Après la chute d’Arkham City, tu as pris le temps d’entamer convenablement tes projets, reprendre contact avec tes amis et connaissances et te pencher sur les petites affaires qui étaient restées en suspens avec l’instauration de la zone de quarantaine. L’une des affaires en question impliquait une rencontre qui pouvait être aussi enrichissante qu’imprévisible : le Sphinx, Edward Nygma. Tu connaissais son odeur et tu t’étais intéressée assez à son cas depuis bien avant ton retour à Gotham. C’était une personne très intéressante, mais pas friande des relations humaines, généralement. Toutefois, quelques mois auparavant, il t’avait envoyé une boîte puzzle avec laquelle il t’avait donné rendez-vous à Gotham Plaza, pendant un gala…

Mais, il n’est jamais venu.
Tu l’aurais su, grâce à son odeur et les traces énergétiques présentes sur la boîte en question. Tu n’avais pas tenu rigueur du fait qu’il t’ait posé un lapin. Si ça se trouve, il ne comptait tout simplement passe déplacer, dès le début, ou il ne s’attendait pas à ce que tu puisses résoudre son puzzle - voire, même, que tu daignes te déplacer. Il y avait maintes raisons pour lesquelles il aurait pu ne pas venir, y compris le fait que tu ne sois pas visible à travers ces caméras qu’il estimait tant. Néanmoins, même si tu avais laissé de l’eau couler sous le pont, tu ne pouvais pas t’empêcher d’éprouver de la curiosité à son égard, mais, aussi, vis-à-vis des possibles informations que cet homme était susceptible d’avoir sur toi. Tu avais la conscience tranquille, mais le Sphinx était un homme qu’il valait mieux avoir de son côté. Puisque tu ignorais ce qu’il savait sur toi et s’il allait ou non être une menace pour tes propres projets, tu n’allais certainement pas rester de bras croisés. Encore est-il, comment pourrais-tu débusquer quelqu’un dont tu connaissais la position, mais pas le caractère ? Comment le faire poliment sortir, tout en attirant son attention ?

Dans le cas de Nygma, c’était plus qu’évident, pour toi : il fallait flatter son égo et lui donner une raison valable de quitter son habituelle planque pour que tu puisses convenablement le rencontrer – ou, à défaut, qu’il t’invite, lui-même, à le rejoindre. Pour cela, il y a quelques jours de cela, tu as créé et mis en place une grande énigme que personne, jusqu’à présent, n’avait pu résoudre. Certains étaient parvenus à remonter et trouver une réponse à certaines des fausses pistes, mais personne n’avait encore trouvé le vrai message. Message que tu n’adressais qu’à une seule et unique personne – le Sphinx. Dans les journaux, on avait mentionné le fait que quelqu’un avait vandalisé les locaux du Gotham Globe, dessiné habilement des glyphes sur les murs et le plafond de certaines pièces, laissé des parchemins soigneusement enroulés avec des pistes difficiles à comprendre et, surtout, des mystérieuses statuettes de deux dieux égyptiens – trois, en fait, mais la dernière était cachée avec le message écrit pour la personne que tu visais : Seth, qui menait ouvertement à des fausses pistes, et Amun-Min-Kamutef, dont le rôle n’était pas clair et ne semblait être qu’une blague aussi douteuse qu’indécente. Par curiosité, obstination ou va savoir quoi, on n’avait ni nettoyé ni bougé ce que tu avais placé et les employés du journal ainsi que quelques curieux avaient tenté de résoudre ta petite création – en vain.

Personne n’avait remarqué le fait que sur les glyphes et parchemins, il y avait du code binaire caché à l’intérieur des images et dessins – pourtant, subtilement mentionné dans le texte encodé. Il y en avait à tous les étages, sauf au sous-sol, du bâtiment du Gotham Globe. Si quelqu’un venait à trouver le code binaire, en le transformant à l’alphabet latin, on n’y trouverait qu’une suite illogique de lettres – du code César. Il n’y avait aucun indice apparent pour pouvoir décrypter ce texte, mais… tu avais été très tordue en cachant la réponse ailleurs : tu avais appelé chaque étage par le nom d’un nome de l’Ancien Égypte – Gebtu, Ipou, Hout-Sekhen, Ta-ynt-netert et Djébaou, dans l’ordre, du 5e au 1er étage. Bien entendu, tu n’avais pas choisi les noms latins, ni grecs, ni arabes pour les nomes en question. Non. Tu avais eu l’audace de choisir les noms que peu de gens connaissais, de nos jours. Chaque texte et, parfois, chaque ligne au sein d’un même texte avaient un sens de lecture et un décalage différent qui n’était inspiré que par l’emplacement du nome accordé à chaque étage.

