Nul ne peut contester la place immense que prend la répétition dans la vie quotidienne de tout un chacun ainsi que dans les relations aux autres. Répéter, du latin repetere, signifie chercher pour comprendre. L'enfant répète le même mot, le même geste, la même colère, pour chercher avec nous à comprendre et à être compris. Il existe ainsi une répétition qui s'inscrirait dans le processus normal des apprentissages et de la vie relationnelle, permettant de s'approprier un savoir et de le transmettre aux autres. Répéter est donc à la fois une façon de se souvenir et un moyen de tenir la mémoire en échec. Dans le domaine des réalisations de tous ordres la répétition est à la base de la vertu de persévérance. Et recevoir la patiente que j'allais recevoir, c'était bien un parangon de persévérance. Elle n'était pas du genre facile. C'était la remarque que je me suis faite quand j'ai vu la liste de mes rendez-vous : Eugenia Rogova. Quelle chance, vraiment. Un besoin constant de se faire remarquer, folle mais gentille, exubérante et parfois, comme disent les jeunes d'aujourd'hui : "Attachiante". J'allais avoir besoin de garder mon sang-froid. La dernière fois que je l'avais croisée, elle n'avait pas été très très gentille à Gotham City. Je lui avais fait aussi part de certains de mes petits secrets. Mais qu'importe, elle était en rendez-vous avec moi, et je me devais de garder un certain professionnalisme, du moins, tant que je serai à la tête de l'asile d'Arkham, et non le maitre de cérémonie du Gant Noir. Alors qu'elle était déjà installée dans le sofa, je pénètre dans mon bureau, et elle me lance une question, un trait d'humour peut-être ?

<< Bonjour Eugenia. Je vais bien, merci. Mais ... C'est plutôt à vous que l'on devrait poser la question, je me trompe ? Sinon, vous ne seriez pas ici. >>

Comment caractériser une pareille boule de nerfs pareille ? Elle était élusive, et difficile à cerner. Et parfois, essayer de la comprendre relevait de la parfaite folie en elle-même. Essayer de comprendre quelqu'un qui sortait avec Bizarro était déjà dur, mais cerner quelqu'un comme elle, cela me prendrait des années, peut-être même toute une vie ? Mais je n'avais pas le temps de me focaliser sur elle en permanence, et au vu de mes prochaines activités, je doute pouvoir continuer à officier en tant que directeur de l'asile d'Arkham.

<< Alors, à quelle et effarante personnalité, je m'adresse aujourd'hui ? La Eugenia sûre d'elle-même ? La Eugenia repentante et désolée ? La Eugenia miss Gotham ? Ne me faites pas languir d'attente, j'ai grande hâte de savoir à quelle personnalité époustouflante, je vais devoir avoir la joie de la rencontre. >>

Le trouble de personnalité multiple serait un éclatement du moi causé par des abus sexuels répétés dans l’enfance, refoulés et qui ressurgiraient dans l'une ou l'autre des personnalités. La personnalité principale est la personnalité hôte, souvent introvertie et dépressive. Le patient peut devenir successivement un enfant avec un comportement et une voix d'enfant, une femme alors qu'il est un homme. Certains alters peuvent être boulimiques, alors que d'autres sont anorexiques, ils peuvent ne pas tous parler la même langue, les uns ont besoin de lunettes et les autres non, l'un est alcoolique, l'autre est toxicomane. Lorsque le patient fait le récit de sa vie au thérapeute, celui-ci remarque que la trame narrative n'est pas complète, qu'il a des périodes de temps perdu. On est surpris par le côté répétitif de ces scénarios, leur ressemblance et, en fin de compte, le conformisme manifesté. Selon certaines croyances, l'esprit ou l'âme se réincarneraient après la mort dans différents corps d'animaux ou d'humains, pour vivre des vies successives. Ce qui explique, pour certaines personnes assez déficientes mentalement, que les multiples personnalités sont introduites de cette manière, mais je n'y croyais pas. Elle avait une certaine maladie, quelque chose en elle qui la forçait à être aussi pénible qu'elle l'était en général. On en avait des comme ça à Arkham, soit on les faisait nous-mêmes, soit ils étaient de purs produits façonnés dans Gotham City. Peut-être qu'Eugenia n'était qu'un de ces produits, façonnée par la ville elle-même.

