Pourquoi y allait-elle ? Elle comprenait amplement sa condition, elle savait à quoi s'attendre. Ce n'était pas de soins dont elle avait besoin, mais d'un laboratoire. De matériel. D'étudier son ADN, d'expérimenter sur elle. D'avoir le fin mot de ce qui fut utilisé sur elle en priant que ce soit même possible. Elle savait que la quantité de toxine qu'elle ingérait faisait d'elle un danger pour les gens autour d'elle, elle savait qu'elle ne pourrait jamais assainir son corps de cette impureté. Que personne ne pourrait jamais le faire. Et pourtant elle y allait à cette clinique.
Elle y allait à cet endroit plein à craquer de pauvres et nécessiteux. Elle n'avait pas son masque sur son visage, dans un sac à dos. Un sac dans lequel se trouvait également un dossier médical, le sien, ainsi que ses notes de recherches. Et le masque. Le fameux masque, sans lequel elle se sentait... Humaine ? C'était la nuit, elle passait d'ombres en ombres pour éviter les Tygers et autres forces de l'ordre, elle usait de son corps pour se hisser dans les hauteurs comme elle le faisait lors de ses balades nocturnes. Pourtant, elle se sentait humaine. Parce qu'elle sentait le vent glacial de l'hiver frapper son visage, caressant ses veines bleus clairement visible.
Oui. Elle était humaine juste pour ça. Ce n'était qu'un vulgaire détail, mais le froid mordant sa peau la faisait se sentir humaine. Même si ses bonds étaient inhumains. Trois mètres sans élan. Elle n'avait pas encore compté sans. Probablement beaucoup trop... Mais elle se sentait humaine. Elle se sentait encore un peu Amelia malgré qu'on l'ait transformé en monstre. Que sa vu s'adaptait chaque nuit un peu plus à la pénombre. Que ses mains étaient meurtrière. Que la mort n'était qu'une fatigue passagère. Mais elle laisserait le Docteur Thompkins en juger, elle l'examinerait après tout. Et ses précautions furent minutieuses, pas de combats inutiles et ses vêtements étaient les moins entaché par les toxines du manoir.
Elle ferma un instant les yeux. Elle y était finalement revenue. Elle avait juste déplacé son lieu de vie pour faire de la cave un laboratoire à part entière. Petit à petit, elle redonnait à chaque pièces ses fonctions d'origines, mais elle n'avait pas retiré les pièges. La Cour savait où elle pouvait se cacher et sa nostalgie l'empêchait de prendre des mesures de sécurité logiques. Elle le savait. Mais elle ne faisait rien contre. Sa fragilité dans le manoir la faisait se sentir un peu plus humaine encore. Être faillible la faisait se sentir humaine et elle avait besoin de ça pour ne pas finir folle. Ou pire, dépendante de son masque.
Elle finissait par voir la clinique. Des gens y faisaient la queue, des gardes de fortunes protégeaient les alentours, et une odeur de misère se faisait sentir. Perdus, sans espoirs, des poupées cherchant un refuge quelconque. Juste un petit coin où se sentir en sécurité. Elle hésita. Était-ce vraiment le moment d'importuner cette Leslie ? Elle risquerait de l'envoyer voir ailleurs avec toute cette foule de misérables, être comprendrait. Plus ou moins. Elle se frotta les yeux. Que faire ? Marche arrière ou avant ? Que ferait Gabrielle ?
"Penses à ta santé bordel ! Ça me fait peur quand tu fais pas gaffe..."
Sa santé... Gabrielle s'en inquiétait souvent. Elle passerait pas par l'entrée principale. Elle passerait par le toit, comme à sa nouvelle habitude. Gabrielle lui dirait sûrement qu'elle n'a plus aucune raison de l'appeler une délinquante avec toutes les infractions qu'elle faisait. Elle mit une main au niveau de son cœur. Ce n'était pas le moment de penser à elle. Elle devait resté concentrée, ne pas se laissait emporter par la douleur de son absence. Ignorer les larmes qui coulaient le long de sa joue et atteindre l'intérieur de cette clinique.
Bien rapidement, elle rentra dans le bâtiment et fut prise d'un constat frappant. L'endroit était plein à craquer, une marée humaine menaçant de se déverser dans la rue. Des blessés, des malades, des enfants perdus, des parents cherchant du réconfort face au destin de leur progéniture. Elle pouvait se souvenir de la réaction de Gabrielle quand elle voulait lui faire une surprise à l'hôpital où elle travaillait. Le malaise, l'envie de courir loin et de ne jamais revenir. La seule raison pour laquelle elle avait réussi à rester était des enfants qu'elle voulait réconforter. Leur faire oublier l'angoisse d'un endroit pareil. Est-ce qu'elle ferait la même chose si elle était à ses côtés ? Sûrement.
