L'odeur du sang.

Combien de temps avais-tu passé dehors, sans boire une bonne soupe pour te tenir chaud ? Ou bien un peu de sommeil, pour te remettre de ces longues nuits ? Combien ? Tu ne le sais plus, et pourtant, ton état commençait légèrement à être tendu. Les petites frappes de cette nuit avaient tenté de s'en prendre à un commerçant qui avait à peine rouvert. Tu avais tranché la main du premier voleur et tu avais mis en garde le second d'une possible erreur alors qu'il s'apprêtait à sortir son révolver. Tu l'avais prévenu. Et il s'était enfui, comme un lâche. Mais tu avais besoin de souffler, de te calmer. Respire, Tatsu, tu risques de faire des conneries ... Trop de pression ... Trop de stress, tu sais que ce n'est pas bon. Concentre-toi.

Gotham City avait eu beaucoup de problèmes dernièrement mais ... Chinatown avait tellement souffert, mais cela, tu ne l'avais pas vu. Non. Tu étais loin de tout ça quand les explosions détruisirent ce quartier que tu connaissais si bien. Beaucoup de gens avaient disparu. Des gens biens, des petites gens, des ordures, et pourtant, malgré ce méli-mélo, ils étaient l'âme de Chinatown, à leur façon. La vie est un cycle intéressant : Des pires tragédies peuvent surgir des actes de bienveillance, et même si les horreurs avaient transformé ce quartier si paisible à sa façon, peut-être que cela était un mal pour un bien ? Et à ta façon, Tatsu, tu te dis que le Yin et le Yang ne peuvent pas exister l'un sans l'autre. Du mal, le bien peut triompher, tout en recommençant cette boucle infernale. Il n'y avait plus personne pour veiller sur Chinatown. Et même si le "despote" Hong, Tian Hong, te donnait bien mal à l'avouer : il avait tenté quelque chose pour cet endroit. Tian Hong. Son nom résonne encore dans les esprits de ce petit quartier. Beaucoup lui devaient beaucoup, et son autel publique avait eu de nombreuses offrandes. C'était une ordure, tout comme ceux qui sont morts avec lui, mais dans le fumier, peut parfois pousser de très belles fleurs. Tu ne savais pas quoi penser de Tian Hong, tu ne l'avais pratiquement pas connu, et tu n'avais pas encore eu la chance de lui mettre la pointe de ton sabre sous la gorge pour le faire parler. Mais il avait gagné ton estime, Tatsu. Et même dans la mort, il avait tenté de changer les choses ... Sur le rebord de ce toit, tu observes les arrivages. Aujourd'hui, un convoi de Wayne pour aider les habitants de Chinatown. Bien. La vie reprenait, il était vrai, et cela était agréable de voir que des gens pouvaient se soucier des autres. Mais il y'a parfois anguille sous roche, et tu le sais parfaitement. Jamais personne ne fait rien gratuitement. Et qu'avait gagné Maseo et Takeo au final ? Et Tian Hong ? Qu'avaient-ils gagné ? Excepté être des martyres ? Nous sommes tous à double tranchant, le Yin et le Yang.

Mais il était mort désormais, et Chinatown était en proie aux vautours et aux rapaces, à commencer par Bruce Wayne : Oh tu le sais bien, même si ce play-boy peut se donner les meilleures vertus, quand un gaïjin tente d'entrer dans le quartier, c'est qu'il a une idée derrière la tête. Qu'importe, ce n'était pas l'idée du moment : L'important était de voir si tout cela pouvait aider les habitants de la communauté. Qu'importe ce qui pouvait se passer, pour le moment, il fallait garder les yeux rivés sur ce qui se passait en bas. Tout pouvait arriver : prise de pouvoir, triades rebelles, profiter du calme actuel parmi les citoyens pour semer la mort à nouveau. Tu inspires, calmement, et tu fermes les yeux. Malgré l'heure matinale, tu restes calme, et tu profites du petit rayon de soleil qui pointe le bout de son nez, la douce brise du vent qui passe entre tes cheveux. Ce sentiment qui t'indique que le calme matinal est impossible à rompre.

Mais soudainement ...

