Mia entrait tranquillement dans la boutique sur le bruit caractéristique d'un carillon. Un carillon très sonore. La jeune femme marquait une pause, tout ses sens en éveil face à cet endroit. Mais pas au sens émerveillée, non, elle se sentait plus agressée.
Son nez était pris par une forte odeur d'encens de basse qualité, dont la fumé acre laissant un arrière goût au fond de la gorge. Ses yeux contemplaient une décoration aussi chaotique que de mauvais goût, mélangeant sans aucun sens différentes époques et cultures. Pour finir elle avait les tympans menacés par les divers carillons qui s'agitaient , sans oublier la musique clichée à souhait typé relaxation avec son lot de bruits naturels poussant à se "détendre". Elle n'était pas cliente de ce genre de bande son, après tout elle venait d'une ville de campagne où si elle voulait écouter la pluie avec vent, elle sortait simplement. Elle n'avait jamais eu besoin de ce genre de placebo. Peut être que cela viendrait ?
Il n'y avait guère que son sens du toucher qui n'avait pas été bafoué durant ces longues secondes, s'étirant en minutes, du moins jusqu'au moment où une main se posait sur son épaule : la faisant sursauter en la tirant de sa rêverie.
Sous le coup de la surprise, au dépourvue, elle laissait parler sa personnalité sanguine en lâchant un sec :"Retire ta main."
"Oh... Pardonnez mes manières, mais vous sembliez ailleurs. Vous ne m'aviez même pas vu." rétorquait l'homme dans son dos, en ourlant un sourire de requin, commercial. Il semblait propre sur lui, vêtu d'un costume propre bien qu'usé. Une crinière courte, assortie à sa moustache poivre et sel.
"Oh... Désolée. Bonjour." répondait Mia en piquant un fard, une fois la main retirée. "J'étais -absorbée- par votre boutique". Le quarantenaire semblait ravi : son regard passait sur le sourire niais de la cliente, puis sur sa tenue et enfin la jeunesse de ses traits. Il flairait d'ici l'amateur, la curieuse qui n'y connaissait rien. Peut être voulait elle offrir un cadeau à quelqu'un, ou alors acquérir un objet décoratif ayant une "histoire". Bien sûr, il était déçu de ne pas pouvoir partager une conversation aussi éclairée que cultivée sur le moment, mais ce sentiment était bien vite adoucit : si il pouvait la convaincre d'acheter, il allait pouvoir lui faire prendre n'importe quel babiole sans valeur au fond de ses tiroirs pour dix fois sa valeur.
"J'viens sur les conseils d'une amie..." commençait Mia, avant d'être interrompu aussi brutalement qu'impoliment "Oh ! Je savais que j'avais affaire à une connaisseuse. Une enthousiaste ! Bienvenue dans mon humble échoppe ! Que puis-je pour vous ? Vous avez déjà quelque chose en tête ? Sinon je serais ravie de vous conseiller !"
Mia se hérissait d'ors et déjà. La timide en elle détestait se faire alpaguer comme ça en boutique, il en faisait bien trop. Elle se jurait de partir si tôt son affaire de collier réglé. Elle doutait être intéressée par quoi que se soit parmi les reliques présentes, ou plutôt elle savait qu'elle ne pourrait jamais se les payer.
"Je... voudrais un collier. Enfin une chaine pour réparer le miens... et je pensais que..." commençait elle en songeant d'elle-même que finalement c'était une idée aussi mauvaise que douteuse.
"Je voudrais voir vos colliers." se reprenait-elle sobrement, glissant un timide et rapide "s'il vous plait, sans vous commander" d'une petite voix.
Finalement elle voulait partir d'ici, régler son problème et juste s'en aller. Elle suivait donc le vendeur un peu plus loin dans la boutique, en occultant consciencieusement le long et monotone discours qu'il commençait à tenir sur ses produits. Elle n'y comprenait rien, ne voulait rien y comprendre, et absolument pas écouter. Parfois elle était têtue, et c'était un de ces moments la.
Son humeur fondait aussi rapidement que neige au soleil. Elle se sentait sale, poussiéreuse. Elle était persuadée d'avoir senti quelque chose lui tomber sur la tête, sans doute une araignée. L'ambiance était chaude, pesante.
Mia se sentait oppressée alors qu'elle approchait du présentoir où étaient présents de nombreux bijoux bien mis en avant, en évidence, en valeur. Mais dont le prix rédhibitoire lui soufflait de regarder ailleurs. Elle vagabondait donc, laissant trainer son regard ailleurs. Regardant les bijoux plus bas, descendant pour chercher les objets de valeurs inférieurs qui évidemment se trouvaient dans les étagères et présentoirs au ras du sol. Une technique commerciale vieille comme le monde, les objets à bas prix étaient tenus loin du regard et de la portée des clients, et si d'aventure ils voulaient les acheter alors ils devraient se baisser, s'agenouiller pour : cela jouait aussi sur l'égo.
Mia connaissait vaguement tout ça, de part une vieille connaissance, et ne se laissait donc pas démonter. Elle repérait une petite pierre noire, sobre et sans taille, comme un fragment volcanique récupéré et enchâssé tel quel. Le tout ornait une chaine d'argent, simple. Elle récupérait le petit coffret poussiéreux en se relevant pour le montrer au vendeur dédaigneux. "Celui la sera parfait !"
Le prix était à sa porté. Le vendeur cependant semblait vouloir la pousser à acheter une autre pièce. Il commençait à déballer l'histoire de la pierre, son origine présumé, et des légendes dont honnêtement Mia se moquait éperdument. Elle voulait simplement sortir et respirer de l'air. Même l'air saveur cancer des poumons des ruelles de Gotham lui faisait envie dans l'immédiat.
Elle hochait donc simplement le chef quelques secondes avant de finalement interrompre le marchand d'un sobre "Je le prend, merci".
Elle étouffait. Evidemment les astres semblaient s'aligner pour qu'elle ne puisse pas partir dans la minute. Alors qu'elle voulait payer, la caisse ramait, puis le lecteur de carte bloquait, nécessitant un redémarrage de plusieurs minutes.
Elle n'avait jamais été aussi pressée de dépenser son argent : si elle avait pu, elle aurait simplement jeter des billets au visage du vendeur avant de partir en silence. Cette pensée lui faisait doucement comprendre qu'Esther commençait à l'influencer peut être un peu.
Après une dizaine de minute à attendre de pouvoir payer, à agoniser près d'un chauffage qui ne semblait pas vouloir arrêter de cracher sa chaleur, elle pouvait enfin sortir et regagner la fraicheur de la rue.
Ce soir, en rentrant, elle glisserait son émeraude près de la gemme noire, à cette chaîne. Le symbole était tout trouvé : l'émeraude était son espoir, sa volonté, et cette pierre noire était l'ombre de Gotham city.
Elle souriait alors qu'elle enfilait la chaine autour de son cou, l'enfouissant sous son t-shirt.