HRP : Suite de Crash du 747.


Une silhouette immense déambulait lentement dans une ruelle déserte. Bane. En arrivant au fond de l'impasse, il se pencha au-dessus de ce qui semblait être une dalle de fonte. D'une main, il arracha la plaque métallique de son cerclage d'acier et la projeta avec force contre une benne à ordure qui se trouvait là. La cuve à déchets s'éventra sous la puissance du choc, déversant sur le sol un épais limon brun et visqueux. Deux chats de gouttière s’échappèrent alors en feulant bruyamment. Un obscur trou béant ouvrait à présent la voie des profondeurs de Gotham. Un chemin vers l'enfer. Le mercenaire à la taille hors-norme s'engouffra silencieusement dedans en serrant les épaules.

Les barreaux de l'echelle se succédaient les uns aux autres dans ce qui semblait une éternité. Quand il n'en resta que quelques uns à franchir, le colosse lâcha l'échelle, le précipitant dans une courte chute qui s'acheva à pieds joins dans un pédiluve d'eaux grises. Le géant marqua une pause en bas, jetant son regard froid de part et d'autre autour de lui. L'eau viciée lui caressait les chevilles par son faible courant d'ouest. L'assassin se souvint alors et s'engagea dans une large galerie circulaire qui ne faisait que descendre lentement. Il s'enfonça dans les ombres du tunnel, plus loin encore, dans les méandres des égouts pour retrouver ce pourquoi il était venu.

Ces voies souterraines nauséabondes n'étaient quasiment jamais empruntées. Elles n'avaient probablement pas été foulé par le pied d'un Homme depuis aussi longtemps que le mercenaire n'y était pas revenu. Il y a plus de cinq ans, peu de temps après le crash du Gotham 747. Quelle fête ça avait été ! Quelle nostalgie ! Et maintenant, plus de cinq ans après, Bane refoulait à nouveau ses couloirs lugubres.

Le mercenaire se remémora les détails de cette histoire alors qu'il atteignait le déversoir ; un dégoutant puits de près de six mètre de rayon où se déversaient les immondices de toute la cité.

Ce n'était au départ qu'une simple commande. Un contrat comme il en avait eu des tas. Mais les choses ne s'était pas passé comme prévues.

Cinq ans auparavant, sur le vol 747 Air Gotham.

- Bhchchhh... Mesdames et Messieurs... Bhchhh... notre vol G747, en provenance de Singapour et à destination de Gotham, s’apprête à entrer dans l'espace aérien américain. Dans quelques instants, nos hôtesses passeront dans les allers pour vous proposer les différents articles dutyfree à la vente sur notre appareil. Nous vous remercions de regagner vos places et de... Oh merde qu'est-ce que s'est que ça ? Mayday ! ... Bchhchhh

Dans les haut-parleurs de l'avion, le bruit sourd d'un tir en rafale acheva la phrase du pilote en des cris terrifiés. Au même instant, une des portes latérale du véhicule explosa sous la charge d'une bombe-collante disposée à l'extérieur de la coque. Une aspiration puissante expulsa hors de la cabine les objets non-fixes qui s'en trouvaient proches. Alors que la panique saisit le cœur des passagers et des membres de l'équipage, une poignée d'hommes encagoulés pénétrèrent par la porte absente. L'un d'entre eux portait un masque noir avec sur la face l'effigie subtile d'une chauve-souris blanche. Bane.

Une quarantenaire boudinée dans un tailleur gris sortit des toilettes au même moment. Le géant l'agrippa d'une main et la jeta par la baie ouverte dans le vide du ciel. Un justicier en herbe se leva de son siège pour s'interposer avant que son cou ne soit broyé de la main du colosse.

- Mesdames et messieurs, c'est votre nouveau commandant de bord qui vous parle !

Tétanisé de peur, la totalité de l'équipage en otage se mua dans un douloureux silence et exécuta les consignes. Le mercenaire et ses miliciens arpentèrent rapidement les rangées de l'avion à la recherche de quelque chose, ou plutôt de quelqu'un. Après quelques instants, Bane se pencha sur une femme asiatique élégamment vêtue, qui serrait une serviette en métal contre elle. Le tueur lui sourit.

- Bonjour professeure, je suis enchanté de faire votre connaissance.