Un bruit te tire de ta torpeur, alors que tu essaies de te calmer intérieurement. Un vrombissement. Des balles. Des motos. Voici ce que Gotham City sait offrir de mieux. Du sang. Du sang et des cadavres, encore et toujours. Les bénévoles furent les premiers à prendre les tirs, et ces motos, elles, sortaient droit de l'enfer. Peut-être est-ce du mauvais goût, mais les tenues des cinq hommes représentaient des Oni. Ce démon japonais était une menace pour les agriculteurs, dans le folklore japonais. Mais aujourd'hui, il faisait plus référence à un protecteur qu'autre chose. Sauf que tu étais à Gotham City, et qu'à chaque fois, c'est toujours différent. C'est toujours la même chose. Fermant les yeux un instant, tu te dis que tu pourrais laisser ça à Batman, aux triades chargées de stopper ça. Mais non. Tu ne peux pas laisser et faire pourrir cette situation. Ils sont rapides, avec des bécanes de l'enfer. Ils sont biens armés, et pourtant, ils tirent leurs balles comme s'ils distribuaient des bonbons pez, sans véritable clarté. Sans véritable dextérité. Le massacre aveugle te répugne, et alors que tu bondissais sur le bitume, tu te cambres avant de faire face aux bikers qui se rapprochent de toi. Inspirant légèrement, tu dégaines ta lame, et tu attends le bon moment, le moment où toi aussi, tu pourras te mesurer à eux, et à les défier. Soit. S'ils tirent le premier sang, ils doivent apprendre qu'ils sont eux aussi, passibles de mort et de perdre la vie. Tu serres ton sabre dans ta main, tu sens la force s'en imprégner. Et d'un geste, alors que les bikers, les cinq hors-la-loi semblaient s'en prendre au camion de ravitaillement, tu te mets face au camion, attendant de voir le premier de ces motards. Tu sais que ta main ne tremblera pas ... Tu sais que tu ne les louperas pas ... Le premier motard se détache du lot et c'est à ce moment là que tu lances ton sabre comme un javelot, telle une Amazone.

"Watashi no te o michibiite kudasai !"

Ô guide ma main, et pourfends mes ennemis. Tu espères que le premier de ces motards se fasse embrocher par le sabre. Après, tu pourras te saisir de son destrier pour t'occuper des autres. Maseo, Takeo, écoutez ma supplique, et apportez la mort à mes ennemis.

Tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà mort.

Kamikaze. C'est le mot que je cherchais pour comprendre l'acharnement de cet homme que je venais pourtant de transpercer avec la pointe de mon épée. Sa bécane continuait de foncer, mais lui, il venait de comprendre qu'il était désormais, un homme en sursis. Tout comme il essayait d'interrompre la vie d'autrui, en tant que juge, je me suis permise d'interrompre sa vie pour de bon. Malgré la perforation de l'être, celui-ci s'obstine. Il faut croire qu'il avait encore un peu de force en lui. Qu'importe, la mort réclame ce cadavre qui s'ignore. Déjà, il s'affaisse, et sa mort promet d'être particulièrement douloureuse. Poumon perforé, sensation de noyade, il s'étouffera dans son sang d'ici quelques minutes, mais il avait encore de la force en lui. Beaucoup de force au point de se concentrer sur moi et de tenter de me tuer. Soit. Je t'offrais une mort digne, en silence, mais il faut croire que tu ne tiens pas à mourir calmement. La douleur te sera d'autant plus horrible que tu me supplieras de mettre fin à tes jours. Tu tires, tu tires, et je me cache derrière ce qui est un reste de voiture. De ma veste intérieure, je sors trois shurikens, que je m'apprête à lancer dans ta direction. Tu sens le poids de ta mort qui approche, tu te diriges vers moi avec ce qui semble être la vengeance dans ton esprit. "Si tu tiens à te venger, alors creuse deux tombes" disait le sage. Inspirant légèrement, je me surprends à me dire ce que Batman ferait à ma place. Il ne tuerait pas, oui, c'est certain, mais je n'ai pas cette vertu. Alors que le bruit se faisait de plus en plus pressant, je profite d'une accalmie pour sortir de ma cachette temporaire avant de lui lancer les trois shurikens dans sa direction. Je vise les yeux, la tête. J'ai dans l'espoir que ça le tuera net. Sinon, il hurlerait de douleur, aurait un accident de moto, et sa longue agonie serait une ode à ce qui l'attendait en Enfer. D'un geste bien placé, j'avais lancé mes shurikens, et comme prévu, le premier entra droit dans son œil, et le tua net. Ce n'était qu'une simple question de temps pour que son âme accepte le fait accompli : il n'était plus qu'un cadavre comme tant d'autres. Alors qu'il s'apprête à s'écraser, je bondis sur l'avant de sa moto, saisit le sabre avant le retourner, toujours à l'intérieur de son corps, pour lui accorder une mort rapide, le retire avant que le véhicule ne s'écrase. D'un geste net, et sans bavure, je retire le sang grâce à un chiffon sale dans ma poche. L'épée luisait d'une brillance presque surnaturelle. Il n'y avait pas plus beau spectacle que de voir l'âme d'une ordure se faire aspirer et devenir piégée dans une épée. Son âme allait connaitre les tourments pendant des millénaires, et je n'avais eu aucune compassion pour l'individu. Aucune honte, aucune pitié. Mon regard se fige sur la lame, temporairement. Inspirant et me calmant, je murmure.

