Le long d’une route déserte à cette heure, Dick Grayson marchait en direction du Manoir Wayne, jouant des clés de sa voiture dans la main. Son moteur avait lâché et il ne pouvait ni pester contre le monde entier, ni se plaindre de la poisse qui s'abattit sur lui, car voilà dès semaines qu’il avait pressenti un problème sans prendre le temps de s’y pencher. Entre les cours, les entrainements avec son mentor, les titans et les sorties entre copains, ses pensées avaient été loin d’être dirigée vers ce fichu moteur qui, lors des dernières secondes de sa vie, avait émis un bruit qui s’apparentait facilement à la quinte de toux d’un sexagénaire qui avait fumé comme un pompier toute sa vie. Mais soit, Dick était une personnalité optimiste et il voyait le bon côté des choses ; rentrer à pied lui permettait de pouvoir observer ce ciel aux myriades d’étoiles, qui reflétaient leur lumière même tant de temps après leur mort. Un cadeau qui selon lui, n'était pas apprécié à sa juste valeur tant il était devenu commun. Et pourtant, l'espace ne se révélait-il pas aussi captivant que dangereux ? Aussi mystérieux, qu'infini.

Son téléphone vibra dans sa poche, il s’arrêta un instant pour lire le message de Pennyworth qui l’informait du diner de monsieur dans le frigo. Bien ! L’acrobate avait une faim de loup. En glissant à nouveau son portable, dont la batterie menaçait de rendre l’âme, un bruit sortant de l’ordinaire fit tendre l’oreille au brun. Il s’arrêta, en alerte, sortant les mains de ses poches pour un meilleur timing s’il devait agir vite. Son visage se releva naturellement, le son inconnu venait d’en haut, mais il ne vit encore rien. Les arbres les plus hauts lui voilaient la vision, ainsi il se mit à courir plus loin en hauteur, là où l’horizon était davantage dégagé. C’était là qu’il vit cette boule de feu qui se dirigeait droit dans l’épaisse forêt, où les branchages et la densité de la faune octroyait cette intimité à toute épreuve. Le coeur bondissant dans la poitrine, car Dick ignorait à quoi il avait à faire, il hésita entre contacter Bruce et aller voir de lui-même ce qui venait de se crasher dans un bruit sourd. Sa réflexion ne prit qu’une fraction de seconde, en réalité ; il se sentait capable d’agir en solo. Un avis qui n’était pas partagé par le chevalier de la nuit, mais qu’importe.

En fonçant dans la broussaille et se ramassant en pleine figure les branches les plus basses, Dick allait à vivre allure vers le point incandescent qui illuminait l’obscurité. D’une main, il se déblaya un passage et de l’autre, il gardait ses doigts à proximité de sa poche arrière, où le jeune acolyte gardait un batarang. Juste au cas où. A cet instant où il la vit, cette lumière chaude dans la nuit noire, Dick se sentit de retour sous le chapiteau du cirque haley pour un spectacle inoubliable. Un ballet tout de charme et de poésie, qu'on ne pouvait se vanter d’avoir vu qu'une fois dans une vie et qui éveillent tous les sens par sa beauté, sa rareté. C’était la première image par laquelle l’adolescent fut foudroyé en plein coeur, alors que ses yeux bleus contemplaient ce regard émeraude, vif et ardent. Littéralement tombée du ciel, comme un ange mais auquel elle ne ressemblait pas ; elle était une créature bien plus belle, et sa première impression lui dit qu’elle était vulnérable mais pas sans défense. Les secondes s’écoulaient et les dernières braises de ce feu se dissipaient, ne laissant que le froid et l’obscurité d’une nuit à Gotham.

Qu’importe qui l’inconnue était, ou d’où elle venait ; la première chose qu’elle entendit de cette planète, fut une expression d’admiration qui signifiait à la fois tout, et rien.

Wooow…

Dick hésita à s’approcher. Il était à quelques mètres de cette fille, qui avait l’air aussi jeune que lui. En réalité, elle lui ressemblait beaucoup, à quelques détails près ; la pigmentation de sa peau n’était pas ordinaire, ses longs cheveux épais tendaient vers un rouge trop parfait, son regard… son regard, Dick s’y noyait à corps perdu et ne pouvait s’en détacher. Balbutiant, la bouche légèrement entrouverte car il n’avait que dix-sept ans et se retrouvait dans une situation étrange face à une fille, il restait d’abord inerte et cherchait un moyen de communiquer. La voix de la rouquine avait brisé le silence mais il n’en comprit pas un traître mot. Alors, il attrapa lentement son sac à dos et le mit à terre, levant doucement ses bras pour montrer qu’il était inoffensif. En mettant un main sur sa poitrine, près de son coeur, il dit “Dick Grayson”, armé d’un petit sourire qui se voulait amical. Il pointa ensuite le ciel, redessinant la trajectoire de la chute, pour lui faire comprendre qu’il l’avait vue tomber ? atterrir ?

