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Sujet: Parallel Universe Sam 25 Mar 2023 - 10:44
Type de RP : Normal
Date du RP : --/11/18
Participants: Tchang Wu-Li (Tian Hong) et Helen Tanakeno (Katheleen Grandt)
Trigger warning: Hôpital en zone de guerre avec opérations, sang, blessures, morts associés ; toxicomanie et syndrômes de manque ; sarcasme
Résumé: Pris en charge juste à temps par les médecins de la clinique Blackwell grâce à l'intervention d'Alexa et de Paul, Tchang a subi une opération lourde, compliquée mais fructueuse. Il lui faut maintenant se rétablir, ce qui ne sera pas une promenade de santé. Qu'est ce qui lui sera le plus difficile à affronter ? La douleur des blessures, celle des deuils, les souvenirs de cette terrible nuit, découvrir l'état général de sa santé, le manque de morphine ou la rencontre d'une infirmière aussi jolie que dotée d'un fort caractère ?
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 25 Mar 2023 - 10:54
Is there a time, is there a time and place for us? Is there a world where we would do it different, love? Maybe in a different world In a parallel universe
Helen vérifia une dernière fois la fréquence cardiaque sur l’imposant dispositif électronique aux allures de tour de contrôle avant de porter son regard sur l’homme aux cheveux noirs qui, les yeux clos et la poitrine se soulevant d’un souffle régulier semblait avoir un instant trouvé une sorte de paix dans le sommeil chimique où l’on l’avait plongé.
Et tandis qu’une infirmière transportait hors de la salle d’opération le patient dont le sang avait retrouvé les veines, les autres soignants échangèrent un regard exsangue, épuisé, rincé. L’opération avait été longue et difficile. Ils souriaient pourtant, d’un sourire sincère et flottant dans la brume de la fatigue qui avait été payante. Car l’opération avait aussi été un succès, démentant les craintes légitimes qui n’avaient cessé de ronger les opérateurs.
La mise sous anesthésie avait été particulièrement délicate. Intubation difficile, état veineux disons… médiocre, complications respiratoires, troubles du rythme cardiaque, interactions médicamenteuses… il lui en avait fait voire de toutes couleurs. Et la jeune nipponne qui anesthésiait des toxicos à la clinique Blackwell aux côtés des docteurs Dustin, Wilson et Stoppard depuis des années, et avait auparavant travaillé à Arkham et en centre de désintoxication était sans illusions quand aux raisons qui expliquait ces difficultés. Et puis il fallait aussi voir qui ils opéraient. Et s’il y avait eu doutes, une rapide observation lui aurait laissé une place réduite. Que ce soit le contexte dans lequel il avait échoué à l’hôpital, sa présence aux côtés de Paul ou les tatouages caractéristiques qui étaient apparus lorsqu’elle lui avait retiré son gilet pare-balle et sa chemise tachée de sange en vue de l’opération, tout en lui criait son appartenance à cette nouvelle mafia qui avait pris le contrôle de Chinatown.
Helen Tanakeno Coordinatrice générale des soins et infirmière anesthésiste à la clinique Blackwell
C’est sans doute avec en tête cette liste à la Prévert des complications post-opératoires qui pouvaient frapper les toxicomanes sévères, surtout après une opération de cette gravité, que Sarah, moins pessimiste que réaliste temporisa la satisfaction du travail positivement achevé.
- Enfin… ne le considérons pas pour autant comme tiré d’affaires, au vue de ce que l’on a observé, nul besoin d’être une Cassandre pour affirmé que le post-op n’aura rien d’une promenade de santé.
- Oui, eh bien, toxico ou pas, il a intérêt à s’en sortir. Parce qu’après le temps qu’on y a passé et la galère que ça a été, s’il meurt maintenant, je te jure que je le tue !
Messages : 3261 Date d'Inscription : 01/08/2021
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 1 Avr 2023 - 23:43
Ce sont les talons haut de la petite dame qui annoncèrent leur arrivée. L'homme n'eut même pas le temps de comprendre, la douleur lancinante le fit se courber en avant et le coup de batte au milieu du dos l'étala au sol. Sa touriste de donzelle hurla et tenta de s'enfuir à toute jambe mais Tchang savait à quoi s'en tenir.
Prenant trois pas d'élan, il emmena la batte dans son sillage, à une main, puis l'envoya voler en tournoyant, droit sur la silhouette qui aurait aussi bien pu se péter une cheville à chaque pas. Fort heureusement, le morceau de bois l'atteint droit dans les cuisses et lui fit perdre son précaire équilibre pour s'étaler sur le bitume. Déjà sur elle, son agresseur agrippa son sac à main et se mit à tirer de toutes ses forces, hélas, l'occidentale s'accrocha à son bien, se retournant et résistant tout en continuant à donner de la voix.
Grognant et pestant, l'adolescent arma finalement l'un de ses poings et frappa une fois, puis deux, ce qui réussi à convaincre la demoiselle d'accéder à son implicite demande, juste à temps pour entendre un strident coup de sifflet. Matraque dégainée, le flic se mit à courir à toutes jambes en traversant imprudemment la rue, ce fut le signal de départ pour le petit malfrat.
Mur, mur, cadre photo, vitrine, mur, que des tirs nuls. Plongeant derrière un présentoir, plusieurs balles sifflèrent, toutes proches, pour s'écraser dans le bois après avoir fait voler en éclat d'autres pans de la vitrine de la bijouterie. De manière hasardeuse, il leva sa main armée par dessus son couvert et tira une autre balle en direction des flics massés dans la rue.
Ramenant aussi vite son arme à lui, sa main gauche, tremblante, vint accueillir le chargeur presque vide pour le laisser tomber par terre et le remplacer par un autre, plein, qu'il fit préalablement glisser hors de la poche de son jean. Pas besoin de charger, ne restait qu'à récupérer l'autre chargeur, puis se mettre à ramper vers le fond de la boutique.
En progressant derrière le comptoir où la vendeuse s'était carapatée et malgré l'épais foulard qu'il avait sur le visage, l'odeur d'urine chaude lui monta rapidement au nez et le fit grogner. Continuant d'avancer mais peinant à bien distinguer ce qu'elle faisait, plusieurs bagues rebondirent sur sa casquette et son sac à dos à moitié rempli de butin.
Finalement à l'abri derrière ce nouveau couvert, il se mis en position accroupie et gifla la vendeuse d'un revers de main, la faisant tomber à la renverse. Avec une certaine fébrilité, l'adolescent avança sur elle et agrippa son chemisier pour la tirer à lui, faisant sauter plusieurs boutons dans l'opération. La faisant se retourner en la plaquant malgré elle contre le comptoir, le braqueur lui saisit alors l'arrière de son col et pressa le canon de son type 54 à l'arrière de son oreille droite. Enfin, ils se relevèrent lentement, au rythme imprimé par le truand sur le chemisier défait et sous le regard des sept agents de la PAP, toutes armes pointées sur l'otage.
Montant sur le bureau, il fit trois pas pour prendre son élan, tendis les bras en l'air et se jeta pour attraper le rebord de la séparation, se hisser maladroitement et finalement choir comme une merde de l'autre côté. Le dos meurtri par l'énorme masse de bois et de métal qu'il avait dans le dos, il haleta quelques secondes, puis se releva.
Malgré sa chute en relatif abri derrière les parois et vitre blindées, les coups de feux ne s'arrêtèrent pas, échangés des deux côtés. Tchang ne poussa pas sa chance trop loin et ne tarda pas à s'accroupir pour avancer derrière un guichet, se saisir de sa carabine SKS et, un genou à terre, glisser le canon de l'arme dans l'ouverture pour tirer sur les types de la PAP qui commençaient à se positionner à l'intérieur de la banque.
Retournant à couvert après une dizaine de tirs précipités, il fouilla son blouson, en sorti une lame-chargeur garnie et l'enfonça promptement dans l'orifice prévu à cet effet avant d'empoigner l'imposant morceau de métal et de bois pour se risquer un nouveau regard hors de son abri.
Le tube en métal s'envola de derrière une table renversée, planant haut dans le hall, assez haut. En se relevant, Tchang ne prêta même pas garde à la vitre blindée qui se striait. Il leva son fusil et tira, encore, à nouveau, une quatrième fois, puis il y eut un grand flash, et une douleur lancinante dans ses oreilles. Les paupières crispées, larmoyant, désorienté et paniqué, le braqueur fit tomber sa carabine, ouvrit son blouson et alla pour saisir son arme de poing dans son holster.
La balle, après s'être glissée dans l'interstice du guichet, entra en collision avec l'avant-bras, pénétra la chair, dévia légèrement en fracturant l'os, ressorti du muscle tendu à l'extrême et alla s'écraser droit dans le sternum du truand. La douleur exquise le pétrifia et, sans parvenir à opposer la moindre résistance, l'obscurité l'envahit. Il se sentit bien tomber à la renverse, et puis plus rien, sauf cette douleur, et cet irrépressible besoin d'air.
Etirant sa mâchoire cruellement douloureuse, le Malfrat tenta d'inspirer, en vain. Le nez encombré d'un petit tuyau, la bouche remplie d'un large tube enfoncé jusqu'au plus profond de sa gorge, il se sentit pris d'une irrépressible panique. Alors qu'il ordonnait à ses bras de quitter la couverture rêche surmontant les draps blancs sous lesquels son corps était caché jusqu'à l'abdomen, ceux-ci ne voulaient rien entendre. Ils se contentaient de se balancer légèrement sur ses côtés, quant à ses jambes, il n'en sentait rien, foutrement rien.
Bien que crier ne lui aurait été d'aucun secours, il tenta bien le coup pour mieux sentir jusqu'où l'intubation descendait, ce qui rajouta à sa panique. Ses yeux s'ouvrirent tout grands, la nausée le pris et la panique se mua très vite en colère. Au mépris de tout ce qui pouvait se dévoiler à son regard, il continua de lutter, projetant son corps à gauche, puis à droite, crispant tous ses muscles en état de fonctionnement, forçant son cœur à s'énerver et faire bipper cette satanée machine hors de sa vue.
Oui, il était vivant ! Et il était, pour lui, visiblement hors de putain de question de rester allongé dans ce lit, qu'elle qu'en soit la foutue raison, même si il devait s'épuiser à la tâche.
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Sujet: Re: Parallel Universe Dim 2 Juil 2023 - 15:18
Is there a time, is there a time and place for us? Is there a world where we would do it different, love? Maybe in a different world In a parallel universe
Une mèche de cheveux blond platine se vit remettre à sa place d’une pichenette par la main qui ne tenait pas la cigarette. Si son frère l’avait vue ainsi, riant et parlant fort avec ses amies dans l’arrière-cours du marchand de bubble tea où elle faisait un baito quelques heures tous les jours après les cours, il aurait sans doute fait un infarctus.
Cheveux décolorés, oreilles percées, cigarette, tatouage de mésange sur l’épaule… pour Tsutomeru, qui avait été élevé par leur grand-père et qui était très vieux japon traditionnel, c’était l’allure des rebelles, des délinquantes, et petites amies de yakusa. Bref, ce n’était pas l’allure d’une jeune fille convenable. Elle avait entendu ce sermon des dizaines et dizaines de fois, et toujours répondu d’un sourire narquois. Un look d’hôtesse ou de fille de joie… sérieusement, tout ça pour une coloration des cheveux ? N’en déplaise à son frère et à ses idées étriquées, Helen n’avait aucune intention de mal tourner, mais nourrissait des ambitions plus élevées.
Issue d’un milieu modeste, Helen voulait s’élever socialement mais rester concrètement utile à la société. Elle aimait les connaissances scientifiques et médicales, savoir comment fonctionnaient les organes et les corps. Apprendre et expliquer, abreuver, voire soûler de connaissances ses frères et les élèves plus riches et moins âgés auxquels elle donnait des cours pour payer les siens, car elle serait médecin . Elle serait médecin. Ses parents et même son aîné, malgré le scepticisme de ce dernier peu habitué à l’idée d’une femme doctoresse, se saignaient aux quatre veines pour qu’elle puisse envisager ces études, et malgré ses baitos et les deux bourses d’études que son talent et sa pugnacité, en modern jazz et surtout en karaté lui avaient permis de remporter, elle savait qu’elle devrait s’endetter. Sa famille n’était pas bien riche. Mais la jeune nipponne n’était pas de ceux qui abandonnent, et envers et contre tout, elle y croyait.
Des coups de feu retentirent dans une rue un peu éloignée. Un soupir blasé passa par les lèvres de la jeune femme. Depuis plusieurs jours, même les journaux faisaient états de tensions entre deux gangs locaux. La violence de leur rivalité avait débarqué jusqu’à la voie publique et de nombreux coups de feu avaient été tiré. Nul ne savait vraiment qui avait commencé quoi et à vrai dire Helen qui n’était pas le moins du monde concernée s’en fichait. Mais elle avait bien vu par la fenêtre de l’appartement des ambulances transporter vers l’hôpital ce qui semblait être les corps de gangster gravement blessés, peut-être même déjà plus très vivants. Ces violences récurrentes épuisaient le quartier, le maintenant sous tension et suscitaient un agacement et une méfiance grandissante même si certains habitants vouaient encore aux mafias une certaine reconnaissance, les remerciant de limiter les débordements des petits voyous, trafics et autres délinquants. Helen, elle avait toujours été septique. On ne remercie pas la gangrène d’avaler la gale.
Avec un haussement d’épaules, la jeune asiatique repris son travail. Une heure plus tard pourtant, sa mère l’appellerait d’une voix dévastée, pétrie d’angoisse.
« Il faut que tu viennes me rejoindre à l’hôpital ! Il est arrivé quelque chose à ton père ! »
Helen déposa sa veste au porte manteau à l’entrée du petit appartement. La jeune infirmière retira ses chaussures avant de marcher sur le tatami, rangeant d’un geste machinal les baskets éparpillés des trois petits monstres. Un demi-sourire se dessina sur son visage en voyant la quatrième paire de chaussures d’ado rangée contre le mur. Son frère avait ses défauts, mais au moins il savait se faire des amis.
« Hiroki, tu demanderas à Paul s’il faut que je rajoute un couvert pour ce soir ou si je garde le riz restant pour le bento de Tsutomeru ! » lança-elle depuis la cuisine en tapant sur les boutons de l’autocuiseur, qui tournait dans un ronflement léger, préparant le repas de la soirée, pendant qu’elle rangeait les médicaments, qu’elle était allée en passant, acheter bien trop cher, mais c’est nécessaire, malheureusement, pour sauver la santé de leurs parents.
Passant à peine saluer les quatre garçons, elle rejoignit leur mère avec un verre d’eau et ses gélules et pris le pouls de la femme aux traits fatigués. Dans l’autre pièce, leur père dormait dans son fauteuil roulant, fiévreux et abrutis par ses médicaments. Quelques années plus tôt, lorsqu’elle l’avait retrouvé aux urgences de l’hôpital Central de Gotham, une balle perdue logée dans la jambe, on lui avait annoncé qu’il ne marcherait plus. Un an plus tard la maladie de sa mère, usée par le stress et la charge de travail, c’était brutalement aggravée.
L’un puis l’autre avaient perdu leur travail et peinaient à retrouver des emplois stables et payé correctement. Leurs maigres économies avaient fondu ; Helen ne serait pas médecin. Le cursus pour être infirmière était moins long, moins cher ; Helen serait infirmière.
Elle avait trouvé du travail dans les fins fonds des Narrows, entre les murs en préfabriqués blancs et le sol en lino gris d’un centre de désintoxication qui tentait misérablement de sauver les drogués du coin. Dans ses couloirs sans âmes ponctués de carreaux cassés, qui semblait le dernier avant post avant la fin du monde, elle récupérait les gens retrouvés en overdose au coin d’une rue, d’une chambre ou d’une fête, les drogués tirés là par des familles exaspérées ou trop pauvres pour continuer à payer leurs doses, ou les toxicos venus d’eux même dans un élan de courage ou de désespoir. Les équipes, trop petites, trop démunies, trop épuisées, faisaient ce qu’elles pouvaient dans la désorganisation totale, avec les moyens du bord et le détachement désabusé de ceux qui n'ont aucun espoir en l’avenir et finissent par se désintéresser de ses patients qu’ils savent la majorité du temps par avance condamnés. Derrière les murs taggés de messages vulgaires par les gamins désœuvrés , la japonaise faisait des piqures de clonidine ou de buprénorphine, posait des dispositifs d’intraveineuses, accompagnait les fièvres et les spasmes, distribuait des antivomitifs et des antidépresseurs, et écouter tous les jours des dizaines de toxicos lui confier leurs angoisses, leur désespoir et la souffrance de leur avenir bouché qui les y avait menés… Et lorsque la jeune femme rentrait de son travail d’infirmière, elle servait d’infirmière à ses parents, qui avaient certes été sobres toute leur vie, mais n’étaient aujourd’hui, après une vie de labeur honnête et sous-payés, qu’en à peine meilleur état que ses patients habituels.
- Tsutomeru, il faut que je passe à la supérette.
Son aîné opina vaguement, sans l’écouter vraiment, toujours absorbé dans sa pile de papiers. Elle resta silencieuse un instant, cherchant une manière polie d’exprimer sa pensée.
- Tsutomeru, il faut que je passe à la supérette.
Son frère sursauta comme s’il venait de se réveiller.
- Il te faut de l’argent ?
