16 heure.

Un taxi gothamite attend patiemment à un feu rouge. Au volant, un jeune homme d’origine indienne, sifflotant gaiement au rythme d’une mélodie exotique. À l'arrière, Phi observait la ville à travers la vitre. La fameuse Gotham City, son nouveau théâtre d’opération. 
Une ville massive, le trajet jusqu’au centre-ville était plus long qu’elle ne pensait, il lui faudrait du temps pour apprendre à connaître la topographie de la ville.
Une ville bien trop lumineuse à son goût. Il lui était impossible d’ouvrir les yeux sans ses lunettes de soleils. Une paire spécialement conçu pour elle, une personne normale serait incapable d’y voir à travers. C’était bien le seul moyen d’atténuer ses crises de photophobie. Elle pouvait paraître malpolie en les portants presque partout, mais c’était un sacrifice à faire pour éviter de fondre en larmes simplement en ouvrant un oeil.

Elle n’avait pas vraiment le temps de se perdre dans ses pensées, son opérateur était en train de la bombarder d’informations sur la ville et ses habitants. 

-...Cela conclut donc ma liste des 50 personnalités les plus importantes à Gotham. Des questions, agent ?

C’était de sa faute, elle lui avait demandée tout ce qu’il y avait à savoir sur la ville.

-Négatif.

-Parfait. Vous êtes proche du commissariat, quelqu’un vous y attend pour vous faire découvrir les lieux. Ne vous attendez pas à un accueil chaleureux, les officiers de police n’apprécient pas le FBI. Cela vient d’une ancienne rivalité, de jalousie pour certain et même d’un sentiment d’infériorité pour d’autre. De plus, la corruption est un véritable fléau dans le GCPD. Je vous conseille fortement de ne faire confiance à personne et de rester sur vos gardes.

Les fameux “Pourris”, des hommes et femmes crachant sur leur statut de gardiens de la paix par simple avidité. Quelle tristesse.

-Vous avez tout de même de la chance ! Il y a eu deux morts suspectes dans les derniers jours. Les corps sont actuellement dans la morgue, il serait judicieux d’en apprendre plus à leur sujet.

La première phrase aurait sans doute parus déplacée à quelqu’un de normal, mais pas pour Phi. Au contraire, elle appréciait le fait de pouvoir commencer le plus vite possible.

-Le bâtiment devrait être visible maintenant.

Impressionnant, c’est le seul mot qui lui venait à l’esprit. Etait-ce réellement un commissariat ? La bâtisse avait plutôt des allures de complexe militaire. Un large immeuble, surplombant tous les autres bâtiments, un choix stratégique évident. Les murs gris étaient parsemés de caméras et les quelques fenêtres étaient couvertes de solides barreaux. Le toit, quant à lui, était couronné de quelques projecteurs gigantesques. Utile en cas d’émeute peut-être ?
L’endroit semblait vouloir inspirer la sécurité et la puissance, mais il indiquait surtout le taux et la violence de la criminalité en ville.

-Agent Thomson, je vous recommande de laisser votre micro ouvert pour le moment, je pourrais vous transmettre des informations en fonction de ce que j’entends.

Tendant quelques billets au chauffeur qui la remercia chaleureusement, Phi sortie.
Elle s’avança vers l’entrée principale. Une porte automatique donnant sur un sas n’autorisant qu’une seule personne à la fois, remplie de caméras et autre matériel sophistiqué. Le sas devait également contenir un détecteur de métaux, car une alarme se mit à hurler, provoquant la fermeture de 4 rideaux métallique autour d’elle. Dans la même foulée, une voix lui ordonna de donner son identité et la raison de sa venue.

-Agent Alma Thomson, je-

Elle n’eut même pas le temps de continuer sa phrase que les rideaux se levèrent. La voix, plus calme, l’invita à entrer.
Son entrée bruyante semblait avoir attiré l'attention de tout le monde. Ils se demandaient sûrement qui était cette petite femme aux grande lunette de soleil, toute vêtue de noir.

Phi avait à peine fait quelques pas qu’elle sentit quelqu’un s’approcher, était-ce son guide ?

Elle l’avait senti arriver.
On parlait bien de son nez. Une odeur agressive, bestiale avec un soupçon de fer. Une odeur lui dressant les cheveux sur la tête.
Un lycanthrope, dès ses premiers instants à Gotham. C’était de bonne augure.
Un véritable vampire aurait une réaction bien plus négative, mais heureusement, la condition spéciale de Phi lui offrait quelque avantage. La présence de ce lycan serait simplement désagréable. De plus, cet effet marchait dans les deux sens, le lycan ne pourrait pas non plus la démasquer facilement,mais il deviendrait surement méfiant, Phi devait donc rester sur ses gardes.