Toi ? demanda-t-il en pointant du doigt l’inconnue, subjugué par cette rencontre inattendue. Toi, comment tu t’appelles ? A nouveau il se présenta, en répétant son prénom pour espérer qu’elle comprenne sa question. Dick. Diiiick Grayson. Se sentir un peu bête était le cadet de ses soucis, il n'allait pas arrêter tant qu'il n'entendrait pas cette fille lui souffler un nom. Un nom qu'il n'oublierait sans doute jamais.

Cette rencontre faisait partie de celle dont Dick ne se souviendrait pas comme d’un songe, mais d’une réalité ancrée dans son coeur, qu’il pouvait revivre à volonté rien qu’en fermant les yeux.

Alors qu’il venait de se présenter, à ce qui lui sembla être sans aucune hésitation une rencontre du troisième type, Dick la contemplait comme s’il s’agissait d’un tableau mis en lumière pour la première fois depuis trop longtemps. Un chef d'œuvre resté caché, une muse sortie de l'ombre rien que pour lui. Il se sentit étrangement chanceux, et nullement en danger, bien qu’il ne sache rien de celle qui lui faisait face. Et c’était parce que Dick était subjugué par la vision qui s’offrait à lui qu’il ne vit pas tout de suite le mal apparent dont souffrait l’inconnue aux vêtements bizarroïdes. Sa voix, encore une fois, s’éleva au milieu du calme plat de la nuit. Un léger sourire étira les lèvres du garçon, qui sentait son coeur battre sous l’adrénaline, sous la rareté de cet instant que l’univers lui permettait de vivre.

Kory… Si c’est bien comme ça que tu t’appelles.. soufflait Dick, c’est beau… Kory, répéta-t-il encore. C’était cela qu’il avait compris, quelque chose qui ressemblait à “Kory”. Bien qu'excité par la situation, qui de coutume le rendrait plein d'entrain à marcher dans tous les sens et s'exclamer avec joie, pour sûr il resta toujours à sa place. Un genoux contre la terre fraîche de la forêt, les mains légèrement relevées, sans aucune intention de brusqueries car même s'il n'avait pas peur, Dick était assez entrainé pour ne pas baisser sa garde. Elle le pointa alors  de son doigt et répéta son nom, quelque peu déformé, mais c’était ça. Elle avait bien compris. Son sourire bête restait collé à son visage, il n’arrivait pas à s’en dépeindre. Les présentations étaient faites mais interrompues par un léger gémissement de douleur, tandis qu'elle se mit la main sur le ventre. Il eut un mouvement vers elle, encore hésitant. Le visage de Kory traduisait une agonie certaine, et qu'importe le pays ou la planète dont on venait, la souffrance se traduisait généralement de façon assez similaire. Sans prendre plus de gant, Dick se releva et s'approcha de l'inconnue, maintenant accrochée à cet arbre comme s'il s'agissait de sa seule bouée de sauvetage. L'alien articula quelques mots, dont même s'il ne comprit pas la teneur, il en comprit le sens. Elle se mourrait, ou du moins, elle avait gravement mal là où ces mains étreignaient sa chair.

En s'accroupissant à ses côtés, Dick pouvait mieux la détailler. Ses yeux émeraudes étaient voilés de cette lueur verte, hypnotisant. Le corps de l'alien était marqué par ce qui s'apparentait facilement à des marques de sévices ? de liens ? Beaucoup d'hypothèses se mirent à fuser dans son esprit et toutes aussi valables les unes que les autres. Il n'y avait qu'elle, pour raconter son histoire, et elle n'était pas en état. Posant délicatement une main sur l'épaule de Kory, il fut électrisé par ce contact. Sa peau était plus chaude que la sienne, et d'une agréable douceur dont il était difficile de se défaire.