Un silence gêné et entendu accueillit sa déclaration. Le premier né de la famille Tanakeno était comptable et c’était lui qui gérait les finances de la famille. C’était un jeune homme taciturne et qui parlait peu, mais le pli soucieux au-dessus de son nez exprimait assez sa pensée pour que cela soit inutile. A son tour, Helen se figea dans le rictus amer des difficultés. Son frère était peut-être chiant comme un muret de parking, mais pour ce qui était des chiffres, il connaissait son métier. S’il disait que c’était la merde, c’était la merde.
- Nawashiro est revenu ce matin, pendant que tu étais de garde. Lui annonça à mi-voix son père qui venait de les rejoindre dans un grincement de roue.
- Qu’est-ce qu’il voulait encore, ce fils de chien ?
- Comme d’habitude, nous proposer de nous prêter de l’argent.
- Tu l’as envoyé chier, j’espère.
Elle s’exprimait en anglais, comme toujours lorsqu’elle tenait à exprimer son mécontentement de manière lapidaire et malpolie. Le langage de sa terre natale était bien plus riche en insultes que la langue de ses ancêtres.
- Ton langage, Helen ! s’indigna son frère, toujours scandalisé d’entendre une jeune femme jurer de cette manière, mais elle n’avait cure de ce qu’il pouvait bien penser
- Je l’ai remercié du souci qu’il avait l’amabilité de nous porter, et l’ai décliné son offre. se contenta de répondre paisiblement le père Je suis peut-être pauvre, je suis peut-être infirme mais j’ai encore ma fierté. On ne traite pas avec les yakusas.
Une tristesse voilée se réverbérait dans les accents et les soupirs de sa voix. Il avait honte, honte de ne pas pouvoir lui-même protéger sa famille et assurer leur subsistance. Il savait mieux que quiconque les sacrifices et les efforts que ses aînés avaient dû endurer depuis qu’il avait été blessé. A peine sortis de l’adolescence, ils s’étaient trouvés à devoir endurer les épreuves et les soucis des parents, assurant presqu’à leur place la subsistance de la famille, l’éducation de leurs trois frères, encore adolescents et veillant de plus sur la santé de leurs parents. La fille avait renoncé à poursuivre des études de médecine. Le fils n’avait pas pu se marier. Mesurait-il à quel point Helen ne lui reprochait rien et à quel point elle réservait toutes sa rancœur aux yakusas et aux gangsters qui l’avaient blessé ? Quoiqu’il en soit, il avait honte.
- Et puis je tiens bien trop à ta mère et à toi pour laisser quoique ce soit vous arriver. ajouta-t-il après un instant de silence pesant.
Tous trois savaient très bien de quoi il parlait, sans oser, par crainte ou par pudeur, le transformer le sous-entendu en mots. Nul n’ignorait de quoi les gangs et les mafias qui gangrénaient le quartier étaient capables pour récupérer l’agent qu’ils prêtaient à des taux prohibitifs à ceux dont les banques ne voulaient plus. Les jeunes femmes, surtout celles qui comme Helen avaient le malheur d’être jeunes et jolies, étaient envoyées dans les lieux interlopes aux gangs, et pour éponger leur dette étaient forcées de faire l’hôtesse, ou pire…
- Ce n’est pas tellement cela qu’ils cherchent le plus en ce moment, si l’on en croît la rumeur.
- Alors quoi ?
- De la reconnaissance. Qu’on leur soit redevable.
Un geste du menton désignait Ehren et Fred qui penchés sur leurs cahiers finissaient leurs devoir tandis que leur cadet Hiroki semblait plongé en pleine discussion avec Paul.
- La rumeur prétend que leur bande s’est affaiblie, que plusieurs d’entre eux sont en prison ou morts dans des fusillades ou des rixes. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je sais que tout le monde dit qu’ils recherchent du sang neuf. Nos garçons sont un peu jeunes, mais ils pensent ans doute qu’à long ou moyen terme, si nous cédons… Ils cherchent de nouvelles recrues.
- Eh bien ils iront les chercher ailleurs ! gronda Helen, pour qui ce scénario était presque pire encore, avec un regard tellement noir qu’il fit trembler les deux hommes. En colère comme elle semblait l’être, elle paraissait prête à mettre le yakusa dehors à coups de balai s’il avait le malheur de pointer son nez un jour où elle ne serait pas de garde à l’hôpital.
- Helen, ne t’énerves pas, s’il te plaît. Nous sommes tous d’accord avec toi. Mais ce constat passé, il va quand même falloir trouver de l’argent.
- J’ai obtenu ma certification comme infirmière anesthésiste… commença-t-elle lentement
-Tant que tu n’es pas embauchée comme telle… Tu as le travail et les responsabilités, mais sans la reconnaissance. Et sans le salaire.
- Justement. Il y a… une autre structure…, hésita-t-elle, qui recherche une infirmière anesthésiste. J’ai postulé.
- Où ça ? demanda avec inquiétude son père, qui n’avait pas pour habitude de l’entendre tergiverser.
Sa mâchoire se crispa imperceptiblement. Ils n’allaient pas aimer, elle n’aimait pas non plus. Mais elle avait pensé à son aîné qui était peut-être un peu obtus, un peu rigide, un peu con à l’occasion, mais qu’elle aimait quand même et qu’elle n’en pouvait plus de voir s’user les yeux sur les chiffres troués de leurs comptes, à ses parents qu’harcelaient ce type huileux de la mafia pour pouvoir utiliser leur pauvreté et les tenir à sa merci, à ses frères qu’elle voulait tenir loin de tout ça. Elle n’avait pas le choix.
- Arkham.
Arkham.
Un bâtiment sombre, isolé, parcouru de cris lugubres et lourd d’une atmosphère sinistre. Même les rares civils qui avaient le droit de visiter un proche pas trop atteint semblaient pressés de s’en aller. La majorité venaient, au début deux ou trois fois, et puis abandonnaient là le parent gênant. Moche, mais compréhensible. Même les professionnels ne duraient pour la plupart pas très longtemps. Au bout d’un an ou deux, voire quelques mois, ceux qui avaient le moyen de trouver du travail ailleurs et tenaient à leur santé mentale démissionnaient.
Helen n’appréciait certes guère franchir la porte de l’asile tous les matins. Mais l’un dans l’autre, depuis les années qu’elle travaillait ici, elle s’était plus ou moins habituée aux diagnostics lourds et sans espoir de rémission, aux hurlements des prisonniers et à l’immense liste de règlements de sécurité qui leur compliquait avec application le quotidien, tout en montrant bien vite les limites de leur efficacité.
Passer la porte de la salle commune où se retrouvaient les gardes, les médecins et les autres soignants entre deux consultations… elle s’y habituait déjà bien moins. Non que tous ses collègues soient des connards antipathiques, bien entendu. C’est juste que la cohabitation avec certains, sa hiérarchie en particulier, restait … sportive ? insipide ? explosive ? compliquée ? Quelque chose comme ça.
Helen avait appris un jour pourquoi c’était elle qui avait été embauchée. Parce qu’elle était d’origine chinoise. Ça commençait plutôt mal, ils s’étaient trompés de pays. Et parce qu’il était présupposé, de manière légèrement raciste - mais ça ne semblait pas être le genre de détails qui les empêchait de dormir- que tous les membres des communautés asiatiques étaient timides, dociles et fermaient leur gueule. Là, ils s’étaient carrément trompés de personne.
Au lendemain de son arrivée, on lui présentait un médecin au regard triste et aux épaules voutées, en lui indiquant qu’elle travaillerait avec lui. Le médecin chef qui lui annonça cela ajouta avec une suffisance qui confinait au mépris à l’intention de l’infirmière de considérer le médecin comme une sorte de parrain au sein de l’institution. Devinant au premier coup d’œil que le chirurgien n’était pas quelqu’un qui allait particulièrement bien et plus conformément à sa propre logique qu’à l’aberrante assertion hiérarchique, Helen prit immédiatement son parrain sous sa protection.
Deux mois plus tard, l’homme désespéré, en pleurs, racontait à Helen qui était devenue sa meilleure et à vrai dire sa seule amie, ce dont elle se doutait depuis longtemps : sa famille détruite, son alcoolisme, sa dépression, et le harcèlement qu’il subissait de la part de sa hiérarchie et de certains de ses collègues. A la première occasion elle intervenait, s’interposant avec indignation entre son ami et l’un de ceux qui l’avaient élu comme bouc émissaire. A la première occasion, elle se faisait passer un savon par son chef pour une telle attitude. Presque immédiatement, la jeune femme qui envisageait l’idée depuis déjà quelques temps se syndiquait. Presque immédiatement, la jeune militante syndicale se faisait détester de la quasi-totalité de sa hiérarchie. Tout à fait immédiatement, elle n’en eu strictement rien à foutre. La situation s’envenima rapidement et avec application.
Lorsque l’on entendit un jour au loin le grondement de tonnerre d’un ours des montagnes réclamant son déjeuner, l’on sut que le chef s’approchait. Lorsque la porte de la salle de pause des soignants s’ouvrit dans un hurlement sous le passage de l’homme, l’on sut que les gens présents n’allaient pas passer un agréable moment. Lorsqu’il s’arrêta au milieu de la pièce et cria d’une voix d’ogre « Benjamin Stoppard », l’on sut qui serait immolé à l’appétit d’idole carthaginoise du supérieur. Il se leva comme un soldat que l’on appelle pour être fusillé, les yeux brillants des larmes qui ‘allaient pas tarder à en sortir. L’autre arborait un sourire malveillant. Il avait décidé de lui passer l’engueulade du siècle, sans doute pour un motif futile, non pas dans son bureau mais dans la salle commune, pendant la pause déjeuner, devant tous les collègues. Evidemment. C’était beaucoup plus humiliant. Il voulait qu’il perdît la face, c’était clair. Lorsque l’on voyait les collègues se cacher derrière leurs thés, leurs sandwichs ou leurs ordinateurs partagés entre le soulagement de n’être pas la victime expiatoire et la compassion pour celle-ci, on comprenait pourquoi Helen les trouvait méprisables. Elle, elle agissait. En contradiction totale avec le dogme japonais d’absolue soumission professionnelle à l’autorité, et dans une coordination à ses principes qui était chez elle de l’ordre du réflexe, elle se leva. Lorsqu’elle prit à son tour la parole, l’on compris qu’Helen n’avait l’intention ni de se taire, ni de se soumettre, qu’importe sa propre tranquillité et que le ton doive monter.
Dans le fond de la pièce penchée sur ses papiers, une jeune femme aux cheveux châtains, nouvelle recrue récemment embauchée que l’on voyait perpétuellement en train d’écrire lorsqu’elle n’était pas en consultation leva le nez de sa pile de feuilles avant de déclarer d’une voix posée et d’un calme presque surréaliste pour l’explosive situation :
« Les principes fondamentaux du code de déontologie médicale de demandent-ils pas aux soignants de faire preuve entre eux de bienveillance, respect, cordialité et confraternité, de se soutenir et se porter assistance dans les difficultés et l’adversité, à plus forte raison lorsqu’ils travaillent ensemble et devraient, dans l’intérêt de leurs patients, tenter autant que possible de former une équipe soudée ?»
L’intégralité des paires d’yeux présentes dans la salle étaient pointées vers elle comme des mitraillettes, semblant se demander qui sur qui tiraient ses propos trop neutres, trop formels pour être dépourvus de sous-entendu. Le sibyllin regard de sphynx de l’intellectuelle, d’un calme olympien, n’aidaient pas véritablement à déterminer qui elle était en train d’aider ou d’enfoncer.
« A ce titre, le harcèlement professionnel ne devrait-il pas être considéré comme le premier ennemi des équipes hospitalières et du monde médical dans sa globalité en ce que contrevenant non seulement à ce principe, mais également à l’éthique du care jusque dans ses fondements ? »
Elle parlait comme si elle commentait le manuel d’utilisation d’un IRM, exactement comme si elle s’adressait à une personne normale dans une discussion normale dans un univers qui n’avait sombré ni dans la violence ni dans la folie. Soit c’était une mondial zen, soit comme semblaient le penser la quarantaine de regards agressivement interloqués, elle était parfaitement cinglée. « Mais qu’est-ce que c’est que cette fille ? » pensa à peu près la japonaise.
Helen avait profité de quelques instants de pause pour sortir fumer. Tandis que protégeant d’une main la flamme de son briquet du vent qui frappait toujours l’îlot d’Arkham, elle tentait d’allumer sa cigarette, elle se vit rejoindre par la jeune femme aux yeux bleus. Celle-ci déclina la cigarette qui lui proposait la nipponne, avant de plonger le nez dans sa tasse de café.
- Alors gamine, comment se passe ton intégration en enfer ? demanda l’infirmière, ironique, presque moqueuse, à celle qui était d’un an sa cadette. Si cette femme étrangement gentille et un peu mystérieuse qui ne s’habillait qu’en bleu océan et dont les vêtements sous la blouse médicale ressemblaient étrangement à la tenue occidentale du grand deuil, ne lui était pas aussi antipathique que la plupart de ses collègues, elle s’en méfiait tout de même cependant. Pas, d’ailleurs pour la raison qui suscitait l’hostilité du reste de l’asile. Pas parce que la petite nouvelle était issue de la même promo que la dernière en date. Et que cette dernière à peine quelques mois auparavant avait jeté le discrédit sur tout l’établissement en passant en moins d’un un an d’un côté à l’autre des barreaux… Si l’on demandait à l’infirmière son avis - ce qu’en règle générale on ne faisait pas ici - cette pauvre petite cardiologue n’y était pour rien. Elle n’était qu’arrivée au mauvais endroit au pire des mauvais moment.
- Comme on s’intègre lorsqu’on prétend avoir et essaye de garder quelques idéaux dans un endroit…
Elle eut de la main, en lieu et place de description, un geste vague et sarcastique.
- Où la moitié des patients sont des dingues irrécupérables et dangereux sans le moindre espoir de rémission ? proposa, à tout hasard, l’anesthésiste.
- A peu près, oui… confirma sa consœur qui ne semblait pas la dernière à pratiquer le cynisme et le sarcasme. Et aussi où autant la sécurité que l’éthique sont des notions que je qualifierais volontiers de vague. Et aussi, auquel les moyens alloués insuffisant pour en assurer un fonctionnement décent. Sans doute n’est-ce pas indépendant du fait qu’ils dépendent du bon vouloir d’un maire que je qualifierais volontiers de bandit… Et aussi, où la direction a été confiée au docteur Hurt. C’est-à-dire à quelqu’un dont le plus généreux que je puisse dire à son égard est sans doute de ne pas le qualifier du tout…
Pour la première fois, la japonaise sourit vraiment à sa collègue, d’un sourire franc et sincère. Et lorsqu’elle répliqua d’une remarque qui n’était guère plus charitable à l’égard du diabolique directeur et de ce mafieux de maire qui se sentait impérativement obligé d’être raciste, misogyne et odieux à chaque fois qu’il ouvrait la bouche, ce fut le sourire de la cardiologue qui s’agrandit. Ce qui commençait de souder cette amitié naissante, était pourtant moins leur goût commun pour l’humour noir et le sarcasme, et moins leur critique acerbe à l’égard de quelques-uns - qui ne l’avaient pas volé – que l’envers de cette catilinaire, à savoir leurs valeurs, opinions et idéaux communs, dans le fond bien proches.
Ce qui, originellement, avait suscité la méfiance de la nipponne, ce n’était pas l’atmosphère de méfiance à l’égard des nouveaux médecins, c’était d’avoir vu cette jeune femme ces derniers temps discuter avec le docteur Stoppard un peu trop souvent. Certes, son ami discutait avec qui bon lui semblait, mais elle ne pouvait s’empêchait de s’inquiéter des motivations de la nouvelle venue. Peu parlaient au mouton noir des soignants sans nécessité ou cruelles arrières pensées, que ce soit par indifférence, ou par crainte de le remplacer dans le viseur de ceux qui en avaient fait leur souffre-douleur.
Cependant la jeune femme en question avait dans son estime gagné une place assez haute pour valoir la peine de se voir directement poser la question. L’occidentale ne réagit pas en ayant l’air de quelqu’un pris en train de préparer une méchanceté. Elle eut au lieu de cela un genre de gentil rictus un peu gêné, un peu gauche, presque timide, comme quelqu’un qui se retrouve surpris en train de préparer une surprise avant d’avoir eu le temps de réfléchir à la manière de la présenter.
Elle se lança néanmoins. Un peu maladroitement au début dans son désir de convaincre. Et puis au fur à mesure qu’elle parlait, expliquait, détaillait, de plus en plus passionnée, de plus en plus sincère de plus en plus précise, concrète et enflammée. De tout évidence, elle au moins croyait en ce qu’elle disait. Elle voulait fonder une clinique de charité. Dans les Narrows. Et avait proposé à Benjamin qu’elle voulait aider comme personne et surtout estimait comme médecin d’y devenir directeur adjoint. Elle voulait soigner les gens. Soigner les gens sans leur demander de payer pour cela. Les joues un peu rosies par le stress et légèrement essoufflée par sa tirade, elle termina en lui redisant encore une fois que pour construire ce projet qu’elle avait à cœur depuis tant d’années, elle aurait aimé l’avoir à ses côtés.
Dans les premiers instants de sa tirade, un rictus vaguement sarcastique avait fleuri sur le visage de la japonaise. Si son premier réflexe avait été de s’inquiéter pour son ami, qui semblait porter bien trop d’espoir pour lui dans un projet probablement sans lendemain, elle avait surtout intérieurement qualifié la docteur à peine sortie de son université d’idéaliste hors sol et détachée de la réalité. Ce n’était pour elle que logique d’être dubitative. Des jeunes blancs-becs qui rêvaient de rendre le monde meilleur, elle en avait vu d’autres.
