Veillée familiale

Sujet: Veillée familiale Ven 26 Jan 2024 - 16:23

Type de RP : Solo
Date du RP : 03/11/19
Participants: Tian Hong
Trigger warning: /
Résumé:

Machinalement, Tchang sorti une cigarette de son paquet et l'amena à sa bouche. Pourtant, avant d'avoir pu troquer le contenant contre son briquet, la tige s'était échappée d'entre ses lèvres, saisie par une main agile et puissante. Celle-ci, adroitement, remonta vers son oreille et, familièrement, appuya dessus pour glisser la clope là. Enfin, la main retomba sur l'épaule du Malfrat et la pressa avec chaleur.

« Attends qu'on sorte, c'est pas l'endroit. »

Le chinois aurait dû protester, mais il n'en avait ni la force, ni même vraiment l'envie. Un regard en coin, suivi d'un hochement de tête, transmis sa compréhension au Guerrier. Celui-ci, avec patience, tapota l'épaule de son vieux frère d'arme puis laissa glisser sa main dans son dos. Devant lui, assis dans un fauteuil roulant, l'arrière de la tête de l'Opérateur trahissait son intense fatigue, dodelinante avec régularité sans jamais chuter pour de bon.

Et fatigué, Sun l'était, fatigué des médicaments, fatigué des opérations, fatigué des cauchemards toutes les nuits. Quand bien même n'aurait-il pas eu pour excuse de devoir rester éveillé pour ne pas perdre une miette de cet instant qu'il aurait pourtant fait de son mieux pour ne pas sombrer, ne pas revivre ces derniers mois passés sous le masque de l'ennemi. Mais plus encore que toutes les blessures physiques et mentales qu'il se trimballait, la pire restait l'énorme plaie dans son moral, celle qui lui fermait les portes de l'espoir, alors même qu'il avait gardé le cap, seul, infiltré et sans cesse sur le fil.

« Du coup ? Qu'est ce qu'on fait ? Il doit déjà être à Taipei, à Tokyo, Beijing ou Shanghaï, avec la Française. Ce sera dur de placer un contrat sur leurs têtes.

D'un même mouvement, le reste du groupe tourna la tête vers l'homme aux mains décolorées. Kento n'avait pas été de la fête, occupé à d'autres tâches, hors de Gotham, mais il avait pris le premier avion depuis Hong-Kong lorsque les informations internationales avaient relayées l'alerte à la bombe, puis la défection du Gant Noir. Pour l'heure, il se tenait là, les bras croisés, à observer la petite assemblée en attendant une réponse qui vint de la seule et unique personne à pouvoir garder son sang-froid en pareille circonstance.

- On ne change rien à ce qui étais prévu. Le Syndicat va voir le jour et conformément aux ordres de Tian, j'en prendrais la tête. Avez vous à redire à cela ? Demanda t-il finalement. Quelques secondes de silence s'écoulèrent avant qu'il n'ouvre à nouveau la bouche, il ne peut pas intervenir, mais j'entends que vos désaccords soient réalisés en sa présence.

Et, comme un seul homme, les cinq se retournèrent vers le corps flétri pour méditer leurs griefs et leur soif de pouvoir. Le visage impassible, Bo savait qu'il n'aurait pas à subir de dissension, l'homme allongé là le lui avait garanti, comme ils s'étaient garantis d'écarter méthodiquement les leaders des autres gangs et mafias. L'Administrateur ne serait jamais un politicien, et celui à qui il avait laissé ce rôle avait fait de son mieux pour lui dégager la voie. Par ce qu'il savait qu'une telle chose arriverait.

- Je n'ai pas l'intention de m'opposer à quoi que ce soit mais la question demeure, commença l'Opérateur d'une voix faible et sifflante, qu'est ce qu'on fait pour ce sociopathe et sa rousse ? Je n'ai pas eu le temps de compulser beaucoup de notes mais je craint que nous n'ayons besoin de très longs mois avant de nous aviser de chatouiller Taipei.

L'Administrateur agita doucement la tête et repris aussi net, quittant le corps immobile des yeux pour se concentrer sur le taïwanais en fauteuil roulant :

- On ne fera rien. Je n'entends pas sacrifier ce qu'il nous reste pour une chimère de vengeance. Nous sommes tous susceptibles d'être les prochains et, à présent, nous sommes seuls, seuls contre tous. J'ai besoin que vous vous en teniez à ce que nous avons déterminés. Opérateur, nous aviserons ta réintégration en temps voulu, Tian n'a jamais été certain de ta survie.

- Même qu'on a porté le deuil, deux fois, rajouta Tchang d'un ton un peu peiné.

