Comme une panthère en chasse, elle virevolte sur les toits de son quartier. Présence féline. Langoureuse brune, toute de cuir moulée dans une combinaison que la neige emperle. Elle est leste. Elle est légère. Ses hautes cuissardes à talons, lui donnent la foulée d'une danseuse, alors que gracieuse elle se joue des vertiges. A ses pieds Gotham vibre. Flamboie. Reflets mordorés des néons de Chinatown qui se reflètent sur la neige. Elle aime la nuit. Elle aime le froid. Cette impression de n'être qu'une ombre qui passe de gouffres en ruelles, à plusieurs dizaines de mètres au dessus des têtes des passants.
Talia. Fille du démon. Amante malheureuse du Batman. De leur union brève mais passionnée naîtra un enfant. Un garçon. Damian. C'est à lui qu'elle pense ce soir, alors que d'une arabesque élancée, elle franchit un vide au fond duquel hululent des voitures de police. Son fils. La chair de sa chair. Des mois qu'elle ne l'a pas vu. Des années peut être. Le temps est une donnée si relative lorsque l'usage d'un puits de Lazare vous rend immortelle. Mais elle ne l'a pas oublié. Toujours il hante ses rêves, comme un fantôme lové au creux de ses entrailles. Là où jadis, petit fœtus, simple amalgame des gênes mêlés des Ghul et des Wayne, elle le sentait s'agiter et rêvait à un autre destin pour leur famille.
Elle coure. Les hauts talons de ses cuissardes cliquettent sur les tuiles d'une pagode. Et puis elle s'élance encore pour se réceptionner d'une roulade sans bruit. La nuit lui appartient. Elle est l'ombre. Elle est l'éclair noir. Quelques semaines à peine qu'elle est de retour à Gotham et déjà le chemin de ses ambitions s'est pavé d'une flopée de cadavres. Des corps tranchés. Des corps décapités. Là où Talia passe le silence se fait et du sang givre dans les caniveaux. Dans l'underground criminel de la ville on recommence à murmurer son titre. Aux bavardages de ses ennemis elle est Succube, Assassine, Panthère affamée. Et cette réputation qui se répète de bouges en ruelles crasseuse lui va bien. La fille du démon. Qui d'autre ? Son arme est la peur. Et sa beauté un arrogant étendard qu'elle agite au visage de ses proies avant de les pourfendre.
Damian. Son fils est dans les parages. Elle le sent. Le ressent même. Comme une mère a un compas magnétique vissé au cœur pour retrouver sa progéniture. Et c'est vers lui qu'elle va. Le sang appelle le sang. Il lui manque. Il lui a manqué. Et même lorsqu'elle était loin, même lorsqu'elle était à l'étranger elle a fait passer le message à ses sbires d'éviter de s'en prendre au jeune Robin de Batman. Non. Elle veut être la seule à pouvoir le châtier. La seule à le remettre dans le droit chemin. Ne l'a t'elle pas porté dans son ventre qui s'arrondissait pendant neuf mois ? Ne l'a t'elle pas allaité à même cette poitrine qui gonfle sa combinaison. Elle l'a formé. Elle l'a entraîné. Surtout elle l'a forgé aux aptitudes martiales de la ligue des ombres. Elle en a fait un enfant soldat dont aujourd'hui encore elle tire fierté à entendre parler des secrets exploits.
Mais il a encore beaucoup à apprendre. Imprudence que de régler son compte à un assassin, alors que dans son dos, juchée au sommet d'un immeuble Talia l'observe. Elle est immobile. Presque invisible. Juste ses yeux verts et perçants qui comme ceux d'une chatte trouent la nuit et épient le jeune homme. Le vent souffle. Quelques flocons dansent. Légère et luxueuse, la chevelure noire de la guerrière flotte autour de ses traits aigus. Et puis lorsque Damian a fini son œuvre, elle se laisse tomber. C'est souple. C'est animal. De la voir ainsi chuter du haut d'un bâtiment, pour se réceptionner en silence sur le bitume froid. Elle n'a pas fait plus de bruit qu'une plume en touchant sol. A croire qu'elle est plus ombre que femme.
« -Je suis là chaton. Je suis toujours là. »
Arrogante Talia. Avec son postérieur bombé moulé par sa combinaison alots qu'elle rapproche du garçon encapé. Pas besoin de le démasquer pour le reconnaître. Elle a pour lui ce sourire narquois. Cette moquerie légère. Alors que d'un geste agressif, elle dégaine ce long katana sanglé dans son dos et décapite l'assassin que Damian tenait à sa merci. Façon comme une autre de dire « bonjour trésor, tu m'avais manqué ». Il a changé son fils. Mais pas tant que ça. En lui elle retrouve cette fureur, cette colère impétueuse. Et cela lui plait. Il Elle se font face dans la ruelle, alors que au sol le corps sans tête de l'assassin dévide son sang. Belle comme une vipère sa mère. Toute en ondulation paresseuse de hanches et foulées allongées de ses hautes bottes. Le prendre dans ses bras. L'étreindre et retrouver son odeur ? Leur unité ? Ou plus simplement le chatier parce qu'il a choisi le mauvais camps. Elle ne saurait dire. En elle les deux impulsions se disputent et pendant ce temps la neige continue à choir en emperlant sa chevelure sombre et satinée.
« -Ton père sait que tu fais le mur la nuit, pour courir les rues ? Vilain garnement ! »