Bane sauta dans le déversoir et se réceptionna violemment sur les chevilles plusieurs mètres en contre-bas. Il prit encore un autre couloir, puis un autre. Au bout d'une vingtaine de minutes et après s'être bien perdus au fond de ce sinistre labyrinthe, il s'arrêta face à une alcôve de béton. Contre le mur, un boitier électrique assurément désaffecté voyait sa porte chancelante s'ouvrir par la grâce des doigts potelés du titan. Bane y prit un objet qu'il observa une seconde. Un genre de cylindre de verre renforcé, embrassé par des lanières d'acier. Dans la capsule, un gaz rouge semble bouillir. Le mercenaire referma sa main dessus avant de la glisser bien en sécurité dans sa poche intérieure.

Dans le dos du géant se trouvait une vaste salle immergée par les eaux. Dans les profondeurs de Gotham, non loin des enfers, une bête attendait son heure. Le Leviathan prendrait sa revanche sur son créateur.

Alors que le mercenaire aplatissait les rabats roussis de son manteau à fourrure, son esprit s'enivrait maladivement des vapeurs méphitiques de ce cloaque. Méditatif et concentré, Bane n'avait plus été vigilant à son environnement pendant un court instant. Et sans crier gare, une créature des bas-fond avait surgit des eaux vertes. La bête elle-même : Killer Croc.

Le monstre n'avait plus été vu à Gotham depuis des mois et ont avait même entendu les murmures de son possible décès. Mais rien ne semble pouvoir venir à bout du crocodile des égouts.

Bane l'avait déjà affronté. De nombreuses fois même. Et bien qu'il le dominait la plupart du temps, Killer restait un adversaire plus que consistant. Il était probablement un des rares êtres humains, si on pouvait le compter ainsi, à pouvoir blesser le mercenaire sans arme. Mais c'était une chose entendu, puisque le corps entier du reptile n'était qu'une épaisse carapace de plaques aiguisées et une série de crocs et de griffes acérées. Une machine à tuer je vous dis.

L'animal n'était normalement pas du genre à s’empêtrer d'honneur et de dignité. C'est une bête infâme, qui frappe sa proie sans l'avertir et la noie dans les profondeurs avant de s'en repaitre. Un cannibale. Un rejeton de Dieu.

Alors que le lézard ruisselait de grasses perles sombres sur le béton humide et apostrophait le héraut de la ligue, il égratigna sévèrement une paroi de ses mains aux extensions de kératine.

Bane se retourna dans un mouvement fort agile et fit face à la créature. En moins d'une seconde et dans un geste défensif, le mercenaire gonfla les muscles de son corps comme l'aurait fait un poisson-globe.

- KILLER CROC ! grogan t'il à son tour.

Les deux mastodontes se faisaient face. Bane était dos au mur, littéralement. Le crocodile lui bloquait la voie qui conduisait à la sortie. Le mercenaire scrutait chaque détail de son adversaire en un temps record. Sur son flanc, il remarquait une cicatrice bien fermée qui lui rappelait la douceur de leur dernier affrontement.

- Pour ne rien te cacher, je te pensais mort. lança Bane à son ennemis. Et je n'ai pas lâché une larme pour toi, crocodile. Alors maintenant, DISPARAIT !

Le colosse humanoïde achevait sa phrase en hurlant sur le lézard. Sentant qu'il ne pourrait pas esquiver l'affrontement avec lui, Bane enleva son manteau et déplaça ce qui s'y trouvait dans ses poches de pantalon. Plus proche de lui, plus à l'abri. Et ainsi, il sera parfaitement libre de ses mouvements.

Cinq ans auparavant, quelques heures après l'attaque du 747.

Dans la banlieue de Gotham, une camionnette de livraison sillonnait les rues et avenues en toute discrétion. A son bord, le mercenaire et trois de ses acolytes restaient assis en silence. Non loin d'eux, allongée inconsciente, la jeune scientifique disparue restait sous l'emprise d'épouses d'acier.

La ville entière était en émois après l'accident tragique d'un avion écrasé dans l'aéroport Archi Goodwin. Personne ne la cherchait, car elle était morte, comme la totalité des passagers du vol 747. La camionnette bifurqua finalement dans un complexe industriel, avec pour inscription à l'entrée "STAGG ENTREPRISES". Après quelques détours entre les entrepôts secrets du célèbre industriel pharmaceutique, la fourgonnette pénétra dans l'un d'eux.

Les hommes de Bane ouvrirent les portes et déposèrent sur le sol la jeune scientifique. Cette dernière reprenait conscience seulement là.

Faisant chavirer le véhicule sous son poids lors de sa descente, le colosse prit la suite de ses miliciens. Il passa à côté de la jeune femme qu'il attrapa au bras pour la forcer à suivre. Plus loin, une élégante table était dressée au milieu du hangar. Une nappe blanche, un bouquet de fleurs de saison, des chandeliers allumés et l'argenterie. Le grand jeu.
Le tueur fit s'asseoir la scientifique à la table de force et il prit place prêt d'elle sur une chaise renforcée, visiblement placé là à dessein. Face à eux, un homme d'âge mur était déjà installé et regardait la scène avec intérêt. Son front dégarnis et sa coupe grisonnante dévoilait ses yeux fourbes plissés de contentement. Et son sourire malicieux. Simon Stagg.