Je vais t'aider, souffla le jeune justicier, ça va aller. Il n'était absolument pas en mesure de faire une telle promesse, mais Dick espéra qu'elle s'en sorte. Il avait envie de l'entendre lui conter ses aventures l'ayant mené jusqu'à ici, il avait envie de l'écouter dès heures. Après un message envoyé et son sac récupéré, Dick l'attrapa dans ses bras, une main soutenant son dos et l'autre sous ses jambes, la portant sans trop de difficulté. Il ne restait pas beaucoup de chemin entre ici et le manoir, et le majordome ne tarderait pas à venir en cours de route. L'adolescent se mit alors à marcher, ne pensant pas au poids de la jeune fille qui s'alourdissait au fil des minutes. S'était-elle évanouie ? Ses paupières masquaient ses pupilles, qu'il aurait aimé encore croisé. De si près, alors que le visage de l'alien était enfoui contre lui, Dick l'observait. C'était comme si elle dormait, d'un sommeil sans rêve, paisiblement.

Alors que Dick longeait la route sur le bas côté, des phares de voiture l'éblouissaient, le rendant aveugle une fraction de seconde avant que le capot lui confirma la présence de Pennyworth. Il s'arrêta en trombe, dans un crissement de pneu caractéristique ; apparemment, le message urgent de Dick l'avait fait sortir du manoir à la hâte, car le majordome arpentait le bitume de ses pantoufles d'intérieur. Alfred, merci ! dit l'acrobate, soulagé de cette présence amicale. D'une part car le moyen de locomotion réduirait considérablement le danger pour l'inconnue toujours inerte dans ses bras, et de l'autre car le majordome était l'infirmier personnel du Chevalier Noir et son acolyte. Il s'occupait des blessures et des maladies plus virales, des entorses et des maux de tête comme de coeur. En somme, l'homme parfait de la situation. Direction la batcave, s'enquit Robin qui s'était installé à l'arrière avec Kory, avant de rajouter d'une plus petite voix : je te raconterai tout une fois arrivé. Je préviens Bruce qu'on a besoin de lui...
Maître Bruce est prévenu, ne vous en faites pas, rassura Alfred qui avait pris des devants et tout anticipé. Tout sera prêt à accueillir...
Kory.
Kory.

Le silence gagna l'habitacle, tandis que Dick baissa les yeux sur celle qu'il étreignait plus qu'il ne tenait, dans ses bras. Dégageant les traits fins des quelques mèches rebelles qui cachaient jalousement la beauté de leur hôte, le brun se demanda quel était ce sentiment éprouvé, celui d'un devoir de protection envers elle ? Depuis toujours, il se savait grand chevalier blanc, c'était ce pour quoi il portait maintenant un masque et une cape ; parce que les habitants de Gotham City avaient besoin de leur protecteur. Mais la sensation était démultipliée avec elle.

Les roues crissaient sur le sol froid de la Batcave et à peine le véhicule mobilisé, que Dick en sortait avec l'alien dans les bras. La porter était chose aisée ; contre toute attente, elle avait le poids d'une plume. Son regard chercha instinctivement celui de son mentor, déjà présent dans l'antre sombre sous le manoir. Ce n'était ni une soirée commune, ni une soirée sortant de l'ordinaire ; depuis que l'adolescent était Robin, il avait l'habitude de cette vie à deux cent à l'heure, du visage impassible de son tuteur et de sa voix grave qui rappelait à l'ordre. De son ombre plantée par-dessus son épaule ; mais si pour beaucoup à Gotham, cette ombre était les prémices d'une justice foudroyante, pour Dick il s'agissait d'une bonne nouvelle. Avoir été recueilli par Bruce Wayne était à la fois la meilleure et la pire chose qui aurait pu lui arriver, et la présence du Chevalier Noir dans sa vie l'avait sauvé d'une tragique direction qu'il aurait empruntée sans son intervention.