Mais dans le fond, elle devait bien se l’avouer, ce projet résonnait avec ce pour quoi elle se battait, ce qu’elle voulait, ce en quoi elle croyait. Avec le mépris porté ici aux patients les plus légers qui pouvaient pourtant être aidés. Avec le souvenir de l’état misérable des clochards et des drogués des Narrows. Avec l’indignation de la difficulté de payer les soins de ses parents. Le rêve de sa collègue allait être un cauchemar à réaliser, mais l’américaine semblait le savoir et la japonaise guère du genre à craindre de devoir ramer au milieu des requins pour avancer. Oui, elle aimait l’idée, et le projet lui plaisait assez. Mais elle savait aussi qu’à toute évolution professionnelle désormais il y avait un obstacle, un point auquel, avec l’obstination qu’on lui connaissait, elle ne renoncerait pas.
- Tu es au courant que je suis syndiquée ?
- J’aimerais que tu nous rejoignes précisément pour cette raison.
Un mug de café fumant, une pile de papier et un carnet dans lequel elle prenait des notes étaient empilés devant elle sur un coin de table, tandis qu’elle relisait ce qu’elle avait écrit. A part elle et la machine à café qui semblait être en ces lieux sa seule amie, la femme en bleu était seule.
Helen en profita pour enfin lui demander ce qu’elle écrivait. Cette question, elle la posait avec un réel et sincère intérêt. Depuis leur précédente discussion, depuis qu’elle se remémorait le regard excessivement sérieux de sa collègue lui affirmant qu’elle n’entendait pas diriger son hôpital seule et contre ses employés mais avec eux et leurs avis même divergent du sien, mais aussi depuis que Benjamin, revigoré par l’existence de nouvelles perspectives semblait aller un peu mieux.
Cette fois, ce n’est pas Helen qui jaugea la jeune médecin mais la docteur qui, réfléchissant, jaugea l’infirmière et la jugea sans doute digne de confiance. En effet, au lieu de ne lui laisser lire, comme elle sembla un instant hésiter à le faire, qu’une version expurgée du document, elle remit les pages qu’elle avait hésité à ôter, et lui tendis et laissa lire le texte intégral, de ce qui était son mémoire de thèse, tout en demandant à l’infirmière sur le ton du conseil, si en passer une elle aussi ne pourrait pas l’intéresser.
Au fur à mesure qu’elle parcourait les lignes, le rictus entendu et dans le fond impressionné grandissait sur les lèvres fines de l’asiatique, jusqu’à former un véritable sourire ironique mais empli de complicité. Car ce qui lui avait sauté aux yeux, c’est que le traité d’éthique médicale, théorique et pointu en son domaine contenait en filigrane une critique au vitriol de la manière dont l’asile était organisé, et plus généralement de leur société et du milieu hospitalier. Critique que la syndicaliste, qui avait une idée assez précise de l’état réel de l’accès au soin dans la ville qui l’avait vu naître, partageait entièrement. Sa lecture finie, l’anesthésiste poussa entre ses dents un sifflement appréciatif.
- Si tu publies un quart de ce qui est écrit là, saches tu y gagneras la détestation éternelle de Strange, de Hurt, de ses sous-fifres et alliés, de la plupart de ta hiérarchie et la méfiance d’une bonne moitié de ta profession. Et puis toute mon estime, aussi.
- Oh, mais j’ai bien l’intention de le publier dans son intégralité. Répondit la jeune femme d’un ton calmement combattif qui traduisait sans ambiguïté qu’elle avait fort bien intégré que rien de ce qu’elle avait à faire ne serait facile, mais aussi qu’elle avait apprécié le compliment à sa juste valeur.
- Et en admettant que ton projet complètement dingue et insensé réussisse à aller quelque part, tu comptes les appliquer, tes idées.
Son interlocutrice soupira avec une mélancholie grave qui la fit paraître, plus mure, plus expérimentée et plus sombre que la jeune fille idéaliste, pétrie de bonnes intentions et pas assez confrontée au réel que dans les tous premiers temps, Helen avait cru qu’elle était.
- Il est presque toujours facile d’être logique et de prétendre avoir des principes. Il presque toujours atrocement difficile d’être logique et cohérent avec ses principes jusqu’au bout. Mais à tout le moins j’ai l’intention d’essayer.
L’infirmière apprécia la réponse de la future directrice de la clinique Blackwell avant de déclarer.
- Premièrement, ton projet est plus ou moins une cause perdue qui a moins de chances d’aboutir que d’échouer avec fracas. Deuxièmement, j’espère que tu as conscience que là où tu t’engages, c’est dans la jungle au milieu des loups et d’à quel point il va falloir ramer pour avancer. Troisièmement.
- Oui ?
- Considère que j’en suis.
L’électrocardiogramme s’emballait, bipant comme un dément au rythme des efforts désespérés de son patient pour se libérer dans d’immobiles mouvements de panique. Ses muscles erraient à la recherche de leur propre contrôle, convulsant en spasmes de poisson hors de l’eau.
Dépourvu de tout contrôle sur ses propres membres, l’homme aux cheveux noirs se débattait de toutes les forces qui le fuyaient sans parvenir à s’extraire de la couverture qui l’emprisonnait bien moins que son état de santé. Luttant comme s’il espérait s’évader ou échapper à quelque danger mortel, l’asiatique se démenait, haletant, cherchant de l’air sans en trouver. Cela pour ne parvenir qu’à peine à battre assez des jambes pour faire osciller son buste de droite à gauche comme un poisson fraichement pêché. Cet acharnement désespéré le rend un peu pathétique et légèrement touchant. Assez ridicule aussi, il faut l’avouer.
Cet homme que depuis l’embrasure de la porte, elle observe se battre contre des moulins à vents, lui-même et la maladie, c’est lui qu’elle a sauvé lors de cette nuit tragique. C’est lui qu’elle a retrouvé à moitié mort, s’étouffant dans son sang, abandonné par son gang, coincé dans une voiture entre un gamin inconscient et une jeune femme déboussolée. C’est lui qu’elle a soutenu lorsqu’aux portes du trépas, il vidait sur ses genoux le contenu de son estomac sorti de ses poumons. C’est lui qu’elle a extrait de là, puis opéré, guettant de son cœur un signal qu’il vivrait sur ses grosses machines compliquées. C’est lui qu’elle veille depuis plusieurs mois, venant vérifier que son coma ne l’emportait pas vers la froideur d’un sommeil éternel.
Ce visage aux traits réguliers et durci par une vie de stress et de tabac… pas que de tabac, d’ailleurs. Elle le sait, comment l’ignorerait-elle, après tant d’années passées dans les centres chargés de réhabiliter ce genre de cas ? Ce visage que le sommeil rendait presque doux dans le calme immobile de l’inconscience, est maintenant mutilé par la panique, la colère et la peur. Mais vivant. Ces traits animés par l’angoisse et la fureur, c’est donc ceux de l’homme que malgré sa vie de malfrat, malgré son appartenance à la mafia, et malgré tout le scepticisme d’Helen, Paul a décidé de considérer comme plus ou moins quelqu’un de bien. A tout le moins le genre de mentor qui vaut la peine de risquer sa vie pour le sauver, et de s’inquiéter pour lui à peine sorti de son propre coma.
Tandis qu’il tentait ainsi vainement de s’agiter inutilement, son regard hébété, encore plus égaré que furieux de sa propre impuissance semblait demander à Helen qu’il fixait sans paraître vraiment la voir, s’il était ou non vivant. Mais non. Le courage des deux jeunes gens et l’opiniâtreté de l’équipe soignante avait bel et bien eu le dessus sur la toxicomanie de leur patient et sur les balles ennemies. La longue et fine silhouette aux cheveux noirs et à la blouse blanche n’était ni un ange, ni le diable mais une infirmière américano-japonaise.
« Eh bien, vous voilà réveillé ! » Elle avait déclaré ses mots dans la langue natale de son interlocuteur, mais avec cette intonation nipponne si particulière qui consiste à confirmer l’existence de quelqu’un en lançant dans les airs son nom ou tout autre formule signifiant que l’on avait remarqué que la personne en question n’est pas encore tout à fait décédée.
« Ne paniquez pas. Tout va bien. Je vais vous enlever tout ça, mais arrêtez d’essayer de vous agiter comme ça dans tous les sens, ça ne vous mène à rien, sauf à vous rendre ridicule. » malgré la petite touche sarcastique – on ne change pas les bonnes habitudes – la voix de la jolie infirmière était douce et rassurante. C’est dans le même esprit, sachant bien qu’encore groggy de son sommeil traumatique il risquait de n’être pas en mesure de comprendre les paroles qui lui étaient adressées, qu’elle posa doucement la main sur son épaule pour l’inciter à se détendre et se calmer.
Tandis qu’elle murmurait quelque parole rassurante, la paume de sa main se posa sur son front, puis l’autre le long de sa nuque, le bout des doigts frôlant la chevelure en bataille du malfrat, maintenant sa tête pour éviter qu’il se blesse.
« Calmez -vous avant de vous blesser, vous allez sinon finir par vous faire du mal… Et par me sagouiner tout mon matériel ! » déclara l’anesthésiste en entreprenant de détacher le malandrin du tuyau chirurgical enfoncé dans sa gorge.
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Sujet: Re: Parallel Universe Mer 5 Juil 2023 - 19:10
Si la présence nouvelle à ses côtés n'avait pas décidé le truand à s'apaiser, tout le contraire en fait, sa première réplique le tétanisa momentanément. Il y eut de la surprise dans son regard, puis ce dernier balaya les lieux de manière erratiques, à la recherche de quelque chose qu'il ne trouva pas. Et s'il se trouvait dans un hôpital de Shanghai ? Ces vingt dernières années n'avaient-elles été qu'un rêve comateux ? Et combien de temps était-il resté, lui, dans le coma ? Des semaines ? Des mois ? Des années ?
Ses sourcils se froncèrent et, avec un regard de défi, il se remis à s'agiter de soubresauts ridicules et évidemment vains. Néanmoins, il s'abandonna progressivement à cet exercice si ce n'est son diaphragme qui se secouait encore d'incontrôlables et irréguliers spasmes.
Observant Helen faire, ses yeux exorbités remontèrent sur la main posée sur son front, puis se rabaissèrent pour fixer le regard de la nippone. Malgré l'absence de respiration naturelle, les narines du chinois se dilataient puis se rétractaient, appuyant l'activité cérébrale, ou au moins émotionnelle, qui transpirait par les fenêtres de son âme viciée. La chose était peut-être étonnante, mais pour un individu qui avait dormi de bien longues semaines, il semblait extrêmement alerte.
Et puisqu'il semblait si alerte et si contraint à la passivité, il se concentra sur celle qui lui faisait face et qui s'obstinait à lui rayer les tympans avec son mandarin. Les yeux tremblants, larmoyants malgré lui, il se laissa le "loisir" de parcourir les traits fins et pourtant si tirés, détailler ses yeux et ses paupières, déduisant ses origines déjà devinées par son accent.
Suivirent d'autres gestes de l'infirmière puis elle s'éloigna de sa vision affaiblie pour ne redevenir qu'une tâche floue susceptible d'être suivie par sa voix mielleuse. C'est bien simple, qu'il fasse sombre ou clair, il n'y aurait pas vu la moindre différence si ce n'est l'éblouissement à rajouter aux autres douleurs dont il était perclus. En revanche, malgré sa désorientation, son oreille avait immédiatement su situer le compresseur, la machine contrôlant ses constantes, même la sacré manette destinée à relever ou rabaisser le lit et qui s'était balancée contre la structure de celui-ci quand il s'était agité.
Ainsi, quoi qu'une sensation nouvelle de panique tenta de le prendre à cause de l'inopinée disparition de la belle nippone, au contraire, les derniers mouvements parasites finirent par s'espacer. D'un autre côté, inquiétant dans un tout autre registre, son regard vitreux et vide et s'était mis à balayer la zone, suivant à la trace chaque pas, chaque saisie d'objet, tout en se voyant balayés à de nombreuses reprises par ses paupières. Ainsi, passé le premier instant de ridicule irrationalité et quelques secondes d'une observation béate, son visage tentait déjà de recomposer quelque chose d'intimidant, quand bien même sa position lui donnait des airs d'enfant boudant d'avoir été ainsi bordé trop serré.
Puisqu'il tenait à éviter de se blesser et que cette femme semblait partager ce souhait, il se tiendrais aussi tranquille que possible. Pour le moment.
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Sujet: Re: Parallel Universe Dim 9 Juil 2023 - 18:49
Is there a time, is there a time and place for us? Is there a world where we would do it different, love? Maybe in a different world In a parallel universe
Le bruissement ample d’une blouse blanche s’était éloigné du lit dans lequel reposait le malade pour préparer ses seringues, machines et matériel. De sa place, le Malfrat allongé ne pouvait la voir faire mais sans doute son oreille, pour peu qu’elle fût attentive, percevait son action par les couinements et grincements des rouages, des tuyaux et des joints. Il put ainsi entendre le bourdonnement sec d’un robinet puis le grondement sourdement léger de l’eau qui montait lorsqu’elle remplissait le récipient de rinçage. Le cliquètement discret de l’assemblage de la tubulure et du cathéter grinça d’un tintement qui résonna aux oreilles trop sensibles. Le cliquetis menaçant du levier entraina un sifflement montant gravement vers les aigus lorsqu’elle testa à vide que son dispositif était bien en état de fonctionner, selon un protocole qu’elle maitrisait impeccablement depuis tant d’années qu’elle aurait pu le reproduire les yeux fermés.
Une présence revenue derrière lui fit vrombir le lit du malfrat qui se vit légèrement relevé vers l’avant. Tandis qu’elle revenait dans son champ de vision, la grande jeune femme lui expliqua, parlant toujours en chinois qu’elle allait faire ce que les professionnels de la profession appelaient une aspiration endo trachéale, en quoi celle-ci consistait et aussi que même si cela pouvait être désagréable, ce ne serait guère long, deux minutes seulement. L’explication peut être un peu trop technique et détaillée pour les capacités de concentration d’un homme qui se réveillait à peine d’un long mois de coma, voulait avant tout éviter d’accentuer par l’incompréhension la sensation désagréable qu’autrui avait pris le contrôle de son corps, pour peu que le mafieux taiwanais la comprît.
Qu’il eût tout assimilé, se fut fait une vague idée de ce qui allait lui arriver ou carrément rien pigé, il pût suivre dans le regard acajou sérieux et concentré de celle qui, les yeux fixés sur son ouvrage, manipulait boutons et leviers, qu’elle au moins elle savait ce qu’elle faisait lorsque passa devant ses yeux le bras qu’elle tendit vers la base de son cou.
Jetant de brefs coups d’œil vers les pupilles dans lesquelles elle cherchait, pour l’éviter, un hurlement de douleur qui ne vint pas selon toute probabilité – elle connaissait son métier – elle y trouva un regard aussi alerte qu’ahuri, aussi perçant que perdu, aussi vif qu’endormi. Il avait clairement l’air sous substances. Un comble pour quelqu’un dont l’organisme n’avait pas vu la première trace de ses doses usuelles depuis un mois. C’est dire à quel genre de traitements son corps avait été habitué.
Durant le temps d’intervalle qu’il était impératif de prendre avant d’enclencher la suite, elle s’en retourna à la préparation des appareils suivants. De là où il était, Tchang pouvait désormais voir le reflet métallique de la lumière des machines sur les tubes en plastique transparents et les doigts agiles de la jeune femme en blouse blanche boucher et déboucher les fioles du liquide qu’elle faisait couler dans ses seringues.
Lorsqu’elle revint vers lui, un masque bleu pâle dissimulant le bas de son visage, ce fut pour le redresser, cette fois entièrement. Après avoir encore défait des accroches et fixé des tuyaux, elle le prévint qu’elle allait réaliser l’aspiration du contenu de l’estomac. « La sensation peut être désagréable. Essayez toutefois de rester droit et de ne pas bouger. Si tout se passe bien ça ne devrait pas durer. »
Si l’opération quoiqu’assez désagréable ne fut effectivement pas longue, ce ne fut cependant pas le cas du protocole. En effet, à peine la SOG désolidarisée de la sonde d’intubation, comme elle l’expliqua au délinquant au regard perdu, elle lui recommanda d’ouvrir la bouche et il put sentir les doigts gantés de la nipponne s’appuyer aux commissures de ses lèvres pour placer ce qu’elle lui indiqua être une sonde à crépine, quoique cela puisse être. Suivit " aspiration sous glottique " comme si tout cela n'allait jamais s’arrêter, et qu’il était coincé là avec la jolie anesthésiste, condamné à être extubé jusqu’à la fin des temps pour expier ces péchés qui devaient être nombreux.
« Essayez de déglutir. C’est pour m’aider à retirer toutes les saletés qui restent coincées au niveau de votre gorge. Si cela vous fait trop mal ou que vous n’y parvenez pas, laissez tomber. Je vais me débrouiller. Inutile d’imiter les mouvements de cou d’un dindon en train d’expirer. »
Cela pris toutefois fin. Une dernière fois les doigts de la belle japonaise s’aventurèrent sur le visage du malfrat, mais se fut pour défaire, dénouer et retirer les dernières pièces du dispositif encastré dans son organisme. Si malgré toute la douceur et l’habileté de la japonaise des éclats de souffrance heurtèrent sa gorge, elle se mua bien vite en la douleur libératrice de sentir de nouveau l’air de la pièce siffler dans ses poumons.