"Anata no ishi no mama ni shimashou."

Que ta volonté soit faite. L'arme réclamait l'âme de ce crétin qui venait de décéder. Elle voulait s'abreuver de son âme, et en ce sens, cela permettrait à Maseo et à Takeo de parler avec moi plus tard. Plus l'épée buvait l'âme de ses victimes, plus cela me permettait de croire en une possible rédemption pour mes amis. Une possible rédemption, oui. Si seulement on pouvait le croire. Il y'avait d'autres motos, alors que je replaçais une mèche de cheveux devant moi, il restait d'autres salopards qui voulaient faire un carton. Alors que j'inspire grandement, mon idée première serait de prendre ce qu'il reste de la moto de l'autre crétin, de l'enfourcher, et de foncer à vive allure pour faire ce qui devait être fait. Sans dire un mot, je fonce vers la bécane renversée, ne faisant aucune révérence, ni aucune forme de respect pour le tas de chair qui venait de crever non loin de là. Sa seule et unique action positive, ce sera de me refiler sa bécane alors que je me préparais à foncer vers les autres qui voulaient s'en prendre à Chinatown. La main gauche sur la poignée, et la droite qui tenait le sabre comme une lance, on aurait cru un de ces tournois de chevalerie que l'on voyait au Moyen-Âge.

"Vous ne vous en prendrez pas à ce quartier."

Dis-je, alors que j'allumais la moto. J'allais en découdre, et cela allait être une effusion de sang. Pour qu'ils aient une chance de s'en sortir, ils devraient me supplier à genoux, ou bien espérer que Batman passe dans le secteur. Je n'aurais aucune pitié, et quitte à être un ange de la mort, j'allais tenir cette réputation. Telle une fervente prêtresse, je me remémore mes actions au fur et à mesure que j'avance vers eux. On ne pouvait pas décemment prendre une décision en quelques secondes, mais j'étais du genre impatiente, et je n'avais pas d'état d'âme pour les pensées et les rêveries. Qui que ce soit qui est derrière cet acte d'attaque envers mon quartier, il n'est pas prêt à subir la colère de Katana ... Elle n'échappera pas à ma colère ... Personne ne peut prétendre disparaitre, non, personne ne peut fuir ses responsabilités, un jour où l'autre, on est toujours confronté à son maitre, qu'importe le prix, qu'importe la fuite, nos responsabilités nous suivent toujours. La plupart des gens s'étaient cachés, se réfugiaient dans les bâtiments en ruines aux alentours, ne laissant qu'une impression de duel à mort qui s'annonçait. Je vivais pour ce genre de moment, cette petite montée d'adrénaline, cette petite chose qui redonnait goût en l'instant présent ... Démarrant la moto, je fonce vers les quatre autres au loin, un sourire au coin. Le dénouement ne faisait que commencer.

