Cette enquête changeait de celles que tu prenais ou qu’on te confiait d’habitude, mais tu avais besoin de te changer les idées et de te rapprocher de certains de tes collègues qui étaient sur place : des ripoux sur qui tu voulais mettre la main depuis que tu avais réussi à faire le lien entre eux et l’étrange suicide d’un homme de main de Falcone (qui travaillait sur les docks) dans sa cellule alors qu’il devait être libéré pour manque de preuves et te servir de témoin pour régler une autre affaire – demeurée en stand-by, depuis. Tu savais que le grand manitou ne l’aurais pas fait tuer au vu des informations que tu avais eues. Ceci dit, tu soupçonnais la flicaille qui travaillait sous tes ordres ce soir d’être à la botte de Black Mask.

Même si tu n’étais pas un modèle de ponctualité, tu avais rassemblé toutes les informations que tu as pu dégoter en aussi peu de temps et tu t’es rendue sur place avec assez de temps d’avance pour pouvoir les étudier dans la voiture. Puisque la nuit allait être longue, tu avais fait le plein de boissons énergétiques et grignotage, accaparant les sièges arrière de ta vieille Dodge Diplomat des années 80. C’était bel et bien une voiture de patrouille, aux couleurs du corps servant la ville, mais elle était trop vieille pour être prise en charge par le GCPD. Tu la retapais toi-même et, franchement, elle roulait mieux que n’importe quelle voiture actuelle. Son moteur produisait un ronronnement très caractéristique et que tu adorais. Il n’y a pas de voiture plus fiable et résistante que cette Dodge que tu as sauvé du dépôt de la police après avoir encastré celle qu’on t’avait confiée – en quelques jours, seulement – et bousillé plusieurs fois des composants d’autres. À cause de ta condition, inconnue du grand public, il valait mieux que tu évites d’être en contact avec des appareils électroniques – il en était de même pour les voitures modernes.  

D’où tu étais garée, tu as entendu ce sale con d’officier que tu suspectais d’avoir pendu ton témoin dans la cellule et qui avait déjà entravé plus d’une fois d’autres de tes enquêtes. Cette fois-ci, tu n’allais pas le rater. Surtout qu’il avait osé frapper ton sujet et témoin parce qu’il n’avait pas vu que tu étais là. Tu l’avais prévenu que s’il te marchait sur les talons ou qu’il pétait de travers, il allait se manger plus qu’une mandale ! Tes chiens, Monty et Dew, se trouvaient sur le siège du passager. Monty aboya quand l’officier s’éloigna du scientifique que la GothCorp avait soi-disant réhabilité pour dire à ses collègues de garder un œil sur ton témoin et qu’il vint dans votre direction – lui faisant comprendre son erreur. Le trentenaire se raidit en voyant que tu le fixais et il se gratta la gorge avant de faire demi-tour pour retourner auprès des autres policiers, dans l’espoir que ton courroux ne puisse pas s’abattre sur lui face à des témoins. SAUF que tu étais sa supérieure, c’était TON enquête et que tu avais une étoile qui te permettait largement de lui mettre une balle entre les yeux, si besoin, sans avoir à te justifier. Tu sortis de la voiture et claquas la portière pour signaler ta présence, laissant la vitre baissée pour que tes chiens n’aient pas trop chaud et puissent sortir, si besoin.

Ne portant qu’un débardeur noir et un pantalon cargo tout aussi sombre avec ton badge et ton étoile accrochés à ta ceinture, près de ton holster, tu marchas d’un pas décidé vers les personnes qui se trouvaient sur place – une sucette en bouche. Tes cheveux étaient bleu-roi, très brillants, attachés en queue-de-cheval avec quelques mèches roses – petit caprice de la personne qui s’était occupée de ta tignasse la dernière fois que tu l’avais teinte. Les sourcils aussi froncés que d’habitude, tu toisas du haut de ton mètre 80 et des poussières tes collègues, puis… Victor Fries, t’adressant à lui, puisqu’il était le seul à ne pas savoir qui tu étais.

— Marshall Ange Thyfrisky. lanças-tu, soulignant bien ton rang pour signifier à ceux qui l’entendraient que tu avais le droit de tuer sans justification. Il ne faisait pas encore nuit, mais le piètre éclairage de la rue pouvait encore cacher ta particularité et faire en sorte qu’on ne se demande pas si tu avais oublié de te démaquiller après avoir été en boîte. Je suis en charge de cette enquête et des énergumènes qui s’y trouvent.