Qui irait chercher l’emplacement de ces derniers et ferait le lien avec le chiffre qu’on leur accordait en archéologie pour décrypter ton texte ? Il faudrait déjà qu’on parvienne à faire le lien entre toutes ces informations et qu’on comprenne qu’un seul était utile – celui du dernier étage, Gebtu, le décalage de cinq lettres. Et encore, pour cela, il faudrait passer outre toutes les fausses pistes et daigner comprendre le symbolisme de la statuette d’Amun-Min-Kamutef, le message qui avait été gravé sur son piédestal et suivre les deux indices qui étaient donnés – le premier était la direction dans laquelle pointait son érection et, l’autre, une autre énigme :

« Xmtz ijynjsy qf hqj.
Fzhzs rty s'jxy js q'fnw.
Ljg q’nlstwj, rfnx Stzy qj xfny.
Fajh q’Fzgj jhqfyjwf qf ajwnyj. »
Là où certains diraient qu'il faudrait sortir du bâtiment pour trouver la réponse, d’autres comprendraient que la réponse était bien plus simple : les conduits d’aération. Pas bien loin du bureau où tu avais installé la statue du Dieu de la fertilité, il y avait une bouche d’aération en hauteur. À l’intérieur, tu avais placé une dernière statuette, tenant entre ses bras un dernier parchemin : Thot, sous son apparence de babouin, la troisième statuette. Dans ce dernier parchemin, il y avait un message d’une écriture plus personnelle que celle employée pour les autres – manuscrite, pas imprimée :

« Xfqzyfyntsx, R. Sdlrf.
Atzx htruwjsiwje wfunijrjsy vzn jxy ijwwnjwj atywj inajwxnts uwjxjsyj vzfsi atzx qnwje hjhn : nq jxy nwwjxujhyzjzc ij kfnwj fyyjsiwj zsj ifrj, rfnx qzn itssjw wjsije-atzx utzw sj utnsy atzx d wjsiwj sj q’jxy vzj ifafsyflj. Faje-atzx knsn ij otzjw f hfhmj-hfhmj ? Xn tzn, oj xjwfnx wfanj ij atzx yjsnw htruflsnj. Fqtwx, wjsije-atzx f rnszny xzw qj ytny iz Ltymfr Lqtgj. Ujz nrutwyj qj otzw, o’d xjwfnx. Oj xznx ufynjsyj, rfnx ufx izuj. Nq xjrgqjwfny vzj stzx fdtsx zsj ujynyj fkkfnwj f wjlqjw.

O’jxujwj vzj hj ojz fzwf jyj f atywj ltzy.
Fyyjsynajrjsy,

Atywj firnwfywnhj. »

Tu aurais pu choisir sa forme d’Ibis, mais le sens n’était pas le même. Non. Tu avais soigneusement choisi chaque détail pour lui faire passer un message et lui dire que tu savais qu’il était-là. Que cet homme se cachait quelque part dans le bâtiment du Gotham Globe ou dans ses alentours puisque c’est là-bas que tu avais trouvé les pistes olfactives et énergétiques plus fraîches. Tu avais eu la décence de ne pas sonder les lieux ni d’aller toi-même à sa rencontre. Le faire se triturer les méninges serait beaucoup plus enrichissant et personnel comme approche. Après tout, n’avais-tu pas fait cette fourbe et complexe énigme rien que pour lui ?

Tu t’adressais à lui de la même façon qu’il l'avait fait avec toi.
Tu allais être légale et attendre sur le toit du bâtiment, loin des lumières et des passants. Dans l'endroit où tu lui avais donné rendez-vous, il n'y avait pas de caméras et personne n'y allait à moins devoir réparer les ventilations ou vouloir fuir ses collègues pour fumer, entre autres. S’il voulait jouer, les pièces étaient sur l’échiquier et ton dernier mouvement l’avait mis en échec. Désormais, c’était à son tour de bouger et, si tu ignorais la façon dont il allait réagir et quelle serait l’issue, tu étais plus que sûre d’une chose : d’une façon ou d’une autre, il allait se pencher sur ton énigme.