<< Si vous désirez une boisson, je vous en prie, servez-vous. >>

Toujours le petit test de la boisson. Pour ma part, avant que je ne m'assoie, je me saisis du dossier sur Eugenia Rogova. Certaines données sont toujours intéressantes à saisir la concernant. Vêtu de ma blouse blanche de médecin, je sors un aspirine avant de le tremper dans un verre d'eau. C'est au cas où, et pour éviter les petits tracas de l'après rencontre avec Eugenia Rogova. On ne sait jamais sur quoi on va tomber avec elle. Enfin si, on sait dans quoi on va tomber, mais on ne sait jamais par quel tunnel en ressortir, alors autant prendre les devants cette fois. La dernière fois, elle m'avait filé un mal de crâne monstrueux. Remuant mon verre, je me pose enfin dans mon siège, prêt à écouter ce qu'elle allait à me dire. Mentalement, je me prépare à aller partout et nulle part, me demandant si je ne perdais pas mon temps à l'écouter me raconter des histoires inventées ou totalement sans intérêts. Mais peut-être qu'aujourd'hui, elle me surprendra ? Après tout, je ne suis pas à l'abri d'une surprise. Patience et maitrise de soi, sont les deux mamelles de l'écoute et de la psychanalyse, après tout.

C'était au tour du docteur de chercher à comprendre ce qui n'allait pas en Eugenia. Son pouvoir fit son apparition, brièvement, tandis que je notais deux trois informations. Elle parlait. De tout. De sa famille, de son autre famille, de son besoin de se faire entendre, de sa rencontre avec le supposé Edward Nygma. Il y'avait longtemps que l'on ne l'avait plus vu à Arkham, celui-là, tiens. Mais revenons un peu à la dernière question concernant la psychologie de Teslady, une question qui méritait d'être étudiée un peu plus en détail. Les personnes atteintes du trouble de la personnalité histrionique exigent d'être en permanence au centre de l'attention et cherchent souvent à le faire en s'habillant et en adoptant des comportements de séduction et de provocation inappropriés, et en s'exprimant de façon très théâtrale. Ce qui amène le point de la question, concernant si j'avais quelqu'un dans ma vie.

<< Non, je n'ai personne. Et je ne compte pas me mettre en couple pour le moment. >>

Dis-je pour trancher et couper court à ce qui allait suivre. Les patients ne sont pas supposés en savoir plus sur la vie de leurs docteurs après tout. Un maigre sourire sur mon visage, j'essaie de me rappeler des dernières théories concernant le manque d'attention chez l'adulte. Difficile de faire plus difficile avec un cas comme Eugenia Rogova. Le diagnostic du trouble de la personnalité histrionique repose sur des symptômes caractéristiques, y compris la gêne de ne pas être le centre de l'attention, un rapport avec les autres caractérisé par des comportements de séduction et de provocation excessifs, et un comportement et une expression émotionnelle exagérés. Ce qui était chez Teslady, un euphémisme quand on voyait le passif de la jeune fille. Mais quelle en était l'origine alors ? Un père absent qui revient sans arrêt ? L'absence d'une famille pour bien l'encadrer ? Tellement de possibilités quand on y songeait. Le trouble de la personnalité histrionique affecte près de 2 % de la population générale aux États-Unis. Il est diagnostiqué plus souvent chez les femmes, mais certaines études suggèrent qu'il affecte les hommes et les femmes de façon égale. Mais Eugenia était une femme, et elle était plus sensible à ce besoin d'attention. Dans l'avenir, avec la dégénérescence de l'être humain et de la société, les cas allaient se multiplier. C'était une cause très attendue. Et dont je mesurais déjà, à Gotham City, un terreau assez prolifique.