Ton air décontracté mais professionnel ne trahissait pas tes intentions et, encore moins, ce que tu allais faire par la suite. Ni une, ni deux, tu as pivoté vers les officiers et attrapé l’homme qui avait frappé Mr. Freeze par le col de sa chemise avant prendre ta sucette dans ta main libre et lui assener un coup de tête en plein nez. Tu l’avais cogné assez fort pour qu’il ne tarde pas longtemps à saigner du nez, le tenant, tout en geignant, mais les autres officiers n’osèrent pas bouger jusqu’à ce que tu l’eus lâché.

— Je t’avais prévenu, Green. J’espère qu’il n’y aura pas de prochaine fois, parce que ce sera une balle entre les yeux pour entrave à la Justice, violence sur les témoins et d’autres petits trucs. énonças-tu aussi calmement et froidement que s’en était effrayant. Tu ne l’avais même pas regardé dans les yeux, faisant un vague geste aux autres agents pour qu’ils s’en chargent et retournent à leurs occupations. Bien. Sur ce... soufflas-tu, te tournant de nouveau vers le criminel, remettant la sucette dans ta bouche. J’ai lu tout ce qu’il y avait à lire, mais je n’ai pas eu assez de temps pour préparer tout ce petit bordel. Parlez-moi de ce qui s’est passé ya une semaine, Fries. Je préfère l’entendre de vot’bouche, plutôt que me fier aux rapports des types qui ont bâclé vot’arrestation – aussi fiables qu’un contrat écrit sur le string d’une pute.

Ton langage était fleuri, mais tu avais le mérite d’être franche.
Clairement, tu voulais avoir sa version des faits et pas celle que tu avais lue.

Sucette en bouche, tu croisas tes bras sur ta poitrine et écoutas attentivement les explications de ton congénère méta-humain. Oui, tu avais cru comprendre qu’Amelia Underwood avait acheté la GothCorp et qu’elle embauchait des criminels pour les aider à leur réinsertion dans la société. Ce n’était pas plus mal, vu que ces gens se rendaient utiles et on les tenait plus facilement à œil. S’ils étaient occupés, payés et satisfaits, ils avaient moins de temps pour faire des conneries et ça donnait moins de boulot à la police. Ce n’était parce que ces gens avaient mal tourné qu’ils étaient stupides ou autres. Bien au contraire, la plupart étaient des génies incompris, des personnes hyperactives ou différentes, des artistes, des gens désespérés et autres rebus que votre société n’avait pas réussi à faire entrer dans le moule. Des anticonformistes rejetés, fuis et diabolisés avant même qu’ils aient commis leurs crimes ; du moins, pour la plupart, parce qu’il fallait avouer que certains cas étaient juste des monstres à l’apparence humaine qu’il vaudrait mieux exterminer – des vermines telles qu’Eduardo Flamingo ou Black Mask, par exemple.

Lorsqu’il détailla les faits, la persécution, sa contre-attaque et autres événements, tu détournas ton regard du sien, analysant les lieux et imaginant ce qu’il te disait au fur et à mesure. Au moment où il aborda la partie concernant la personne qui avait tué certains de ses hommes avant l’arrivée de la police et avec qui il avait eu l’occasion de parler, tu croquas ta sucette, la réduisant en miettes. Tu posas de nouveau tes yeux sur ton aîné, retirant le bâtonnet en carton de ta bouche, le glissant dans une de tes poches – tu n’aimais pas jeter de la poubelle dans la rue et, encore moins, laisser des traces de ton ADN. Tes yeux se baissèrent, également, suivant la trajectoire de ceux de Mr. Freeze : l’impact des projectiles était aisément visible sur son armure.

Tu avais l’air un peu contrariée, mais pas sceptique.
Tu mâchouillas ce qui restait de ta sucette et avalas le tout avant de reprendre la parole. S’il y avait des preuves, on les avait déjà effacées et tu ne savais pas si la pègre avait ou non laissait la moindre trace. Il y avait des caméras dans la zone et on aurait dû les vérifier avant tout, mais les conneries de ces foutus ripoux de merde vous avaient fait perdre un temps et des informations très précieux. La seule personne qui te venait à l’esprit de consulter pour avoir des preuves physiques, c’était le Sphinx et les preuves ne seraient pas recevables si on apprenait leur origine. Erf. De toute façons, ce n’était pas comme si c’était aussi simple d’aborder ce taré énigmomane.

