Les raisons de la colère

Voilà trois jours que j’étais sans nouvelles de ma Reine, trois jours où j’étais passé par tous les états possibles, de la colère à la peur en passant par la frustration. Je ne savais pas si elle m’avait abandonné en se jouant de moi parce qu’elle nécessitait ma protection un temps ou si elle avait réellement des problèmes. Je devenais fou, je lui laissais message sur message parfois pour la menacer, parfois rongé par les remords ou l’inquiétude. J’avais alors juré de ne rien faire jusqu’à ce soir minuit, et l’heure approchais à grands pas. Dans la matinée le corps du chauffeur de Lynn avait été retrouvé dans sa voiture au fond de la Gotham River, levant immédiatement tous les doutes que je pouvais avoir sur la nature de sa disparition. Mais j’étais pieds et poings liés, je ne pouvais pas reprendre la parole donnée, si seulement j’avais été plus intelligent, si seulement je lui avais fait plus confiance, alors je n’aurais pas fait de promesse et je ne serais pas bloqué à cet instant à me ronger les sangs en regardant l’heure passer.

Ma seconde promesse faire à Lynn était de ne pas utiliser mes pouvoirs pour quoi que ce soit la concernant sauf en cas d’urgence, pour la peine la situation correspondait bien à cette clause, au moins dès que les douze coups de minuit auraient sonné je n’aurais pas à chercher des heures. Un simple accès à mon omniscience et j’aurais le fin mot de toute cette histoire et je pourrais surtout secourir ma bien aimée. Car c’est ce qu’elle était, j’avais  mis du temps à le réaliser mais j’étais réellement tombé amoureux de cette femme. Je lui avait dit par SMS mais il était clair désormais qu’elle ne l’avait jamais reçu. Tout ce que j’espérais au fond de moi c’est que j’aurais l’occasion de le lui dire de visu, si jamais j’arrivais trop tard pour ça je ne me le pardonnerais jamais.  À cause de mon obsession à tenir ma parole elle souffrait plus longtemps ou elle serait peut être morte. Je ne tenais plus, mais je ne voulais pas céder à l’appel du mensonge, surtout pas sur une promesse faite à la seule femme que je n’aie jamais aimé en plus de treize milliards d’années.

Il était maintenant 23h58 et je comptais les secondes qui me séparaient encore de Lynn, chacune d’entre elle pouvait être cruciale. Chacune d’entre elle pouvait amener son lot de drame. 23h59 plus longtemps à tenir mon amour, où que tu sois je te trouverai et je te sauverai, et ensuite une fois que tu seras saine et sauve je te vengerai. Minuit, immédiatement je consultais mes pouvoirs à la recherche de Lynn. C’était horrible, comment avaient ils osé, ils l’avaient traité comme un rat de laboratoire, elle avait souffert le martyre, exposée à la lumière ouverte de part en part dans une parodie morbide de vivisection humaine. Ils allaient me le payer, mais d’abord je devais aller sauver Lynn.

Je me téléportais dans le sous-sol de la tour Wayne, Lynn était là inconsciente, ses signes vitaux étaient stables mais extrêmement faibles. La voir dans cet état fit exploser en moi une colère sans aucune mesure, mon aura de rage pure envahit la pièce brisant une partie de l’équipement médical et poussant le mobilier contre les murs. Je me penchais sur ma Reine et je l’embrassais tendrement, je passais par la même occasion de mon énergie en elle. Je puisais à mon tour dans les démons aux environs, partout dans la ville je sentais des centaines d’êtres infernaux s’éteindre pour retourner directement en Enfer. Ils reviendraient plus tard, pour le moment l’heure était de sauver Lynn. Elle ouvrit les yeux, et mon cœur s’emplit d’un soulagement inégalé.

«Ma Reine, si tu savais comme j’ai eu peur de te perdre, j’étais pieds et poings liés par une promesse, je n’ai pas pu venir plus tôt.»

Je l’embrassais tendrement et la prenais dans mes bras, elle était tout ce dont j’avais besoin et jamais je ne laisserais quoi que ce soit lui arriver sans m’y opposer. Je la regardais droit dans les yeux comme si je la voyais à nouveau pour la première fois, je constatais qu’elle allait bien, mon énergie avait refermé ses blessures et nourri sa partie démoniaque.

«Je t’aime Lynn Bakers, comme je n’ai jamais aimé, j’aurais du m’en rendre compte plus tôt.»