<< Vous vous lancez dans les élections ? Voila qui est intéressant. Pourquoi ce besoin ? Pourquoi avoir envie de devenir la maire de Gotham City ? Vous vous en sentez vraiment la capacité de devenir maire ? Êtes-vous vraiment capables de devenir une personne à nombreuses responsabilités ? >>

Poser les questions, inoffensives, mais intelligentes pour intriguer. Semer le doute chez une personne en manque d'attention, et vous aurez un cocktail explosif sur le long terme. Si elle se fait éclater aux élections, elle sera à ramasser à la petite cuillère, naturellement. Les personnes atteintes du trouble de la personnalité histrionique cherchent continuellement à être le centre de l'attention et elles sont souvent déprimées. Lorsqu'elles ne le sont pas, elles sont souvent vives, théâtrales, enthousiastes et séduisantes, et parfois charmantes pour les nouvelles connaissances. L'expression "Briller comme un miroir de bordel" me revient légèrement en tête. Quoiqu'il se passe, elle aimait bien qu'on la regarde.

<< Que cherchez-vous vraiment dans ce poste de maire, Eugenia ? Vous avez un poste de miss Gotham, ne croyez-vous pas que les gothamites vous verront plutôt comme une bimbo désireuse d'attirer l'attention sur elle ? Vous sentez-vous ... Comblée par ce besoin d'être sous les feux de la rampe ? D'être désirée ? D'être voulue ? Est-ce que vous jouissez de cette exposition croissante sur vous ? >>

Comme il était si simple de trifouiller dans les esprits de ses patients. Il n'était pas difficile quand on connaissait les bases de la psychiatrie, et Eugenia était un cobaye assez intéressant quand on y regardait de plus près. Les personnes atteintes du trouble de la personnalité histrionique sont facilement influencées par les autres et par les tendances du moment et l'élection du maire pourrait être un moyen pour elle d'avoir les yeux de tous sur elle. Ces personnes sont extrêmement influençables. Par ailleurs, elles ont tendance à faire trop confiance, surtout aux figures d'autorité qui, selon elles, sont capables de résoudre tous leurs problèmes. Elles ont tendance à croire que leurs relations sont plus intimes qu'elles ne le sont vraiment. Les personnes atteintes du trouble de la personnalité histrionique ont soif de nouveauté et ont tendance à s'ennuyer facilement. De ce fait, elles peuvent changer fréquemment d'emploi et d'amis. Elles sont facilement frustrées par l'attente de récompenses, de sorte que leurs actions sont souvent motivées par l'obtention d'une satisfaction immédiate. Un burn-out serait assez violent, et connaissant la patiente, elle pourrait vriller et finir dans une des cellules de l'asile pour de bon.

<< Vous n'avez pas besoin de cette élection pour vous sentir visible, Eugenia. Vous êtes déjà, très visible sur les réseaux de la ville. Tous vous connaissent. La grande miss Gotham 2017. Chaque gothamite vous connait, a une opinion sur vous. Déjà à mes yeux, je peux vous dire que vous êtes une patiente qu'on oublie pas. et que vous restez ma top priorité. >>

Rassurer la patiente, lui donner l'attention voulue. Prendre le rôle de père dans ses yeux, prendre le rôle de l'homme qui aurait dû l'éduquer à une lointaine époque. Elle avait besoin d'un référent. Elle avait besoin d'une figure paternelle. C'était visible. Je me tâterais bien à lui fournir une médication plus violente mais ... On en sait peu sur l'efficacité de la thérapie comportementale et cognitive et des médicaments pour le trouble de la personnalité histrionique. Ce serait jouer à Dieu avec elle, mais l'expérience serait amusante non ? Si elle m'estimait comme son père, elle obéirait, assurément. Voila comment on se forge les esclaves de demain, dans une complaisance masochiste de gens diminués mentalement.

