savoir-où pour la planter dans l’œil d’un des types.

Un véritable ninja.
Ça, c’était excitant !

Tu sortis les mains de tes poches et serras les sangles de ton sac-à-dos, remuant un peu tes épaules pour faire craquer la base de ton cou, avant de t’approcher avec un calme déconcertant. Lorsque tu fus à la hauteur du japonais et que sa cible se trouvait à ta portée, tu te contentas de donner un petit saut, suivi d’un high drop kick en plein dans l’œil, pour enfoncer la baguette dans son crâne et le faire basculer en arrière avant de retomber sur son torse, provocant certainement plusieurs fractures dans sa boîte thoracique – lui coupant le souffle.

— Ne sois pas malpoli. Quand on te fait un cadeau, prends-le et ferme ta gueule. lanças-tu, l’enjambant, d’un coup de pied retourné, tu frappas un autre coréen dans le cou, l’accrochant avec ta botte avant de le pousser en direction de ton partenaire. Tiens, il veut jouer avec toi. Il est moins timide, c’lui-là, haha !