Le fichier momovici.jpg est un Malware. Il est au format d’une image équivoque représentant une asiatique en maillot de bain. Bien qu’il soit apparu plus tard, MomoVici est aussi le pseudonyme de sa conceptrice, Min-Ji ; haut potentiel intellectuel ; réputée dans le gaming pour cheater et troller, c’est Moby-Dick, aux yeux d’une poignée de twitchers.

Une étudiante banale, à première vue, qui se destinait à une brillante carrière dans l’ingénierie militaire. Sans histoire. Une orpheline, déposée devant les portes de l’orphelinat alors qu’elle était encore un petit bébé, comme tant d’autres enfants avant elle. Elle y grandit, assez normalement pour n'en dire que l'essentiel. Min-Ji perturbait seulement ses professeurs avec des questions de premier de classe, pressée, le visage implorant, en levant la main le plus haut possible, non pour leur demander l’autorisation de se rendre aux toilettes, mais dans l’espoir d’être interrogée. Moi ! Moi ! S’il vous plaît Monsieur ! Moi je sais !

Et puis un jour, tout a planté. C’est devenu injuste, et anormal. Les propriétaires et les agences immobilières, en ville, pouvaient être plus prudents lorsqu'ils examinaient les candidatures de locataires. Ils recherchaient l’assurance d’être payé à temps. Dans ce scénario typique de Gotham, Min-Ji étant sans le sous, et sans garant, certaines choses ont été plus difficiles à surmonter que d’autres ; l’obtention d’un appartement, même d’une bourse d’étude, en faisait partie. Adieu, polytechnique. Confrontée devant cet état de fait, tout a vrillé. A cause d’un trop plein d’aigreur ; le dégoût ; accumulé à force de tourner en rond, dans un bâtiment estampillé insalubre du vieux Gotham, de cela, et de toutes ses influences, ses bonnes et mauvaises fréquentations.

Min-Ji eut envie de tout faire exploser, c’est vrai. Sans foi pour personne, elle n’eut de goût que pour le chaos, s'inspirant d'une bande de corporatistes, au plus haut sommet de la ville, qui prêchaient au peuple la nécessité de sauver la planète, en utilisant la vertu comme prétexte à leur avidité. Ainsi que la censure, par disqualification et étiquettes infamantes pour empêcher tout débat, et décrédibiliser la pensée dissidente par association avec l'infâme. Ce temps était celui de l’anomie, qui définit tout pouvoir constitué, à l’intérieur duquel État et Terrorisme forment un même système.

La rancœur de Min-Ji accoucha alors d’une ferme à trolls, née dans un cybercafé, puis s’est accrue et perfectionnée dans un sous-sol de Chinatown. Pour elle, le monde moderne qui se reflétait dans Gotham était un monde raté qui se jetait dans le suicide pour échapper à l’intolérable aveu de son impuissance. Tout ce qu’il lui restait à faire, quand elle eut fini de tout envisager, c’était de faire sécession.
Quant au système qu’elle installerait à la place de celui-ci, c'était une autre histoire... L’Ordre Jedi, qui sait, peu importait. Personne ne pouvait en parler. Parce que la solution n’était pas audible ; elle ne l'était jamais ; les habitants de Gotham étaient formatés, de sorte qu’ils rejetaient tout ce qui était bon pour eux. Leur remède s’imposerait de toute façon à eux, de lui-même, à l’apparition du tyran providentiel. Qu'elle le redoute ou non, Min-Ji le reconnaîtra au bruit que font ses bottes.

La toile s’enflammait, à chaque émeute, chaque attentat.

— MomoVici : [Sondage]. Souhaiteriez-vous un Black Out aux habitants de Somerset ?

— MomoVici : Oui 54% - Non 46%.

— MomoVici : La démocratie te déteste, Somerset.

— Peppypal : Signalé !

— AshWilliams : arrêtez, arrêtez tout, les punaises de lit c’était des russes en fait !

— Shirley92 : omg c’est terrib tou cke vous dite !!! :choked:

— Boris : :russianflag: :hheart:

Le processus prendra deux ans ; elle est jeune, certes, mais elle est là, et elle ne cesse de grandir, la ferme de MomoVici. On y achète clandestinement des clics, des likes, des dislikes, des votes par SMS, ainsi que des commentaires positifs, ou négatifs, qui vont être attribués ou publiés massivement sur les réseaux sociaux. Quand elle fini de construire une opinion, une pièce après l’autre, on lui attribue des émeutes, d’une violence inouïe, impliquant l’usage d’engins explosifs, pour tout faire exploser, au nom de la terre plate, s’il le faut. Et si son armée de bots anti-flic ne fait pas encore peur aux brigades du GCPD, on peut au moins en observer les tragédies, dans la rue, où des adolescents finissent par abattre des agents de police à coups de manche à pioche.
Toutes les idéologies cohabitaient dans son réseau, sans qu’elles ne sachent vraiment qui faisait quoi. MomoVici pouvait tout aussi bien désorienter et méconduire un groupe, pourvu qu’il défende une idée, car n’importe laquelle lui suffisait pour envoyer des hommes révoltés dans les flammes.

Plus on creuse dans la ferme, plus on découvre de cellules ; trafic de données, espionnage et filature, desquels on reconnait les méthodes de paparazzis, ce qui, dans une certaine mesure, permet de faire chanter ou intimider l’individu cible, en l’impliquant dans une opération Black Mail. Pour détruire, juste détruire quelque chose, ou quelqu’un. Que le monde retourne progressivement d’où il vient ; c’est-à-dire à la ruine. C’était écrit ; « sept anges verseront leur coupe dans les océans, la terre et sur le soleil, et tous vous allez crever en enfer, bande de salopes. » C'était écrit, selon Netflix.

Pendant ce temps, dans le brouhaha des réseaux.

— Jeffrey&Stn : Les sondages parlent d’eux même, Batman, vous êtes fasciste !

— Megane : Signez la pétition ! #JeSuisBatman.

— Jellybean : La preuve qu’internet se souviens de tout ! J’ai retrouvé momovici.jpg !!

— FoxMulder : Ne cliquez pas ! Ne cliquez paaas !!

— PlayerOne : il se passe koi quand on clic ?