<< Vous êtes Eugenia Rogova. Une miss Gotham. Et vous êtes ce que vous êtes. Vous n'avez pas à douter de ce que vous avez à être. Vous êtes vous-même votre propre essence. Pourquoi renier qui vous êtes au plus profond ? >>

L'homme est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est, écrivait Jean-Paul Sartre. Une façon de dire que nous ne nous contentons jamais de ce que nous sommes, que nous nous transformons perpétuellement. C'est ainsi que toute la vie nous grandissons et que nous gagnons en confiance. Mais dans son cas à elle, dans le cas d'Eugenia ? Elle semblait être au bord du gouffre. Tiraillée par ses pulsions, par ses désirs. Elle pourrait semer la haine, la colère, la destruction. On le peut tous, à notre point de vous. Nous sommes fondamentalement capables de surmonter les difficultés. En revanche, la répétition des échecs, des paroles blessantes, qu'elles viennent d'un proche, d'un supérieur ou des copains au collège, sape cette confiance. Et si ces situations viennent faire écho à une situation ancienne de mise en doute de soi, d'atteinte narcissique, alors la douleur et le traumatisme resurgissent. On le voit très bien avec les adultes qui viennent consulter pour un problème de doute de soi.

<< Ne changez pas pour les autres. Vous devez apprendre à changer par vous-même. Voila la différence. Vous êtes bercée par les merveilles de notre société. Le paraitre, le devoir, les règles. Alors que nous savons tous les deux, que tout est orchestré de manière injuste. La loi n'est qu'une illusion, une simple règle qu'il convient de briser pour être pleinement heureux. Les lois sont faites pour les faibles. >>

Crachais-je, tout en continuant de fixer la jeune femme droit dans les yeux. Comment reprendre confiance en soi après une dépression ? C'était la question que je me posais en écoutant la jeune femme qui parlait d'elle dans ce divan. Elle semblait tellement peu sûre d'elle. Hésitante, avec de l'humour pour essayer de se sortir d'une situation dans laquelle elle s'était elle-même empêtrée. Suicide sociétal ? Que cherchait-elle vraiment ? Ce principe d'autodestruction ne pouvait que très mal finir, mais je pouvais lui trouver quelque chose de mieux, quelque chose de plus ... Noir à lui proposer. Elle était au fond du gouffre, ce devrait être à moi de l'aider. Peut-être, mais était-ce le bon moment pour la tirer du gouffre dans laquelle elle plongeait à vive allure ? Devrais-je la laisser continuer sa longue descente aux enfers ou l'aider. Ah qu'il est difficile de ne pas se laisser aller à observer la souffrance des gens. Elle pourrait être un fascinant sujet d'études, elle pourrait entrer en léthargie et combattre ses propres démons personnels, au fond d'une cellule capitonnée, sans jamais revoir la lumière du jour. Mais ce serait une bien triste chose à faire, pour quelqu'un qui avait un pouvoir des plus intéressants. Pour en revenir à notre chère patiente. Une dépression est un moment très complexe dans la vie d'une personne. Elle peut arriver à tous, à tout moment, sans prévenir. S'en sortir sans aide est très difficile, et une fois qu'on a pu la surmonter, reprendre confiance en soi, s'aimer de nouveau et aimer la vie est une nouvelle épreuve. La dépression est une maladie, mais une maladie ne décrit pas la personne qui en souffre. Il est important de comprendre que souffrir de dépression ne permet pas de définir une personne : nous sommes tous bien plus que la somme de nos troubles ou maladies. Prendre conscience que la maladie n'est pas soi permet de comprendre qu'on est en dissonance avec soi-même, et qu'une prise en charge adaptée peut aider à retrouver l'harmonie qui nous fait défaut. Mais nous parlions d'Eugenia, et l'harmonie ne semblait pas être quelque chose en quoi elle était habituée. Une enfance chaotique, une vie brisée, un monde de feu et de ruines. Voila la vie d'Eugenia Rogova. Sans plus, ni moins, et bâtir quelque chose sur ce sol aride relevait du miracle. Elle était vouée à devenir folle, comme nous l'étions tous. Je retirais mes lunettes, tandis que je regardais patiemment la jeune femme. Elle était aux prises avec tous les pires maux au monde, elle était dans le doute, dans l'impasse. Mais je pouvais lui offrir quelque chose. Quelque chose en quoi croire. Quelque chose qui pourrait très certainement être le salut pour son âme déjà torturée.