Elle se tourna vers son hôte, une véritable armoire de muscle. Un géant comparé à elle. Un homme d’une trentaine d’année au regard sérieux, légèrement dégarni. Il semblait déjà habillé pour partir en patrouille, on pouvait tout de même apercevoir de nombreuses cicatrices ainsi qu’une pilosité bien développé sur ses bras . Rien d’étonnant pour un lycan.

-C’est …. Ma première fois, oui.

La première fois qu’elle se trouvait seule, livrée à elle-même. Première fois depuis le laboratoire, depuis le camp. Elle n’avait pas trop envie d’y penser.
Elle se laissa guider par le pseudo commissaire, l’écoutant d’une oreille distraite. Elle devait mémoriser les lieux, les visages, c’était son nouveau lieu de travail après tout. Les personnes présentes devaient se demander qui était cet enfant au côté de l’officier Silent, car c’était bien l’impression qu’ils donnaient, un homme promenant un enfant. Elle, elle s'interrogeait sur le pourcentage de policier pourris dans les effectifs du GCPD.

-Les locaux du SWAT se trouvent dans les sous-sols du bâtiment. La morgue n’est que quelques étages en dessous. Vous avez de la chance, elle contient actuellement deux victimes décédées dans des circonstances étrange.

Le trajet ne fut pas très long, il fallait simplement traverser le hall d’entrée, d'emprunter un ascenseur et de traverser quelques couloirs. Le bureau n’avait rien d’impressionnant: une petite pièce mal éclairée, dépourvue d’objets personnels, une fine couche de poussière semblait couvrir la pièce. Visiblement, le chef du SWAT n’y passait pas beaucoup de temps. Après tout, il n’avait pas une tête à aimer les bureaux.
Néanmoins, l’officier semblait être d’humeur bavarde, invitant Phi à s’installer, sans doute dans le but de la mettre à l’aise pour faciliter les questions. S’agissait-il de simple curiosité professionnelle ou d’autre chose ?
Quoi qu’il en soit, Phi n’était pas intéressée, il y avait plus important à faire.

-Monsieur Silent, sans vouloir vous manquer de respect, je ne suis pas venue pour boire et discuter. L’inactivité m'insupporte, je préfère commencer mon travail le plus vite possible. D’ailleurs, il me semble que vous disposez de deux affaires intéressantes en ce moment même. J’aimerais me rendre à la morgue dès que possible et puisque vous avez l’air intéressé par mon travail, joignez-vous à moi, c’est bien plus simple de vous montrer que de vous expliquer.

Froide et directe. Une description qui lui correspondait bien, elle qui ignorait tout des subtilités du langage et des autres règles sociales. La politesse n’était qu’une perte de temps à ses yeux. On lui avait appris la nécessitée du respect durant son temps dans la base militaire, elle en comprenait l’utilité mais elle le gardait au minimum vital. La logique du léchage de botte lui échappait.
Elle n’était pas entièrement socialement inepte, on lui avait aussi appris un minimum pour paraître plus ou moins “normale”, mais elle n’était pas d’humeur à ce moment-là. Il était encore trop tôt pour se prononcer sur le sort du lycan, inutile d’essayer de se rapprocher de lui si elle devait ensuite l’abattre.
Seulement quelques minutes et elle sentait déjà de l’hostilité. L’avait elle froissé ? Possible. Les malentendus étaient tellement courants avec elle, encore plus avec les hommes. Sûrement une question d’égo.
Mais elle patienta tranquillement, cet homme était son guide après tout. Il n’avait rien de passionnant à le voir préparer un café, d’autant plus qu’elle ne portait pas l’odeur du breuvage dans son coeur. Celui-ci lui brûlait les narines, allant même jusqu'à provoquer des migraines.
Silent lui fit signe de le suivre tout en lui adressant une remarque passive agressive qui lui passa au-dessus de la tête. Une autre subtilité que Phi ne reconnaissait pas. Elle lui emboîta le pas en prenant soin de rester à ses côtés pour éviter l’odeur du café.
Le reste du trajet eut lieu dans le silence. Un silence qui aurait pu paraître gênant pour certains, mais normal pour elle. Elle n’apprécia pas le cours instant dans l'ascenseur pour faire descendre le duo, enfermée dans une boîte de fer qui empestait le café. Une fois sorti de cette prison, la douce fragrance caféiné fut remplacée par une autre tout aussi désagréable. L’odeur de la mort et du chimique. La morgue. Phi devrait aussi supporter les néons blancs, agressif et omniprésent. Elle n’avait pas d’autre choix que de remettre ses lunettes de soleil pour ne pas être aveuglée. Le lieu semblait vide d’êtres vivants, le personnel n’était visiblement pas débordé.
Son guide en profita pour lui parler. Il voulait déjà “mettre les choses au point”. AU bout de quelques minutes seulement, était-ce vraiment nécessaire ? Les gens plaçaient tellement d’importance dans les mots en oubliant parfois les actions. Cela semblait tellement peu logique.

