Malgré le bruit étouffé de l’hélicoptère, on pouvait déjà entendre la foule et la presse qui s’agitaient devant l’estrade où allaient bientôt se prononcer les candidats à la présidence d’une des plus puissantes nations du monde, les États Unis. Contre toute attente pour l’électorat, Donald Trump était en cavale, inculpé du meurtre de sa femme. La sentence ne s’était pas encore officialisée, le procès ayant été interrompu par les élections et les importantes ressources du nommé Pire acteur de l’histoire. Malheureusement pour lui, il ses nombreux ennemis avaient profité ce moment de faiblesse, cette brèche que l’arachnide avait ouvert dans ses défenses, pour faire front commun et le faire tomber. Désormais, il n’allait plus avoir droit à l’arrestation domiciliaire, mais à la prison en attente du procès afin d’assurer sa présence et, quelque part, le protéger de tous ceux qui seraient tenté de mettre la main sur lui. Mine de rien, il risquait d’être plus en sécurité en prison que n’importe où d’autres. Quelqu’un d’aussi puissant, ayant autant d’information et la main mise sur certains des plus grands lobbies de l’Amérique ne pouvait pas se permettre ce genre de situations. Des têtes allaient tomber et ce n’était qu’une question de temps. La sienne ne sera pas la première, ni la dernière, mais il savait – tout comme les Luthor –, qu’il allait aussi y passer. À un moment donné ou à un autre.

La méta-humaine n’avait pas eu à tirer sur d’autres ficelles pour humilier les autres candidats, ils s’en étaient chargés d’eux-mêmes. Ceux qui ne manquaient pas de charisme, avaient été rabaissés et décrédités par Trump. Ils n’étaient plus que trois ou quatre à tenir la route, si on comptait le fait qu’une partie des imbéciles qui votaient pour la face de carotte avaient quand même voté pour lui, malgré le crime dont il était accusé et les preuves qui existaient. Tous les autres électeurs trumpistes et radicaux avaient changé leur vote en faveur de Lex Luthor, comme prévu, et les chiffres ne cessaient d’augmenter. Clinton n’était pas une grande menace aux yeux de Mme. Luthor, mais elle avait suffisamment de votants pour titiller ses nerfs. Cette femme, elle n’a jamais pu la piffer. Son mari, à la rigueur, elle pouvait le supporter, mais pas elle. Octavia avait envie de lui arracher son faux visage souriant d’un bon coup de griffes et le lui faire manger après.

Toutefois, lorsqu’ils arrivèrent à destination et que l’hélicoptère se posa, elle en descendit avec son calme et son port altier habituels, se tenant au bras de son très cher époux. Lunettes de soleil très sombres sur le nez, tenue aussi chic et sensationnelle que d’habitude et avec cheveux d’un blonds naturel et partiellement détachés, ondulés. Ses chaussures ne claquaient pas à son pas, elle demeurait aussi fine et discrète que la situation le lui permettait. Elle n’aimait pas particulièrement être le centre d’attention, du moins, auprès des médias. Se pavaner parmi la foule, jouer son rôle avec cette aisance que la nature et la science lui avaient offerte, c’était largement suffisant. Les araignées n’ont pas besoin d’être admirées, même si, soyons sincère : son égo appréciait ça. Quoi qu’il en soit, elle était à l’image de l’épouse parfaite aux yeux de la haute société.

Mairesse de Métropolis par intérim, elle gérait bien la ville, même à distance. Publiquement, on ne trouvait rien à dire, en dehors du fait qu’elle portait parfois des vêtements ou des accessoires démodés – ce à quoi elle répondrait volontiers : oui et alors ? Elle portait ce qui lui plaisait, tant que c’était de qualité et/ou de marque et son style n’en pâtissait jamais. On ne la voyait pas assez pour qu’on ait assez de matière pour que les médias assombrissent sa réputation – sans compter qu’elle ne laissait rien traîner pour cette même raison. L’information la plus croustillant qui avait, ENFIN, fait surface, c’était leur union. Découverte par le Daily Planet durant l’été, quand elle a été en mesure de changer sa signature et son nom sur la documentation officielle et administrative. Information qui n’avait pas fait tant de bruit que ça jusqu’au début de la campagne électorale. Ce fut très amusant à ses yeux de voir les gens s’agiter, aussi étonnés qu’outrés d’apprendre une telle affaire qui, en soi, ne les concernait pas le moins du monde.

Que voulez vous ?
La presse rose et autres commères étaient ravies.