« Tout est bon, vous devriez pouvoir respirer librement. » lui déclara-t-elle doucement retenant les spasmes de sa toux pour l’empêcher de tomber et lui tenant des mouchoirs en papier pour qu’il puisse autant que de nécessité baver et cracher.
Le voyant, ou du moins croyant le voir sur le plan de parler, elle ajouta : « Tranquillisez vous. Vous parlerez après. Concentrez vous sur votre souffle pour l’instant. Chaque chose en son temps. »
Suivant sa parole, sa main se posa doucement sur l’épaule du blessé pour l’inciter à calmer son anxiété. Ce faisant, la douce chaleur de la paume de la nipponne se diffusa le long de la clavicule du malfrat, tandis que la pression légère, presque imperceptible de ses doigts effleuraient à peine le tissu informe du pyjama d’hôpital dont il avait été revêtu.
Au fur à mesure des gestes et réactions du blessé, elle lui donnait des instructions, toujours dans un mandarin presque parfait, ou du moins qui le serait si certaines fins de mots n’avaient pas quelquefois la mauvaise habitude de reprendre un petit ton nippon. « Respirez doucement. Faire des mouvements brusques ne sert à rien. Inutile de prendre le risque de rouvrir vos blessures. Ne vous crispez pas autant. Calmez vous. Voilà, comme ça. » Elle lui parlait gentiment, doucement, presque comme à l’enfant auquel l’allure bizarre de son air hagard et renfrogné le faisait un peu ressembler.
L’anesthésiste jeta un œil aux valeurs indiquées sur l’imposant dispositif électronique qui renseignait tous les paramètres physiologiques du patient. Si la température était tout à fait normale, le rythme cardiaque lui parût un rien, un gros rien tout de même, trop élevé. Etant donné l’allure générale de son bilan de santé, il ne fallait pas s’étonner. Avec douceur, elle posa sa main sur celle du patient en lui recommandant une fois encore de se calmer. Pour autant, les battements du cœur du chinois de s’apaisèrent pas.
Au milieu de ces observation, elle tourna la tête vers celle du chinois pour vérifier qu’il ne présentait pas de couleur anormale de la peau. Ni pâleur particulière, ni bleuissement inquiétant, le teint de son visage était celui d’une vie de tabacs et d’excès de toutes sortes, fatigué par la vie et le stress de la vie mouvementée que l’on pouvait lui supposer. Sur le corps inerte qu’ils avaient déshabillé et allongé sur la table d’opérations, elle avait pu parcourir des yeux les multiples marques et cicatrices restées comme stigmate d’un passé qui lui avait sans doute davantage laissé d’occasion de frôler la mort que de prendre soin de sa santé, remarquant le souvenir d’une nouvelle blessure du passé à chaque nouveau coup d’œil tandis qu’elle guettait tantôt ses machines compliquées, tantôt le thorax du malfrat, espérant avec anxiété à le voir se soulever. Quel genre d’horreurs avaient vu les yeux bruns nuit qui la fixaient d’un regard impénétrable, aussi vifs que shootés et qu’elle ne savait trop comment déchiffrer, pour être ainsi marqué ?
Bon. Pas de carnation anormale. Et puis aussi pas d’yeux particulièrement vitreux.
Sur la machine vrombissante vers laquelle elle avait détourné les yeux la pO2 semblait augmenter. Elle restait vraiment limite tout de même. A surveiller. Il faudrait vérifier qu’elle ne redescende pas sinon, c’est sans doute qu’il y aurait des complications. Oui, c’était cela. Surveiller qu’il avait dans son sang assez d’oxygène. Surveiller la respiration.
Elle reprit son souffle, exténuée. Elle travaillait sans relâche sans pauses et presque sans nouvelles depuis un mois de ceux qu’elle aimait. Néanmoins, à travers ce bref instant d’épuisement, elle trouva tout de même le force d’offrir à son patient un regard souriant.
« Vous pouvez essayer de bouger vos membres, maintenant. Allez-y doucement, votre corps n’est pas encore pleinement cicatrisé. Commencez un par un pour le moment. La coordination vous reviendra dans un second temps. » Conseilla-t-elle, patiente, guidant légèrement les gestes maladroits de celui qui sortait à peine du coma.
Devinant pour l’avoir souvent rencontrée, l’anxiété qui parcoure l’esprit du taiwanais, la jeune femme lui annonça : « Vous avez dormi un mois. » Après un bref instant, à peine assez pour laisser au malfrat le temps de digérer l’information, elle ajouta : « La bonne nouvelle, c’est que cela étant, vous avez passé la phase la plus douloureuse du sevrage en étant inconscient. Votre corps a eu le temps d’éliminer la plupart des toxines et de commencer à s’habituer à cette nouvelle situation. L’envers de la médaille, malheureusement, c’est que sur le plan du manque psychologique, je suis navrée de vous prévenir que vous allez morfler. »
Autant crever l’abcès dès maintenant.
« Comment vous sentez vous, malgré tout ? »
Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 14:05, édité 1 fois
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 15 Juil 2023 - 17:47
Demeurant dans l'expectative, le Malfrat continua ainsi son petit manège, sans s'en lasser à la moindre seconde. Il voulait mordre ce tuyau, le déchiqueter, ne plus avoir à attendre le bon vouloir de la machine pour se remplir les poumons, boire un verre d'eau pour réhydrater sa gorge, puis une grande rasade du premier alcool qu'il croiserait.
Et un rail, que n'aurait-il pas donné pour un rail ? Calmer la douleur, ou la gène plutôt. Se sentait-il encore capable de différencier un simple malaise d'une véritable douleur physique ? Il y avait plus de deux ans que cela ne lui était pas arrivé. Il avait bien souffert à cette occasion là, et l'absence d'opiacés avait empiré les choses. Mais aujourd'hui, il ne ressentait pas cet intense besoin, ne restait qu'une insatiable envie à laquelle le cerveau trouverait toutes les excuses, y compris les plus loufoques.
Ses yeux retrouvèrent un rien de leur acuité avec les minutes et, si il n'y voyait pourtant pas mieux, il parut progressivement plus assuré dans le regard. Plus de roulements hasardeux pour suivre les sons, non, il se braquait, avisait, cherchait les détails à chaque fois que l'infirmière anesthésiste venait à se rapprocher.
Puis vint le moment pour elle de réaliser ce qu'elle lui avait promis, tout du moins était-ce ainsi qu'il l'avait interprété. Si tant est qu'il parut capable de comprendre ce qu'elle lui expliquait, Tchang n'en avait pas réellement écouté plus de la moitié. A plusieurs reprises, le regard avait dérivé, cherchant peut-être quelque chose sur sa blouse. Et à chaque fois qu'elle était revenue, qu'elle s'était affairée près de lui, à nouveau, elle aurait pu jurer avoir vu son nez remuer, se retrousser, ses narines se dilater.
Mais au final, tous ces indices d'une quelconque pensée (peut-être élaborée, peut-être trop peu) s'effacèrent lorsque la procédure elle-même fut lancée. Quand bien même avait-il pu réfléchir à ce qui lui avait été expliqué, il n'aurait pu s'épargner ce qu'il considérât en effet comme un acte de torture raffinée. Il lui était arrivé de souffrir, d'avoir mal à croire qu'on va mourir… mais ça, c'était une douleur, une gêne, une sensation à faire souhaiter la mort, l'inconscience, le néant, quelque chose qui vous fait oublier votre état normal mais contre lequel vous donneriez tout pour que ça s'arrête.
C'est à ce degré de répulsion que le bandit shanghaiens vécu cet instant. Grands dieux qu'il aurait aimé avoir l'esprit libre pour photographier mentalement cette beauté à la voix suave, là, juste au dessus de lui, s'affairant à le libérer, mais il n'y parvint pas. Au mieux eut-il le bon réflexes de suivre ses instructions et faire au mieux pour accélérer la fin de cette épreuve.
Et puis, enfin, l'air libre. La première inspiration fut effectivement particulièrement difficile et d'autant plus désagréable qu'il se sentait manipulé comme un mannequin. Mais la sensation d'avant s'en était allée. A nouveau, il se sentait libre, lui-même, non en pleine possession de ses moyens, mais aux commandes. Débarrassé du carcan respiratoire, il tenta de comprimer son diaphragme mais ne parvint qu'à produire une toux de gorge qui ne fit que l'irriter plus encore.
Clignant lentement des yeux, il se fixa à nouveau sur Helen et poussa un léger râle. Aussitôt, celle-ci tempéra son désir de s'exprimer. S'il avait initialement pensé à protester avec un grognement et que son visage s'était même refermé dans une mimique de colère, ses traits se relâchèrent finalement à son contact. Ainsi abandonna t-il ce sentiment de liberté à peine retrouvé pour se laisser guider par cette infirmière pleine d'assurance et de compassion.
Pendant de longs instant, ce ne fut qu'inspiration et expiration. N'arrivant pas à détourner l'attention de la gêne constante, il ne parvint pas à remettre sa respiration en mode automatique. C'était cette désagréable sensation de gueule de bois, cette descente qui vous incitait à commencer la journée avec un whisky, une clope, un rail de morphine ou un dernier round avec la prostituée que vous trouviez dans votre lit, il lui fallait quelque chose pour rentrer dans sa routine, mais il ne l'aurais pas… donc il respirait à son rythme, le regard fixé sur la nippone qui lui imprimait le rythme à chaque écart qu'il faisait.
Vint alors le moment fatidique, l'autorisation de bouger. A cet instant seulement, Tchang rabaissa les yeux et fixa son corps brisé couvert de draps neutres. A son réveil, il avait bien cru sentir ses muscles répondre, mais à l'instant, il se senti parfaitement immobile. Ce n'est qu'au prix d'une poussée soudaine de frustration que sa main daigna se crisper légèrement sur le matelas, avant de se relâcher. L'effort n'était pas vain, mais il n'avait pas souvenir avoir été dans un tel état de faiblesse. La mutation soudaine de la colère en inquiétude transforma diamétralement son visage, et les annonces d'Helen ne se placèrent pas comme le meilleur antidote à cela.
« Année. Laquelle ? »Avait été les premiers mots intelligibles qui émergèrent d'entre ses lèvres. L'effort avait été conséquent. Son regard semblait toujours plus alerte, et pourtant, l'inquiétude était aussi palpable que sa fatigue. Il voulait cette information et n'avait pas l'intention de répondre à la question de cette pourtant si prévenante personne.
Cependant, quelle que fut sa réponse, et même s'il dû s'y reprendre à plusieurs reprises, il murmura un mot, puis le murmura encore et encore, jusqu'à faire céder son interlocutrice. « Miroir », c'était tout ce qui semblait lui importer, à cet affreux chinois, brisé, cabossé, tatoué, meurtri et pétri d'inquiétude. Pourquoi ? La réponse ne viendrait pas, seulement cette sempiternelle demande, jusqu'à obtenir gain de cause, ou la solitude.
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Sujet: Re: Parallel Universe Mer 19 Juil 2023 - 15:36
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« 2018. Novembre 2018. » répondit patiemment l’anesthésiste aux premiers mots laborieux que le blessé avait au prix d’efforts visiblement conséquents réussi à faire passer la barrière de ses lèvres.
« Vous êtes arrivé ici après l’attaque du Gant. C’était il y a un mois. Vous étiez blessé et inconscient. Vous êtes resté dans le coma un mois. » ajouta-t-elle, tentant de le rassurer, de l’aider à retrouver ses repères, sans doute flous après être resté hors du monde, inconscient, si longtemps. C’est aussi pour le rassurer qu’elle posa tout doucement la main sur l’avant-bras qui avait péniblement réussi à se crisper sur les draps. Peut-être aurait-il été plus prudent de s’abstenir. Peut-être aurait-il été plus sage de se garder d’initier tout contact physique, si innocent et professionnel qu’il soit, avec un homme qui depuis qu’il avait retrouvé un peu le contrôle de son regard vif et ahuri, en profitait pour loucher sur sa poitrine avec une discrétion toute relative. Mais peut-être indifférente et certainement blasée, elle fit avant tout le reste passer le devoir d’altruisme de son métier.
Quelques syllabes de nouvelles paroles sortirent de nouveau des lèvres du malfrat. Helen ne les comprit pas. Il bafouillait, bredouillait, bégayait, peinant à dépasser le chuchotement ou à articuler, déshabitué qu’était son corps à parler.
Inquiétude de se retrouver ainsi hors de son cadre, perdu et déboussolé ? Peur pour l’état précaire de ses organes et sa santé ? Colère contre ce corps qui ne voulait pas bouger ? Honte de sa propre faiblesse ? Son regard criait une inquiétude que ne parvenait pas à calmer la patience d’Helen attendant avec un sourire encourageant qu’il surmonte la difficulté qu’il avait à s’exprimer assez pour que le brouillon de mot devienne intelligible. Jusqu’à ce qu’un son prenne forme à son oreille :
« Miroir »
« Vous voulez un miroir ? » lâcha la japonaise, interloquée, persuadée que son ouïe l’avait trompée.
« Miroir » reprit-il dans un souffle en guise d’approbation.
Les bras lui en tombèrent, complètement désarmée. Quoi de plus naturel pourtant que cette interrogation ? Il n’était pas absurde, après aussi longtemps passé hors du temps, de vouloir se revoir pour se reconnaître ou de s’inquiéter des dégâts que l’accident, sur son visage avait laissé. Elle le regardait pourtant avec surprise, comme si c’était si loin de ce qu’elle avait imaginé. Trop rationnel, trop absurde, trop décalé… trop humain.
Machinalement, presque par réflexe, la jeune femme tâta hâtivement ses poches comme pour vérifier qu’elle n’avait pas l’objet qu’il convoitait pour pouvoir le lui passer. Elle savait pourtant qu’il n’en était naturellement rien. A quoi s’attendait-il ? A ce qu’elle promène son nécessaire à maquillage dans la poche de sa blouse pendant son service ?
« Je n’en ai pas. Désolée. » répondit-elle, sincèrement ennuyée de ne pas pouvoir l‘aider.
Comme s’il n’avait pas entendu, le taiwanais répéta sa demande, en boucle comme si plus rien ne comptait à ses yeux que cela. Et même lorsqu’elle essaya de lui répéter qu’il n’y avait pas ce qu’il cherchait à proximité, il ne trouva pas d’autres mots que celui-ci à répéter, inlassablement, jusqu’à l’écœurement.
Un instant agacé par ce qu’elle percevait de plus en plus comme le mouvement entêté du caprice d’un enfant gâté, elle se demanda sérieusement pendant quelques secondes sur quel dingue elle était encore tombée ou qui de la drogue, de la blessure ou de l’opération lui avait manifestement grillé quelques neurones. Le voyant aussi têtu que la concaténation de quinze mules, alors qu’elle n’avait tout de même pas que ça à faire de ses journées, elle eût un mouvement d’humeur en se levant et se dirigea vers la porte d’un pas agacé. Et si elle prit sur elle de moduler l’inflexion de l‘irritation dans sa voix lorsque posant la main sur la poignée, elle déclara « Je vais voir si l’on peut vous trouver ça ! », cela s’entendit néanmoins. La pointe d’énervement, sous l’effet de son effort de gentillesse s’était métamorphosée de pointe de couteau à aiguille à prise de sang. C’était moins violent, il n’en restait pas moins que cela piquait.
Mais lorsqu’elle se tourna pour parler, faisant de nouveau entrer son fin minois dans le champ de vision du malfrat et qu’elle croisa son regard, sa colère retomba. Il y avait ou du moins elle crut distinguer au-delà de l’inquiétude, du manque de drogue et de la colère, une anxiété au désespoir sincère. Et cela lui vrilla le cœur, plus que le faisait d’ordinaire la douleur de ses patients et de ses protégés, sans qu’elle ne sût vraiment pourquoi. Mais elle comprit que la demande, certes bornée, un peu incongrue peut-être et sans le moindre doute maladroit, n’était pas tant un caprice ou une tentative de lui donner un ordre qu’une supplique.
Elle réfléchit un instant, plus gentiment, plus patiemment, quelques instants, jusqu’à ce que lui vienne une idée. Elle referma la porte qu’elle avait entrouverte et qui jetait un froid dans la toute relative chaleur de la pièce en laissant passer un peu de l’atmosphère glaciale du couloir. Puis revenant vers lui, elle fouilla dans la poche de son habit, jusqu’à trouver son téléphone et le lui tendit.
« Tenez, ce n’est pas Byzance, naturellement, mais vous pourrez vous voir là-dedans. »
Prévenant toute tentative de tenter d’en faire d’avantage que se regarder dans le reflet noir de l’écran, elle le prévint cependant : « Inutile d’essayer de l’allumer, vous n’en tirerez rien. Le Gant noir a tout coupé. Plus de réseau, plus d’internet, plus d’électricité. »
S’écartant pour lui laisser une forme d’intimité le temps pour lui de se regarder et de reprendre ses esprits, elle réalisa toutefois, trop tard, que l’objet, même privé de toute fonctionnalité, n’était pas aussi neutre et impersonnel qu’elle aurait pu le souhaiter, non en général bien sûr, au contraire même, mais dans ce cas particulier.