Je l’embrassais à nouveau, mais maintenant que je la savais en sécurité je n’avais qu’une envie, retrouver ceux qui lui avaient fait subir ça et les châtier pour leurs atrocités.

«Pardonne-moi ma Reine, je sais que tu souhaites que je reste auprès de toi, mais je dois m’occuper de cette affaire, je suis de retour dans moins de cinq minutes je te le promets, ensuite nous rentrerons au Lux.»

Oh il me faudrait moins que ça, j’étais dans une telle rage que les mortels qui avaient osé toucher ma Reine ne feraient pas long feu, et ils souffriraient le martyr en Enfer pour l’éternité. Un instant plus tard je disparaissais de la chambre d’hôpital secrète pour me retrouver dans le laboratoire où Lynn avait été torturée au milieu de soldats et de scientifiques paniqués par l’intrusion de Batman.

Le sang et la douleur

Je ne tenais plus ma colère était sur le point d’exploser alors que j’observais une fractions de secondes les bourreaux de ma Reine s’affairer pour quitter les locaux. Ils venaient de remarquer ma présence et les soldats braquaient leurs armes sur moi. Pauvres sots inconscients, comme s’ils avaient la moindre chance de s’en sortir, comme si j’allais les laisser respirer le même oxygène que ma bien aimée. Je laissais ma haine s’allumer alors que je marchais au milieu de ces tortionnaires. Lorsque ma rage explosa pleinement les hommes se retrouvèrent plaqués aux murs. Ils poussaient des hurlements de douleur et de panique à mesure que leur peau se détachait de leurs os brisés sous l’impact de ma seule aura. Pauvre créatures répugnantes, vous êtes la lie de l’humanité, vous ne méritez même pas le titre d’êtres conscients vous allez payer votre offense dans cette vie comme dans la suivante. Partout autour de moi des viscères sortaient des corps, des globes oculaires explosaient sous la pression de ma haine, j’étais couvert de sang mais je n’en avais cure. Dans un dernier accès de colère je déployais mes ailes et je prenais ma forme infernale. Dans un gargouillis immonde la totalité des hommes de ce complexe pseudo scientifique mourut dans la souffrance.

Mais il était hors de question qu’ils s’en sortent si facilement. J’escortais personnellement leurs âmes vers le plus profond des cercles infernaux, dans des lieux dont même les démons taisent le nom, un charnier d’âmes purulentes destinées à souffrir mille trépas dans un enfer personnalisé. Ici les flammes du pandémonium passaient pour une douce après-midi ensoleillée. Chacun d’entre ces hommes recevrait un châtiment adapté à ses pires craintes, à ses  pires douleurs administré par des tortionnaires qui faisaient pâlir jusqu’aux membres du triumvirat infernal. Des démons créés uniquement pour la souffrance par moi même pour châtier les pires de mes ennemis. Il devait en être ainsi, personne de devait penser qu’il pouvait s’en prendre à la femme que j’aime impunément. Qu’ils soient hommes, démons ou même anges tous recevraient le même châtiment, une éternité de douleur.

Je retournais dans cette chambre d’hôpital improvisée dégoulinant de sang humain. Je remarquais au sol un dossier déchiré, hors de question qu’ils s’en sortent si facilement. Il va de soi que je ne toucherais pas à Bruce Wayne, il avait beau avoir comploté contre Lynn il l’avait également sauvé des griffes de ces vautours. Et puis lui faire du mal ferait également du mal à ma Reine et cela m’était proprement intolérable. Cependant les autres noms qu’elle trouverait dans ce dossier, eux méritaient d’être châtiés. Il fallait qu’elle sache, il fallait qu’elle ait la possibilité de se venger si elle l’estimait nécessaire. J’utilisais donc mon pouvoir pour modifier le tas de papier au niveau moléculaire et reconstituer le dossier à neuf. Je le ramassais ensuite pour l’envoyer directement dans le coffre de mon bureau du New Lux. Je me tournais ensuite vers ma Déesse qui avait l’air d’aller mieux, ce qui me rassurait.

«Ma Reine, je suis désolé j’aurais dû être là, j’ai failli à ma mission de te protéger.  Il va de soi que je saurais me faire pardonner.»

J’avançais pour l’embrasser à nouveau mais j’étais couvert de sang et je savais que cet aspect dégoutait les humains. Mais Lynn n’était qu’à demi humaine, elle prit les devant et m’attrapa par le col de ma chemise rougie par l’hémoglobine pour me coucher dans le lit avec elle.

