“Hey Diane! Tu lis quoi c’te fois?!” Sur ces paroles, la franc-tireuse referma son livre dans un claquement sonore. “Psychologie de l'Inconscient de Karl Jung.” S’allumant une cigarette, elle prit un inspiration profonde. “R’gardez moi miss Montana! Elle sait pas juste tirer les meilleurs coups mais, en plus elle sait lire des trucs compliqués!” Rire généralisé de l’escouade, elle-même s’y mélant. “A la fois Tom, tu sais pas lire, c’est forcément compliqué pour toi. Tu feras jamais que du bruit avec ta langue.”  Sifflements et nouveaux éclats de rire. Nouvelle inspiration sur sa cigarette. L’équipe était détendue, pour une fois ils n’étaient déployés qu’en tant qu’observateurs pour ARGUS. Ils avaient pour ordre de ne pas intervenir, simplement de rester à observer. Et ils n’étaient pas des héros prêts à prendre les armes pour sauver l’humanité.

L’adolescente sans aucune relation sociale avait disparu. Difficile de dire que le lycée ou même le collège avaient été agréables pour elle. Avec une famille d’autonomistes survivalistes, le plus clair de son temps libre avait été passé dans la forêt, à apprendre à pêcher, chasser, construire des abris… Pas de téléphone portable pour pouvoir discuter avec des amis, pas d’exposition à la technologie autre que les outils les plus basiques. Si elle avait appris à se servir d’un ordinateur au collège, l’objet avait toujours été distant pour l’enfant qu’elle était.

Difficile de se faire des amis quand vous n’aviez rien pour communiquer avec eux hors de l’école. Difficile aussi de s’adapter lorsque vous étiez plus habitué à la solitude et que vos parents vous avaient formé pour survivre seule sans personne. Une nécessité pour être sûr d’échapper à toute possibilité de contrôle du Deep State. Diane Catherine Ashton n’avait jamais été que cela, un nom dans les registres scolaires et sur une carte d’identité. Aucune présence dans les hôpitaux ou même sur des registres de naissance. Un fantôme presque parfait. Mais un fantôme isolé.

Il n’y avait jamais eu qu’une seule chose qui l’avait fait ressortir de la masse des autres adolescents. Elle était différente. Que ce soit ses cheveux ou ses yeux, sa propension à se battre quand on venait l’emmerder et enfin, des discours complotistes proches de la paranoïa. Car en bonne fille de ses parents, elle ne s’était pas rebellée contre leur autorité et leur avait toujours fait confiance. Heureusement pour elle, l’exposition à une société vaguement civilisée avait fini par lui retirer ses œillères petit à petit. Le complotisme avait fini par être remplacé par le sens de la justice. Les bagarres suite à des provocations finissant par céder la place à des bagarres pour protéger ceux qui n’étaient pas capable de se défendre.  Et lorsque le lycée fut terminé, plutôt que de rester dans les montagnes, elle fit ses bagages une nuit, fuyant cette famille isolée en pleine nature.

Elle rejoignit l’armée. Incapable de trop savoir quoi faire de sa vie, ne sachant absolument pas si elle était capable de suivre des études supérieures ou quoi que ce soit d’autre. Tenter d’intégrer la police pour protéger la population? Alors qu’elle ne connaissait pas grand chose du monde? Non. En rejoignant l’armée elle pourrait voir le monde, aurait le temps de commencer à s’adapter à la société. Elle pourrait même commencer à étudier sur son temps libre. Puis, en intégrant l’armée, si elle ne protègerait pas directement les gens, elle intégrerait un organisme qui veillait de loin sur la population.

Et l’armée fut une réussite pour elle. Discipline exemplaire, résultats exemplaires. Elle suivit une formation de tireur de précision, obtint les meilleurs résultats de sa promotion. Elle se fit suffisamment remarquer pour attirer l’attention des formateurs et, qu’on lui propose une occasion impossible à refuser. Si elle pouvait réussir les tests puis la formation des Navys Seals, elle rejoindrait ce corps armée réputé. Elle faisait partie d’une liste de candidates potentielles destinées à devenir les premières femmes à rejoindre les Seals. Et elle y parvint. A seulement dix-huit elle fut déployée sur son premier théâtre d’opération en tant que franc-tireuse.

Les cinq années qui suivirent furent une même et seule boucle ininterrompue. Elle était déployée sur le terrain avec une escouade. Ils traquaient des cibles prioritaires, les éliminaient ou les capturaient. Puis retour à la base, repos, attente, études. Puis nouveau théâtre d'opérations. La boucle se répétait sans cesse, amenant un cycle confortable qui lui permit de s’adapter à la société. Et sans qu’elle s’en rende compte le compteur de cibles éliminées grimpait sans cesse, finissant par cotoyer les records d’élimination des franc-tireurs. Et sans qu’elle s’en rende compte, une partie d’elle mourait petit à petit. Lorsqu’on lui pointait une direction dans laquelle tirer, elle le faisait sans se poser de question.