L'industriel véreux se mit à applaudir frénétiquement, comme un enfant à qui on apporte un présent dont il rêve. La jeune femme elle, regardait tout autour d'elle en des gestes paniqués.

- Bienvenue professeure, je vous attendais impatiemment. Nous avons beaucoup de travail en perspective. ricana t'il. Et surtout bravo à vous mon cher. Vous m'avez fait forte impression.

Dans ces derniers mots, Stagg penchait la tête sur le côté et tendait les mains vers Bane comme pour lui faire une accolade. La jeune femme, elle, pleurait silencieusement.

Quel tragédie que cet accident du train atterrissage. Tant de vie gâchées.

Cet enfoiré était plein d'ironie. La pire qu'il soit. Il ne se salissait jamais les mains et récoltait la gloire seul. Il se délectait de la souffrance des autres. Une véritable ordure. Mais qui payait bien.

Le riche entrepreneur claqua des doigts pour que ses sbires en uniforme viennent saisir la jeune femme encore engourdie par le somnifère. Deux gus s'approchèrent et quand ils l'attrapèrent par les bras pour l'emmener, Bane lui saisit le cou, aussi vif qu'un éclair. D'une préhension brutale, il compressait sa nuque entre ses doigts, sans dire mot.

- Oh pardon, je manque à tous mes devoirs. fit Stagg sans se soucier nullement de la scientifique. Il maitrisait bien ce genre de procédure. Voici votre dédommagement, en petite coupure comme convenu.

Il venait de lancer une malette pleine de liasses vertes sur la table, en négligeant complètement se qui s'y trouvait. Un bruit d'assiette fracturée se fit entendre dessous.

- Et j'y ajoute un petit supplément, pour vous remercier d'avoir empêtré Wayne Entreprise dans cette affaire. Quel plaisir, je vous assure que je suis comblé ! Sommes-nous bon cette fois ?

Il tendait sa main ferme face au mercenaire, sans crainte.

Bane jaugea la mallette et lâcha alors la scientifique qui couina un peu avant d'être emportée par les sbires. Il prit la serviette en métal de l'enlevée et la jeta à son tour sur la table, en miroir de son contractant. Le colosse esquiva la main de l'industriel pour prendre la poignée de sa valise de billets et la ferma en un claquement. Il tourna les talons sans rien dire et disparu du hangar.


De l'écume débordant de ses lèvres sèches, le lézard se voyait probablement déjà dévorer son pire ennemis après l'avoir détruit. Mais Bane ne se laisserait pas faire ainsi.

Sans attendre que le monstre ne porte son premier coup, le mercenaire le chargea. La puissance de ses pas faisaient trembler le sol et la pièce toute entière. Lorsqu'il fut assez proche du crocodile, Bane feinta un crochet du gauche dans le visage de la bête et lui asséna un violant uppercut en plein sur sa cicatrice. La créature sembla vaciller un instant et le colosse l'enchaina en la bloquant contre un mur. Après quelques coups de poing, le mastard termina par un terrifiant coup de genoux dans l'estomac du disgracieux crocodile.

Bane n'avait pas la moindre compassion pour l'animal. Et cette fois-ci, il s'assurerait qu'il soit bien mort !

Après le déluge puissant de coups infligé au crocodile, on eut pu s'attendre à le voir s'étourdir et faiblir un instant. Mais Croc ne restait jamais bien longtemps sonné et nécessitait moins de temps que les autres pour reprendre ses esprits et frapper à son tour. C'était là le rare privilège de posséder un cerveau à demi-reptilien, un imbroglio de connexions synaptiques dédiées aux émotions primaires parcourrait son cervelet animal. Son instinct primitif de bête prenait le pas sur son humanité présumée et lui permettait d'engager des actions mécaniques avant même que son esprit ne les aient commandées. Non, Killer Croc n'était pas bien affecté, au contraire, il était plus en colère encore et bien plus dangereux que jamais.

Toujours était-il que Mr Jones ne se contenterait pas de regarder le spectacle initié par le mastodonte de la ligue. Il avait visiblement une envie dévorante d'y prendre part et de goûter la viande de l'assassin masqué. Il le fit savoir subtilement quand il le prit violemment d'assaut en réponse. Cela n'avait pas pris une seconde. Sa main palmée et griffue s'était projeté d'une façon désarticulée dans le visage du colosse. Son autre patte, poing fermé, se projeta à son tour. Et dans un ballet ininterrompu se succédèrent les mandales. Encore et encore. Frappant le corps, égratignant la peau et assaillant l'esprit du mercenaire.