- Vous vous méprenez Mr Silent. Je ne suis pas là pour juger ou me comparer à qui que ce soit. Le nombre d’affaires non résolu par le GCPD est une source d’inquiétude dans le commandement. Au-delà des questions d’incompétence, mes supérieures pensent que ces affaires ne peuvent tout simplement pas être résolu par de simple policiers. Ceci, ajouté à d’autres éléments poussent à penser que la ville est un point chaud d'activité dites “paranormale”. Je suis ici pour découvrir si c’est le cas et si une intervention plus agressive est nécessaire. Chaque affaire que je résoudrais permettra d’en apprendre un peu plus sur la situation afin que mes supérieurs puissent prendre une décision adéquate. Tout comme vous, je n’aime pas perdre de temps. C’est pour cela que j’évite tout ce qui est superflu. Les paroles n’ont aucune valeur à mes yeux, les actions valent beaucoup plus, c’est pour cela que je vous propose de vous joindre à moi. Vous pourrez me juger et vous faire votre propre idée. Et qui sait, peut-être que vous apprendrez également quelque chose ? Vous semblez avoir l’esprit ouvert.

Un discours froid et directe, lui aussi, sans le vouloir. Elle ne faisait qu’exposer son point de vue. D’ailleurs, son visage ne trahissait aucune impatience ou exaspération, son regards bleu et perçant était neutre.
Les paroles de Phi semblaient avoir attiré l’attention du personnel de la morgue. Un jeune homme aux lunettes épaisses s’approcha d’eux. Malgré ses habits de légiste, il n’en avait pas la carrure, de par son âge et son air très nerveux.

- Ah! B-Bonjour M’Sieur Silent ! Le c-chef est en pause, vous voulez q-que j’aille le chercher ? Ah, et vous ..?

Le regard du jeune c’était porté sur elle quelques instants après. Rien de surprenant, elle était moins visible que son compagnon. Phi décida d’aller droit au but.

- Alma Thomson, FBI. Inutile d’aller chercher le chef, nous voulons juste inspecter des corps.

Ceci étant dit, elle ignorait le nom des victimes ou le numéro de dossier des affaires en question. Heureusement, son opérateur résolu le mystère.

[color=yellow]-Les tiroirs qui vous intéressent sont le B-14 et le A-32.

Phi se dirigea vers le plus proche, le B-14, le pointant du doigt pour le jeune légiste.

- Ouvrez celui-là et dites nous ce qu’il faut savoir.

Phi semblait l’intimider. Peut-être par son statut d’agent du FBI, peut-être par sa taille ou bien par son âge apparent. Il avait également l’air d’être sensible à la pression, il s'exécuta sans poser de questions. Récitant toutes les informations qui lui venaient à l’esprit tout en ouvrant le tiroir mortuaire.

- Ah heu… E-Et bien. Joe Wilkins, 23 ans…Mécanicien.. Retrouvé mort à son domicile par un membre de sa famille. D’après l’expertise du chef, il est décédé il y a un ou deux jours d’une crise cardiaque. Mais… C’est…. U-Un peu étrange..

Les mots du légiste étaient juste. Le cadavre était étrange.
Il n’avait pas l’apparence d’un jeune de 23 ans, mais plutôt celle d’un vieillard en fin de vie. Cheveux blancs, yeux enfoncés, peau fripé et ridé. Quelque chose clochait. Phi se tourna vers le jeune homme.

- Et qu’est-ce qu’il vous semble étrange, Monsieur …?

Le légiste baissa la tête, rougissant en évitant les deux visiteurs du regard. Peut-être qu’il pensait s’être attiré les foudres de l’agent du FBI en parlant de trop.

- A-A-A-Albert G-Greens ,M-M’dame...

- Continuez Monsieur Greens, ça m’intéresse.

- E-Et bien, ça semble évident mais l'apparence de la victime ne colle pas avec son âge. On a fait une vérification ADN pour confirmer, mais c’est bien lui, il a bien 23 ans. Le chef a dit que ça devait être un drogué, que c’était pas la peine de chercher plus loin. Mais il y a d’autres choses… La victime a des ecchymoses au niveau du bassin et puis… Il y a… Hum… Hy-Hypertrophie génitale...