Le fils prodigue

Ma Reine avait fait preuve d’une ardeur sans cesse renouvelée, nous avions fait l’amour sur ce lit d’hôpital comme si ça avait été notre dernier jour sur Terre. J’étais heureux qu’elle ne m’en veule pas, même si j’avais du mal à accepter ma propre culpabilité. Si je n’étais pas obsédé par le mensonge, ou par son absence plutôt elle n’aurait pas eu à souffrir. Elle avait beau dire que je n’avais pas failli je le voyais autrement, et je jurais au fond de moi que cela ne se reproduirait plus. J’avais de surcroit tué beaucoup de mortels cette nuit et ce ne serait pas sans conséquences, il était interdit pour un ange de tuer un humain, et j’avais décimé les rangs de ces immondes tortionnaires qui avaient osé faire du mal à ma Reine. Peu m’importaient les conséquences, j’avais vengé celle que j’aimais, même si mon Père devait me faire subir une nouvelle défaite elle en valait largement la peine.

Le précepteur de Lynn tournait autour de nous, comme souvent ils nous observait, il me jaugeait, à ses yeux je devais être un enfant, il était bien plus vieux que je ne l’étais. Ce fut une fois que ma Reine pris la parole que je compris qu’il me jugeait favorablement. J’étais prêt à aller le visiter dans sa partie des Enfers pour essayer de le convaincre de nous laisser enfanter mais de toute évidence il avait déjà pris sa décision puisque dès qu’il eut parlé à l’oreille de ma Déesse elle fut de suite plus déterminée à porter mon enfant.

Cette nouvelle me comblait de joie, non seulement car elle était synonyme de revanche, mais aussi, puisque je l’avais compris désormais, parce que j’aimais profondément Lynn et que l’idée de fonder une famille avec elle m’était merveilleuse. Jamais je n’aurais pensé un jour m’attacher à ce point à un être, moi qui était si arrogant, si orgueilleux, qui n’aimait que moi selon les dires de mon Père. Et pourtant j’aimais Lynn Bakers, bien au delà des mots, bien au delà de moi même, j’étais prêt à tout sacrifier pour elle, et ce à jamais.

«Tout ce qui compte pour l’instant ma Reine, c’est que nous soyons ensemble. Si nous avons un enfant je serai avant tout un père comblé. Et si effectivement j’arrive à prendre ma revanche ce sera une bonne chose, mais maintenant que je suis avec toi tu es ma priorité absolue, avec ou sans enfant, avec ou sans revanche.»

À peine avais-je prononcé ces mots que je sentis une aura angélique pleine de colère arriver dans notre plan. Contrairement à Septembre dernier il n’y avait aucun doute cette fois je reconnaissais l’énergie de mon frère jumeau Michel et de toute évidence il était remonté contre moi à en croire la vitesse à laquelle il se dirigeait vers nous. S’il pensait pouvoir faire du mal à Lynn il pouvait toujours courir, jamais je ne laisserai quiconque la toucher à nouveau. Une deuxième aura se joint rapidement à celle de Michel, Amenadiel à n’en point douter.

Quelques instants seulement plus tard je sentais mes deux frères pénétrer dans le bâtiment. Je me plaçais en posture défensive devant ma Reine prêt à en découdre si jamais ils osaient tenter quoi que ce soit. Partout dans le couloir des bruits de casse, l’aura de Michel était écrasante et j’allumais la mienne de toute ma rage, envers lui, envers notre Père et envers tous ceux qui viendraient mettre en danger la sérénité de notre couple. Michel surgit dans la pièce en faisant voler la porte en éclat devant Amenadiel consterné.

«Amenadiel je ne t’avais pas vu depuis que j’avais réussi à convaincre Ponce Pilate de condamner Jésus Christ et voilà que tu me rends visite deux fois en six mois.»

Ma Reine allait prendre la parole mais Michel la rabroua de façon fort impolie, c’était trop, il allait devoir payer cet affront, qu’il soit mon frère jumeau n’y changer il allait lui en cuire. Je me jetais sur lui en hurlant.

«PARLE DIFFEREMMENT À MA REINE !»

Ce lâche, ce traitre, cet ignoble vermisseau avait dégainé son épée et m’avait entaillé le visage. C’était une épée angélique, j’en garderais la cicatrice toute ma vie. Ma rage était telle, il ne perdait rien pour attendre. Je pulsais d’une aura noire de rage, je me jetais à nouveau sur lui déployant mes ailes martelant de coups ce visage si semblable au mien.