Bane recevait les chocs avec combativité et résilience. Si la majorité des attaques le touchaient avec force, le mercenaire parvenait de temps à autre à dévier des coups dangereux qui auraient grandement réduit son endurance légendaire. Et malgré cela, il ne semblait pas faiblir face au saurien. L'animal était pourtant l'une des créatures les plus puissantes de cette ville, probablement capable de rivaliser avec le titan à main nu. Mais il ne frappait pas encore assez fort pour attendrir le mastard. Finissant son enchainement destructeur, Croc abattit ses deux bras regroupés en assommoir au-dessus de Bane. Dans une fraction temporel de lucidité, le gorille parvint à repousser le marteau et à le ramener vers le sol. Mais la violence délirante de l'impact éventra la dalle, sectionnant de grandes plaques de béton désolidarisées et mobiles. Instable, Bane chancela quelques secondes, incapable de se protéger l'espace d'un instant. Ce laps de temps fut bien suffisant pour que le reptile mâche la manche gauche du géant et le balance à l'autre bout de la pièce, par dessus les eaux brunes. Le colosse s'écrasa misérablement contre une paroi concave parsemée de lichens puants. S'appuyant sur son avant-bas sanguinolent, le disciple du démon releva la tête vers son adversaire mortel. Il émanait de lui une aura destructrice et folle.

Bane se redressa lentement et prit une posture offensive. Le colosse courbait légèrement le dos pour paraitre encore plus trapu qu'il ne l'était déjà. Ses gros doigts biens écartés tremblaient d'excitation et la lueur dans son œil avait changé. Et bien que ce dernier détail n'était pas visible du crocodile, Waylon ne pouvait avoir de doute. Et il ne le devait surtout pas.

- Tu aimerais me manger Croc ?  instigua le mastodonte. Sa main droite vient caresser son autre poignet, où se trouvait un dispositif complexe. Alors ESSAYE DE BOUFFER ÇA !!!

Bane activa son bracelet et un épais fluide verdâtre sous grande pression afflua rapidement dans les tuyaux qui peuplaient son échine. Alors que le liquide parvint au sang du tueur, ce dernier se mit à crier d'une façon terrifiante. Contraint par la douleur des contractions brûlantes, il se plia vers le sol et s'agenouilla seul. Et malgré qu'il souffrait le martyr, bien au delà de ce que pouvait faire le reptile à son corps, Bane ne lâchait jamais le monstre du regard. Sa tête bien droite, restait irrémédiablement fixe, en direction de l'animal préhistorique. Et même quand il martela le sol de son poing pour résister à son mal, il ne cessa de le tenir en respect, simplement avec ses yeux voilés.

Son corps tremblait, frénétique, et se modelait anormalement à vue d’œil. Les muscles du titan enflaient plus que l'imaginable ne se l'autorisait. Chaque muscle luisant de sueur se distinguait de la masse corporelle et gonflait à l'extrême. De grosses veines sombres zigzaguaient un peu partout en surface. L'assassin qui était déjà ordinairement considéré comme un géant massif se transformait en quelque chose de plus grand et de plus fort. Un véritable monstre.

Quand les douleurs s'estompèrent un peu, Bane se redressa sur ses deux pieds. Il s'avança vers le bord de la dalle où il se trouvait et abaissa son regard dans les eaux sombres. Dans un reflet trouble, il découvrit une silhouette difforme, inhumaine. Une créature démoniaque et terriblement destructrice. Tout ce qu'il fallait à ce moment précis.

Sans latence, et sans prendre aucun élan, Bane se projeta d'un saut à l'attaque du saurien qui se trouvait de l'autre côté de la pièce. Bien arqué dans les airs, la posture du géant trahissait une arrivée fracassante. Et il en fut ainsi. Quand le mastodonte retomba de l'autre côté, il fractura le sol plus encore, ses pieds immenses s'enfonçant dans le béton lisse. Plus vif qu'il ne l'avait jamais été, il agrippa le serpent et l'encastra dans un mur derrière. D'une seule main puissante, il écrasait le buste du lézard contre la maçonnerie dont les briques se dévoilaient après le plâtre. L'animal surpris essayait de mordre et de griffer le colosse, mais sans résultat apparent.

- GOÛTE BANE !!!