En entendant ça, le Marchand décroisa légèrement les bras et libéra une main qui s'agita en mode "sérieux ? et moi ?", ce à quoi lui répondirent les mines déconfites de Tao et Tchang. Renonçant de fait à tenter de détourner la conversation afin de l'alléger, il poussa un bref soupir, glissa ses mains brûlées dans ses poches et reporta son attention sur l'ancien Gùn.

- C'était définitivement une année de merde, souffla Tao avec douleur, Bo, je n'ai pas l'intention de discuter ton leadership, je n'ai pas non plus de raison d'intégrer le Syndicat. Cela, le Guerrier se coupa une petite seconde, laissant les exclamations de surprise passer, s'il vous plait. Temps m'est venu de faire pénitence et servir de plus grands intérêts que les nôtres. J'étais là, au Gotham Plaza, j'ai fait ma part, face au Gant Noir et face aux poupées. Mais avant ça, j'ai passé une longue année à Chinatown, j'étais là quand ils ont fusillés les contrebandiers, affamés les gamins de la Kane's Middle School, violés les passeuses. Vous n'étiez pas là.

- Alors du coup tu veux virer Super ? Demanda Tchang, incrédule. Nous attendre dans les ruelles sombres, nous casser la gueule, oublier notre force, notre collectif ? Ne dois tu- ne devais tu ta loyauté qu'à ça ?!

D'un geste vif, le Malfrat retroussa la manche de sa veste et de sa chemise, exhibant le vieux tatouage. Malgré son effacement partiel, il demeurait parfaitement lisible grâce aux cicatrices que le machine artisanale lui avait fait en prison. Le visage contrit mais calme, le Guerrier répondit :

- Non, mon frère. Maintenant, plus que jamais, je n'oublie pas qui sont les miens. Nous sommes les Hong's Five, mais les magouilles, piétiner les petits, mettre en esclavage les oubliés avec la drogue, le sexe, le jeu, servir les vices et les aspirations des nantis corrompus… c'est fini. Que le Syndicat suive la voie de Tian. Moi, je veux croire à un plus grand collectif, j'ai vu la noblesse de ceux d'en bas et nous voyons tous maintenant la perfidie qui se tiens au sommet. »

Grommelant, Tchang tira sur sa manche pour la remettre en place avant d'en boutonner l'extrémité. Les autres se regardèrent, puis tous reportèrent leur attention sur leur nouveau leader, silence faisant accord, il acquiesça et conclut :

« Très bien. L'un de vous veux t-il quelques instants avec- » coupa t-il volontairement en voyant Tchang s'avancer.

Celui-ci, dépassa le reste du groupe et s'en vint saisir une chaise proche pour la disposer à côté du seul qui n'avait pas eu la parole. Avant de s'y asseoir néanmoins, il eu un regard pour la minuscule assemblée et, comme un seul homme, les quatre se détournèrent et sortirent de la salle, sans un mot, sans un regard.

Sujet: Re: Veillée familiale Mar 19 Mar 2024 - 16:48

La porte refermée. Tchang se pencha par dessus Tian et l'observa quelques secondes. Puis sa main vint à son oreille, tâtonna et saisit la cigarette glissée là par Tao. L'ôtant, il la fit tourner entre ses doigts et esquissa un sourire.

«Tu te souviens de l'attaque contre les services secrets ? Évidemment, sinon comment tu te serais souvenu qu'on est frères ? Moi aussi je me souviens, enfin... pas tout. Mais après, quand je me suis réveillé, je me souviens très bien. Tu étais là, à côté, et j'ai toussé et essayé de bouger. Et toi, tu m'as collé une clope au bec. Je me souviens très bien de ce que tu m'as dis.»

Arrêtant d'agiter la cigarette entre ses doigts tremblants, il ajusta une mèche de son frère d'arme et coinça la clope derrière son oreille. Puis il s'assit.

« Voilà une bonne raison de tousser. Me donne pas une bonne raison de te faire chialer. Déjà à l'époque, t'étais un sacré con. Faire comme si tu étais de la vieille école, mais on a jamais été assez vieux pour en être. Regarde toi maintenant. Et dire que j'étais convaincu que tu ne prendrais plus de tels risques après le Pakistan. »

Les mains jointes devant son visage, les yeux en amandes papillonnèrent, les narines se dilatèrent et il renifla. Un instant durant, il se repris, réprima les hurlements d'agonie de son cœur meurtri, la cascade d'images, de sons, de sentiments qui tentaient de se frayer un chemin par ses yeux et ses lèvres. Enfin, il s'adossa à la chaise, poussa un long soupire rauque et repris la parole d'une voix éraillée :

« T'avais juré. Tout se passerait comme prévu. Tu l'avais prévu ça ? Prévu de nous abandonner ? On devait faire ça, ensemble. Les trois T, jusqu'au bout, et quoi qu'il arrive. Tian… Tao veux devenir un vengeur solitaire, et toi, tu es… là. C'est... c'est pas juste. C'est pas juste ! Putain ! »

Se relevant vivement, le Malfrat passa ses mains dans ses cheveux, tendus comme un piquet, et se détourna pour faire quelques pas dans la salle. Entre ses lèvres, il continuait de murmurer. "C'est pas juste", mais ça ne l'était jamais, et lui-même en était un de ses représentants. Injustice, braqueur multirécidiviste, racketteur, meurtrier, casseur de gueule, voleur à la petite semaine, il n'avait rien fait dans sa vie qui puisse justifier une quelconque justice immanente à son crédit, et pourtant.