Il retira entièrement le linge recouvrant le corps, révélant les quelques bleues au niveau des hanches. Mais le plus choquant était bien les parties génitales. De quoi rendre jaloux les plus grands hardeurs, la couleur était cependant inquiétante: des tons de bleue foncé tournant presque au noir. Rien de tout cela n’avait l’air naturel.
Phi se pencha pour renifler prudemment l’entrejambe de la victime. Elle se tourna ensuite vers son guide, pensive.

- Excusez-moi Monsieur Silent, mais j’ai besoin d’un liquide chaud.

Visiblement médusé par la situation, Phi lui emprunta son café sans problème. Elle se retourna pour verser quelques gouttes du café brûlant sur le bas ventre de la victime. En seulement quelques secondes, le passage du liquide révéla un symbole sur la peau du cadavre. On aurait pu croire à un tatouage à cause de la précision du dessin, mais il était de couleur grise et semblait disparaître au bout de quelques instants. Le centre du symbole était facile à reconnaître, un coeur simpliste entouré de quelques lignes et formes qui ne semblait pas représenter quelque chose de concret.
Phi laissa échapper un grognement.

- Une succube.

Juste avec ce mot, Phi venait de déclencher une tornade d’activité de l’autre côté de son oreillette. Son opérateur se manifesta seulement quelques secondes plus tard.

-Bon travail, agent. Nous saisissons l’affaire. La Succube est un danger immédiat, vous devez la trouver et la pacifier le plus vite possible. Je vous laisse informer vos collaborateurs.

Poussant un soupir, Phi se tourna vers Silent pour lui rendre son café.

- Cette affaire n’est plus du ressort du GCPD, une équipe viendra récupérer le corp et les dossiers rapidement. Bien vu monsieur Greens, il me semble que vous avez un meilleur instinct que votre chef.

Un compliment sincère venant d’un visage apathique.

- Monsieur Silent, si vous êtes toujours intéressé, nous devons nous rendre au domicile de la victime. Nous avons affaire à une créature dangereuse et nous devons la retrouver au plus vite pour éviter d’autres cas comme celui-ci.

L’homme avait l’air curieux. Mieux encore, ses propos laissaient penser qu’il n’y connaissait que très peu dans le domaine du surnaturel. Etrange pour un lycan.
Etait-ce de la comédie ? Ou était-il sincère ? La deuxième option ne semblait pas impossible, il n’avait certainement pas l’odeur d’un lycan pur sang ni d’un ancien. Il avait dû être infecté récemment.

-Sans vouloir vous inquiéter Monsieur Silent, cela m’étonnerais qu’il n’y est qu’un seul monstre dans la ville.

Après tout, il y en avait déjà deux dans cette pièce.
Elle suivit sans attendre, soulagée de quitter cette salle de torture pour ces sens. Se laissant guider dans le labyrinthe du commissariat jusqu’au garage. Elle écouta furtivement l’appel de son guide, lui prouvant bien qu’il était simplement ignorant. Phi avait l’intention de lui expliquer la situation dans l'intimité du véhicule.
Manquant une nouvelle fois la pique de l’officier, elle s’installa du côté passager, baissant immédiatement le pare-soleil. Elle s'affaissa dans le siège, laissant échapper un soupir en enlevant ses lunettes de soleil.
Dans la voiture, pas de néons agressifs, pas de bourdonnement insupportable.Tous les bruits extérieurs étaient atténués. L’habitacle l’empêchait de voir le ciel et le pare-soleil la protégeait des rayons nocifs.Enfin à l’aise, elle pouvait se lancer dans la longue explication de la créature qu’ils allaient chasser.

-Vous gaspillez des ressources Silent, nous ne trouverons rien au domicile de la victime. Ces créatures ne sont pas sentimentales. Sa source de nourriture est morte, elle est partie chercher ailleurs. Je comprends que vous n’avez jamais entendu parler des succubes. Ce sont des créatures anciennes, mais très intelligentes, capable de se dissimuler parmi les humains sans éveiller de soupçons. Vous connaissez sûrement les vampires et les loups-garous ?

Question extrêmement ironique, Phi tourna le regards vers lui pour observer sa réaction.

-Les trois se ressemblent d’une certaine façon. Ils ont besoin d’énergie pour survivre. Le vampire se nourrit par le sang, le loup-garou par la chair, la succube par la copulation. En plus simple, elles ont besoin de rapports sexuels pour vivre. Elles trouvent une victime, utilise leurs charmes pour la séduire et elles se nourrissent. Vous vous doutez bien qu’elles possèdent des capacités surnaturelles, tout comme les vampires et loups-garous. La majorité des hommes sont incapables de résister à leurs charmes, elles peuvent ainsi hypnotiser une victime jusqu'à en faire un esclave consentant. De plus, elles peuvent très facilement tomber dans l’addiction, comme certains vampires, se nourrir plus que nécessaire jusqu'à la mort. A en juger par l’état de notre victime, nous sommes dans ce cas là.