Le difforme dispensa alors un effroyable coup de tête à Killer Croc, ce qui eut pour effet d'effondrer le mur sur lequel il reposait et de faire traverser le crocodile. Pris dans son élan et enivré de son produit, Bane trébucha de l'autre côté à son tour. Quand il fut de nouveau debout, le crocodile n'était plus là.

C'était une grande salle sombre et rougeoyante, parsemée de flammes vives d'un mètre qui frétillaient. Ces flammes provenaient des bruleurs à gaz qui se trouvaient sous d'immenses cuves closes d'étain. De grandes barriques aérienne, tenue par des étaux d'acier en l'air. Dedans, une partie des ordures collectées dans les égouts masseraient avant d'être incinérées. La pièce très vaste offrait également une mezzanine industrielle qui surplombait la scène.

- Je crois que j'ai perdu mon sac à main !

Une terrible bataille faisait rage entre les deux monstres. Un florilège de coups fracassants destinés à tuer. C'était un combat des plus disputés. Et bien que le mercenaire semblait dominer la rencontre impromptue, le prédateur lui n'avait pas encore livré toutes ces ressources. EN de nombreux points, Killer Croc était inférieur à son adversaire ; il n'était pas aussi intelligent et stratège, pas aussi fort et résistant non plus. Mais il disposait d'aptitudes extraordinaires de régénération de ces cellules qui lui permettait de se guérir de presque tout et bien plus vite. Il en devenait pratiquement intuable. Pratiquement.

Le souffle de l'explosion du mur avait soulevé d'épais nuages de poussière blanche qui voilaient la vision de cette pièce à peine plus éclairée que la précédente. Profitant du chaos, le saurien s'écarta du colosse pour trouver furtivement un accès vers les hauteurs de la salle. Là-haut, il était plus en sécurité. Hors de portée du mastodonte et avec un point de vue idéal sur ce dernier, surveillant aisement ses faits et gestes. Caché et distant, le lézard profitait de ce temps précieux pour ressouder lentement son corps meurtris.  

Bane se redressa à son tour. Il se trouvait seul dans l'antichambre. Il scruta les ombres pour trouver sa cible, mais la surexposition des flammes rendait la tâche plus complexe.

Soudain, un grincement métallique se fit entendre et une des cuves s'envola par les airs en direction du géant. Cette immense citerne brûlante mesurait près de douze pieds de haut et pesait certainement plusieurs tonnes. Vu son poids présumé et sa taille imposante, il était à peine concevable d'imaginer la puissance nécessaire pour la lancer de la sorte. Elle se dirigeait pourtant par la voie des airs, droit sur le titan.

- KILLER CROOOC !!! hurla alors de haine le difforme Bane.

Dans un râle puissant, Bane éventra la cuve et la traversa de tout son corps quand elle atterrit sur lui. Cette dernière explosa en un torrent de déchets enflammés multicolores et de particules métalliques ardentes qui se déposèrent un peu partout autour. Au milieu des flammes, la silhouette difforme de la bête respirait avec difficulté. Il prenait de grandes bouffées d'air saccadées. Sa peau ébouillantée et ointe d'une huile de détritus. Il ne ressentait pas la douleur grâce au venin, mais les conséquences à venir pour le mercenaire seraient terribles.

Bane resistait par le corps, grâce à son fluide magique, mais son esprit lui en pâtissait. La consommation répétée de ce produit conduisait le tueur à perdre progressivement le contrôle de son esprit à mesure que son corps lui se renforçait au delà de l’imaginable. Ce qui se produisait exactement. La bête qui dévorait le cœur du mercenaire était à présent au commandes. C'est notamment pour cela qu'il n'avait même pas cherché à éviter la cuve mais qu'il était simplement passé au travers. Des visions venaient obscurcir son jugement. Il sombrait dans un état second.

Cinq ans auparavant, quelques jours après la transaction chez STAGG ENTREPRISES.

Deux hommes arpentaient un couloir nimbé de noir et qui refoulait des odeurs nauséabondes. Bane et un de ses acolytes. Il parcouraient à l'instinct des galeries de labyrinthe puant que sont les égouts de Gotham. Ils marchèrent longuement avant de trouver le déversoir, un puits où se réunissait les canaux d'évacuation de la ville pour les transporter plus loin dans les profondeurs. Les deux hommes sautèrent à l'intérieur pour rejoindre des niveaux souterrains plus lointains et poursuivirent leur marche encore de longues minutes en silence. Après avoir bifurqué plusieurs fois et traversé différentes pièces aux tailles variées, Bane marqua une pause. Il fit signe à son disciple de s'arrêter aussi. A cette distance de la surface, personne ne viendrait jamais. C'était l'endroit parfait. Le mercenaire s'approcha un peu d'un mur et découvrit une sorte de boitier métallique assez grand fixé à celui-ci. Il était à demi-recouvert d'un voile de vigne-vierge qui descendait jusque-là. Sa porte, rongée par la rouille, ne fermait plus convenablement mais était suffisament discrète pour qu'on ne la remarque pas facilement. Bane s'approcha alors et ouvrit la boite. A l'intérieur, de vieux fils électriques dénudés pendaient au hasard de la coupe. Le caisson électrique était désaffecté depuis longtemps. Alors Bane sortit de sa poche une fiole étrange au contenu rouge. Il regarda son butin secret avant de le plonger dans une cascade de câbles fondus.