« C'est- c'est pas juste Tian. Je- j'vais mourir, et t'es déjà plus là. Ça va me bouffer, lentement, sans s'annoncer, et je serais tout seul. Merde, tellement "pas une seconde", monsieur Hong le grand patron des Triades ! J'ai même pas pu te dire. T'as pas eu le temps pour tes frères, et Tao ne l'aura plus. »

Ré-avançant vers le lit, il se pencha à nouveau dessus mais s'appuya cette fois sur le rebord. Un nouveau soupir, quelques reniflements, et quelques larmes échappées.

« On aurait jamais dû arrêter Shanghaï. Juste toi et moi, on aurait été des légendes, ensembles. Le premier à clamser aurait été vengé par l'autre, jusqu'à brûler toute cette ville de merde. Tian, je ne peux pas brûler Gotham pour te venger. Je ne peux pas, tu comprends ça ?! »

Son exclamation fit place au silence pesant, et il se retrouva à nouveau seul avec ses démons, seul avec sa tristesse. Que restait-il à dire ? Avait-il seulement besoin de justifier l'inutilité de vouloir détruire la cité pour laquelle son meilleur ami s'était sacrifié ? Besoin d'exprimer la loufoquerie de prétendre faire "mieux" que le Gant Noir ?

Mais si la ville ne pouvait être détruite, certaines choses pouvaient l'être, en elle. Ruminant rageusement ses pensées assassine, toujours penché sur le lit, les mains plantés sur le bord, il murmura :

« Je peux détruire ce que le Gant Noir voulait épargner… les dingues… les racailles… tout ce putain de système corrompu… et même… »

Ses mains se resserrèrent sur le bord du lit, les jointures de ses doigts blanchissant encore sur sa peau pâle.

« Le Clairvoyant. Et rien à foutre de Cheng. Et après, la Triade. Je l'aurais ta vengeance. Et je partirais comme j'ai vécu, enragé, dans un déluge de plomb. »

Malgré les larmes qui lui montaient aux yeux, le Malfrat avait esquissé un sourire triomphant. S'il ne pouvait plus créer, s'il n'avait plus d'avenir, alors il allait détruire, détruire le futur du plus grand nombre de ses ennemis. Desserrant le bord du lit, une main vint à ses yeux pour essuyer les larmes naissantes. Il renifla, encore une fois, et passa la main sur le front de Tian, le dégageant pour y déposer ses lèvres souriantes.

« A bientôt, mon frère. »

Sujet: Re: Veillée familiale Sam 23 Mar 2024 - 14:54

La mine neutre, le Malfrat était ressorti de la salle et, sans un mot, avait juste repoussé la porte pour la maintenir ouverte pour le suivant. Dans le couloir, les quatre hommes se jetèrent un coup d'oeil, mais chacun savait quel ordre il allaient suivre. Aussi, Tao s'avança, barrant le chemin à Tchang, le temps d'une main sur une épaule, d'un regard. Après quoi, il le contourna et s'enferma avec Tian Hong.

La porte refermée sans un son, de son pas souple et aérien, le Guerrier glissa sur le sol jusqu'à se tenir devant la tête de lit, pouvoir observer de près de visage sur lequel il avait passé des années à cogner, en retenant ses coups bien sûr. Scrutant chaque parcelle du visage du Gùn, son regard tomba inévitablement sur la cigarette derrière son oreille. Presque par réflexe, il voulu aller l'ôter, et ne s'arrêta que lorsque sa main fut à mi-chemin.

Il soupira, puis étira un sourire sur ses lèvres.

« Celle-là, je te la laisse. Ho… Tchang… »

Son sourire retomba rapidement, et le vigilante malgré lui porta le regard vers la porte d'entrée. Là, derrière, se trouvait à présent la personne la plus importante de sa vie, une personne qui se pensait abandonnée de tous. Et le pire, c'est qu'il n'aurait su donner tort à ses sentiments, car oui, aussi important qu'il soit, Tao devait le laisser livré à lui-même, pour sauver plus de gens, des gens justes, innocents.