"Je vis pour le combat. Je vis pour l'instant. Ma lame a soif."

Le mal prend plusieurs formes, mais il reste toujours le même.

Ce ne sont pas des amateurs. Tu y pensais depuis que tu avais remarqué le changement de trajectoires des deux motos qui viennent vers toi. Tu le sentais au fond de toi, ce n'était pas une bête opération de pillage des ressources allouées à Chinatown. Non. Tu sens au fond de toi que c'est encore pire que tout ce que tu peux imaginer. Ils se sont délaissés de leur cible pour t'avoir, toi, et rien que toi. Observant avec attention, tu remarques que l'oni jaune fonce vers toi, et qu'il décoche les balles comme un dragon. Tu essaies tant bien que mal de dévier et de zigzaguer dans tous les sens pour éviter ses balles, mais tu sens déjà une blessure dans ton bras. Une balle t'a touchée et elle est ressortie. Puis une deuxième, droit dans l'aine. Et enfin une troisième, qui t'entaille de peu, la joue. Mais tu avais senti l'onde de la balle te frôler. Plus le temps de jouer. L'autre essaie de prendre son temps et semble vouloir s'en prendre à toi avec un katana. Le véritable danger pour le moment, c'est le jaune, qui continue d'avancer droit vers toi. Alors, pour combler ce spectacle qui s'offrait à Chinatown, tu abaisses ta tête et tu fonces vers lui, à toute vitesse. Alors que la collision s'annonce presque inévitable, tu t'éjectes en arrière pour éviter de finir dans l'accident, quelques secondes avant que la moto ne s'encastre dans l'autre moto. En t'éjectant, tu t'offres le luxe de survivre à tout ça, une nouvelle fois. Et malgré le goût du sang qui est dans ta bouche, tu ne peux pas reculer. Tu ne peux pas accepter la défaite. Tu serres ton sabre si fort dans ta poigne, que tu te rappelles de l'enseignement de Maseo et de Takeo ...

"L'honneur ou le déshonneur ne sont pas dans l'épée, mais dans la main qui l'empoigne."

Ces paroles, tu les connais bien. Les vertus du samurai. Les vertus de celui qui se bat pour l'honneur. Ces paroles, elles te portaient toujours vers ta mission, vers ce que tu crois être juste. Tu te relèves pour voir le carnage, mais tu n'as pas le temps de profiter. Tu te saisis de ton sabre. Tu es blessée, mais tu es encore debout. La rage de vivre l'emporte sur la mort, comme toujours, et pourtant, certaines nuits, tu pries pour que la mort te ramène à Maseo. Et elle ne vient jamais, elle ne vient pas du tout ... Tu t'approches de ce qui reste de la carcasse de l'oni jaune. Il semble salement blessé, il hurle, il hurle à la mort. Dans un tel état, il valait mieux qu'on en finisse maintenant, et tu acceptes de lui donner le peu de pitié dont tu es disposée à offrir. Un coup de lame, dans la gorge, et c'est la mort qui l'emporte. Quelle chance il pouvait avoir, alors que toi, tu ne peux pas mourir. Tu ne le peux pas. Pas encore ... Mais un bruit te ramène à la réalité. Le vrombissement de la moto de l'oni rose. Tu te retournes, l'arme dégainée, et tu te rappelles que lui aussi possède un katana. Il le brandit, hautement, avant que tu ne pares sa première attaque. Un maigre sourire parait sur ton visage, alors que tu es blessée. La douleur t'indique que ce n'est peut-être pas aussi grave que ça en a l'air, mais tu es capable d'endurer les coups. Tu as déjà vu pire.

"Ta technique est bonne, mais tu oublies à qui tu as affaire. Tout ce que l'on t'a appris, je l'ai perfectionné avant toi, je suis même à l'origine de certains des mouvements les plus mortels. M'attaquer comme cela, c'est tenter de leurrer une polyglotte avec sa langue."

