Chione prit la monnaie que la guichetière lui rendit, accompagnée de son petit ticket d'entrée cartonné:
-L'aquarium Oceanside vous souhaite une excellente visite! Dit la vieille femme avec un grand sourire.
Elle songea au nombre de paquet de nouilles instantanées qu'elle aurait pu s'acheter avec cet argent, et un sentiment d'amertume l'envahit. Chione jeta un coup d'œil neutre à l'employée travers ses lunettes de soleil qu'elle ne quittait jamais, songea à dire merci, mais ne le fit pas. Elle entra dans le grand parc, glissant ses mains mitainés dans la poche de sa veste en cuir noir. Il ne faisait pas particulièrement beau aujourd'hui, et la grisaille ambiante n'avait pas aidé à emplir le parc. Nous étions en semaine, et il n'y avait que quelques visiteurs pour admirer les pauvres créatures enfermées derrière des barreaux et des vitres de plexiglass. Quel triste spectacle.

L'égyptienne erra dans le parc semi-couvert, sans même vraiment s'attarder sur les animaux, encore moins sur les petits panonceaux qui expliquaient les origines et capacités de ces animaux marins. Chione s'était tout simplement mit en tête cette semaine de flâner dans Gotham et d'y connaitre, ne serait-ce que de vue, chaque lieu. Elle avait décidée d'entamer par la presqu'île de Tricorner Yard, mais avait très vite commencé à se lasser de l'ambiance docke/Chantier naval en perdition... Donc, aujourd'hui, elle s'offrait un petit plaisir, voir la souffrance des autres. De ces pauvres créatures qui nageaient sans but dans leurs petits aquariums, une existence morne à en devenir fou. Au vue des nombreux scandales qui émergeaient de plus en plus sur les conditions de vie des animaux dans les aquariums, Chione s'étonnait encore que ce genre d'établissement reste ouvert. Et les marmots qui tapaient contre les vitres des poissons pour les voir bouger frénétiquement, Chione en aurait bien effrayé quelques uns en retour, histoire d'apprendre la vie à ces petites créatures insupportables nées avec une cuillères en argent dans la bouche... Malheureusement il y avait des caméras, il n'aurait pas été très raisonnable de faire usage de ses pouvoirs ici. Finalement, Chione se lassa très vite se l'endroit, trop nihiliste pour la apprécier la visite, et se posa sur le bord de l'aquarium des raies, ou les enfants pouvaient les "caresser". Par caresser, il fallait entendre pour toucher sans douceur et avec presque violence ces poissons serviles.

Était-ce pour en oublier son propre manque de liberté que l'humain aliénait les autres créatures qui l'entouraient. La réponses était à débat, mais pas pour l'Egyptienne, elle qui avait vue dans sa jeunesse des jeunes éléphants se faire littéralement éclater la gueule pour servir de monture sage et effrayée. C'était aussi pour le divertissement, évidemment, mais l'homme se divertissait pour oublier sa propre mort imminente, alors les deux hypothèses se rejoignaient. Cela rappelait à la jeune femme cette affaire, il y a quelques mois, d'un bébé dauphin mort parce que des touries sur une plage se l'étaient fait passé pour prendre des selfies avec. Voilà en gros toute la beauté de l'être humain, se dit la jeune femme en soupirant, glissant sa main dans l'eau glacée, loin des pauvres raies qui esquivait le bord avec minutie.

-Aménémopé a dit un jour "Le cœur de l'homme est un don de Dieu, gardes-toi de le négliger"... Elle est bien lointaine à notre époque ta sagesse... Dit elle en soupirant.

Chione aimait bien les animaux, de près comme de loin, la preuve étant les quatre chats errants qui lui prêtaient à présent bien gentiment son appartement et avec qui elle cohabitait. Presque tout le monde aime les animaux, mais les gens se préfèrent aux animaux. Chione n'était pas quelqu'un de bien, loin de là, pourtant, elle aurait surement donner sa vie pour sauver un chien. Elle aurait donc logiquement encore moins hésiter à prendre la vie d'un homme pour sauver celle d'un animal. Mais là encore, Chione n'aurait pas hésiter à prendre là vie d'un homme, quel qu'en soit là raison. Songea t-elle avec un sarcasme amer. Chione n'était pas quelqu'un de bien.
Lorsque d'un coup d'un seul, les raies quittèrent leur inlassable ronde pour s'approcher du bord, et de Chione par extension, celle-ci retira sa main avec surprise, se faisant couper dans ses pensées. Puis cette voix, une voix d'enfant. Enfin non, pas vraiment une voix d'enfant mais... Un ton d'enfant. Chione ne sursauta pas, trop fière pour trahir ce genre de faiblesse. Elle se tourna vers son inopiné interlocuteur, en se répétant mentalement ce que le garçon venait de dire. Un bon caractère est.... Vert... Il était vert.
Intriguée, l'égyptienne releva ses lunettes pour les poser sur son crane, signe subtile qu'elle lui offrait le privilège d'une attention particulière, et elle le fixa longuement de ses yeux sombres, l'un d'eux, comme toujours, décoré de l'œil d'Horus, symbole apportant force et protection.
-C'est vrai... Il a dit ça également...
Son ton était... Presque triste... Comme si elle-même avait connu le sage, et se rappelait avec mélancolie le bon temps passé à ses côtés.
Elle reprit:
- N'est-il pas triste, qu'aujourd'hui, les mots pleins de sagesse de ce scribe soient dorénavant plus présent sur les réseaux sociaux que dans les esprit? Les gens aiment les proverbes courts et simples qu'ils peuvent ressortir à toute sauces sans même se donner la peine de les comprendre...
Cet homme ne lui était pas totalement inconnu... Evidemment, il était difficile d'oublier une couleur si particulière, surtout lorsqu'elle colore la peau d'un être vivant. N'avait-il pas fait la une des journaux italien? Chione n'avait-elle pas était témoins d'une de ses impressionnantes exactions à l'époque...? Ce ne devait pas être à l'encontre de la piovra, Chione met un point d'honneur à se souvenir parfaitement de tout ses ennemies. Le change-forme? C'est cela. Le change-forme. Celui qui peut prendre l'apparence en quelques secondes de n'importe quelle créature. Chione se souvint que ce spectacle fut la première fois qu'elle découvrait l'existence d'autre êtres avec des... Des dons... Des dons surnaturelle. Ce fut rassurant en un sens, de se savoir ne pas être le seul monstre au sein de ce vaste cirque qu'était l'existence. Elle hésita à aborder le sujet, mais finalement, décida de jouer dans la franchise pure:
-N'aurais-tu pas fait théâtralement acte de ta présence en Sicile il y a quelques années de cela? On n'oublie pas ce genre de chose, les héros sont monnaie courante ici, beaucoup moins sur le continent.