C’était plus fort que lui.
Et tu ne pouvais que compatir.

Les efforts fournis pour attirer le renard hors de sa tanière avaient porté leurs fruits. L’Homme Mystère avait accepté ton invitation et s’était montré à l’heure prévue. C’était quelqu’un de beaucoup plus charismatique et élégant que les sources que tu avais consultées n’avaient pu te le dépeindre. Les buts de ton énigme avaient été atteints avec succès, ce qui t’avait satisfait au plus haut point, mais, en plus, cet homme n’avait pas manqué de te complimenter – et il était sincère, tu le ressentais. Il est vrai qu’une personne comme lui ne devait pas trouver souvent l’occasion d’élogier qui que ce soit.

Et, en effet, il aurait été inutile qu’il se présente, même si son ego l’y avait incité. Tu connaissais ses nombreux alias, mais, également, son nom. Tu avais été fourrer ton nez un peu partout où tu as pu trouver des informations sur l’étrange et fascinant individu qui humiliait et trompait ses concitoyens aussi aisément et qui avait, pour une raison que tu ignorais, décidé de t’inclure dans un de ses jeux, il n’y a pas si longtemps que ça. Bien que tu ne le faisais pas indiscrètement, tu analysais ton interlocuteur. Silencieusement et attentivement, tu décortiquais tout ce que tu voyais, percevais ou entendais qui puisse provenir de lui. C’était plus fort que toi, tu as toujours été quelqu’un de très observateur et critique, un spectateur qui passait rarement à l’action – à moins d’y avoir une raison valable de le faire. D’une certaine façon, le cocktail de doute et curiosité t’avaient poussée à t’intéresser davantage à lui et à faire le pas – à aller à sa rencontre.

Visiblement, c’était la dernière chose à laquelle le Sphinx se serait attendu.
L’avoir surpris avait été une réussite, également.

Le sourire aux lèvres, tu quittas le rebord où tu t’étais assise pendant que tu l’attendais et réduis davantage la distance qui vous séparait. Par prudence et respect envers ton cadet, tu veillas à ne pas envahir son espace personnel, restant, tout de même, à la portée de sa canne ; si jamais il désirait d’approcher davantage, ça n’engageait que lui.

— Ce fut un plaisir de créer cette énigme et un honneur que vous ayez pris le temps de la résoudre et de venir, M. le Sphinx - vous m'en voyez flattée. Nos contemporains m’appellent White Siren, mais permettez-moi de vous surprendre d’avantage : mon identité ne vous est point inconnue, mais il est probable que vous ayez rapidement perdu l'intérêt en mon humble personne si vous avez estimé que je ne puisse guère être à la hauteur de vos exigences. Alors, comme pour bon nombre d’êtres médiocres et insignifiants, intellectuellement parlant, je suppose que vous devrez fouiller longtemps parmi les informations dont vous ne souhaitez point vous encombrer et qui, malheureusement, demeure toujours quelque part dans votre magnifique cerveau, pour trouver la réponse, sir. commenças-tu, d’une voix aussi douce que d’habitude, malgré les touches d’ironie et d’un humour douteux que tu y avais glissés. Bien entendu, malgré ta franchise, tu demeurais courtoise. Tu ne faisais pas de reproches, juste des constatations et des suppositions, en fonction de la façon de penser de ton interlocuteur – de ce que tu avais entrevu et compris dans sa façon de penser, plutôt, or, il demeurait un grand mystère. À moins que vous préfériez que l’on rafraîchisse votre mémoire ?

Suite à ces mots, tu te permis de faire léviter la boîte puzzle que tu avais reçu l’année dernière et la poser juste devant vous – par terre. À l’intérieur, il y avait un disque où la voix de ton interlocuteur avait été enregistré. Tu ignorais à combien de personnes il avait envoyé ceci, mais tu doutais d’être la seule – tu n’étais ni imbue de toi-même, ni égocentrique ; bien au contraire, pour quelqu’un d’aussi intelligent et unique que toi, tu étais quelqu’un de modeste. Ton port était noble, mais tu n’étais pas altière.