Au dos de l’écran, qui était théoriquement pour le bandit en ce moment le seul côté intéressant, une photographie avant été directement imprimée sur la coque plastifiée qui protégeait l’appareil. Cinq garçons aux cheveux noirs, l’un chinois mais tous les autres japonais, rangés par un ordre qui était en exacte correspondance, à la fois celui de l’âge et de celui de la taille, placés les uns à côté des autres en escalier comme des daltons, souriaient à l’objectif. A leurs côtés, dépassant d’une bonne tête l’aîné, qui n’était pourtant pas petit, une jeune femme mince et svelte d’une vingtaine d’année regardait à la fois le photographe avec une netteté franche et assez franchement surprenante dans une société qui aurait plutôt exigé d’elle une attitude discrète et en retrait, et le reste de la fratrie avec le regard protecteur et amusé d’une mère canne protégeant sa couvée.
Ennuyée, elle se mordit l’intérieur de la lèvre. Que des patients, surtout des patients avec ce genre de pedigree en sache un peu plus qu’elle ne l’aurait souhaité sur sa famille, cela n’avait déjà pas tendance à l’enthousiasmer. Mais si d’ordinaire il ne se serait s’agit pour lui que de noms sans visages, il y avait tout de même un autre souci aujourd’hui. Depuis un mois qu’elle n’ignorait pas qu’elle soignait le mentor de Paul, elle ne s’était jamais demandé à quel degré elle préférait qu’il ne sache pas qu’elle et son apprenti se connaissaient. Certes elle n’avait pas la moindre intention de lui dire, aucun intérêt. Pour autant était-ce vraiment un secret ? Avec un plissement de l’œil un peu embêté, elle se dit qu’elle n’avait qu’à espérer que le mafieux ne regarderait que ce qu’il avait à regarder. Puis d’un haussement d’épaules décida qu’au pire, si tout de même il le faisait, qu’il sache ou non lui indifférait.
Lui ayant, perdue dans sa réflexion, laissé assez de temps pour se mirer, ou du moins un temps dont elle décida de considérer que c’était assez, elle reprit, insistant avec patience et compassion :
« Et maintenant, est-ce que vous pouvez me dire comment vous vous sentez ? »
Dernière édition par Katheleen Grandt le Dim 6 Aoû 2023 - 13:58, édité 5 fois
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Sujet: Re: Parallel Universe Ven 21 Juil 2023 - 9:46
Osciller entre l'indifférence et la prière lui fut d'autant plus épuisant que chaque mot semblait lui rayer le fond de sa gorge sèche. Bien sûr, alors qu'il n'avait que ce terme à la bouche, ce sont ses yeux qui en dirent le plus, rivés sur l'infirmière, son regard et non le reste. Il aurait dû se contenter d'être compris, feindre l'indifférence, attendre qu'on accède à sa requête ou décréter l'interlocuteur comme peu fiable, manquant de moyens ou de pouvoirs. Il aurait dû.
Et il avait bien entendu ce qu'elle avait tentée de lui dire. Ses informations faisaient sens mais elles ne lui apprenaient rien de nouveau, rien qu'il ne puisse imaginer, rêver, cauchemarder. Parler à une infirmière aussi fabuleusement rêvée, il n'aurait pas été contre, dans d'autres circonstances. Et s'il ne rêvait pas, ce qui était malgré tout l'hypothèse la plus probable, il lui fallait savoir, savoir d'autres choses. Mais il ne pouvait pas se permettre de continuer à rêver, pas si des vies dépendaient de lui.
Donc il avait continué son manège, tanguant maladroitement entre deux extrêmes, amadouer mais ne pas apitoyer, être ferme mais pas autoritaire. Et à la réaction de la japonaise, il su qu'il s'était foiré, royalement. La pique sembla du même coup l'atteindre, le replongeant aussi sec dans le silence. Assis dans son lit d'hôpital, le retournement de la jeune femme lui fit baisser le regard vers la forme de ses jambes sous sa couverture.
Son attention détournée de cette tâche à laquelle il avait lamentablement échoué, il sembla soupirer, ses yeux s'abaissèrent encore un peu plus, puis se fermèrent. Canalisant tant bien que mal la cascade de sentiments qui tentait d'abattre le barrage de son flegme, il tenta de remettre en ordre son esprit. Les évènements s'amoncelaient, les flash fiévreux étaient nombreux aussi, mélangés aux affreux cauchemard de son inconscience. Avait-il déjà rêvé cette scène ? La belle japonaise était-elle susceptible de se transformer en cette femme qui l'avait battue à Hong-Kong ? Sa peau allait-elle se désagréger de son visage, lui rappeler l'une de ses dizaines de victimes ? Était il fou de s'être habitué ? Ou au contraire super-stable ? Il connaissait un tueur qui aurait pu lui donner réponse, mais jamais il ne se risquerait à lui donner la moindre emprise sur ses questionnements intérieurs, jamais.
Plongé dans son introspection, il manqua dès lors de vigilance et se laissa proprement surprendre par la voix de l'infirmière. En réponse à cet inattendu retour à ses côtés, il eut un sursaut, bien réel, et s'il ne cria pas, une vive inspiration suivi de l'ouverture de ses paupières furent des signes évidents de son émoi. Sans doute se serait-elle reprise pour s'assurer qu'il ait bien compris ce qu'elle lui proposait.
Un téléphone ? Ce n'était pas la pire idée du monde, voilà pourquoi Tchang ne répliqua pas vertement par un autre "miroir". Son regard fatigué loucha sur l'appareil tendu puis se redressa vers sa propriétaire. Il eut un air hésitant mais, finalement, ses traits se crispèrent, dissipèrent l'indifférence, l'inquiétude, la surprise, effacée par sa seule volonté, les ordres qu'il se hurlait mentalement.
En dépit de toute la force mentale qu'il pu déployer, il parvint à peine à faire pivoter son avant-bras droit. Celui-ci se heurta à sa hanche, tenta visiblement de forcer, glisser pour se reposer sur sa ceinture abdominale, mais il n'y parvint pas et, finalement, le laissa retomber proche de son emplacement initial en grognant.
Le souffle ironiquement court, il pris le temps de respirer à pleins poumons, bruyamment, alors que le téléphone restait là, tout près et en même temps si loin. Son regard de plus en plus acéré détailla autant les doigts fins et ferme que l'objet qu'ils tenaient, et particulièrement cet élément décoratif pour le moins typique chez les civils. Ce besoin de garder une image des siens, de soi, en toute circonstances, était-ce vraiment normal lorsqu'on ne vivait pas en conflit permanent avec des gens dangereux ?
La gracieuse et généreuse japonaise semblait perdue dans ses pensées. Sans doute ne s'était-elle même pas aperçue de ses difficultés. Quelques secondes durant, le Malfrat se donna l'occasion de la comparer avec elle-même sur la photo, tentative vaine de faire venir à son esprit une réplique spirituelle, ou plutôt aucune qui lui paraisse subtilement bonne ou amusante de nullité.
« Mauvais. Sens. »Avait-il murmuré. La chose encourageante était quand même d'entendre d'autres mots de sa bouche, la dérangeante était l'affreuse indifférente neutralité avec laquelle il l'avait dite, comme subitement rétracté dans sa coquille à présent qu'il obtenait ce qu'il avait demandé. il tempéra néanmoins ce tableau pour le faire pencher, involontairement, du bon côté :
« En face. Contre. Plongée. S'il vous plaît. »A peine eut-il marmonné la formule de politesse (hélas un peu creuse) qu'il repris une ample inspiration. Son rythme respiratoire aura tôt fait de se restabiliser, épreuve réclamant suffisamment de concentration pour que son regard se rabaisse et mette la jeune femme à l'abri de la scrutation attentive de son patient.
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Sujet: Re: Parallel Universe Dim 6 Aoû 2023 - 20:55
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L’esprit emporté par les souvenirs, Helen avait en son for intérieur le regard aussi posé sur l’image plastifiée que ne l’était à son insu celui du truand chinois sur l'envers de son téléphone. Quel besoin y avait-il, dans le fond, de garder sur elle la marque papier d’une photographie si fortement imprimée sur sa rétine qu’aucune lumière ne saurait en affadir les couleurs ? Les yeux fermés elle aurait retrouvé les regards et les sourires de chacun dans plus de détail qu’aucune impression n’avait de pixels.
Une tasse, une photo, un pendentif… combien étaient-ils à la clinique à garder ainsi pour les périodes les plus sombres de leurs craintes ou de leur épuisement, la preuve physique et tangible de l’existence quelque part dans cette ville d’êtres qu’ils aimaient et pour lesquels – en partie - ils faisaient tout cela ? Helen n’aurait guère été étonnée qu’ils soient tous dans ce cas. N’avaient-ils pas tous besoin d’un appui contre le démon de la pensée schizophrène qui au fur à mesure qu’ils survivaient à chaque jour augmentait l’intensité de leurs souvenirs tout en en affaiblissant la réalité ? Ils luttaient chaque jour contre la mort, la souffrance et le malheur. Des ennemis bien plus forts qu’eux, cela allait sans dire. Ils travaillaient à chaque heure au milieu des cadavres et redoutaient le spectre menaçant de ceux qui voulaient sans doute les tuer. C’était réconfortant d’avoir à ses côtés la preuve solide qu’ils n’avaient pas inventé ces individus qui quelque part à l'autre bout de cette vie, les aimaient les estimaient, et ne voyaient pas plus que cela de rapport entre leur personne et un macchabé.
Était-ce la fatigue qui la rendait si pensive ? Ou la lourdeur de la tâche et des responsabilités qu’elle tentait de fuir par la pensée ? Etait-ce l’approche du départ de Paul, le tiraillement entre soulagement de voir rétabli et la crainte de le voir partir de nouveau loin d’elle dans se monde en plein chaos, qui ramenait inéluctablement ses pensées vers les siens ? L’esprit quelques secondes lointain, elle mit un petit temps de réaction léger à interrompre le fil nuageux et amer de ses pensées pour réaliser que son interlocuteur, non seulement n’avait pas répondu à sa question, et ce pour la seconde fois d’affilée, mais aussi que sa gorge râpeuse et les quelques mots douloureusement prononcés lui signalaient un problème. Ce problème, un simple coup d’œil lui suffit à le comprendre.
« Oh, bien sûr. Je suis désolée. » répondit-elle avec un empressement gêné.
Si elle eut une sorte de petit rire, ce ne fut pas de par ce que la scène avait d’inoffensivement drolatique. C’était juste l’expression d’une nervosité mortifiée. Bien sûr qu’à peine réveillé, à peine capable de bouger la main il ne pouvait trouver la force de tenir le téléphone, triple buse !
Les longs doigts de la japonaise ramassèrent l’objet parmi les plis du drap sur lequel il reposait, pour l’approcher du champ de vision du malfrat. Lorsqu’elle se pencha pour vérifier que l’angle et l’inclinaison étaient bons, leurs deux visages se reflétèrent, comme côte à côte, sur la surface de verre noir. L’image ne dura qu’un instant. Presque aussitôt la jeune femme avait écarté son buste d’un geste soudain et électrique, étrangement dérangée par l’incongruité de cette apparition.
Murée dans cette posture discrète et professionnelle de retrait, elle le laissa redécouvrir son image en tête à tête avec l’écran qu’elle tenait. A ses côtés et pourtant doucement éloignée dans la posture calme et impersonnelle que recommandait son métier et l’intimité qu’elle souhait lui laisser, elle jeta à la dérobée de petits coups d’œil vers celui dont pendant un mois elle avait veillé le coma. Quelque part dans le creux de sa poitrine, l’image fugace de leurs reflets si proches avait troublé quelque chose qu’elle refusa de percevoir et plus encore d’identifier. Pour éteindre cette étrange émotion, elle reprit sa discrète observation, sans vouloir constater cependant que cela ne fonctionnait guère.
« Et maintenant, est-ce que vous pouvez me dire comment vous vous sentez ? » Cette fois, c’était de nouveau de son habituelle vivacité ironique que la voix de la nipponne était emplie. Il en était tout autant du sourire qui accompagnait ses mots, railleur sans méchanceté, presque avec complicité. « Allons, vous savez bien que jusqu’à tant que j’ai une réponse, je reposerai ma question. Vous savez, moi aussi je suis très têtue. »
L’infirmière, qui avait, malgré les apparences, grand cœur et de l’empathie eut toutefois pitié du malfaiteur blessé et de son élocution douloureuse et éraillée. Elle prit donc le parti d’atténuer les efforts qu’exigeaient de lui son bilan de santé. Sans toutefois renoncer. « Allons, simplifions un peu… Commencez donc par me dire sur une échelle de 1 à 10 à quel point vous souffrez… »
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Sujet: Re: Parallel Universe Dim 27 Aoû 2023 - 16:25
Sa respiration rétablie, le morne regard du truand se redresse. Soulevé des draps, celui-ci lui renvoi une image qu'il avait oublié depuis de très longues années. Les années de disette, les années sans souvenirs également, période où ne s'enchaînent que les flashs de gueules fracassées, de putes en train de simuler, de divers cocktails de drogues dont la seule utilité était d'oublier. Cette image, c'était celle d'un mort dont on aurait eu peine à expliquer la respiration.
Et puis, quelque chose vint troubler cette lugubre vision, une présence incongrue. Un visage ferme mais avenant, son regard temporairement dénué de douceur mielleuse, de mépris ou d'indifférence toute professionnelle. Cela n'avait duré que l'espace de quelques secondes mais, distinctement, le chinois avait momentanément oublié sa propre image.
Finalement repoussée par sa propre surprise, Helen n'aura bien sûr pas manqué l'étincelle éteinte dans le regard de cet homme qui lutte pour soutenir sa propre vision, qui lutte autant pour ne pas tourner la tête vers la première personne réelle à qui il en parle en… combien avait-elle dit déjà ? Un mois ? Cela lui paraissait être une vie entière. Combien en avait-il perdu jusque là, trois ? Il n'arrivait pas encore à se remémorer distinctement les autres. N'avait-il pas tenu une liste quelque part pour faire le malin ?
A l'adresse de son reflet, Tchang fronça les sourcils, resserra la mâchoire. La fin était proche. Il se souvenait de cette fin avortée, il en porterait les stigmates, d'autant plus visibles qu'il n'avait réchappé que de peu à son dernier gunfight. Mais alors que la japonaise emmenait son autre lui retourner dans sa poche, son expression changea brusquement. Le temps d'une seconde, il paru surpris, désolé, triste, puis tout cela s'en fut, et il n'y eu à nouveau que le visage refermé, fatigué et indifférent, ce regard braqué droit devant lui alors que Helen allait pour lui tirer les vers du nez, pour son bien évidemment.
« Huit. Comme si… j'étais resté coincé sous un train. Un train. New Delhi-Kanpur. Sous le chiotte de la troisième classe. »Avait-il finalement répondu, et ce sans se faire plus prier.
C'était une réponse bien imagée, surtout en mandarin, déclamée avec un ton morne qui contrastait avec l'humour désuet et vulgaire qui faisait partie de son être quotidien. La chose encourageante était qu'à chaque mot, il semblait se renforcer, raffermir son emprise sur sa respiration, récupérer l'énergie et l'habitude de mouvoir son pharynx pourtant encore très irrité. C'est d'ailleurs après une petite quinte de toux qu'il tenta une nouvelle prise de parole.
« Comment… Qui… était avec moi ? Je dois les voir. J'ai besoin. J'ai… perdu un pari. »
Un léger tic parcouru sa joue gauche, soulevant presque imperceptiblement le coin de ses lèvres. Si fatigué, si perclus de douleur et de questions, qu'il n'en mesura même pas l'incohérence de ses propos et de ses questions. Tchang n'était définitivement pas connu pour être une flèche, mais dans son état, il se surpassait pour laisser filtrer un maximum d'élément de suspicions, heureusement pas tous présages d'éléments inquiétants et négatifs.
Et pour écouter la réponse de la femme qui semblait mériter un semblant de confiance malgré ses flagrantes origines japonaises, le Malfrat tourna légèrement la tête, releva le regard, fit de son mieux pour donner l'illusion d'une véritable conversation. A moins qu'il ait seulement eu une bonne excuse pour le regarder.
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 2 Sep 2023 - 0:33
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Un éclat de rire parcourut la pièce, franc, sincère. Rien à voir avec la nervosité honteuse qui avait vibré maladroitement sur ses lèvres en se rendant compte de sa bourde quelques secondes auparavant. Cet éclat d’hilarité brillait cette fois de la légèreté d’un véritable amusement. Une petite coupure fraîche et bienvenue dans la morosité folle de la cavalcade morbide des jours et des heures précédente. Une petite parenthèse d’amusement partagé avant l’obscurité de leur futur.
La réponse incongrue du malfrat l’avait fait rire spontanément. D’ordinaire, les patients qui sortaient du coma ne déployaient pas cette créativité dans la métaphore fleurie. Des dingueries sous anesthésiants, elle en avait déjà entendu, et des assez drôles, mais rares étaient finalement les traits d’humour sincères. Généralement, les patients lui sortaient soient des platitudes sages et ennuyeuses, soit des vulgarités sans la moindre trace d’autodérision. Quand aux petits plaisantins, la majorité d’entre eux se contentait de répondre « Onze ! » à son échelle de souffrance, qui plus est en se croyant spirituel et original…
Poing sur les hanches, elle regarda le malade avec une compassion amusée qui n’était même pas une forme d’ironie. L’œil plus vif et la posture un peu plus solide, il semblait reprendre peu à peu du poil de la bête. Sa respiration se faisait plus stable, plus nette et il paraissait à présent à peu près capable de prononcer des phrases complètes sans s’interrompre douloureusement au milieu de celles-ci. Sans compter que du point de vue de la nipponne, être en était de faire des plaisanteries, fussent-elles un poil vulgaires tout de même, et de faire preuve d’autodérision, s’était déjà intrinsèquement un signe encourageant. Même les machines qui clignotaient toujours dans le fond semblaient trouver qu’il avait l’air d’aller un peu mieux.