Dis-tu, sur un air de défi, prête à croiser le fer avec cet inconnu qui porte un casque rose. Une parodie. Tout cela te paraissait presque iconoclaste et d'un tel manque de respect. Tu es très incisive dans tes coups, tu distribues la parade avec une excellence sans pareille et tu sais faire parler ton sabre avec tes gestes, mais tu n'es encore qu'une enfant. Une enfant qui ne comprend pas les choses du combat. Tu t'es perfectionnée toute ta vie, tu t'es entrainée avec les meilleurs, et pourtant, il te manque quelque chose. Quelque chose qui te fait défaut, et cela se ressent. L'amour, le panache. Qu'est-ce qu'une vie sans amour ? Une vie sans musique. Tes mouvements sont bons, ils sont superbement exécutés, mais tu le sens au fond de toi, Katana, il te manque ce panache dont tu avais tant besoin. Quant à toi, jeune oni, je t'inflige une première blessure au bras, une entaille qui va t'apprendre la douleur. Tu souffres ? Tant mieux. Cela ne faisait que commencer. Notre combat ne serait pas des plus faciles, mais tu m'amuses énormément. Tu ne comprends pas encore les choses comme moi je les vois, mon petit, mais peut-être qu'un peu plus de tristesse dans ta vie, pourrait enfin libérer la personne qui sommeille en toi. Te pousser à devenir meilleur, à devenir insensible, voila la chose qui te permettrait d'être plus ... Violent dans une monde en perdition. Mais tu ne vivras pas assez longtemps, je te le promets. Qui que tu sois. Ta lame se mêle à la sienne, et tu sais qu'il ne lui reste que peu de temps pour te contenir. Ce n'est pas un expert du sabre, il est fébrile dans ses positions. D'ici peu, tu pourras lui trancher la gorge à son tour.

"Qui ose t'envoyer s'en prendre à ces gens ?"

La mort est l'affaire de tous.

"Dansons alors."

Dis-tu, avant de plonger ta lame contre la sienne, frottant l'acier contre le sien. Tu sens sa force à travers sa tentative de parade, et même si le temps semble jouer contre toi, tu sais très bien que cela ne pourra pas être possible d'intervenir ailleurs, tant que tu ne l'auras pas tué. Ce Rose est dangereux, et même s'il était bien armé, il n'a aucune prise sur son arme, il est presque risible pour toi de te battre face à lui. Ridicule même. Ton ton est sec, froid. Limite, tu pourrais être dégoutée d'être ici, en compagnie de ces pauvres ères. Autant être ferme avec cette racaille qui souille les rues de Chinatown. Tu es semblable au serpent, qui charme sa victime avant de la resserrer dans ses plis. Tu es dangereuse, et tu ne peux décemment pas croire en cet homme qui joue du katana comme s'il était dans un jeu vidéo. Néanmoins, tu as une quelconque peine pour lui. Tu es bien plus une victime des agissements d'une ordure quelconque, qu'autre chose. Mais tu dois mourir. D'un geste lent, tu lances ta lame en l'air avant de sauter par-dessus le joueur Rose en lui tenant la tête pour passer au-dessus de lui. Tu récupères ton arme qui retombe et tu lui lacères le dos avec ton katana. Une blessure nette, profonde, et tu te demandes même s'il ne vient pas d'être paralysé par cette lame que tu soignes si souvent, avec les meilleures huiles. La mort était une vieille amie, Tatsu, elle te suivais et réclamait sa dose de cadavres, elle voulait que tu tues pour la nourrir et tu comprenais ce besoin. Tuer vous transforme, tuer te transforme en une machine de guerre, tuer t'offre ce délice d'être maitresse de la vie des autres, un pouvoir que tu ne pourrais pas comprendre si tu t'obstines à persévérer dans la voie du Batman. Comme cela est bien fade, comme mode de pensée. L'homme hurle, son hurlement est un plaisir à tes oreilles. Alors que tu es toujours derrière lui, tu te rapproches avant de lui susurrer à l'oreille. L'instinct du sang reprend le dessus et tu te montres sous ton véritable visage. Le meurtrier venait donc de sceller son destin en devenant lui aussi de l'histoire ancienne.

"Tu n'es pas digne de porter une lame."