La route défilait devant eux. Le commissaire par intérim semblait bien connaître la ville, ses embouteillages et ses raccourcis. Phi n’aurait pas pu se déplacer aussi rapidement dès sa première journée dans la ville. Ce gain de temps serait surement utile.

-Il faut savoir que les succubes sont toutes femelles et ne s’intéressent qu’aux hommes. Un simple regard est capable d’hypnotiser un homme et de lui faire oublier toute loyauté, vous comprenez donc que ce n’est pas une bonne idée de l'encercler, encore moins avec des hommes armés. Mais rassurez-vous, elles ne sont pas aussi résistantes que les vampires. L’humanité les a poussés au bord de l'extinction dans le passé. A l’époque, on croyait qu’un bûcher était le seul moyen de les tuer. Il se trouve qu’une balle ou un couteau fassent l’affaire. Nous n’aurons aucun problème à nous deux.

Phi pouvait très bien régler le problème seule, mais c’était l’occasion parfaite pour en apprendre plus sur le lycan si haut placé dans la police de Gotham. Les choses ne seraient pas aussi simple que ce qu’elle pouvait laisser croire. Une épreuve qui révèlerait s’il était une menace pour l’humanité ou non, un autre danger à abattre ou un allié.

-Il nous faut des indices pour découvrir ou la victime a rencontré la succube. Cela nous permettra de trouver son terrain de chasse.

Les dernières minutes du trajet se passèrent dans le silence. Le véhicule finit par s’arrêter dans un quartier rempli d’immeuble à l’état douteux. Étages après étage d’appartements étroits empilés sur les autres. Se préparant à sortir, Phi remit ses lunettes en préparation du soleil extérieur. Elle se tourna une dernière fois vers l’officier.

-Merci pour le trajet Monsieur Silent. Des questions ?

L’humour, son plus grand point faible. Comme à chaque fois, Phi était incapable de comprendre ce qui devait provoquer le rire et l’amusement. Mais elle avait bien compris une chose, il faisait l’ignorant. Comportement extrêmement prévisible.

- A votre avis Monsieur Silent, que se passerait-il si ce que je viens de vous dire était connu de tous ? Les êtres humains pensent être les prédateurs de l’apex de cette planète, imaginez ce que les gens se permettraient s'ils découvraient que ce n’est pas le cas. Beaucoup de personnes travaillent pour que tout ceci ne soit pas découvert, chez les humains tout comme les autres. Et puis, je doute fortement que vous n’ayez jamais fait face à une affaire étrange, sans queue ni tête.

Elle savait que c’était le cas, le GCPD possédait un grand nombre de cas non résolu, c’était d’ailleurs l’une des raisons de sa présence. Phi pouvait se permettre de lui divulguer ce genre d’information, le secret été tellement bien gardé qu’il ne pourrait pas en faire grand chose, elle cherchait surtout à juger ses réactions.
Maintenant sortie de la voiture, elle le suivait dans les rues du quartier, observant la mise en place de ses hommes. Elle ne voulait pas remettre en cause son autorité ni questionner sa façon de procéder. Elle se contenta de le suivre silencieusement jusqu'à l’appartement, elle n’avait aucun commentaire à apporter, elle n’avait pas de notion de richesse ou de pauvreté, l’endroit était un paysage comme les autres à ses yeux.
Son guide semblait aimer suivre ses procédures, aussi inutiles soient elles. Elle était certaine que l’appartement et ceci dès l’ouverture de la porte d’entrée. Aucune respiration, aucun battement de coeur, aucun bruit. L’endroit était vide, mais elle laissa Silent continuer sa fouille, elle ne voulait pas le contrarier.
Il y avait aussi le fait que l’appartement renferme une odeur infecte, Phi se dirigea vers la fenêtre la plus proche pour l’ouvrir rapidement. Elle resta quelque instant à respirer l’air extérieur, espérant faire aérer l’appartement et donnant à son partenaire le temps de sécuriser l’appartement vide. D’ailleurs, Phi était surprise, il n’avait pas l’air d’être dérangé par l’odeur, peut-être que son odorat était moins développé.

- Forte odeur de fluides séminaux, preuve de la présence d’une succube dans le cas présent. Je me suis permis d’ouvrir la fenêtre, ce n’était pas respirable pour moi.