« Penses-tu qu'il comprendra, un jour ? »

Avec une attitude aussi bienveillante que triste, Tao reporta son attention sur son frère d'arme, comme s'il allait lui répondre. Un long instant s'écoula, un grand silence plein d'apaisement. L'homme gardait l'œil rivé sur son comparse, mais son esprit, lui, s'en était allé loin, très loin. Jusqu'à ce qu'il brise la paix :

« Nous aurions pu être destinés à ça. Tous. Sun m'a raconté. Rester une victime, ou devenir un bourreau. Tu avais parlé de ça à la catcheuse, quand on a sauvé ces gamines. Parait qu'elle s'est entichée de l'Apprenti, qui l'eut cru ? J'aurais pu lui briser le cou dans ce restaurant, pour l'exemple, mais toi tu as vu quelque chose, ou tu as eu de la chance.»

S'arrêtant l'espace d'une demi-seconde, un bref coup d'œil lui permis de situer la chaise, et s'y installer, reprenant la parole posément, comme il aurait discouru à l'adresse des autres :

« Je divague déjà. C'est toi le beau parleur. Mais ce gamin, il a vraiment quelque chose, il pourrait… être meilleur. Nos armes, notre fraternité, notre puissance, au service des nôtres. Pas juste notre maison, non, nous, en tant que peuple, en tant qu'opprimés. Quand je le vois lui, les choix qu'il a fait, ce qu'il ressent, pris dans ses explication, le Guerrier cogna son poing sur son cœur, je pense qu'on auraient pu être pareils. Toi, Tchang, et moi, on auraient pu être de vrais redresseurs de tort, le véritable bouclier que les Triades font semblant d'être. Je peux devenir un contrepoids, contre nos propres travers, et je vais le faire. Juste… »

Enfin, il détourna le regard, sa voix s'abaissa jusqu'à n'être qu'un murmure dans lequel transparaissait sa gêne.

« J'aurais aimé que le Syndicat ne ressemble pas à ce qu'il va être. J'aurais tant voulu avoir mes frères à mes côtés. Mais tu es là, et tu es… le Gùn, et Tchang, il ne protègera jamais que ceux qu'il aime. Il est le meilleur frère possible, mais pour ça, il commettra toutes les horreurs qu'il estimera nécessaire. »

Soupirant, l'artiste martial regarda le sol entre ses jambes et se frotta les mains nerveusement. Quelques instants s'écoulèrent encore avant qu'il ne trouve la force de poursuivre.

« Je n'ai jamais été une victime. Mais je suis quand même devenu bourreau. Toi… je sais que tu avais autre chose, quelque chose que Tchang n'a pas. C'est pour ça qu'on s'est battu pour ce trou pourri, plus qu'on ne s'est battu pour Hong-Kong, pour Perth. Pour ces gens qui ne représentent rien individuellement, mais que nous nous sommes sentis obligés de protéger, quitte à déchaîner les foudres de Taipei. Je sais que tu m'aurais compris, par ce que tu as ça en toi, par ce qu'on a fait fermer des bordels, massacré la racaille traître à son sang, livré des flics corrompus. Tu étais un gamin de la rue, et t'as toujours eu l'espoir d'empêcher cette vie à d'autres. »

Avec souplesse et célérité mais sans la moindre brusquerie, le taiwanais se retrouva debout. A nouveau, son regard s'était porté sur le visage de Tian.

« Je ne suis pas un leader, pas même un mentor, et j'ai perdu tous mes élèves, ce qui fait de moi un abominable professeur. Alors je ferais ce à quoi je suis bon. Je me battrais, pas pour les Triades, ni le Syndicat, je me battrais pour ceux qui ne le peuvent pas. Par ce que je suis le seul en qui Chinatown puisse avoir pleinement confiance à présent. »

Enfin, d'un geste assuré, lent, presque solennel, Tao amena une main jusqu'au Gùn et la posa avec douceur sur son cœur.

« Je sais que tu peux m'entendre. Moi vivant, jamais je ne laisserais ta lumière s'éteindre. Et jamais je n'oublierais d'où je viens et qui m'a fait. Merci Tian, a un de ces jours. »

Il y eut un sourire, et même un peu de chaleur, et l'espace d'un instant, Tao retrouva un peu de cette paix qu'il avait amené avec lui. Un adieu n'est qu'un lointain au revoir, songea t-il avec philosophie. Mais malgré toutes ces bonnes pensées, ôter sa main déchira toute positivité dans son esprit. Et c'est avec une mine indifférente, pour ne rien laisser transparaitre de sa douleur, qu'il s'en retourna dans le couloir. Là, il y laissa la porte ouverte, de sorte de laisser entrer le suivant, lentement, au gré de sa propulsion difficile dans son fauteuil roulant.

Sujet: Re: Veillée familiale