Résumé : Dollmaker reçoit un colis de sa famille à l'asile d'Arkham.
Entretien avec Barton Mathis, alias le Dollmaker. 14 Janvier 2016.
Une salle d'interrogatoire de l'asile d'Arkham. C'est à travers les épais barreaux de cette petite pièce que je pouvais observer les longues pluies froides de janvier qui coulaient dehors. Le temps était maussade, et, dans cette pâle matinée d'hiver, l'ambiance était morose. Noël avait été décevant, et mon cadeau pour le chevalier noir n'avait pas été concluant dans la mesure où il avait mis un terme à mes activités. Une bien sombre déconvenue, mais rien n'était perdu. Alors que j'attendais d'un air décidé, la personne chargée de l'entretien en ce froid matin, mes yeux observaient avec une certaine tranquilité d'esprit, cette pluie fine qui coulait. Pure, immaculée, lavant la terre de son péché originel. La pluie était la peinture de Dieu sur cette toile qu'était l'humanité. Elle lavait nos imperfections, jamais sensation plus douce ne peut égalée l'idée de se mettre sous la pluie, profitant de cette manne qui tombe du ciel. Délicieux moments de calme, de méditation, de communion, même.
Bonjour Barton.
Je ne réponds aucunement, pourquoi faire ? La voix du docteur qui entrait ne me fit pas sursauter, je l'attendais même. Nulle surprise. Avec une certaine appréhension, je me retourne, fixant l'homme de science qui entra dans la pièce. Je l'observe, nous nous toisons. Il ne montre pas cette peur que l'on a en voyant mon visage. Non. Mon vrai visage, il m'a été confisqué. Ce qu'il voit n'est qu'un masque. Le masque idiot du mensonge dans lequel nous vivions en permanence. Cette culture abjecte du beau, du parfait. Ce masque que nous portons est une erreur, une aberration. Nos cicatrices, nos balafres montrent notre véritable visage, et même privé de mon masque, je n'en suis pas moins dangereux. Voila pourquoi on m'a affublé d'une adorable camisole de force, pour éviter que je ne plonge mes pouces dans les yeux du premier être qui croisera mon chemin. Je me moquais de ces éternels entretiens absurdes, toujours avec des experts différents, décidés à analyser la moindre parcelle de mon être, à passer au microscope, le moindre acte que je pourrais avoir envie de commettre sur leurs chairs absurdes. Cela m'ennuyait, et déjà, je préférais montrer que je n'avais pas envie de me montrer bavard, comme à mon accoutumance. Ils sont tous les mêmes. Si désireux de vous scrutez, de sortir leurs imbécilités, et ensuite faire les choux gras des magasines scientifiques. Absurde petite carrière, absurde petite vie. Je préfère ne pas l'écouter, et lui offre un silence en guise de mépris.
Vous ne désirez pas me parler, je le note. Cependant, je ne suis pas là pour vous parler en tant que psychiatre.
La voix froide du médecin résonne dans cette petite pièce, et pour tout dire, je suis intrigué par la teneur de son propos. Je relève les yeux. Tiens donc. Le cancrelat se révèlerait-il être autre chose qu'un simple subalterne lié à un domaine de science risible tourné en ridicule ? Fascinant. Je me demande où cela va me mener. Je ne peux que l'écouter, s'il avait quelque chose de vraiment intéressant à me dire.
Nous avons reçu ce colis ce matin, à votre destination. Un colis bien emballé, et par soucis d'intégrité, nous ne l'avons pas ouvert, mais nous avons fait les tests pour vérifier s'il ne contenait pas d'armes ou d'explosifs.