La conversation entre le mentor et le majordome fit écho dans l'esprit du jeune acrobate. Il leur lança un regard lourd de sens, n'appréciant que peu le sujet de discussion entamé par les deux adultes. Qu'importe pour l'instant si elle était une orpheline ou non, l'urgence était dans les premiers soins. Ils auraient ensuite tout le temps d'apprendre à la connaître, si elle l'estimait nécessaire et ne s'envolait pas vers d'autres cieux. Après tout, l'être humain était loin d'être la race la plus intelligente, qu'aurait-elle à perdre son temps en leur humble compagnie ? Elle est pas totalement consciente, répondit Dick à son aîné, qui avait salué la jeune fille. L'acrobate se dirigeait vers la première table froide qui sembla avoir été préparée pour l'arrivée impromptue de leur invitée. Il l'y déposa délicatement, comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse qu'on voulait éviter de voir se fissurer. Alfred revenait avec tout le nécessaire médical dont ils pouvaient décemment utiliser sur l'alien, sans connaître quoique ce soit sur ce qu'elle était. Et sur ce qu'elle représente, pensa Dick en laissant ses yeux bleus se fondre sur les plaies de la jeune fille. Juste avant de la trouver, j'ai vu sa chute depuis le ciel... Elle doit venir de loin, expliqua-t-il en ôtant son gilet à capuche pour une meilleure mobilité, au cas où Batman aurait besoin de lui. Les autres vies dans l'espace étaient bien connues des deux justiciers, qui avaient pour bon ami Clark Kent et ses facultés extraordinaires. Il était évident que le meilleur détective du monde ait déjà pensé à s'adresser au superman, dans le cas où le Batordinateur ne lui révèle rien de concluant.

Qu'est-ce que j'peux faire ? insista-t-il. Dick voulait aider, à tout prix ; il se sentait comme un devoir envers Kory, qui avait accepté qu'il l'approche, qui avait accepté son aide en lui accordant sa confiance. Il l'avait pris comme un cadeau et tâcherai de ne pas gâcher cela.

Une fois de plus, Batman s'était montré à la hauteur. Dick avait reposé sur les épaules de son mentor tous ces espoirs, tandis qu'il s'afférait à chercher quels soins prodiguer à l'alien. Il s'était éclipsé un instant pour préparer sa chambre à l'arrivée de la jeune fille ; l'acrobate avait insisté pour que Bruce ne l'installe ni dans la batcave, c'était trop lugubre et froid comme ambiance pour un bon rétablissement, ni seule dans une chambre où rien ne faisait sans doute écho à son monde. Il avait été le premier visage amical que Kory avait rencontré, alors il avait expressément souhaité de garder un œil sur elle.

Trois jours entiers avaient passé, avec Dick à son chevet, qui dormait sur le canapé de sa chambre. Il avait passé du temps à ses côtés, faisant ses devoirs, jouant à la console, lisant un bouquin ― bon d'accord c'était une BD, la regardant dormir paisiblement. Oui, il avait passé du temps à l'observer reprendre des couleurs. Sa chevelure semblait bien plus flamboyante qu'au premier jour et pour le brun, c'était forcément un bon signe. Dévalant les escaliers du manoir, il s'était d'ailleurs empressé de le dire au majordome qui répondit par un sourire discret, l'enthousiasme du jeune maître n'échappant à personne. Pour l'heure, le voilà qui avait repris sa place aux côtés de Kory. Il s'était approché d'un peu plus près, afin de détailler ses jolis traits. Elle n'avait rien en commun avec toutes les femmes rencontrées auparavant, sa beauté était comparable à un joyeux rare sur lequel on ne mettait la main dessus que s'il le voulait bien. Lentement, Dick approcha le bout de ses doigts vers cette mèche qui retombait sur l'oeil de l'endormie. Il voulait la dégager mais avant qu'il ne put le faire, Kory se mit à bouger. Les premiers signes d'un réveil après septante deux heures de sommeil réparateur.

L’adolescent fit un bond en arrière en ne voulant pas que son geste, considéré un peu trop proche à son goût, ne soit démasqué par la rouquine. Un son s'échappa de ses lèvres entrouvertes, il ne comprit pas et n'eut pas même le temps de se pencher sur sa traduction. Les yeux ronds, il fixa les pieds nus de Kory qui quittaient le plancher vers le plafond de sa chambre. K.. Kory, redescends, tout va bien, dit-il, gardant son sang froid. Après tout, un Robin pouvait gérer des situations bien plus stressantes avec des vilains voulant lui faire la peau. Mais ces vilains étaient loin d'avoir cette attitude, cette beauté qui le mettait en émoi...
C'est moi, Dick. Sa voix était assurée et douce ; il était assez empathique pour se mettre à sa place et se douter qu'elle se trouvait en territoire inconnu, seule, démunie. Peut-être pas si démunie que ça, en vérité, car une force palpable se dégageait d'elle.

Debout dans la pièce, habillé d'un t-shirt bleu et d'un simple jean, le brun allait attendre qu'elle lui fasse confiance. Pas de brusquerie, pas de mots pressants. Alors, tout sourire, il demanda C'est comment d'en haut ? fit-il sans préciser s'il parlait de lui, de sa chambre ou de la vue du paysage depuis la fenêtre. Dick ne précisa pas, pour simplement entendre ce qui allait le plus sauter aux yeux de Kory.