La jeune femme s’en réjouissait. Elle se réjouissait toujours lorsque l’était de ses patients semblait aller vers le mieux, c’est son métier n’est-ce pas ? La jolie japonaise avait perçu cet éclat dans l’œil du malfaiteur fatigué, le temps d’un instant, mais n’avait enregistré l’existence même de cette apparition qu’après son mouvement de recul. Elle ne s’y était pas attardée. Elle avait depuis longtemps perçu le regard que l’homme portait à sa silhouette, sans vraiment s’en émouvoir. L’habitude. Mais ce regard là comportait quelque chose qu’elle ne comprenait pas et que son cerveau, obstiné, se refusait radicalement à analyser.
La relative sympathie que, malgré ses maladresses et son appartenance à la mafia, lui avait jusque là inspirée le malfrat pris soudain une sérieuse douche froide à sa dernière question. Une rage fraternelle monta brusquement dans son sang comme de la soupe au lait lorsqu’accidentellement on augmente le gaz. L’éclat dans ses yeux était désormais celui de la colère, de son indignation de voir la vie de Paul balayée en des termes si futiles.
« La jeune femme qui vous a accompagnée jusqu’ici n’était pas blessée. » répliqua-t-elle d’une voix glaciale, accompagnée d’un regard d’une froideur à découper au couteau. Si elle avait su dans quel état de confusion et de désorientation son patient se trouvait elle n’aurait sans doute pas réagi aussi violemment. Elle aurait pu, peut-être même du, à vrai dire, en avoir conscience, ou tout du moins le deviner. Mais c’était de son frère que l’on parlait et la rancœur qui l’étouffait imprégnait désormais l’atmosphère de sa lourdeur orageuse. Ses yeux lançaient des éclairs et quand bien même le taiwanais aurais eu la prudence de détourner les yeux, le silence qu’elle posa rageusement parlait de lui-même.
« Quant à votre apprenti, si votre pari consistait à faire en sorte qu’il se fasse descendre le plus vite possible, c’est raté. »
L’aigreur dure de son ton dépassait, et de loin, le cadre professionnel d’un humanisme outré par le mépris affiché par ces mots à l’égard de vies humaines. Sa rancœur s’amplifiait au fur à mesure que l’aversion qu’elle nourrissait à l’égard des mafias depuis des années revenait à la surface avec une brutalité d’autant plus violente. Sa haine et son mépris pour ces hommes et ce monde, qu’elle avait par professionnalisme, soigneusement mis de côté le temps de le soigner, avec toutefois une facilité qui l’avait elle-même déconcertée, lui était revenue dans les dents comme un boomerang.
Elle l’avait presque oublié… Qu’elle soignait un connard de mafieux… Qu’il était de cette Triade qui lui avait enlevé son frère… Que son bras arborait sous forme d’élégantes arabesques le tatouage stylisé qui sur l’avant-bras du gamin formait une boucherie sanglante tailladée à coups de couteaux… Elle serra les dents.
« Paul est vivant… Et ce n’est pas grâce à vous. » conclut-elle du ton dur du reproche.
Et dire que le gamin, lui, s’était immédiatement inquiété pour lui ! Et dire que c’était de lui qu’il avait dit que malgré toutes les évidences « certains valaient le coup » …
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Le rire, il s'y était attendu. Là où l'autodérision ne fonctionnait pas, c'était en affaire. Tous trop fiers, trop distants. On ne rigole pas d'une quelconque faiblesse, d'un quelconque défaut, même pour se placer en soumission face à un puissant adversaire, mais Tchang passait plus de temps avec des amis et des frères que des partenaires.
Et malgré qu'il se soit attendu à cette réaction, peut-être pas aussi franche, aussi libre, il éprouva un brin de réconfort à ne ressentir aucune moquerie dedans. Rire d'un mot spirituel, et non de sa souffrance, ça en revanche, c'était un peu plus rare. Sans doute que ses larbins ne faisaient pas assez bien semblants, pour lui faire plaisir…
C'est pour cette raison qu'il ne parvint pas à réprimer une certaine contrition initiale à se faire ainsi gronder froidement. C'était le job d'une armoire à glace taïwanaise ça, le faire sentir plus con qu'il n'est pour affirmer sa domination intellectuelle, pour qui se prenait cette niakwé ? Mais il n'eut pas la présence d'esprit, ou la bêtise, de se justifier de quoi que ce soit, pas avant qu'elle lui annonce ce qu'il désirait ardemment savoir.
Et son regard s'abaissa vers le vide, et il soupira. A quoi bon chercher l'assentiment de cette inconnue ? La blonde et le gamin s'en étaient également sortis, et il leur devait beaucoup. Pourtant, dans la félicité de cette nouvelle, sentiment qui n'était pas parvenu à transpercer le masque d'indifférence qui avait suivi la surprise de se faire ainsi remettre à sa place, une épine lui titilla l'esprit.
« Mon apprenti ? Son regard revint sur Helen, et cette fois, pas la moindre envie de s'attarder sur ses formes ne se fit sentir,qui-êtes-vous ? »
Et qui balances ce genre de conneries ? A quels types de la Triade dois-je couper la langue ? Non, il était fatigué, voyait son esprit obnubilé par l'idée que l'infirmière lui glisse une clope entre les lèvres avant de l'allumer, mais il n'était pas assez con pour en dire trop alors que le jeune femme avait déjà l'avantage de certaines informations.
Mais au fond, peu importe qui elle était. Il connaissait si peu de gens de cette ville que cela n'aurait servi à rien, alors il enchaîna, non sans l'avoir laissée répondre si elle tint à revendiquer son identité, voir à expliquer le sens de ses mots.
« Je dois le voir. Maintenant, il eut un mouvement d'épaule, son buste sembla se redresser légèrement sur son côté gauche, mais le bras ne suivi pas, de même que le reste du corps,merde… z'auriez pas un… nouveau corps pour moi ? J'ai un peu niqué la garantie, sur celui-là… Quoi ? Me regardez pas comme ça, tout ça c'est la faute de la société. »
Bien sûr qu'il ne savait pas de quoi il parlait. Heureusement, il semblait évident qu'il en avait conscience, paralysé dans son lit d'hosto, ne tentant même pas de demander s'il remarcherait un jour. Rien ne valait une bonne connerie pour alléger cette lourdeur. Cela n'arrangerait rien mais cela lui éviterais de ressasser l'idée qu'il n'était peut-être déjà plus qu'un bout de viande immobilisé pour de bon.
« Je veux le voir. Allez le chercher, dit-il avec une rudesse bien trop naturelle, ce n'est que devant le silence et l'immobilisme que ses yeux embués analysèrent finalement l'attitude présente de la belle japonaise pour que, finalement, il reprenne d'un ton mielleux,s'il vous plait. »
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Sujet: Re: Parallel Universe Jeu 5 Oct 2023 - 11:28
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Aux interrogations comme aux plaisanteries du mafieux de répondirent que le silence immobile d’Helen, figée dans sa colère. Longue et svelte comme un clocher d’église, la silhouette nipponne qui se détachait dans la lumière du dehors surplombait le mentor de son frère d’une rancœur sobre et mélancolique.
Elle écoutait à peine ses paroles. Ignora le trait d’humour auquel elle eut ri de bon cœur quelques instants plus tôt, amusée par l’autodérision et le sarcasme de cette lucidité blasée, à laquelle elle aurait répondu sur le même ton d’humour complice. Si elle avait pu avoir la tête à cela. Si elle n’était pas dévorée par la colère et la peine. Trop loin perdue dans de tristes pensées, elle ne réagit pas à l’ordre, qu’elle avait reconnu toutefois, évidemment, même déguisé sous des paroles mielleuses. Pas même ne desserra-t-elle les lèvres pour lui signifier, plus ou moins caustiquement, qu’elle n’était pas à son service.
Dans son esprit, une unique pensée pleurait. Sa peur pour le gamin qu’elle avait toujours considéré comme un frère. Le remords d’avoir échoué à le protéger de la violence et de la corruption de ce monde. Cette impression de l’avoir perdu, et qu’il était désormais trop tard. Qu’il l’ait voulu ou pas, qu’il y soit arrivé par malchance ou par une série d’erreurs, il était désormais de ce monde qui faisait tout le contraire du sien. Désormais, il était adulte, et elle devrait peut-être abandonner, le laisser vivre sa vie, même si cela impliquait de le laisser aller à l’encontre de ce pour quoi elle s’était toujours battue, même si cela impliquait de le laisser rejoindre ce qu’elle avait toujours rejeté, même si cela impliquait de le laisser risquer sa vie pour tous ces types pour lesquels il n’était rien. Mais elle ne pouvait pas, ne voulait pas ! De toute façon, il était trop tard. Pris dans les filets de ce monde, on ne s’en extirpe pas vivant. Ils le tueraient sans doute, et peut être même lui, ce type en face d’elle, ce en lequel il semblait avoir pourtant confiance.
« Sa sœur. » articula-t-elle finalement, d’une voix blanche de colère rentrée, mais aussi d’un mélange de tristesse et d’épuisement qui la rendait presque indéchiffrable. Visage fermé, la jolie japonaise laissa planer un silence pensif au-dessus d’eux, indifférente à la manière dont le malfrat pourrait réagir aux mots ainsi lâchés sans contexte ni sens.
« Qui je suis. » ajouta-t-elle, pour la précision, si l’on veut. Son regard fixait Tchang avec une intensité presque irréelle, mais sans le voir, l’esprit bien loin. Elle cilla une fraction de seconde et rouvrant les paupières, elle sembla presque redécouvrir sa présence. C’est en le regardant droit dans les yeux et avec une voix d’une douceur furieuse, dépourvue d’agressivité, mais presque cassante de tourments personnels et de reproches sous-entendus qu’elle lâcha enfin :
« Je suis la sœur adoptive de Paul. »
Elle eut un vague mouvement d’épaules et lui tourna le dos un instant, le temps de vérifier quelque chose sur les machines complexes qui avaient durant un mois veillé le coma du malfrat, avant de revenir vers lui, et de décaler d’une voix plus professionnelle, plus présente et aussi plus normale :
« Mais avant tout, je suis infirmière, et prendre soin de la santé de mes patients est mon métier. »
Elle avait croisé les bras devant sa poitrine et regardait le gangster avec une attitude générale de compassion professionnelle, mais surtout avec fierté. « Et je ne suis pas sûre que ces retrouvailles soient des plus opportunes pour sa santé. Ni surtout pour la vôtre. »
Regardez-vous, semblait dire le regard brun qui le fixait. Vous venez tout juste de sortir d’un coma d’un mois qui a bien failli vous prendre la vie, êtes tout juste en état de parler, à peine capable de remuer les bras, et vous vous effondriez comme une loque si vous tentiez de sortir de ce lit, ce que vous n’êtes même pas en capacité de faire pour le moment. Vous êtes vraiment sûr d’être en état de faire chier le monde dès maintenant ?
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 7 Oct 2023 - 0:00
Un coup dans l'eau ? Il en faudrait plus pour décourager ce genre de truand. Qu'elle ne réponde pas, il trouverait bien un moyen, comme une infirmière plus impressionnable ou plus esseulée, encore qu'il lui serait des plus ardu d'en trouver une qui ne parle pas juste cette foutue langue locale incompréhensible. En fait, il n'y avait pas vraiment d'autres moyens, pas plus rapide que se lever sur ses guiboles, trouver un objet coupant et un otage... mais vu ce qu'il avait à dire, ce n'aurait pas été une bonne entrée en matière.
Et puis, au milieu de ses réflexions stupides, plus une manière d'éviter de faire face à ses problèmes que réellement réfléchir, son interlocutrice pris la parole.
«Hooo. »Lança t-il maladroitement et d'une voix rauque, loupant totalement le ton normalement alloué pour répondre à une bonne surprise. Néanmoins, un bref début de sourire laissa à penser que soit il se faisait des idées, soit il pensait qu'Helen lui avait dit "ta sœur" pour le faire taire, ce qui aurait pu susciter une forme d'admiration de sa part, il est vrai.
En revanche, la suite le fit déchanter aussi rapidement. Ecrasé par la précision, par l'exactitude de ce dont il était question, il manqua de spiritualité pour développer une réplique. A la place, il échappa au regard assassin de l'infirmière et souffla :
« Hooo... »
Le regard ainsi détourné, plongé dans la pénombre de laquelle s'articulait les formes d'un meuble médical quelconque, il ne brisa pas le silence, pas plus qu'avec sa respiration mi-sifflante mi-raclante mais à présent ample, claire, dépourvue de véritable difficulté. Ça n'avait pris que quelques instants, et maintenant qu'il avait toute sa tête, cela lui parut pourtant être de longues semaines débouchant sur cette révélation.
Une annonce qui ne faisais pourtant pas sens pour le Malfrat. Il n'avait rien de l'Opérateur, pas même le montant de sa facture téléphonique, et pourtant le truand il n'était pas avare en numéros surtaxés. Mais comment n'avait-il rien su d'elle ? Il avait eu des infos sur les parents du gamin, sur la deuxième famille de sa mère, il y avait bien deux petites pétasses à qui il serait allé remonter le string jusque sous les aisselles pour la manière dont elles parlaient à Paul... mais pas une grande jap' pleine d'attention.
Une femme qui, sans que cela étonne tant Tchang, refusa à demi-mot d'accéder à sa demande, mais pas assez franchement pour lui faire fermer sa gueule, ça non :
« Attends... attends... commença t-il en allant envoyer faire foutre la courtoisie du vouvoiement,mais tu es qui ? Pas une Ming en tout cas, c'est pas possible. »
Il agita doucement la tête en signe de négation. Ses sourcils se fronçaient et se levaient, enfin, il tentait de réfléchir, genre pour de vrai, de sonder son esprit brumeux, évidemment en vain. Avait-il pu oublier ? Il n'était pas étranger à l'amnésie, la faute à un grand nombre de coups et autres blessures à la tête, et deux fois par la faute d'une brève hypoxie. A dire vrai, il était un tel irrécupérable déchet que c'en était à se demander pourquoi il ne vérifiait pas tout les quarts d'heures s'il n'était pas retombé dans un cauchemar.
« Peu importe. Tu... tu tiens au gamin, malgré lui légèrement redressé, comme s'il cherchait à se rapprocher d'Helen pour se faire plus convaincant, sa tête retomba brutalement sur le dossier, heureusement en faisant un très court trajet,il va bien, j'en suis sûr. Il est jeune, très... solide... non il est pas solide. »
Il leva les yeux au ciel et, l'espace d'une seconde, paru soucieux, presque inquiet. Et puis il repris son assurance en main et ramena son regard sur la jeune femme :
« C'est un tenace. Et... moi, je suis fini, et c'est à cet instant que son interlocutrice devinerait sans le moindre mal qu'il faisait du faux mélodrame, je dois lui parler... tant que j'en ai... le temps. Je ne risque pas de lui faire du mal. Après tout, c'est lui qui a...
La lettre demeura en suspend une longue seconde, cette longue seconde pendant laquelle le truand mesura qu'il était bon gré mal gré en train de baisser sa garde et sur le point d'annoncer être le proprio d'une arme à feu connectée à plus de crimes qu'il ne peut se souvenir, la faute aux amnésies partielles justement, leur trop grand nombre aussi.
Bien conscient que cela avait littéralement foutu en l'air son petit cinéma, il soupira en se raclant la gorge et repris d'un ton plus normal, normal mais pas indifférent.
« Écoutes. C'est... c'est personnel. Et... je sais pas si t'es pas en train de m'embobiner là, mais si c'est le cas, ben... en fait j'sais pas. J'cogne plus pas les femmes. En plus... j'me sens vraiment comme une merde là et j'ai envie d'une clope, alors ça, okay, tu me donneras pas... »
Donnant un à-coups à ses avant-bras, ceux-ci, sans arriver à réaliser le mouvement désiré qui était de se balancer en l'air et retomber, eurent quand même l'audace de se tendre et se redresser convenablement. Cependant, trop préoccupé par sa tentative de persuasion, le Malfrat n'en remarqua rien.
« Mais tu peux quand même... juste me permettre de lui parler. Quelques minutes ? Je sais pas... il t'as dis quelque chose sur moi ? La Magnolia, j'y vais pour l'ambiance, hein ? Et...son regard s'illumina d'une révélation, comme s'il avait trouvé une carte piège dans son deck,et c'est pas pour moi qu'il a pris une balle. La première, c'était pour la blonde, la deuxième... c'est pour Chinatown. »
Bien sûr, il aurait pu fermer sa gueule après avoir évoqué Alexa, mais quelle légende devient-on quand on dit juste les bonnes choses et qu'on ne merde jamais un peu sa réplique ? Quelle légende ramène sur le tapis le sujet qu'il ne faut pas ramener alors qu'il a été plus ou moins évacué ? Celle-là ! Et sans même se rendre compte de sa sottise, comme... un gamin.
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Sujet: Re: Parallel Universe Dim 8 Oct 2023 - 20:09
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« Vous me prenez vraiment pour une conne… » fut, sarcastique et lapidaire, la réponse de la japonaise, succédant aux quelques brèves secondes durant lesquelles elle l’avait fixé sans autre expression qu’un regard mi-amusé mi-agacé, attendant patiemment confirmation qu’il avait terminé son cinéma.