D’un geste élégant et assuré, elle repoussa les personnes qui voulaient mettre un micro sur la veste de son époux : ils n’avaient pas besoin de s’en approcher autant – surtout des femmes. La tête haute, ignorant avec classe tous ceux qui ne lui intéressaient pas, elle accompagna le quadragénaire jusqu’au podium, non loin de la seule concurrente restante. Cette vieille garce n’avait plus assez de plumes dans sa parure pour conserver sa grâce, s’entourant de ses gardes du corps – elle n’avait, décidément pas la conscience tranquille. Au yeux de la nation et du monde, elle avait l’air d’une paranoïaque, alors que Lex Luthor était plus simple, assuré, déterminé et fort, uniquement accompagné de sa femme. D’ailleurs, Eve prit place à quelques mètres de lui, sur les chaises prévues pour l’assistance et les suiveurs proches des candidats. Il n’y avait pas à dire, Hillary était fade. Elle manquait cruellement de punch. Elle ne parvenait pas à se démarquer et la vingtenaire n’aurait jamais imaginé le contraire. Mme Clinton n’était rien, ni personne. Juste une sangsue opportuniste de plus qui vivait de la gloire du pervers avec qui elle s’était mariée.

Lorsqu’elle croisait les regards ennuyés de son créateur, l’araignée lui adressait des sourires quasi-imperceptibles et discrets, gardant ses mains posées sur ses genoux, délicatement croisés. Ainsi, elle lui disait silencieusement que ça allait bientôt finir puisque son adversaire perdait parfois le fil dans ce qu’elle disait et n’avait plus d’arguments utiles. Il n’était pas facile d’enjoliver et étoffer un discours plein de paille et de promesses mensongères sans qu’on le voit clairement. C’était tout un art. Un art dans lequel cette femme n’excellait pas particulièrement – ou, du moins, l’abruti qui avait été payé pour lui écrire ses discours. Vint finalement le tour de Lex. Il fut aussi clair et concis que confiant et convaincant. Bien sûr, il y aura toujours des sceptiques et des opposants politiques, mais Lex Luthor était, malgré tout, un self-made-man qui jouissait d’un grand succès dans maints domaines. Obama n’était pas un mauvais président, mais il était trop mou aux yeux de la méta-humaine. Il n’était pas apte à gérer une telle nation, sans tenir compte de soucis qu’on laissait autant de côté que les SDF : la criminalité, les méta-humains, les non-humains et bien plus.

Avec une douceur non-dissimulée, Octavia caressa la jambe de son partenaire lorsqu’il alla auprès d’elle – en réponse à son regard charmeur et à la caresse sur sa joue. On voyait que, même si elle avait sûrement la politesse d’écouter le discours de l’autre candidat, elle n’en était pas intéressée. En public ou pas, ces moments auprès de l’homme qu’elle aimait étaient très précieux et appréciés, car ils n’étaient pas aussi nombreux qu’on aurait pu le penser – c’étaient des personnes très occupées, autant Monsieur comme Mme. Luthor.

Arrivés à un moment, quand les points de Lex Luthor avoisinaient le minimum établi pour remporter la présidence et que ceux de son adversaire ne bougeaient plus, les questions et l’attitude des gens changea. On se montrait parfois brusque, irrespectueux et moqueurs envers la candidate ou entre eux – que ce soit la presse ou quelques autres individus présents. Aux yeux du couple, ça avait surtout l’air d’une cours de recrée, sans doute. Des gamins qui se battaient verbalement – et, parfois, physiquement, quand des journalistes se disputaient ouvertement. Toute cette tension plaisait à l’arachnide, mais pas l’agitation – le bruit inutile l’exaspérait et elle en prenait beaucoup sur elle-même pour rester calme. Le baiser que son mari lui octroya avant de reprendre la parole, surprenant tout le monde par son intervention, elle ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire – ça, c’était son homme. Il savait toujours quoi dire et comment, même si ça l’amusait de l’entendre parler d’une quelconque douceur américaine.

Lex revint, alors, auprès de sa femme, sous le regard ahuri et les applaudissements d’une multitude qui se calmait peu à peu. Veillant à ne pas le griffer avec sa bague armure, Octavia porta la main de son aîné qui tenait la sienne jusqu’à ses lèvres, l’embrassant avant de le regarder par dessus ses lunettes.

— Exceptionnel, trésor. Exceptionnel et grandiose, inutile de dire à quel point tu as fait une forte impression - tu le vois par toi-même. souffla-t-elle, se penchant un peu vers lui pour lui murmurer au creux de l’oreille : On aura sûrement les résultats définitifs ce soir ou demain matin, tout au plus, je pense. Et, à la fin du mois, c’est toi qui occuperas le bureau oval. Nous aurons beaucoup à faire, mais, également, à beaucoup fêter. fit-elle, marquant une courte pause. Ses mots et son ton avaient beau être sérieux, sa voix était progressivement devenue charmeuse. Notre rêve prend progressivement forme, M. le président. J’ai hâte que ça finisse pour que nous fêtions ça en bonne et due forme~