Silent semblait avoir terminé son rituel. Il l’observait, attendant sans doute qu’elle fasse le reste du travail. Soit, elle le ferait. Elle n’avait pas envie de rester longtemps dans cet endroit malodorant. Malgré la fenêtre ouverte depuis quelques instants, l’odeur était toujours là, comme si elle avait imprégné les lieux. Phi procéda donc, le visage figé dans une expression de dégoût.

- Le but n’est pas de trouver des indices pour identifier la succube, mais plutôt où elle a pu rencontrer la victime. Elle devait connaître la victime depuis un moment, ce sont des créatures prudentes, elles préfèrent être sûr de ne pas être interrompu.

Il était maintenant temps de fouiller l’appartement pour trouver un indice.
L’endroit était à la hauteur de l’extérieur, pas très bien entretenu mais pas minuscule non plus. Une chambre, une salle de bain et une dernière pièce faisant office de cuisine, salle à manger et salon. La chambre était minimaliste et en désordre, on pouvait apercevoir un simple lit et des piles de vêtements sur le sol, Phi observa de loin. C’était l’épicentre de la puanteur, elle n’y rentrerait qu’en dernier recourt. La cuisine et la salle de bain avait peu de chances d’être intéressante, elle commença donc par la pièce principale. Une petite table à manger, un sofa bien usé faisant face à un écran plat. Entre les deux, une table basse couverte d’affaires. La pièce était aussi encadrée par quelques petits meubles.
Comme on pouvait s’y attendre venant d’un jeune homme de son âge, très peu de décoration et un mobilier minimale, le tout complété avec un sens du rangement presque inexistant. Phi ne portait pas de jugement à ce niveau, elle n’avait même pas de domicile. Il s’agissait d’une scène comme une autre qu’elle inspectait attentivement. Elle profita de l’instant de silence pour instruire un peu plus son compagnon, tout en continuant son observation.

- Pour en revenir aux succubes et plus précisément ce qu’y est arrivé à la victime. Les succubes secrètes des hormones extrêmement puissantes. Celle-ci sont très addictives, la simple odeur corporelle de l’une d’elle est suffisante pour manipuler un homme. Ces hormones sont encore plus concentrées dans les fluides corporels, qu’il s’agisse de la salive, transpiration et encore plus dans les fluides séminaux. Un homme possédant une grande force mentale pourra résister un moment, mais à long terme, personne n’y résiste. A force d’exposition, le corps de la victime subira des modifications, l’hypertrophie génitale est la principale. Vous vous souvenez sûrement des parties intimes de la victime ? Quant au symbole sur le corps de la victime, on le nomme tout simplement “la marque de la succube” un glyphe que la créature pose lorsqu’une victime lui appartient corps et âme. Toute personne portant ce symbole est une véritable esclave, impossible à sauver du moment que leur maîtresse est vivante.

Phi s’approcha de la table basse, celle-ci était recouverte de papier en tout genre, journaux, documents, magazines, mais aussi de mégots, cannettes, bouteilles et verre ainsi que d’autres substances pas forcément légales. Quelque chose semblait avoir attiré son attention sur cette table.
Elle écarta quelques déchets avant de soulever un magazine de charme. C’est ainsi qu’elle déterra un ordinateur portable. Elle releva l’écran avant d’actionner le bouton de mise en marche. Aucune réaction. Un rapide coup d’oeil au sol lui permit de trouver le bout du chargeur qui était branché. Vue l’état de l’appartement, c’était un miracle qu’il n’y est pas eu d'incendie. Une fois branché, l’ordinateur s'alluma tranquillement. Après quelques instants de chargement, l’écran s’éclaira, révélant le nom d’utilisateur “VaTeFaireFoutre” accompagné d’une image de doigt d’honneur. La victime avait visiblement un sens de l’humour particulier, sans doute pour récompenser l’espoir idiot de trouver un ordinateur non protégé. N’espérant pas grand chose Phi s’approcha du pavé numérique pour tenter un simple mot de passe: 1234.
.
..
….
ERREUR
Mot de passe incorrect !
Veuillez reessayer.
Indice: “FilsDePute”.
****
Une perte de temps. Phi ne souhaitait pas en perdre d’avantage en faisant appel à un expert informatique. Elle referma donc l’ordinateur et se dirigea de nouveau vers la fenêtre, seule source d’air frais.
Elle resta quelque instant à balayer la pièce du regard. C’est à ce moment qu’elle se remémora les paroles d’un de ses instructeurs.