Tout le long de celui-ci le sourire ouvertement goguenard de la jeune femme s’était progressivement agrandit, chassant, enfin plutôt éloignant ou reportant les autres sentiments, bien plus négatifs, au futur inévitable où ces soucis viendraient frapper de nouveau à sa porte. En attendant, elle regardait le malfrat se noyer dans un pédiluve, s’évertuer à redorer son image et s’enfoncer à chaque mot un peu plus, tentant gauchement de se rattraper aux branches et n’en glissant que d’avantage. S’il avait été meilleur à ce petit jeu, elle se serait agacée de la tentative de manipulation et aurait véritablement pris en grippe le menteur et son numéro. Mais les pathétiques tentatives du chinois de se tirer de ses propres bourdes, et cette lamentable et cocasse manière de se prendre tout seul un peu plus les pieds dans le tapis à chaque mot le rendaient assez drôle et presque plus touchant qu’insupportable. A un tel degré de gaucherie, c’était à se demander s’il pensait vraiment qu’elle allait s’attendrir et céder devant ce mauvais cinéma ou si par ce mélo surjoué il ne se mentait pas en premier lieu à lui-même.
Aussi l’amusement dilua peu à peu dans un fin sourire ironique des rancœurs qui n’en étaient pas non plus oubliés. Ainsi, si elle souriait, quelques mots plus malheureux que d’autres se virent accueillis de l’éclat plus sombre, reflet du fond de reproche qui se mêlait à chaque regard posé par les yeux bruns sur les traits exsangues et les propos bafouillants du mafieux. Ainsi une discrète, mais pas imperceptible crispation des mâchoires réagit à la mention du Magnolia. A l’indignation, bien naturelle devant ce qui n’était ni plus ni moins que du trafic d’être humains, se mêlait le souvenir amer de l’époque où elle-même n’était pas passée si loin d’en finir victime. Oh, et puis même si à ce stade ce n’était plus qu’une goutte d’eau face à la mer et rien de bien surprenant, elle n’était pas ravie d’apprendre que son frère parcourait Gotham, arme à la main, aux côtés d’un habitué des maisons closes. Pourtant, malgré la rancœur que le bandit lui inspirait, son amusement ne parvenait pas vraiment à être méchant. Certes, elle riait de lui, mais de sa maladresse et non de sa douleur et sans vraie cruauté.
Levant les yeux au ciel dans un petit mouvement blasé d’agacement amusé, presque celui que l’on réserverait aux pitreries pénibles mais mignonnes d’un gosse en manque d’attention, elle coupa immédiatement court à toute éventualité de tentative de dénégation de la part du malfrat en enchaînant :
« En tout cas, si un jour vous voulez faire une reconversion professionnelle, je ne vous recommande pas le théâtre. Je ne vous y prédis pas une grande carrière. » fit remarquer, moqueuse, l’infirmière, ne renonçant pas tout à fait – professionnalisme oblige- au vouvoiement, mais un peu plus à la politesse supposée associée. « La subtilité, ça n’a pas l’air d’être votre truc, n’est-ce pas ? » ajouta-t-elle, clouant les derniers rivets du cercueil des espoirs du mafieux de l’embobiner d’un regard entendu.
Quand aux clous de la tombe des chances de Tchang de pouvoir s’entretenir avec Paul… eh bien, cela restait à voir… Quoiqu’elle puisse penser de ce type aussi amusant qu’infréquentable, elle était et demeurait avant tout l’infirmière anesthésiste de la clinique Elizabeth Blackwell. C’était en fonction du seul intérêt de la santé de ses patients qu’elle devait décider. Et elle devait bien se l’avouer, Paul allait mieux. Solide, pas sûr qu’il le soit ; assez pour endurer quelques minutes de discussion avec un malfrat comateux… Il fallait bien se rendre à l’évidence : sans doute que si.
Quant à l’autre andouille… Le regard de la soignante parcourut le blessé des pieds à la tête, soupesant l’état catastrophique de sa santé. Il en faisait des caisses, bien sûr, mais il n’avait pas tout à fait tort de se décrire comme une vieille carcasse prématurément à la limite d’être tout juste bonne pour la casse. D’un autre côté, il se fatiguerait surement plus à continuer d’insister dans la persuasion – au vue du genre d’oiseau auquel elle semblait avoir affaire, elle était à peu près sûre qu’il allait continuer son numéro – qu’à échanger pour de bon quelques mots avec le gamin. Et puis, il fallait tout de même lui reconnaître que malgré l’état laborieux de sa santé, il arrivait quand même à peu près s’exprimer. Même si elle avait encore la ressource de lui rétorquer que pour le degré de pertinence et de coordination du propos qu’il était parvenu à récupérer, elle ne voyait pas tout à fait l’urgence de les partager au reste de l’humanité.
Dernière édition par Katheleen Grandt le Jeu 16 Nov 2023 - 17:23, édité 2 fois
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 11 Nov 2023 - 21:47
Soupirant et geignant un peu, le Malfrat accueillit non sans frustration l'accusation assez violente. On prenait les gens pour des cons quand on faisait appel à leur cupidité, et lui-même était un homme terriblement con en la matière, non, faire vibrer une corde sensible, ça ne revelait aucune stupidité. Cette idée, Tchang aurait bien voulu pouvoir la formuler, être un homme charismatique comme son frère d'arme, savoir exprimer toute l'étendue de ses pensées. Mais il n'était pas un tel homme :
« Heu ? Mais non- je… »
Se laissant ensuite couper la parole, la faute à son ton de voix carrément hésitant et peut-être même pas pleinement perceptible, sa frustration s'apaisa néanmoins quelques peu en sentant la légèreté des remarques suivantes. Qu'importe qu'il se fasse remettre à sa place si c'était par cette plaisante inconnue dont dépendait son sort. Soufflant doucement du nez dans un soupir qui n'en était pas exactement un, il regarda franchement Helen en répondant avec moins d'empressement, d'entrain et de sottise :
« Entre nous, d'habitude je n'ai pas à parlementer. »
La phrase n'avait pas été lâchée avec lourdeur, mais le fond de ce qu'elle impliquait l'était. Combien de fois avait-il obtenu gain de cause à coup de poings, de lame, de feux ? L'esprit un tout petit peu plus clair, le Malfrat se questionna sur l'infirmière, sur son jeune frère d'arme aussi, il se demanda également s'il aurait fait les mêmes erreur que lui s'il l'avait eu, elle. C'était un exercice trop avancé pour son état de fatigue, probablement hors de sa portée intellectuelle, mais il savait fantasmer, au moins suffisamment pour idéaliser ce dont ce sale garnement s'était détourné.
Se rendant finalement à l'évidence, il délaissa ce à quoi il n'était pas bon. S'il ne pouvait pas faire appels à ses bons sentiments, ni la dominer de quelque manière que ce soit, il ne lui restait qu'une chose, servir ses intérêts.
« Dis moi ce que tu veux, sœur adoptive de Paul. »
Il ferma les yeux, puis les rouvrit, tenta de remuer en esquissant une grimace d'inconfort. Son épaule parvint envers et contre tout à tirer légèrement son bras droit en arrière puis, le corps courbé du même côté, le relâchement lui permis de modifier très légèrement sa position. L'effort avait été intense, et il essayait clairement de tout donner pour récupérer le plus vite possible, ignorant que le progrès serait temporaire, et son effort démesuré, lui, néfaste sur le long terme.
« Parle, et je l'obtiendrais. Pas de coups fourrés, pas de mensonges, le jeune ira parfaitement bien. Mais avant, fais le venir à moi. Reste, si tu ne crois pas en ma parole. Peut-être que… enfin… bref. Si je suis ici, alors bien des choses ont changées, dehors. Je ne peux pas le laisser partir comme ça. »
Pas après de tels derniers mots, mais ça, l'infirmière n'avait pas besoin de le savoir, il valait même mieux qu'elle ne le sache pas. Et si elle refusait envers et contre tout, alors il ne lui resterait plus qu'une solution. Tchang y pensait, construisait sa résolution à mesure qu'il devait l'envisager. Si les Triades n'étaient plus, ou trop dispersées pour lui prêter assistance, alors il ne lui restait peut-être plus que ce gamin plus américain que chinois, plus qu'un unique frère, à protéger du reste du monde. Jusqu'où pourrait-il aller avec cette crainte à l'esprit ?
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Sujet: Re: Parallel Universe Jeu 16 Nov 2023 - 17:15
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Il confirmait tout ce qu’elle avait depuis le début compris, qu’il n’était pas ange, et même plutôt une brute, plus prompt à menacer qu’à convaincre. Et pourtant, malgré tout, malgré toute sa réprobation son sourire s’agrandissait. Dans le regard amusé de l’infirmière ne se lisait pas la colère ni même l’agacement auquel sans doute on aurait pu s’attendre. Une certaine tendresse se fondait presque dans une hilarité qui, elle, n’était guère dissimulée. Elle parut de nouveau sur le point de rire des maladresses hasardeuses du truand, mais au lieu de cela, la jeune femme déclara simplement :
« Et dire que c’est moi que l’on qualifie de têtue… »
Un léger mouvement de tête, comme une dénégation sans direction précise, ponctuait son propos, ressemblant à une sorte de consternation. Celle-ci n’était cependant pas un véritable reproche, bien loin des regards assassins qui avaient répondu aux mots malheureux du malfrat sur son frère, ou même sur la jeune amie de celle-ci, ou sur les prostituées. Il y avait même dans ces yeux, dans le sarcasme qui ponctuait ses phrases, une sorte de complicité. Dans l’obstination têtue du malfrat la belle nipponne reconnaissait presque son semblable. A cet égard, elle lui portait davantage le respect que l’on avait dans les arts martiaux pour un digne et loyal adversaire que l’agacement devant ses caprices de gamins qui lui compliquaient sa journée.
« Je commence à comprendre pourquoi le gamin s’est attaché à vous malgré tout. Par certains aspects on peut tout de même dire que vous vous êtes trouvés... »
La mélancholie, jamais loin, qui se reflétait dans le constat triste de son propos marbrait le regard amusé, le troublant sans l’effacer, comme une goutte d’encre tombée dans l’eau. Elle ignora toutefois la boule qui lui écrasait la gorge, pour se rapprocher un peu et déclarer avec une douceur didactique, souriante et peinée.
« Il ne s’agit pas de négociations. Il ne s’agit pas de parlementer, ni de ce que je veux. Il s’agit de vos chances de vous en sortir vivant et à peu près entier. »
Un long soupir conclut son explication. Yeux dans les yeux leurs regards se croisèrent. Dans le regard usé du malade, elle y lut l’angoisse d’un homme perdu, impuissant alors que son monde venait de s’effondrer, avec la sincérité que n’avait pas eu son précédent petit jeu de mélodrame. A travers l’image de la détresse qu’il devait ressentir, elle comprit les raison de cet entêtement borné, et envisagea que peut-être lui aussi tenait un peu à Paul.
Après un dernier regard à l’une de ses machines, elle se retourna vers la porte avec un sobre « Je reviens. Je vais revenir. » pour seule explication, sans aucune précision aucune. Pourtant, un instant avant de passer le pas de la porte, dans une impulsion qu’elle n’avait pas le moins du monde calculée, elle se retourna pour lâcher :
« Par ailleurs et quoiqu’on puisse moralement en penser, ne me regarde pas le moins du monde la manière dont vous occupez vos soirées. »
Puis la porte se referma, laissant le mafieux seul avec ses pensées.
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Sujet: Re: Parallel Universe Ven 24 Nov 2023 - 22:42
La belle nippone parlait, le flattait, le taquinait, et c'en était réellement bizarre pour le Malfrat d'avoir partagé tant en une simple poignée de minutes. En se rapprochant à nouveau, elle lui donna l'occasion de la détailler à nouveau, le regard moins embué, l'esprit moins embrouillé. Malheureusement, cette fois ce sont ses mots, sans doute mal compris, qui gâchèrent le plaisir simple offert par sa proximité.
Décontenancé, Tchang ne chercha même pas à répondre. A ses oreilles, la réplique n'avait résonné que comme une formule stéréotypée de soignant à patient. Et à quoi s'attendait-il ? Ils ne se connaissaient que depuis quelques instants, alors quoi ? Devait-elle déjà le considérer comme une extension de son frère de cœur ? Le shanghaïen aurait bien aimé mais, même dans son état, il n'eut pas assez de difficulté à se rendre à l'évidence, cruelle évidence. Ici, il n'était personne.
Ou plus précisément, un patient comme les autres, à l'égal des détenus espérant avoir leurs entrées dans une prison, par ce qu'ils ont le nom de quelque caïd, quelque contact supposé les soutenir. Ici, au moins, on ne lui casserait pas la gueule pour s'être montré si présomptueux.
Pourtant, malgré ses mots distants, normalisés, l'infirmière soupira, et le léger courant d'air parfumé ramena la paire d'yeux noirs dans les siens. Que penser ? Il l'ignorait. L'affreuse envie de faire taire la douleur, l'inconfort, le manque, tout cela s'en revenait lentement à mesure que le terme de leur échange approchait, et cela le faisait sentir d'autant plus faible.
La voyant finalement détourner le regard, puis se retourner, le truand tenta bien un mouvement vers elle, quelque chose d'instinctif, de vrai, mais rien ne se produisit, pas plus qu'un léger soubresaut de son bras sur le drap. Bien sûr, il aurait pu tenter de dire encore quelque chose, peut-être s'enfoncer à nouveau, dire quelques sottises, mais à quoi bon ? Elle promet qu'elle reviendra, Tchang doute, mais il veut y croire, alors il se tait, et cette fois pour une bonne raison.
En revanche, ce à quoi il n'aurait su s'attendre fut son dernier commentaire, lâché là, comme une bombe, de quoi laisser le Malfrat bouche bée lorsque la porte se referme sur une dernière ondulation de la longue chevelure noire. Après tant de regards désapprobateurs ? Cherchait-elle finalement à ne pas l'accabler ?
A nouveau seul avec lui-même, son regard flâna. Sur ses côtés, son corps paralysé, le plafond, la porte, rien d'intéressant, et pourtant, ses yeux cherchaient, ils cherchaient quelque chose pour remplir ce vide, casser le silence feutré de sa chambre. Nauséeux, misérable, déprimé et fiévreux, le chinois papillonna des yeux. Luttant, marmonnant, tentant de bouger pour se maintenir en éveil, il parvint à tenir quelques minutes avant de succomber. Fermant finalement ses yeux en amandes, une paire de larmes s'échappèrent pour couler sur ses joues. Elle va revenir, et c'est tout ce à quoi il pu se raccrocher lorsqu'il replongea dans son enfer.
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Le grincement de la porte raisonna dans le silence froid de l’hôpital, avant que celle-ci ne s’entrouvre. La silhouette longue de la nipponne s’efface pour laisser le jeune sino-américain.
Citation :
Quelques minutes plus tôt, s’était à une autre porte qu’elle avait toqué. Quelques instants plus tard elle tournait le loquait, faisant sursauter le jeune homme qui dans la chambre morne lisait un vieux bouquin de l’hosto. Gravement mais avec douceur, elle avait annoncé:
-Ton ami s'est réveillé.
-C'est vrai ?! Comment il va ?
L’enthousiasme du jeune homme, si contrastée par rapport à la réalité de l’état de santé de son mentor était amère. Les mois à venir seraient durs pour tout le monde. Une ombre passa sur le beau visage de la japonaise.
-Mieux assurément... Mais ce n'est pas non plus....
Elle poussa un soupir contrarié avant d'expliciter.
-Je te passes les détails de son état, mais ce n'est pas glorieux...
-Moins qu'avant de se faire cribler de balles ?
Cette manière décalée, pourtant si juste, d’en parler était presque comique et manqua de peu d’arracher à l’anesthésiste un franc sourire. Mais avec un sérieux qui laissait entrevoir une sincère inquiétude, le gamin avait repris :
-Est-ce que je peux le voir Helen ? S'il te plait.
La grande sœur avala sa salive avec difficulté. C’était maintenant. C’était pour cela qu’elle était venue. La décision, elle l’avait prise en quittant l’autre pièce. Elle n’avait pas le choix, elle ne pouvait pas user de son rôle médical pour protéger Paul contre son gré et de toute façon, les dés étaient déjà jetés. Mais elle sentait tout de même le poids de sa peine. Elle éluda encore un instant l’inéluctable au profit d’une question qui n’était en rien plus joyeuse. Son patient était certes un malfaiteur, pire un mafieux, par définition donc un sale type, même si ce n’était pas toujours flagrant lorsqu’on discutait avec lui. Mais c’était un Homme, un de ses patients, et quelqu’un auquel tenait le petit. Bien sûr qu’elle s’inquiétait pour lui.
La jeune femme réfléchit un instant. La révélation de la mauvaise nouvelle qu'elle allait devoir apporter lui brûlait les lèvres, si proche de se traduire en paroles. Il n’aurait suffi que d’un mot, d’un sinistre mot. Mais ce n'était pas son rôle. Elle était tenue au secret médical, et la seule personne à laquelle elle était supposée annoncer la sinistre information n'est autre que le principal intéressé.
-Disons, qu'on émerge rarement du coma frais comme un gardon. Il se sortira à peu près correctement de cette blessure. Pour le reste...
Elle ponctua son propos d'un mouvement vague de la main.
-Je crains qu'il ne doive faire face un jour où l'autre à la somme des conséquences de son mode de vie. Plus abruptement peut-être qu'il ne le prévoyait...