- Maître ? fit le disciple qui essayait d'interpeler son leader d'une voix couarde. Nous n'devrions pas faire ça... Qu'est-ce qui s'passera quand Stagg découvrira c'qu'on à fait ?

Le colosse souffla férocement sa bile en signe de mécontentement et grogna pour seule réponse.

- Stagg ne saura rien. D'ailleurs... personne ne saura rien !

Plus vif qu'un serpent, Bane écrasa la gorge sèche de son serviteur qu'il avait jugé trop faible. Le malheureux se débattit du mieux qu'il pu, son corps désarticulé secoués en saccades. Mais ces tentatives pour s'extraire du géant furent vaines. Un bruit sec résonna dans l'éternité des égouts. D'un geste froid, le mercenaire jeta son jouet cassé dans les eaux brunes d'un canal qui traversait la pièce et qui serait désormais son linceul. Il détourna sans attendre son attention du noyé disparu et camoufla un peu plus le flacon caché avant de refermer la porte et de replacer les branches au devant.

Bane savait qu'il n'était pas encore temps d'utiliser cette arme. Mais un jour, quand il aurait un plan infaihible pour prendre Gotham ou la détruire, quand ce plan serait proche de sa fin, il viendrait récupérer ce précieux virus caché dans les égouts : le Léviathan.

Sitôt après avoir explosé la cuve, Bane fut à nouveau assaillit par le reptile qui se fendit de dangereuses attaques sournoises. Le colosse résista encore, bien qu'il faiblissait. Profitant d'une contre-attaque hasardeuse du mercenaire, le serpent vert disparu à nouveau dans les ombres.

La situation était complexe. Et bien qu'affecté par la toxine, Bane se mit à penser sa stratégie. Le combat ne se déroulait pas comme il le souhaitait. Killer Croc était le maître dans cet environnement. Il connaissait mieux que quiconque ces couloirs et ses pièces, dans leur moindre recoins secrets certainement. Ils habitait ses caves immergés depuis toujours pour ainsi dire. De plus ses capacités régénératrices faisait de lui un adversaire coriace sur une longue durée, ce qui n'était pas bon. L'usage prolongé du venin risquait de perdre l'esprit du méta-humain. Sans le contrôle de son esprit, il pouvait possiblement perdre la fiole dans sa poche ou la détruire. Et le même risque était à courir simplement avec les coups du lézard. Mais à cela, Bane ne pouvait s'y résoudre. Il était venu pour une chose bien précise, et ni l'honneur, ni l'égo ne devait s'opposer à sa quête.

Dans un éclair de lucidité, le gros gars réalisa qu'il se trouvait seul à l'entrée de la pièce et par conséquent que la sortie lui était ouverte. Si Croc rêvait de cet affrontement depuis des mois, ce n'était pas le cas du mercenaire. Il n'avait pas le moindre intérêt pour le vil serpent et le savait bien inférieur de tout manière. Il détourna alors les talons et s'engagea dans une course lourde mais rapide au travers des couloirs humides et noirs. En passant devant, il attrapa son manteau qu'il parvint à passer en continuant sa course effrénée. Sur son flanc se trouvait un canal profond à fort courant qui descendait vers le sud sur des centaines de mètres. D'ordinaire, Bane aurait facilement trouvé son chemin dans le dédale, mais sous l'influence du venin, c'était plus délicat. Et la direction du sud n'était décidément pas la bonne. Bane s'enfonçait donc vers les ténèbres, dans les méandres de Gotham, avec un crocodile assoiffé de sang sur ses basques.