Une femme et épouse normale serait, sans doutes, restée assise pendant que son époux allait faire va-savoir-quoi à l’extérieur ; que ce soit pour saluer ou pour attirer davantage l’attention des médias, l’arachnide s’en cognait. Elle savait qu’il ne le faisait pas pour rien et son devoir, à elle, était de le protéger. S’il n’avait pas de gardes du corps, contrairement aux autres candidats, c’était uniquement parce qu’ELLE était là. Elle pouvait assurer sa sécurité, elle avait été conçue et entraînée pour cela. Toutefois, elle se devait de rester à ses côtés pour pouvoir remplir sa tache et quitter son siège, à ce moment-là, avait également attiré l’attention d’autrui. Elle n’aimait pas particulièrement être sous ce genre de projecteurs, mais ça servait à leur cause et ça lui permettait de veiller sur son homme. Avec son élégance et sa naturalité habituelles, Octavia suivit son partenaire de près. Elle ne daigna garder une certaine distance avec lui que lorsqu’il demanda aux gardes de laisser la foule se rapprocher de lui. Elle était toujours à la portée suffisante pour tuer ses éventuelles cibles, mais pas assez pour être en contact avec la plèbe.

Voyant qu’aucun malheur n’avait lieu, elle retourna à l’intérieur, gardant un œil sur son créateur pendant qu’il rebroussait chemin. Elle se dirigea de nouveau vers son siège et l’estrade, mais le nouveau président des USA profita pour l’embrasser devant toute la Nation. Elle y répondit avec plaisir, partageant la joie de son amoureux.

Ah, encore des détails croustillants pour la presse du cœur.
Vermines, paparazzis roses à deux cents…

Que des tocards qui pondaient des conneries pour d’autres tocards. C’était aussi ironique que jouissif de savoir que cette branche aussi peu fiable qu’inintéressante de la presse était également celle qui pouvait faire le plus de mal à autrui. Les simples d’esprit croient n’importe quoi, surtout les navets et les rumeurs bidon qu’on lance sur les people. Et, parfois, mine de rien, il y avait des vraies petites perles dans ces torchons – avoir des oreilles et des yeux dans le domaine n’était pas en trop.

Lorsque Hillary Clinton vint serrer la main de son époux, la méta-humaine ne cilla point, mais elle prit bien soin de ne pas toucher qui que ce soit d’autre que Lex tout en se faisant volontairement oublier : trop de caméras, trop de bruit, trop de mouvements - trop de tout. Elle se devait de jouer le jeu, mais elle se faisait royalement chier. Heureusement, Ève était quelqu’un de patient, en général, qui savait prendre son mal en patience. Si les gens présents ne purent pas apercevoir le soulagement qui faisait luire son regard, ce fut, sans doutes, la première chose que Lex Luthor put entrevoir quand il retourna à ses côtés.

ENFIN.
Ils pouvaient partir, désormais.

Leur véhicule était tellement loin et tellement près, à la fois. S’en était frustrant. Elle saisit sa main avec une certaine douceur, lui adressant un petit sourire charmeur et rassuré avant de le suivre jusqu’à la limousine présidentielle. Il lui ouvrit la portière et lui permit de monter en premier, chose qu’elle fit sans plus attendre. Il eut le détail de tamiser l’éclairage de l’habitacle, lui permettant de reposer ses yeux et de retirer ses lunettes de soleil – les posant sur son crâne à mode de serre-tête.

Boire un verre avec lui était tentant, mais ce n’était pas ce dont elle avait le plus envie, actuellement. Elle le laissa ouvrir une bouteille de champagne qui traînait dans la limousine et leur servir un verre. Ses ongles manucurés et ses griffes ornementales s’attardèrent sur l’une des cuisses de son époux, la tapotant et caressant lentement, tout en récupérant sa flûte de champagne grâce à sa main libre. Elle but une petite gorgée avant de répondre, profitant qu’il saluait la foule à travers la vitre pour répondre à sa question :

— Je suis partagée entre l’excitation et l’amusement, avec cette fameuse pointe d’agacement que j'avais quand tu m’as confié Métropolis. souffla-t-elle, cachant son rictus derrière son verre. Nous allons être très occupés, surtout toi, trésor. Ce mouvement était très important, mais on n’en est pas encore à l’Échec et mat. ajouta-t-elle, marquant une courte pause avant que son regard ne s’assombrisse et que ses yeux ne se lèvent instinctivement vers l’homme qu’elle aimait. Je pense que certains de nos pions pourraient poser problème… Que devrions-nous en faire ?

Elle, elle s’en fichait de la foule, mais elle fit un effort, baissant sa flûte pour imiter son époux – elle devait se montrer plus… mondaine et sociable. Écoutant de nouveau son aîné, elle vint embrasser son cou avant de poser sa tête contre son épaule.

— En ce qui concerne notre poussin, je m’en chargerai ce soir. J’ai hâte de le revoir~ termina-t-elle, buvant une autre gorgée de champagne.

Et, chose dite, chose faite. Elle comptait appeler leur petit kryptonien préféré dès qu’ils seraient au calme, loin de la foule – elle, du moins. Il était temps de réunir toute la famille dans cette ville de malheur qu’était Gotham City.