L’incompréhension se lut à livre ouvert sur le visage juvénile du sino-américain.
-Comment ça ? Tu parles de quoi ?
Le ton était trop gentil, trop ingénu pour qu’elle puisse s’offenser d’une insistance qui aurait revenu à lui demander de trahir l’une des promesses à Hippocrate. Il n’avait tout simplement pas conscience de cette question. Aussi répondit-elle sans reproche ni agacement :
-Tu le connais bien mieux que moi, je suppose que je ne t'apprendrais pas que ce mode de vie n'est pas des plus recommandables, ne fut-ce que du point de vue de la santé. Ce genre d'hygiène de vie laisse des traces.
Le ton, calmement didactique était le même que celui qu'elle avait des années durant emprunté pour tenter d'expliquer un peu le monde et vie à ses quatre garnements. Autant la voix d'une infirmière que d'une grande soeur, presque celle d'un parent. Mais consciente que se réfugier derrière des généralités ne sauverait personne ici, ni des dilemmes éthiques, ni de l'incompréhension, ni de la maladie, ni de la souffrance, elle reprit, dans un geste d’explicitation :
-Les détails, il vaudra mieux que tu les apprennes de sa bouche s'il veut te les dire. Ce n'est pas à moi d'en décider.
Le jeune homme soupira, Helen également, pas exactement pour les mêmes raisons. Elle attendit un instant qu’il reprenne la parole, lui épargne de prononcer les mots qu’elle allait devoir dire. Mais comprenant qu’il ne dirait rien de plus, perdu dans ses incompréhensions, si elle ne faisait pas le premier pas, elle réfléchit.
Cette nouvelle hésitation était à la fois plus douloureuse, plus longue. Parce qu'elle s'en voulait de devoir taire la vérité au gamin. Parce qu'elle savait qu'il souffrirait de celle-ci lorsqu'il devrait l'apprendre et qu'elle avait l'impression qu'il n'était pas de mots à sa portée pour le réconforter. Parce que la phrase suivante qu'elle devait dire depuis qu’elle était entrée dans cette pièce, depuis qu’elle avait quitté l’autre, pour insignifiante qu’en soient les mots, actait quelque chose qu'elle n'aimait pas regarder en face, même si elle n'avait pas le choix :
-Est-ce que tu voudrais le voir ?
Le mafieux en devenir paru presque surpris de la question de sa sœur aînée, comme s’il avait oublié l’avoir lui-même quelques instants plus tôt posés. Un pincement au cœur la pris une fois encore. Une fois encore elle se rappela que son rôle dans l’hôpital et la société lui interdisait de ne pas poser la question. Sa seule résistance avait été de poser la question à Paul sur sa propre volonté avant de lui faire connaître celle de son chef et aîné à laquelle s’il l’avait connu il n’aurait pu déroger. Offrir au jeune cadet de l’organisation détesté une liberté qu’elle jugeait aussi fondamentale qu’elle n’était refusée par le cadre hyper-hiérarchique des mafias asiatiques. Maigre victoire en vérité, surtout à la réponse qui lui fut opposée, mais elle devrait s’en contenter.
-Je peux ? J'aimerais vraiment.
Entre l'inquiétude et le regret d'une chose, toujours la même, et la sympathie que reflètent les mots maladroits du garçon, un regard de tendresse fatiguée sourit.
-A condition de ne pas trop l'épuiser. A vrai dire, il devrait surtout se reposer. Mais je crois que ça lui fera quand même plutôt du bien de te voir, une sorte de soutien moral, si l'on veut. Il me l'a tellement demandé...
-Il t'as parlé ? Qu'est ce qu'il a dit ?!
Au-delà de tout le reste, ils tenaient sincèrement l’un à l’autre, c’était évident. C’était triste pour elle, et en même temps, s’en était presque touchant. Elle ne dit rien pourtant, d’autant qu’il enchaîna immédiatement :
-Non, pas la peine. Je- c'est promis. Je l'engueulerais pas, et pas d'autres trucs idiots comme ça. Juré onee-san.
Il s’avança le poing vers elle, son petit doigt levé. Le contexte était si différent qu’elle eut une fraction de seconde d’étonnement avant de reconnaître le geste de l’époque où ils étaient enfants. Avec amusement, enfin un peu de légèreté, elle compléta le rituel japonais de promesse avec un rire qui était un peu une libération.
-Promis, juré !
« Essaye de ne pas trop me l’épuiser, hein ? Tu as promis ! Il est déjà suffisamment mal en point comme ça… » rappela une fois encore la nipponne à son jeune frère de cœur.
Se tournant vers le malade en question, elle le vit allongé comme un gisant, les yeux clos. Un instant, une angoisse presque irrationnelle lui serra la poitrine. Naturellement, elle se rendit pourtant bien vite compte que la sienne se soulevait, péniblement, mais à rythme régulier, presque paisible. Il dormait, il dormait seulement. Elle faillit en rire de soulagement. Elle avait trop souvent du ouvrir des portes sur des cadavres. Elle n’aurait pas supporté d’infliger à Paul ce sort.
« Après m’avoir fait tout ce cinéma pour te voir, voilà qu’il s’endort pendant les dix minutes qu’il me faut pour aller te chercher ! » repris-t-elle sur ce ton faussement grondeur, faussement vexé vraiment amusé qu’elle avait déjà avec l’un comme l’autre plus d’une fois employé. Elle avait cependant baissé le ton de sa voix de plusieurs décibels. Et c’est encore d’un ton plus bas, qu’elle ajouta, presque en chuchotant :
« Puisqu’il s’est endormi, il vaut peut-être mieux revenir un peu plus tard… »
Elle hésitait un instant à refermer la porte, s’excuser auprès de Paul de l’avoir fait se déplacer pour rien et laisser le malfrat se reposer. Elle hésitait aussi à remarquer la discrète humidité qui cerclait les yeux clos de cet homme, à analyser, l’étrange émotion que cette observation lui évoquait.
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Sujet: Re: Parallel Universe Mar 26 Déc 2023 - 18:18
Dans l'encadrement de la porte, presque contre Helen, Paul se tiens, timidement. La lumière est trop faible pour distinguer les détails de l'alité, et pourtant, il le reconnaitrait entre mille autre putain de trompe-la-mort bridés. Le jeune veut s'avancer mais l'infirmière marque un arrêt, voyant quelque chose que le jeune truand n'a pas vu. Celui-ci ne tente même pas de glisser devant elle, ou prendre la parole. Il la laisse être… elle, et cela tire un sourire au sino-américain, un vrai.
La risette ne le quitte pas malgré l'hésitation de sa grande sœur. A cet instant, il ne craint plus vraiment qu'elle lui refuse quoi que ce soit, et peut-être est-il en train de se fourvoyer. C'est cette confiance et cette connaissance en Helen qui lui permet de surmonter sa passivité et poser sa main sur son bras, comme pour l'arrêter.
« Je pourrais attendre son réveil, ici. Ca ne risque pas de me fatiguer, ni le fatiguer.»
Doucement, il tourne la tête vers la nippone, puis revient au chinois inconscient. Sa voix se fait elle aussi un brin plus discrète :
« Je pourrais t'appeler quand il émergera, ou s'il se passe quelque chose. C'est...hésitant, sa main tapota doucement l'avant-bras d'Helen comme si cela l'aidait à choisir ses mots,c'est plus sûr comme ça, non ? Un changement d'état, comme ça, ça peut cacher une mauvaise surprise. »
Peu importe qu'il ai conscience de dire des bêtises pour se justifier. Il n'allait pas juste se tenir là et se faire gentiment repousser dans le couloir. Et peu importe s'il devait passer plusieurs jours au chevet de ce sale con avant de l'entendre souffler une raillerie. S'il avait demandé à le voir, alors il serait là pour son réveil.
Subrepticement, Paul s'avança d'un pas vers l'intérieur de la chambre puis, détachant sa main du bras de l'infirmière, levant les sourcils, il demanda rhétoriquement :
« Tu entends ? »
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Sujet: Re: Parallel Universe Mar 26 Déc 2023 - 19:06
Le néant. Certains considèrent cela comme l'enfer. Tchang s'était toujours dit que c'était un point de vue d'intellectuel péteux et de puceau. Car il n'y a pas de néant dans l'esprit humain, rien qu'une prison infinie où l'on ne peut échapper à ce qu'on y emmène. La noirceur, le vide, la plénitude, ce sont les rush de morphine, l'oubli, l'ellipse, ce que Tao prétends atteindre par seule méditation.
« Danseur péteux. »
Les deux mots avaient fuités mollement entre ses lèvres, sans doute inintelligibles. Il avait néanmoins pivoté la tête sur sa droite. Il n'était pas dans le néant, il pouvait le sentir, au fond de lui. Un bruit régulier, une machine, du high-tech, et des odeurs indéfinissables, l'abusive propreté, plus répugnante encore que la saleté elle-même. Il en avait connu des endroits sales. Sans doute qu'il s'était fourré dans tous les trous les plus merdiques de Shanghaï, ensuite la puberté était venue et la notion de trou merdique s'était élargie. Ca avait quelque chose de rassurant la saleté, c'était familier, animal, vivant.
« Ca gratte. »
La voix était toujours bien faible mais elle s'était exprimée de manière plus ferme. Et maintenant qu'il y pensait, effectivement, ça le démangeait. Là, partout, sous et sur ces draps. Il voulait remuer, s'apaiser, se frotter, mais il ne pouvait pas, ses membres étaient fait de plombs, et quoi de plus normal dans un cauchemard ? Mais où étaient les bourreaux ? Et les spectateurs ? La scène ? La salle ? N'était-il pas justement en train de se demander ce qui troublait sa tranquillité ?
« Où êtes vous ? »
Jamais seul, sauf si… avait-il oublié un long shoot ? Si c'était le cas, pourquoi ne sentait-il rien ? Ni confort cotonneux, ni gène, ni douleur lancinante ? Non, il n'était pas seul, il en était certain, et sa tête s'était balancée dans son oreiller avant de retomber en direction de la faible lumière du couloir entrant dans la chambre. Ses yeux demeurèrent fermés mais ses narines se dilatèrent, ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en sorti.
Il n'était pas seul, mais il ne distinguait rien, rien de plus que des murmures. Les morts ne murmurent pas, ils grondent, ils écrasent leur environnement, alourdissent l'air d'une présence indésirable. Les morts ne murmurent pas car ils n'ont pas à se cacher de lui, ils n'ont pas peur de parler car ils ne diront rien. Ramenant la tête un peu en arrière, les sourcils du Malfrat s'élevèrent sur son front.
« Parlez. Vous… vivants… »
Au moins le duo était-il à présent au courant et assuré que le malade ne parlait pas juste dans son sommeil. A moins d'une improbable coïncidence. Pourtant, il semblait toujours enfoncé dans l'entre-deux, la respiration tantôt sifflante, tantôt ronflante, comme s'il s'apprêtait réellement à glisser dans les bras de Morphée. Mais il n'y arriverait pas, pas avec les sourcils froncés qui lui barrait maintenant le front, pas plus que la mâchoire serrée. Il s'était mis à lutter, mais il ne comprendrait pas, pas avant que quelqu'un l'y aide.
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Sujet: Re: Parallel Universe Sam 30 Déc 2023 - 23:48
Is there a time, is there a time and place for us? Is there a world where we would do it different, love? Maybe in a different world In a parallel universe
Silencieusement la jolie japonaise répondit d’un hochement de tête à la requête du jeune homme qu’elle considérait comme un petit frère. Le geste un peu flou, ressemblait tout de même plus à un assentiment qu’à un refus, même dans sa trouble absence de clarté. Elle aurait préféré être là, à la vérité, s’assurer qu’ils ne s’épuisent, que tous deux mais plus âgé surtout ne surestiment pas leurs forces. Il était encore fragile, quoiqu’en ait son obstination et puis sa mauvaise volonté. Maintenant qu’elle le voyait ainsi, là dans l’ombre endormi comme un gisant, s’ajoutait qu’elle aurait préféré être là pour surveiller le moment où il allait se réveiller. Mais elle avait tant de travail et si peu de temps. Elle ne pouvait pas négliger tous ces autres patients pour s’occuper de deux d’entre eux, qu’elle appréciait plus personnellement…tout du moins, un peu.
Oui, elle entendit. Elle entendit soudainement qu’il y avait des sons, des mots qui erraient en suspens au-dessus de l’homme qui les avait prononcés, à demi conscient. D’un geste, elle intima gentiment à Paul si ce n’est le silence tout du moins de baisser le son. Elle se rapprocha du malade, doucement. Dans le silence isolé de la pièce, sa respiration régulière, calme et difficile du malfrat fut le seul son, avant que de nouveaux mots ne s’échappent de ces lèvres fatiguées.
Elle hésita, elle qui l’entendait respirer et parler. Elle l’avait compris à l’intermédiaire de l’inconscience, comme piégé à la frontière entre la nuit des rêves et la réalité, elle le sentait tenter de reprendre prise sur le réel et hésitait à le laisser se rendormir lui qui devait se reposer où à l’y aider. Et puis, de nouveaux mots résonnèrent, laborieux, perdus et presque suppliants. Avec beaucoup de douceur la jeune femme posa le bout de ces doigts sur la main usée et épuisée qui dépassait du drap.
« Tout va bien. Paul est là. Ne vous inquiétez pas. » lui murmura-t-elle a mi voix.
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Sujet: Re: Parallel Universe Mer 17 Jan 2024 - 21:06
N'ayant pas osé piper mot de crainte lui-même de manquer un son de la part de l'alité, Paul se permis un léger haussement de sourcil, puis un regard dans le dos d'Helen, un petit quelque chose d'exaspération mêlé à la nostalgie de l'habitude, et un soupçon de sourire en coin. Bien sûr, il n'exprima rien de ce que le geste de l'infirmière lui inspirait, non seulement car il tendait l'oreille pour Tchang, et aussi par ce qu'il avait passé l'âge de se plaindre d'être materné avant de devoir admettre que c'était à la fois plaisant et encore utile.
Suivant la jeune femme à pas de loups, il referma la porte avec extrême douceur, se permettant même de rompre le contact visuel pour s'assurer de ne pas bêtement faire claquer la clinche ou la serrure. Définitivement, le truand parlait, mais jusqu'à ce qu'il atteigne le lit, il n'en compris pas la teneur et dû se contenter de son ultime réplique.
Difficilement, le jeune homme réprima une vive grimace en l'entendant. Le regard détourné, quelques lugubres souvenirs l'assombrirent l'espace de quelques secondes. Et ainsi enfermé dans la réalisation de quelque chose de grave, c'est la voix d'Helen qui le ramena à la réalité, une réalité dure, cruelle, mais dans laquelle il pouvait et devait changer les choses.
Finissant de s'avancer jusqu'au lit, Paul leva une main pour la reposer sur l'avant-bras du Malfrat, puis la laisser s'insinuer jusque sous celui-ci et l'empoigner sans serrer à l'endroit de son tatouage mafieux.
« Vivant. C'était forcé. If there's yellow tea, yellow pee is no far away. »Lâcha t-il en bon anglais avant de trahir une brève risette au coin de ses lèvres.
Après quoi, il redressa le regard vers Helen et, malgré l'importante pénombre, se contenta de relever les sourcils, sourire franchement, et mimer un remerciement des lèvres.
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Sujet: Re: Parallel Universe Mer 17 Jan 2024 - 21:49
Luttant pour sa conscience, le truand tentait de se visualiser, se rappeler, à défaut de penser à ouvrir ses yeux. Mais alors que dans son esprit, son corps se dessinait allongé sur un futon, l'image lui échappa et il se sentit comme propulsé loin d'elle. La nausée le pris et le goût ferreux en bouche le dissuada de sciemment retenter l'expérience. Etourdit par la fièvre, la voix de la belle infirmière fit immédiatement pivoter sa mine cireuse dans sa direction.
- Vivante…
Sous les doigts d'Helen, la peau du mafieux se contracta puis ses poils se hérissèrent, réaction qui redoubla, aidée d'un mouvement de sursaut de la tête et du buste lorsque la seconde présence se révéla à lui. L'adrénaline de la surprise et la joie fit répondre son coeur dans la seconde. Le visage retourné vers Paul, il ouvrit à moitié les yeux, bien que de son point de vue, ils lui parurent exorbités.
- La Yellow Team… au complet. »
Un début de sourire goguenard naquit au coin de ses lèvres, mais s'écrasa presque aussitôt, sans raison apparente. Malgré cette étrange mimique, il retrouva immédiatement contenance et demanda d'un ton faussement réprobateur, quoi qu'avec la fatigue, la fausseté soit peut-être difficile à discerner.
« Ce sont tes démons ? Ou les miens ? Ceux qui te font dire des mots aussi vulgaires devant une dame ? »
Et, détournant le regard d'un Paul comme acculé par les ombres aux regards de poissons morts, il donna son attention à l'angélique figure blanche et nippone à laquelle il venait de faire référence.
« Ha… les jeunes… hein ? On fait de notre mieux pour les éduquer. Et ils répètent vos pires conneries devant une jolie femme. »
Et qu'importe la réaction d'Helen, réprobatrice, amusée, indifférente, vexée, que Tchang aura tôt fait de redresser la tête, les observer tour à tour d'un coup d'œil. L'ange douce et stricte d'un côté, le démon fort et fraternel de l'autre, et entre eux, la foule des fantômes, de ceux qui parlent mais ne disent rien. Il était définitivement réveillé, et il n'était pas seul.
Et sans élaborer plus en avant ses inepties, il eu un petit sourire.