- Le diable se cache dans les détails…

Paroles ironiques venant d’un jeune homme aux nombreux troubles obsessionnels compulsifs.
N’abandonnant pas, Phi s’approcha de l’un des meubles du salon: une commode. Il s’intéressa aux quelques livres rangé sur la surface du meuble. Elle les feuilleta rapidement, scannant leur contenu. Plusieurs livres sur la mécanique, logique étant donné le métier de la victime, mais aussi plusieurs oeuvres littéraire de science fiction et quelques livres de photographie. C’est en déplaçant l’un de ces livres qu’elle fit une découverte, un autre livre plus petit caché entre les deux autres plus grands. Intriguée, Phi l'ouvris, révélant un court album photo plutôt simple.
Il était peu probable que la succube soit présente parmi les photographies et même si c’était le cas, il serait impossible de l’identifier, c’était tout de même une source possible d’informations.
Un jeune homme était présent dans la majorité des photos, visiblement la victime. Il n’était pas simple de comparer avec la véritable momie vue dans la morgue. Le jeune homme présentait un physique impressionnant qu’il semblait fière d’exhiber. D’ailleurs, les dernières photos le montraient toutes dans une grande salle, entouré d’autres hommes à la musculature impressionnante. Posant l’album, Phi ouvrit les tiroirs de la commode, le deuxième était rempli de joggings et autres habits sportif.
Visiblement satisfaite, Phi s’écarta du meuble avant de se diriger vers la chambre. Juste devant l’entrée, on pouvait voir un jean qui semblait avoir été jeté par terre, on pouvait apercevoir la forme d’un porte-feuille dans l’une des poches. Elle l’avait remarqué lors de sa première inspection du lieu. La victime s’était certainement déshabillé rapidement avant son ultime ébat sexuel.
Fouillant le contenu, elle ignora la carte d’identité et de crédit pour en sortir une troisième qu’elle lu à haute voix.

- Carte membre, Joe Wilkins, MegaGym Gotham.

En quelques secondes, son oreillette sortie de son long silence, son opérateur lui indiquant qu’il s’agissait d’une salle de sport proche du domicile de la victime. Elle se tourna enfin vers son compagnon, lui montrant la carte.

- Monsieur Silent, notre prochaine destination, il semblerait que ce soit très proche. Cependant je vous demande de m’y accompagner sans escorte, ni bouclage.

Silent connaissait l’endroit ? Pas très étonnant compte tenu de son physique. Il ne semblait pas faire partie des fanatiques du muscle non plus. Il devait sans doute savoir qu’un surplus musculaire devenait un handicap. Un signe de sagesse.
L’odeur de l’appartement n’était toujours pas supportable, Phi s’empressa d’en sortir tout en se couvrant le nez, dans l’espoir de réduire la puanteur, en vain. Elle ne prit pas de grande inspiration une fois dehors, l’odeur de pollution environnante n’était guère meilleure, mais tout de même au-dessus de l’infection de l’appartement.
Elle cacha son dégoût et suivit son partenaire en prenant soin de rester derrière lui. Il restait un lycan potentiellement dangereux, elle ne prendrait pas de risque avant d’avoir confirmé ses intentions. D’ailleurs, l’heure était proche. L’heure de la chasse, du combat.
Elle ressentait une certaine tension, un souvenir distant de son instinct de prédateur. Elle s’en allait chasser une succube sans doute entouré d’esclaves, accompagné par un loup-garou qui pourrait montrer ses crocs à tout moment.
Le trajet jusqu'à la salle fut court, la tension grimpant à chaque pas. L’endroit avait l’air parfaitement innocent, mais rien n’échappait aux yeux de Phi. L’air semblait vibrer. Le sol, les murs, le plafond, chaque centimètre du bâtiment semblait scintiller, signe de manipulation magique. Tout semblait indiquer une barrière visiblement faible, sans doute pour rester discrète. Preuve que la succube n’était pas inconsciente.
Un entrepôt modifié, cage de tôle et d’acier, renforcé par quelques murs de béton eux-même parsemés de quelques baies vitrées floues. Le tout était légèrement moins crasseux que le reste du quartier. C’est ce qu’une personne lambda aurait remarqué, une salle de sport visiblement normale. Phi était plus intéressé par les pigeons présents en grand nombre dans le quartier. Des nies et traces de déjections étaient visibles sur tous les bâtiments, sauf celui-ci, presque immaculé. Elle observa un des oiseaux citadins contourner l'entrepôt pour se poser sur un toit voisin.
Une barrière de répulsion. Simple et discrète, ayant pour unique but d'insuffler l’ordre de faire demi-tour dans le subconscient de chaque personne s’approchant du lieu. Plus aucun doute, il s’agissait forcément de l’antre de la succube.