— Sheesh. Ah, là, on peut dire que vot'refus les a bien refroidis. commentas-tu avec une pointe d’humour et un petit sourire en coin. Malheureusement, la cupidité et la corruption sont monnaie courante dans bon nombre de domaines. Et, entre nous, si on devait vous envoyer quelque part, je vous aurais mis à Blackgate parce que vous n'avez rien à foutre à Arkham, Fries. À cause des abrutis qui vous ont coffrés on a certainement perdu l’accès aux principales preuves de ce que vous nous avancez. continuas-tu, pointant du doigt deux angles de rues où se trouvaient des caméras – pas très visibles et qu’on pensait hors-service. Le réseau de caméras de la ville est toujours actif dans cette zone, même si on n’y prête pas plus attention que ça. Et pourquoi je parle de la perte de preuves contextuelles ? Parce que les individus correspondant à votre description ne sont pas nombreux, même pour une métropole comme la nôtre, et que, si la concernée portait un masque blanc et rouge, d'aspect asiatique, je pense que c'est Katana. ajoutas-tu, marquant une courte pause, accrochant de nouveau le regard de ton interlocuteur et témoin. Nous l'avons aperçue une ou deux fois après des Birds of Prey, mais selon mes sources, elle aurait rejoint brièvement la pègre, récemment, pour ensuite se volatiliser. Doonc… qui dit mafia et corruption dit nettoyage, même si on peut toujours essayer d’y accéder. Ça ne fait que quelques jours. En dépendant d’envers qui vont les intérêts de la suppression de ces possibles vidéos, il y aura plus ou moins de traces d’elles. expliquas-tu, te penchant vers le scientifique afin de lui parler à voix basse et faire en sorte que les autres policiers ne puissent pas entendre ce que tu allais dire. J’ai juste à demander un mandat et faire appel à un consultant de confiance pour me trouver ce qu’il en restera. J’fais pas confiance aux cafards qui bossent avec moi pour cette histoire. J’aurais pas recours à la police scientifique ni à la brigade de renseignements.

Un lampadaire qui n’arrêtait pas de clignoter finit par s’éteindre, rendant ta particularité visible : tu étais bioluminescente. Le plus que faible éclairage n’était plus suffisant pour le cacher et, heureusement, ça pouvait juste passer pour une excentricité. De nos jours, il y avait des teintures et du maquillage phosphorescent, et c’était très à la mode parmi les jeunes – surtout les fêtards. On était plus ou moins habitués avec toi, vu que certains connaissaient tes goûts prononcés pour les clubs nocturnes et la musique.

— J’ai d’autres questions, oui. J’aurais besoin de vous pour marquer le trajet fait durant la dispute pour voir combien de caméras auraient pu avoir un angle de vision sur les faits. Avec un peu de chance, on ne les aura pas toutes effacées – bien que ce ne sont que des suppositions. C’est notre meilleure carte, pour l’instant. ajoutas-tu, sifflant pour interpeler tes chiens. Monty : Mapa. Dew : Chuche.

Suite à ces deux ordres en espagnol, tes chiens dégotèrent une carte de la ville que tu avais sur la boîte à gants, parmi les friandises, et un paquet de chips avant de sauter par la vitre de ta portière afin de vous rejoindre, remuant la queue. On pouvait bien voir, maintenant, que les deux mâles partageaient un seul corps et que, malgré l’expression étrange de Dew, les deux têtes étaient parfaitement viables. Tu pris la carte et les chips, t’approchant de ce qui restait du véhicule du crime pour t’y appuyer – invitant ton témoin à s’approcher. Tu ouvris la carte, sortis un stylo d’une de tes poches et le lui tendis.

— Je m’fiche d’où se trouve votre planque, j’veux juste connaître la partie du trajet où vous vous êtes accroché avec vos hommes – et ce, jusqu’à l’endroit même où nous sommes. Si vous vous en souvenez, marquez le sur la carte. lui demandas-tu, ouvrant le paquet de chips avant d’en donner une à chacune des têtes de ton chien ; par la suite, tu en pris aussi, les gratouillant. Oh, et… est-ce que votre véhicule avait un GPS ou boîte noire ? Ils sont nombreux à en avoir, comme les camions et certaines voitures commerciales pour localiser la cargaison – entre autres. Les propriétaires des firmes n’le communiquent pas toujours aux employés afin d’éviter toute fraude ou le vol de ces dispositifs, etc. Parfois, il y en a, même, deux, dans les engins très importants. Histoire d’assurer l’enregistrement en cas de défaillance. Si vous n’le savez pas, il faudra contacter avec Mlle. Underwood ou l’responsable de la logistique de la GothCorp.