Avant de lui transpercer la gorge avec ta lame. Net et sans bavure, dans un dernier gargouillis de sang, un râle presque inaudible, et pourtant, tu sais très bien que sa mort fut très rapide, comparé à l'autre joueur, qui avait sûrement souffert avant de mourir. Ce petit dédain était gratuit, tu l'admets, mais c'était revitalisant et provocateur à souhaits. C'était la maitresse d'armes qui parlait. L'entraineuse ultime, la puissance qui découlait de ton aura en aurait fait trembler plus d'un. Beaucoup de ceux qui ont suivit cette voie sont morts, ou sont suffisamment ravagés mentalement pour se servir d'un pouvoir de force qui les dépassent. Une puissance sans nom, un art du combat qui se mesure grâce à une force mentale suffisante pour l'accepter. Ce n'était pas qu'un don, c'était une habileté que très peu d'élus pouvaient acquérir, même au bout de plusieurs années de combat. Et encore, tu n'étais qu'un petit poisson face à des dangers ambulants comme Lady Shiva. Mais tu savais te défendre. Tu te retires et tu sais que tout ça n'est pas fini. Rien n'est jamais fini dans cette ville. Tu sembles tellement ... Fière de toi. Fière de ce que tu crois représenter. Tu veux défendre Chinatown, de la meilleure façon qui soit. Mais tu sais que tu n'as pas le temps de prendre du plaisir à tuer ces ordures, non. Tu dois faire ce que tu dois pour sauver ce quartier de sa propre folie. Des gens, des vautours sont tout autour de toi, et tu n'as pas le temps de régler toutes ces histoires. Le but premier est pour toi, de mettre fin à tout ça. Relevant la tête en direction d'un camion qui vient d'avoir un accident, tu décides de te ruer vers le lieu du crash et de faire ce qui doit être fait. Le temps de la douceur entraine toujours une suite logique de chaos, de guerre et de turbulences. Il est vrai que les sociétés occidentales sont minées par cette douce paix relative que conforte les démocraties. Mais que se passe-t'il quand la démocratie échoue et éloigne les plus fragiles de la société ? Voila où nous en étions. Alors que tu courais vers ce qui semblait être l'accident le plus récent, tu te remémores ce que disait ton vieux maitre. Les pensées t'assaillent, tout tourne autour de toi mon cher Maseo, tout tourne toujours autour de toi. Pourquoi me dirais-tu ? Mais tout simplement parce que tu es mon monde, ma vie, et que ce que je m'apprête à faire est nécessaire pour te récupérer. Ce sabre a soif d'âmes, après tout. L'esprit est une chose fragile Tatsu, tu le sais mieux que quiconque, toi, qui vit dans une ville peuplée de créatures dangereuses, folles et terrorisées. Mais tu es la femme qui tente de se montrer supérieure, tu essaies de monter les tiens vers le summum, vers l'exaltation d'une société que tu dis juste. Tu essaies de garder les apparences, mais tu sais très bien que l'homme ne reste qu'un homme alors que tu vois les horreurs qui s'amoncellent à Gotham City. Et aujourd'hui, un nouveau cap était franchi. Tu surplombes maintenant la rue, tu vois les deux clowns qui se tiennent en avant devant toi, et telle une vengeresse, tu t'apprêtes à dispenser la justice. Celle du sang. Tu aimes sentir cette petite pulsion en toi, celle de la vie qui quitte son enveloppe charnelle avant de s'éteindre, sentir la vie que tu as combattu, diminuer et cesser d'exister. La mort, tu l'apprécies, et encore, tu allais apprécier de leur prendre leurs vies.

"Je vous donne une dernière chance de vous rendre."

Dis-tu, en fixant les deux clowns à motos qui s'amusaient à s'en prendre à un camion. Ils avaient eu un ultimatum. Maintenant, ils avaient un choix à faire, et ils savaient très bien que tu venais de tuer deux de leurs amis. Et que ce serait pareil. Tant que tu vivras à Chinatown, ce quartier sera protégé de ces ordures. Tant qu'il te restera un souffle de vie, malgré tes blessures apparentes, tu te battras. Et Maseo et Takeo seront toujours près de toi. Toujours. Le regard braqué, noir, tu te tiens droite, prête à rendre les coups. Ton katana est encore sanglant, et tu sais que cela ne cessera jamais. Jamais.