Cela faisait déjà une éternité dans l'esprit du gros primitif au corps difforme qu'il courrait dans ses galeries écœurantes. Dans une obscurité complète, le mercenaire fuyait son adversaire dans une course effrénée. Bien que ses sens furent plus développés que pour la moyenne des Hommes, il ne percevait plus depuis un moment le dangereux reptile. La bête était-elle à ses trousses ? Ou était-elle encore à l'affut du colosse dans la pièce aux cuves chaudes ? Non c'était impensable. Le monstre d'écaille était un fin limier. Si Bane avait détalé, alors le crocodile était à sa poursuite. Il n'était pas loin. C'était sûr. Il attaquerait dès qu'il pourrait. Mais Bane ne le laisserait pas faire. Aussi, il courrait encore, comme un dératé. Ses pas lourds et sonores résonnaient de plus belle.

Après près de 300 mètres d'égout linéaire, le couloir épousait un angle tout en rondeur. Une occasion parfaite pour frapper. Jaillissant des eaux noires, le monstre vert sauta sur le mastodonte égaré. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, Waylon Jones s'était retrouvé au contact de sa proie. De grandes lacérations sur ces bras et son buste eurent raison de sa garde affaiblie, tandis qu'un revers de queue dans ses jambes achevèrent son équilibre précaire dans ces galeries glissantes. Sans laisser de temps à son rival, le mutant des égouts attrapa Bane par l'épaule de sa mâchoire et serra avec force le cuir tanné de l'assassin. De larges filets de sang s’échappèrent entre les dents du lézard. Usant de sa force et de la faille qui lui était offerte, le crocodile entraîna Bane dans les profondeurs.

Le canal tumultueux et plein de détritus en décomposition lente était infâme. Même avec ses talents, il était impossible pour Bane de se repérer dans cette mélasse. Souffrant atrocement de crocs qui enserraient lentement son épaule et des multiples tentatives d’éventration du crocodile, le mercenaire sombrait plus loin dans l'eau trouble. Le courant important de l'égout à cet endroit les faisait voyager rapidement dans les galeries. Et tout en restant sous l'eau, ils continuaient à parcourir des dizaines de mètres dans le dédale souterrain.

L'esprit du géant s'abandonnait petit à petit aux séquelles du venin. Il se sentit engourdis, plus encore que par sa simple noyade. Non, c'était son esprit qui était au porte de l'oubli. Fermant ses yeux, le mercenaire se laissa guider par la grande faucheuse. Il était peut être temps.

Cinq ans auparavant, aux abords du G747, quelques minutes après l'attaque.

Happé par une puissante attraction au-dessus d'eux, Bane et ses miliciens regardaient le long courrier Gotham 747 s'éloigner en direction de l'aéroport où il finirait sa course infernale. De longs câbles sanglés autour des pirates les ramenaient dans un second appareil, celui qui les avait déposé sur l'avion commercial. Dans les bras du mercenaire, le professeur Kōta était parfaitement assoupis, sous l'effet de la toxine inhalée.

Lorsqu'il atterrir à bord du jet, Bane jeta la scientifique entre les bras de deux des acolytes. Sans avoir à leur commander leur ordres, ses hommes se mirent au travail à l'unisson. Ils prirent soin d'emmener la jeune femme sur un fauteuil confortable où l'attendait des menottes fixés au siège. Un homme au crâne chauve et aux épaisses lunettes rondes fit son apparition dans la soute où les pillards avaient été tracté avec leurs butins. De dernier qui portait une blouse blanche comme les médecins ne faisait pas parti des braves qui avaient assaillit l'avion quelques minutes plus tôt. Il prit la mallette métallique et l'emmena dans un laboratoire improvisé à bord. Derrière une bâche occultante un petit atelier d'apprenti sorcier prenait place. Concentré et minutieux, le chimiste s'attelait à ponctionner le virus. En extraire une toute petite partie pour pouvoir plus tard le reproduire. Il ne disposait que de peu de temps. A leur arrivé à Gotham, le professeur Kōta et son produit seraient cédé à Simon Stagg. S'il devait y avoir une plus valu à réaliser en copiant la formule, ce devait se faire dans la petite fenêtre ouverte pour eux, le temps du vol de retour.

Plus tard, Bane et son serviteur seraient dans les égouts pour cacher le résultat de leur trahison secrète.

Bane s'éveilla de sa courte absence en sursaut. Il s’étouffait dans sa noyade. Il eut alors pour réflexe de saisir les deux battants de gueule du reptile perfide et de lui écarter avec force. Ce devait être particulièrement douloureux pour le monstre, mais presque autant pour le mastodonte qui était sur le point de rendre son dernier souffle. Les effets du venin étaient encore présent, mais sa puissance légendaire s'affaiblissait lentement. Une fois libre du crocodile, le mercenaire essaya de remonter à la surface. Dehors, il prit une grande bouffée d'air vicié avant d'être à nouveau entraîné par le fond.