Phi suivit son partenaire à l’intérieur. L’odeur aigre de la transpiration y était omniprésente, lui brûlant les narines, tout était éclairé par d’horrible néon à l'intensité agressive. Aux bords des larmes suite à cet assaut sensoriel, Phi n’avait pas l’intention de faire une pause maintenant, pas lorsqu’elle était aussi près de sa proie. Elle laissa Silent interroger les culturistes présents pendant qu’elle inspecta les lieux.
L’intérieur était encore plus scintillant que l’extérieur, était-ce à cause de la barrière ou s’agissait-il de l’essence de la succube gloutonne, présente depuis un long moment ? Peut-être un mélange des deux. C’était déstabilisant pour Phi, en temps normal elle aurait pu repérer une succube déguisée par le simple scintillement causé par la magie de métamorphose, mais dans le cas présent, absolument tout le monde présent dans la salle scintillaient.
La réceptionniste était évidemment suspecte, mais Phi ne pouvait pas se permettre de lui sauter dessus sans preuve, elle pouvait très bien être une autre victime.
En dehors de la jeune femme s’occupant de l’entrée, Phi pouvait voir les trois individus discutant avec Thomas. L’accueil et l’espace de détente étaient séparés de la véritable salle de sport par une autre porte, Phi ne pouvait pas voir à l’intérieur mais le sons et l’odeur lui indiquait qu’il y avait d’autres personnes présentes.
Silent finit par revenir vers elle pour faire part de son petit interrogatoire, elle pouvait voir les trois hommes les observés du coin de l'œil. Phi secoua lentement la tête.

- Mensonges. Suivez moi.

Elle s'avança vers la porte pour entrer dans la salle. Plus grande que l’on pouvait penser depuis l’extérieur, elle contenait rangés après rangés de machines, bancs et rangement pour poids. Les occupants voulaient visiblement rester discrets car il était difficile d’imaginer qu’il y avait une vingtaine d’hommes installés dans la salle. Les deux agents s'avancèrent vers le milieu de la salle, jusqu'à un ring minimaliste. Aucun des culturistes ne leva la tête vers les nouveaux arrivants, mais il était facile de remarquer qu’ils les observaient du coin de l'œil. Phi ne prit même la peine de parler à voix basse, tout le monde était visiblement intéressé par leur conversation.

- L'entrée de l’immeuble de la victime est clairement visible d’ici. Ils ont eu largement le temps de préparer notre venue., de préparer un scénario crédible. Un simple enquêteur aurait sans doute mordu à l’hameçon et quitté les lieux. Tout le monde ici présent est complice, vous n’avez sans doute pas déjà oublié ce que je vous ai dit sur les esclaves de succubes.

Ce dernier mot sembla geler l’atmosphère. Tout le monde leva la tête vers Phi, posant leurs poids et stoppant leurs exercices pour se lever. Même les trois hommes de l’entrée les avaient rejoints. Une vingtaine de regards pointés sur elle, certains étaient essoufflés, d’autres couverts de sueur. Un grand nombre des culturistes ne portaient même pas de haut, exhibant leurs musculatures anormalement développées.

-Silent, que pensez-vous des tatouages de ces messieurs, familiers, n’est-ce pas ?

Elle pointa du doigt un grand blond en sueur après sa séance d’haltères, plus précisément son torse, il portait un symbole en forme de coeur, identique à celui de la victime. Il n’était d’ailleurs pas le seul à avoir ce symbole.
Phi pouvait entendre les rythmes cardiaques s'accélérer, les muscles se tendrent, les corps se chauffer. Le symbole semblait apparaître sur tous les hommes de la salle.
La tension était palpable, insoutenable, jusqu’au moment où elle explosa.
Un des hommes derrière Phi s'élança brusquement vers elle, tentant de lui porter un coup avec son bras épais comme une cuisse. Lent et maladroit, Phi n'eut aucun mal à glisser entre ses jambes pour finir derrière lui, Elle leva violemment son talon pour le loger dans l'entrejambe de l’assaillant qui s’écroula.
Enfin, elle adressa un dernier conseil à son compagnon.

-Ne tentez pas de raisonner avec eux Silent, ce ne sont que des esclaves.

Puis le chaos descendit dans la salle, tout le monde se jeta sur eux, renversant et piétinant maladroitement sur leur passage. L’un d’entre eux bouscula une petite table contenant le matériel responsable de l’ambiance musicale qui s’enclencha suite au choc.



Phi se retrouva dans son élément, elle semblait danser entre ces montagnes de muscles. Usant de sa petite taille, flexibilité et vitesse pour tordre, briser et rediriger des membres. Elle affichait un certain style, presque élégant. Son attention restait tournée vers Silent, observant comment il comptait gérer la situation.