<< Je vais arrêter votre traitement. Je vois que cela n'a pas l'effet que j'escomptais. Pour ainsi dire, j'espérais vous voir dans une humeur plus joyeuse. Il faut croire que je me trompais. Errare humanum est, dit-on dans notre profession. >>

La psychologie. Psychiatrie. Les études du comportement humain. La plus belle arnaque du vingtième siècle, et les pigeons affluaient dans les cabinets pour se faire soigner. Croyant être des dépressifs ou des malades mal dans leurs peaux. L'ironie était sublime, un métier qui rapportait beaucoup d'argent, beaucoup, beaucoup d'argent. Mais il était temps de cesser la comédie. Il était temps de voir la réalité bien en face.

<< Il est temps de cesser ces faux-paraitre, Eugenia. Vous êtes peut-être différente, mais vous n'êtes pas malade. Vous souffrez juste d'un manque chronique de l'attention, à cause d'un père qui vous a négligé, et de votre famille qui n'en a jamais été une. Vous êtes le produit parfait de cette société qui se désagrège, d'un monde qui se dérobe sous vos pieds. Mais il n'y a pas de fatalité. Il existe une autre voie ... Quelque chose de mieux. >>

Ma voix était plus dure, moins chaleureuse. Il était temps de lui offrir un tout nouveau chapitre dans la vie d'une jeune femme perdue, déprimée et complètement isolée. Il était temps de lui offrir une nouvelle famille. Il était temps pour elle de voir l'envers sous le décor, de voir ce qui se cachait derrière le rideau du professeur Hurt. Alors qu'elle semblait bien s'amuser avec les lampes, je me leva, et me dirigeais vers mon armoire, sortant un masque que je posa sur la petite table de verre qui me séparait d'Eugenia. J'éteignis les lumières tout en allumant quelques bougies qui étaient disposées sur la petite table.

<< Vous voulez œuvrer pour une justice plus juste ? Moins arrogante ? Pourquoi ne pas rejoindre le Gant Noir, mademoiselle Rogova ? Pourquoi ne pas suivre notre marche noire et mettre à terre cette ville ? Vous pourriez faire ravaler leur caquet à tous ces crétins costumés. Vous pourriez leur apprendre à ne pas se moquer de vous. Vous pourriez leur montrer qui vous êtes vraiment. Nous pourrions faire tomber Batman et ses alliés, nous pourrions diriger cette ville vers quelque chose de plus ... Humain. >>

Les choses prenaient un intérêt tout à fait passionnant désormais. Et pour dire, je ne m'attendais pas à une telle joie d'Eugenia à l'idée de rejoindre le Gant Noir, surtout ce soir. Vous n'avez pas idée des choses que l'on peut espérer voir dans une ville comme Gotham City, mais une chose était certaine, rejoindre le Gant Noir pouvait s'avérer être intéressant, sur un plan psychologique bien sûr. La psychologie de ceux qui composaient le Gant Noir devait être des plus passionnantes, ou des plus décevantes. Les prochains candidats qui rejoindraient notre mouvement pourraient être du même accabit qu'Eugenia. Qui sait ? J'aurais le loisir d'étudier, d'écouter, et d'analyser chaque personnalité à l'intérieur même de la structure. Et qui sait ? Peut-être qu'ils écouteraient ce que j'avais à dire ? Peut-être que mon projet pourrait marcher même ... Le Projet qui se déroulerait dans l'enceinte même de l'asile, qui transformerait ce lieu de folies, en lieu de théâtre, une ode à la chute du Batman, je l'avais toujours en tête oui. Et Gotham City méritait énormément une telle avancée dans cette ville. Un système pour purger la criminalité de la ville et d'éteindre à jamais ce braséro dans ma ville. Mais pour le moment, il fallait continuer de jouer dans l'ombre. Il fallait continuer d'attendre. La dernière question d'Eugenia me fit sourire, et j'aimais ce genre de question philosophique, cela entrainait mon esprit à l'ouverture des hypothèses, pour que je puisse me faire moi-même ma propre idée sur de nombreuses thèses personnelles.