Le colis est sommairement emballé. Sûrement un beau cadeau de ma fille, Dollhouse. Ou d'Orifice, ou de Samson ? Sûrement. Je devais leur manquer, après tout, l'amour d'un enfant pour son père est intangible, presque sacré. Le docteur pose le colis sur la table. Il n'a pas été ouvert, il disait vrai. J'observe les contours. Papier journal à foison, timbres d'une autre région pour éviter d'être repéré. Plusieurs envois dans d'autres villes pour perdre le colis. Intelligent, il faut croire que mes leçons payaient. Je m'approche de la boite, tout en occultant le docteur. Il n'est déjà plus rien pour moi, seul comptait l'existence de cette boite.
Cependant, l'ouverture de cette boite doit se faire avec un responsable de l'asile, et je suis là pour assister. Voir ce qu'il en retourne.
C'est dans cette optique que ce misérable venait voir ce que le père noël apportait à un homme enfermé dans un asile psychiatrique. Pitoyable. Le manquement de droits des prisonniers devrait être reporté à Genève, mais qui suis-je pour réclamer de tels droits humains ? Je m'approche donc, tout en saisissant la boite. J'arrache, morceau par morceau, de telle sorte à faire durer le plaisir. Une boite, une belle boite rouge que je repose sur la table. Le moment est solennel, agréable. Terriblement doux. Je sais ce qu'elle contient, et je frémis de plaisir en la sachant près de moi désormais. Un doux plaisir que je ne pouvais pas occulter, et qui me procurerait la force de tenir encore un peu dans ce lieu si froid, si ... Intrusif. Je ne l'écoute plus, je ne l'écoute pas. Ce que je sais, c'est que je veux ce qu'elle contient.
Qu'attendez-vous pour l'ouvrir ?
Demanda le professeur, qui ne pouvait qu'espérer attendre de voir le résultat de toute cette déballe. Il est curieux, il veut savoir ce qu'il y'a dedans. Que peut-il espérer ? Une arme ? Un outil de mon art ? Un trésor d'un possible larcin ? Qu'espère-t'il vraiment ? Je ne l'écoute pas, de là où je me trouve désormais, je suis loin d'Arkham en pensée, je suis loin des cris des patients, je suis loin des hurlements monstrueux en provenance des catacombes de l'asile. Je suis loin des soins des docteurs, et des brimades des gardes de l'asile. Concernant mon présent, il en aurait plein les yeux, à proprement parlé. Bien sûr. Je soulève l'opercule de la boite, je faisais durer le plaisir. C'était un de mes petits péchés personnels, un de mes petits plaisirs que j'appréciais regarder, quand la nostalgie me gagnait. Alors que je soulève l'opercule, la boite révèle ses plus beaux secrets. Des petites poupées, des petites poupées par centaines. Avec des sourires. Des poupées oui, avec des petits parchemins indiquant leurs noms dans du papier bien roulé, qu'elles tenaient en guise de souvenir dans leurs mains confectionnées.
Marylin. Andi. Elizabeth. Clara. Julie. Antonya et toutes les autres ... Ce sont mes filles, docteur. Oh ... Comme vous m'avez tellement manqué.
Avant la poupée parfaite, avant Dollhouse. Une lointaine époque où j'ai expérimenté, où j'ai façonné, tenté de concevoir, et organiser le meilleur travail possible sur ma potentielle fille. Il y'eut des tests, des expériences, et malgré les nombreux échecs, je ne pouvais pas balayer du revers de la main ce qu'elles furent à mes yeux. Elles étaient magnifiques. Elles étaient mes créatures, et j'avais conservé des souvenirs de chacune d'elle. Des petites poupées. Faites avec la chair, les cheveux, les os, et les tissus organiques des petites filles qui avaient croisé ma route. Elles étaient immortalisées à jamais, dans un magnifique spectacle macabre, selon le goût des autres. Des petites filles, à moi. Rien qu'à moi. Elles étaient mes poupées, et elles le seront à jamais. Alors que le médecin, révulsé par toute cette horreur, et par l'odeur qui s'était dégagé de la boite courut vers la sortie pour alerter les gardes, je serrais contre mon cœur, cette petite boite. Ma petite boite de poupées. Mes filles. Mes adorables petites poupées.