Bane opposa à la bête quelque coups ralentis par les eaux. Il le repoussa encore et remonta hors de l'eau. Il trainait Waylon avec lui, le tenant solidement par la patte inférieur gauche. Il le balança plus loin dans la salle. La pièce était entièrement immergée mais seulement sur dix ou quinze centimètres de hauteur. Pas de cachette pour le monstre.

Le mercenaire tapota discrètement sa poche pour trouver sa fiole. Elle semblait encore intacte. Une chance. Occupé à trouver une solution à son problème de nuisible, le seigneur de guerre scruta les ombres. Non loin de lui, il trouva un genre de linteau de béton qu'il arracha à la parois pour le lancer droit sur le reptile. Le plafond de la pièce se mit alors à craqueler doucement.

Ceci serait le dernier combat. Et il n'y aurait qu'un seul vainqueur !

L'immense linteau fut si puissamment projeté par le saurien qu'il se ficha dans le plafond aux croisées d'ogives. Il s'était empalé si facilement dedans, comme un couteau dans du beurre fondant. De petits craquements se firent entendre d'abord, puis la voûte entière se mit à trembler dangereusement. Des fissures sectionnaient le plâtre dans un tribal électrique et s’élargissaient doucement. Des chutes de poussières et de briques indiquaient que la pièce allait s'effondrer. Mais aucun des monstres ici  ne semblaient s'en préoccuper.

Bane et Killer Croc se faisait face, encore. Chacun d'entre eux ruminant sa rogne.
Le mercenaire était assurément plus durement touché que son adversaire. Bien qu'il maîtrisait assez le combat, il écopait d'une pénalité double : les blessures sanglantes infligées par le crocodile et les aléas psychotiques du venin. Son énorme corps difforme chancelait doucement dans un équilibre précaire. Ses yeux vitreux, cachés derrière son masque, n'étaient plus des fenêtres sur son âme mais des panneaux laiteux sans vie. Et tandis que son esprit était ailleurs et que Bane luttait pour résister à l'appel du sommeil, de petits morceaux de brique chutaient sur lui sans qu'il n'essaye de les éviter. Le mastodonte était certes affaiblis, mais il n'en restait pas moins un opposant redoutable.

Des visions s'amoncelaient dans le cortex épuisé du colosse. Des images flous qui se juxtaposaient les unes aux autres. Un message peu clair. Une injonction à faire... mais quoi ? Que devait-il faire ? Il était depuis peu le nouveau démon et il allait peut être perdre contre ce pathétique animal et mourir ? Il ne pouvait l'accepter. Il ne pouvait s'y résoudre. Les informations dans son esprit étaient de moins en moins précises et ses souvenirs s'estompaient également alors que le venin parasitait sa mémoire. Pourquoi il était venu ? Pourquoi il était là ? Quelle était cette mission qui l'avait conduit dans ce bauge ignoble ? Il détestait le crocodile... peut être avait-il décidé de venir le tuer ? Non, ce n'était pas ça... mais maintenant qu'il y pensait, il en avait très envie ! De le tuer. Le crocodile. Mort. Un lézard sans vie. Ecrasé. Détruit. Dépecé. Anéanti. Supprimé. Décédé. Une bonne fois pour toute. Oui, il avait vraiment envie de le tuer. Tuer.. Tuer.......

Les mots résonnaient dans sa tête comme un écho infini dans une sombre caverne. Et son esprit tactique se mutait totalement dans une bestialité décérébrée. Un filet de bave s’échappait de ses lèvres, rendues violettes par le froid de l'égout. Sa main vint à nouveau titiller son poignet opposé et il activa encore le sérum maudit.

La souffrance du colosse semblait plus présente encore que la première fois. Il est inutile de vous expliquer pourquoi. Bane rouait le sol de coups de poings dans sa rage. Et il chargea Croc sans même attendre que la douleur ne se calme un peu. Une dernière charge. Un dernier combat. Seul l'un d'entre eux réchapperait de cette bataille, qui marquerait la fin de la guerre.

Bane empala Waylon en plongeant dessus la tête en avant, ce qui fit rebondir le crocodile sur le mur derrière lui. Le géant enchaina quelques coups de poings sans vraiment viser quoi que ce soit. La moitié des coups partaient d'ailleurs dans le vide ou dans le mur. Mais il continuait à contrôler la bête. Un genoux dans la cuisse, une droite dans la mâchoire. Le reptile encaissait comme un chef, mais il devait tout de même y perdre quelques neurones et dents. Ce qui ne lui manquerait probablement pas. Bane attrapa finalement le crocodile par le cou et le bras et essaya de lui arracher un membre. Comment se sortirait t'il de cette impasse ? Adieu crocodile !