L'inconnue venue d'ailleurs était toute à son exploration, sans voir que son hôte aussi, s'était laissé allé à sa propre découverte. Il l'observait toucher les surfaces de l'extrémité de ces doigts ; ce papier peint usé qui n'avait jamais été changé, ou cette fenêtre battante recouverte d'une fine couche de poussière, trop haute pour qu'il ait le courage de passer un coup. Normalement, le majordome se chargeait de ces détails mais l'adolescent avait été catégorique ; personne ne pouvait entrer pour nettoyer ou ranger, c'était ses affaires et... et il y avait des choses qui ne méritait pas qu'on les remarque. Qui ne méritait que rester dans l'ombre. Tout autour était pour lui des banalités, et la plupart des objets Dick ne les voyait même plus, mais dans le regard de l'étrange jeune femme tout semblait avoir de l'intérêt.

Tout à coup alors qu'il venait de parler, Kory baissa les yeux, dans sa direction. Elle n'émit aucun son, mais il put la voir se rapprocher de lui, flottant gracieusement dans les airs. Il en avait ramené des filles dans sa chambre, mais outre le fait qu'elle soit la première à voler au-dessus de son lit, c'était surtout la première qui le dévisageait de cette façon, avec ce regard si pénétrant et si déstabilisant que Dick en déglutit. Une délicatesse et une force se devinait dans ses pupilles, aux lueurs qui n'avaient rien de naturel en ce bas monde. Ses mains encadraient son visage, tandis que le souffle de Kory était perceptible sur sa peau. Dick avait purement et simplement arrêté de respirer lorsqu'elle posa ses lèvres contre les siennes, capturant sa bouche pour un baiser qui n'en était pas vraiment un. On se disait peut-être bonjour ainsi, dans son monde ? Les yeux écarquillés sous l'étonnement, il se fit violence pour garder ses mains dans ses poches. Habituellement, pour obtenir le baiser d'une fille, Dick sortait le grand jeu comme son mentor lui avait appris ; il était un romantique et un séducteur, Kory venait tout simplement de lui couper l'herbe sous le pied.

Et ça... C'était une surprise agréable.

En haut, c'est bien. Mais Dick Grayson est mieux vu de près. Il sourit. Cette rencontre attendrissante avait tout d'un clin d'œil de l'univers et pourtant, à ce moment là, il ne pouvait deviner l'importance de cette future alliée dans sa vie. Encore retourné, Dick était toujours en proie aux frémissements qu'elle venait de lui faire ressentir. Il décelait chez Kory une naïveté certaine et douta sérieusement que ce baiser ait été vu de la même manière par elle, que par lui. Malgré ses joues en feu, il garda une contenance qui ne trahissait pas ses émois intérieurs.
En la voyant retirer ses tubes, il reprit doucement ses esprits. Doucement, laisse-moi t'aid... Mais voilà que Kory arracha tout, avant de déclarer que son estomac criait famine. C'était justement une des questions dans sa liste mentale. C'est une bonne nouvelle, ça, d'avoir faim ! Je suppose que tu vas beaucoup mieux, répondit le brun qui contourna la jeune femme. Suis-moi, on va en cuisine ! En vérité, la curiosité de Dick à l'égard de Kory était actuellement sans limite ; mais quel indélicat l'importunerait dès son réveil avec mille et une questions ? La première s'étant fraîchement rajoutée "Comment on se dit bonjour dans ton monde ?".

La porte de sa chambre s'ouvrit alors qu'il poussa dessus. Elle laissa entrevoir le reste de la vaste terre dont l'invitée ignorait encore tout, à moins qu'elle ne jouait un double jeu ? Dick se savait fragilisé en telle présence et il tenait mentalement le cap pour maintenir ses idées claires, histoire que Bruce ne lui répète pas une fois de plus "Je te l'avais dit." avec ce ton supérieur et paternaliste. Même s'il avait évidemment toutes les raisons et tous les droits. Sur le chemin menant à la grande cuisine équipée du manoir, Kory pouvait découvrir un couloir sombre et meublé, dont les murs présentaient fièrement des tableaux de toutes tailles. L'escalier menant au rez-de-chaussée était immense lorsqu'on n'y était pas accoutumé et l'espace pouvait parfois faire se sentir tout petit. Viens, c'est par là !
Un labyrinthe dans lequel on pouvait facilement se perdre lorsqu'on s'y promenait pour la toute première fois.