— Le 12 Juin 2014, j’ai reçu votre énigme. Le contenu donnait rendez-vous le lendemain, au soir, à Gotham Plaza. Il y avait un gala organisé pour une jeune entreprise qui devait y présenter certains de ses nouveaux produits. Bien entendu, jadis, j’ai hésité à m’y rendre, mais je l’ai quand même fait. poursuivis-tu, parlant aussi naturellement, poliment et calmement. Là où les mots demeurent trompeurs pour l’ouïe et l’esprit peu avisés, on ne pouvait que douter de votre présence en ces lieux. Il y avait une mince possibilité, mais, bien entendu, je sais que vous êtes partout et nulle part, en même temps grâce aux caméras de la ville – entre autres. Et bien, ce soir-là, dans d’autres conditions, vous auriez pu constater que j’étais sur place. ajoutas-tu, marquant une courte pause avant de poursuivre : Rassurez-vous, ce n’est ni un oubli, ni une erreur technique et je ne suis pas, non plus, venue vous demander audience pour vous reprocher d’avoir fait attendre une dame – en vain, qui plus est. D’après ce que j’ai pu comprendre, vous ne laissez que rarement place au hasard dans ce que vous faites. Je doute vous vous soyez trompé en m’envoyant votre puzzle. Toutefois, j’ai beau y réfléchir, seules des  interrogations et des suppositions me viennent à l’esprit : qu’est-ce qui vous a poussé à me contacter ? L’ennui ou y aviez-vous des intentions dissimulées ?

Ainsi, tu lui disais subtilement que si tu n’avais pas été aperçue sur place via les caméras, c’était normal. Au vu du nombre, ce n’était pas aisé de trouver un angle mort, mais cela n’était pas la raison pour laquelle tu ne pouvais pas être aperçue et, ce soir, cet homme pourrait rassembler des nouvelles pièces pour acheminer ses pensées vers cette vérité qui échappait à maints de tes contemporains – ou qu’ils refusaient de croire, pour tout autant de raisons : l’existence d’être échappant à l’entendement humain était une réalité. Non seulement des aliens, des sorciers et des méta-humains, mais la grande majorité des êtres que l’on pensait tout droit sortis de notre imagination et de nos cauchemars vivaient parmi nous ou avaient la possibilité d’arpenter notre monde.

Quoi qu’il en soit, si le quarantenaire parvenait à trouver ton identité, tu feras preuve de bonne foi et retireras ton masque. S’il n’y parvenait point, tu le conservas, afin de faire durer le mystère et, surtout, de le taquiner – même si, mine de rien, c’était surtout de la provocation : tu agitais une brindille d’herbe face à un chat qui n’était pas sûr de pouvoir l’attraper. Tu ne doutais pas de ses capacités, bien au contraire, tu les louais, car, même ce qui était insignifiant pour lui devait avoir une place dans sa mémoire – tu en avais la certitude, car toute information pouvait être utile, même les plus inutiles. Si malgré tout, ce n’était pas la cas, ça pourrait donner une leçon au Sphinx : il ne fallait pas sous-estimer avec l’Inconnu.

— Bien entendu, avant d’aborder ceci et pour vous laisser du temps pour y songer, je me dois de répondre à votre dernière question : Harmonie et Connaissance. soufflas-tu, esquissant un mince sourire. Bien que ton masque te donnait une allure malsaine, cette fine esquisse ajoutait de la douceur à l’ensemble. Bien que ta présence était celle d’un prédateur pour ceux qui n’avaient pas la conscience tranquille ou qui ignoraient ce qui se trouvait face à eux, tu n’étais pas hostile. J’œuvre afin de permettre à ce monde de retrouver l’Équilibre qui lui est légitime. J’aimerais le rendre meilleur, le purger et offrir à ceux qui le méritent – ou le désirent – la possibilité d’atteindre le niveau de conscience que la civilisation nous empêche d’atteindre. Je fais ce qui est dans mon pouvoir pour y parvenir, et ce, depuis des décennies. Expliquer tout ceci n’est pas aisé, mais je pense que vous êtes en mesure de comprendre mes motivations, ainsi que le fait que je ne suis guère mue par un quelconque principe manichéen : le Chaos est tout aussi nécessaire que l’Ordre pour l’Équilibre, mais il y a des lieux comme Gotham où cet éphémère équilibre a été brisé ou ne tient qu'à un fil. Hélas, ce genre de quêtes immatérielles ne portent leurs fruits qu’à long terme, mais j’ai tout le temps du monde – tout vient à point à qui sait attendre.