<< Il serait drôle en effet, d'avoir la complicité de la prochaine maire de Gotham City. Ce serait une facilité, oui. Mais attendons le résultat. En attendant, nous concevons le plan. Batman tombera. Et ses alliés aussi. >>

J'en profitais pour sortir une petite bague que je tendis à la jeune femme. La bague était finement ciselée et gravée, elle datait de plusieurs dizaines d'années et avait dû être fabriquée par l'un des meilleurs artisans de Gotham. Elle portait un symbole représentant une main fermée et sombre, un symbole peu connu à Gotham City mais qui ne relevait que de la légende. L'inscription BLACK GLOVE était gravée à l'intérieur de la bague. Le Gant Noir était réel et Simon Hurt en délivrait la preuve qu'ils existaient et qu'il ne s'agissait pas d'une vulgaire mise en scène. J'avais proposé cette approche pour infiltrer la ville, et personne ne s'y était opposé, Eugenia était intéressante pour le Gant Noir. Peut-être aurait-elle son utilité dans la prochaine Danse Macabre. Reprenant, doucement, mais sûrement, je tendis la bague à la jeune femme, que j'offris de plein accord.

<< Donner confiance aux gens, avant de les décevoir, voila une idée qui serait intéressante. Pousser les gens à la destruction, à détruire cette ville, à se rendre compte que rien ne changera, cela serait amusant, non ? Qu'en dites-vous ? >>

L'idée pourrait même effleurer Eugenia si elle était élue. Harmoniser les forces physiques et spirituelles de Gotham City pourraient redonner confiance aux gens, redonner une nouvelle vivacité à la ville, un nouvel espoir. Mais c'est vrai, il fallait oser les choses, et Eugenia, malgré sa folie, avait quand même cette vivacité pour saisir les opportunités les plus alléchantes, avant de perturber le jeu déjà établi. Cette pensée ne m'était jamais venu à l'esprit sous cette forme, mais l'idée était séduisante, vraiment. Pour tout dire, former une espèce de duo mêlant la beauté, la séduction, et l'âme noire de Gotham City pourraient permettre de donner une nouvelle jeunesse à la reconstruction de la ville. J'avais mes plans, oui, mais rien n'empêchait de donner à cette ville, ce besoin d'évoluer dans le mauvais sens, cela va de soi.

<< Inutile de me demander où sont les troupes du Gant Noir actuellement. Je ne peux répondre que par un doux euphémisme. Ils sont partout à la fois. Croyez-vous à la ruine totale d'un homme et d'un symbole ? Ne serait-ce pas une œuvre d'art dépassant l'imagination de gens comme nous ? Comme il va souffrir. Comme l'amère vérité va faire mal. >>

L'intrigue prenait forme, elle semblait avancer dans une direction qui me semblait tout à fait satisfaisante. Petit à petit, nous prenions les zones les plus importantes de l'administration de Gotham City. Quand le moment viendra, tout s'effondrera et ça fera mal. Non pas seulement pour Batman et ses alliés, mais aussi pour toute la ville. Il valait mieux ne pas dire de trop, pour le moment. Et j'avais pris un ton soudainement très sérieux et mon mince sourire avait disparu. Les jeux allaient bientôt se faire et le Gant Noir avait décidé de commencer à se montrer. Je savais ce que je faisais mais il y avait toujours une dose d'imprévu. Comment un homme comme Batman encaisserait la nouvelle de l'existence d'une telle société secrète dans sa ville ? Il le saurait. Il le saurait grâce à un petit quelque chose implanté dans son esprit, il y'a de ça des années. Et quand cela viendra, il chutera.

<< La séance est terminée, ma chère Eugenia. Je vous prescris quelque chose de moins fort par rapport à ce que vous aviez avant. N'oubliez pas que vous avez mon numéro de téléphone, dans le cas où vous auriez ... Un soucis. >>

Je me leva et je m'inclina légèrement face à Eugenia et présenta encore un de ses sourires charmeurs dont j'avais le secret. Mon regard brillait d'une lueur malicieuse alors que je jouais mon personnage d'homme de sciences, de la bonne société. Quand on naît Wayne, on sait se montrer distingué. Je ne pouvais m'empêcher de penser à Bruce en me récitant cette leçon. J'étais un Wayne, et bon nombre de secrets allaient encore être révélés, avant que le grand spectacle ne se termine. Nous en avions terminé, m'étant levé, je me dirigeais vers la porte de mon cabinet pour mettre un terme à notre belle séance.