Un service exemplaire qui prit fin au bout de cinq ans à la suite d' une mission en collaboration avec la CIA. Si la mission avait été un succès elle s’était retrouvée isolée en territoire ennemi avec uniquement son binôme. La CIA les avait lâchés une fois qu’ils avaient rempli leur office. Alors, lorsqu’ils parvinrent à rentrer à la base et que leur contact de la CIA vint les féliciter… Elle ne perdit pas le contrôle d'elle-même. Ils n’avaient même pas eu le temps de se poser cinq minutes que déjà le fumier qui les avait abandonné agissait comme si tout allait bien. Il ne lui fallut qu’une seconde pour viser et, vider le chargeur de son fusil d’assaut dans le genou droit de celui qui les avait abandonnés. Calmement et avec minutie.

Diane s’attendait à finir en court-martial pour un acte de ce calibre mais, à sa grande surprise, y échappa. L’opération conjointe avec la CIA devait rester secrète, ce qu’un procès en cour-martiale n’aurait pas permis. Puis les Navy Seals étaient solidaires et la couvrirent. Cependant elle fut décommissionnée. Plus question pour elle d’effectuer des opérations sur le terrain après une telle action. Son service en tant que Seals était terminé et, c’était l’heure d’une reconversion professionnelle. Le temps de son service, elle était parvenue à passer des examens en psychiatrie, pouvant se targuer d’être à la fois franc-tireuse et psychiatre. Elle rejoignit alors le service d'enquêtes criminelles de la marine, passant de soldat à enquêtrice pour, un an plus tard devenir analyste comportementale.

Pendant quatre années le quotidien suivit son cours avec une seule particularité. Elle finit par reprendre contact avec ses parents. Le retour au sein de la famille fut houleux et complexe. Si son père et sa mère n’avaient pas changé, elle si. L’adolescente paumée avait disparu, laissant place à une jeune femme sur d’elle, ayant développé un sens de la justice élevé sous le couvert d’un certain flegme. Mais ils finirent malgré tout par se réconcilier même si, plus d’une quelques coups furent échangés.

Mais tout changea lorsque, après quatre années de service exemplaire en tant qu’enquêtrice une proposition impossible lui fut faite. Rejoindre un groupe gouvernemental d’intervention dans les crises méta-humaines. Bien qu’elle appréciait son travail d'enquêtrice militaire, l’idée de retourner sur le terrain et, de servir son pays était bien trop séduisante. Elle n’eut aucune hésitation et saisit l’opportunité sans un seul doute.

Ainsi, Diane rejoignit ARGUS et découvrit une organisation aux airs de Deep State. Non, s’il devait y avoir quelque chose s’approchant du Deep State c’était ARGUS. Son transfert du service d’enquêtes criminelles de la marine fut fait avec une aisance ayant de quoi rendre paranoïaques les plus impressionnables. Officiellement Diane prit un congé sabbatique d’un an, celle-ci venant de passer quatre ans sans prendre aucune vacance. L’année qui suivit, elle démissionna pour reprendre le rôle de shérif dans une petite ville du Montana. Tout se déroula sans le moindre accroc. Quelque chose de facilité par le fait que son dossier militaire, bien que toujours existant dans les bases de données de l’armée, avait été scellé bien avant de rejoindre ARGUS. L’état n’aimant guère que les gens puissent fouiller dans les dossiers de ceux ayant fait le sale boulot dans l’armée.

Sauf que la franc-tireuse n’avait pris aucune vacance et, bien évidemment n’était shérif que de nom de la dite ville du Montana. Une ville minuscule et perdue à laquelle personne ne faisait attention, pas même ses habitants au nombre d’une centaine. Ceux-ci n'étant même pas conscients qu’ils étaient censés avoir une shérif.

Son travail au sein d’ARGUS fut, bien évidemment, loin de tout repos. Elle ne tint pas le compte du nombre de théâtres d’opérations sur lesquels elle fut déployé. Qu’il s’agisse d’agir en solitaire pour éliminer une cible précise ou bien d’intégrer des équipes précises et de traquer tout ce qui pouvait être une menace méta-humaine. Elle était redevenue la tireuse d’élite qu’elle était, chasseuse dans l’âme. Mais, elle n’eut pas uniquement à agir en tant que tueuse. Elle fut par trois fois envoyée en infiltration dans des organisations diverses, agissant comme agent dormant. A chaque fois son rôle était toujours le même. S’intégrer, observer et analyser. Une fois qu’elle était parvenue à établir un schéma complet des relations et des comportements des individus, elle n’avait plus qu’à patienter. Le résultat était toujours le même. Une équipe était envoyée, les cibles importantes neutralisées, le reste éliminé en profitant des informations qu’elle avait pu transmettre.

Il y a de cela un an, sa quatrième opération d’infiltration a débuté. La plus longue jusqu’à présent car celle-ci est toujours en cours. Infiltrer le GCPD. Si les débuts à Gotham City furent rude elle s’est cependant parfaitement intégrée en tant qu’analyste comportementale et tireuse de précision pour la police. Elle apprécie nombre de ses collègues, ceux-ci ayant finit par composer comme une deuxième famille pour elle. Et si il lui arrive d’être rappelée par Amanda Waller pour certaines missions nécessitant sa fiabilité… Diane à commencé à prendre goût au fait de parfois, rendre elle-même justice en dehors du cadre de la loi. Un détail toléré par ses supérieurs d’ARGUS pour l’instant.