Elle cherchait, mais elle se rendait compte que le personnel était sûrement plus qu'occupé. Personnel ? Plutôt des bénévoles. Elle devait voir au niveau des patients. Mais par lesquels commencer ? Elle erra un moment, incertaine. Sans son masque, elle ressemblait à une civile comme une autre, une adolescente propre sur elle mais à l'aspect horriblement juvénile. Elle détestait ça. Mais elle devait faire avec. C'est alors qu'elle le vit. Un enfant à l'air paniqué, tremblotant. Elle reconnaissait les symptômes, une attaque de panique qui menaçait le système nerveux. Un enfant ayant des compulsions de différents muscles.
Elle s'approcha de lui, se mettant à genoux. Elle enleva ce qui avait attiré son attention, la paire de lunettes. Ses pupilles étaient rétractées au point de ne montrer que deux petits points noirs dans un bleu ciel infini. Oui, il devait être tenu tranquille. Elle sortie de sa poche la belladone afin de détendre son système nerveux. Deux baies suffiraient amplement. Pas de parents près de l'enfant, jeune enfant de huit ans sûrement. Elle plaça en face de lui sa main, dont elle leva deux doigts.
"Combien de doigts ?
_...Deux..."
Elle hocha la tête, levant quatre doigts. Un seul. Trois. Deux, quatre, trois, cinq... Ainsi de suite, jusqu'à ce que l'exercice lui fasse oublier ce qui l'avait paniqué. Il l'a regardait avec un air un peu confus. Normalement ce sont les médecins qui faisaient ça. Elle l'était. Mais elle n'en n'avait plus l'allure. Elle pouvait entendre la voix de Gabrielle dans le fond de son esprit dire qu'elle ferait une super bonne mère. Elle ne le serait pas.
"Tu es sensé prendre quoi comme médicament ?
_ Je sais pas, c'est maman qui me donne..."
Problématique. Elle prit doucement l'enfant dans ses bras, veillant à ne pas le briser avec sa force. Il avait besoin de médicaments pour sa condition qu'elle ignorait, et elle doutait que le paquet dans ses bras le sache lui-même. Elle avait besoin de quelqu'un qui pouvait faire ce qu'elle ne pouvait pas pour l'instant, empêcher la crise de frapper de nouveau. La belladone ne ferait pas éternellement effet et elle savait que la toxine pouvait être mortelle si elle donnait plus. Elle regarda le jeune garçon, ce dernier commençant à toucher ses veines.
"Il est arrivé quoi à ton visage ? Et pourquoi t'as les lèvres toutes bleus ? Et les yeux rouges avec du noir tout autour ?"
Les enfants et les sujets qui fâchent...
"Je suis un peu malade mais rien de grave. Dis-moi, quelqu'un d'autre te donne tes médicaments ?
_ Oui, le docteur Leslie. On peut la voir, comme ça tu seras plus malade."
Innocent. Si innocent. Comment Gabrielle pouvait dire qu'elle serait une bonne mère alors qu'elle avait donné du poison à un enfant à qui elle mentait sciemment ? Et qu'elle s'apprêtait à utiliser pour atteindre un objectif personnel ? Elle hocha doucement la tête, murmurant que ce serait une bonne idée. Elle le laissa lui indiquer où aller, passant entre les âmes perdues. Elle observa l'enfant jouer avec ses lunettes. Ce qui l'avait attiré à lui. Les mêmes que celles offertes à Gabrielle... Pas à la même taille, mais toujours le même modèle. Il ne levait pas la tête, regardant où elle allait et la dirigeant. Elle arriva finalement dans la pièce où se trouvait une femme aux cheveux blancs et aux yeux noirs, avec une paire de lunettes de vu. Elle se racla la gorge pour attirer son attention.
"Oui ?
_ Ce jeune garçon vient de faire une crise, il aurait besoin de ses calmants habituels."
La femme se tourna vers elle, observant le garçon avec attention. Le garçon qui la regardait, ses pupilles dilatées par la belladone. Il était également sûrement en train de se sentir plus... A l'ouest. Le docteur fronça les sourcils avant de la regarder avec plus d'attention. Son visage se figea rapidement dans une expression d'effroi à sa vue.
"Mon dieu... Hum, poses ce garçon ici, je vais l'examiner. Tu lui as donné quelque chose ?
_ Belladone, deux baies afin de couper temporairement ses connexions nerveuses erratiques. Rien qui pourrait lui faire du mal mais je préfère le savoir avec quelque chose de plus conventionnel."
Elle le sentait. Le regard. Celui qui jugeait ce qu'elle venait de faire à un enfant. User de toxines sur lui, au risque de provoquer une réaction fatale à ce petit corps fragile. Mais aucun commentaire ne venait à ses oreilles, juste un soupire. C'était pour le mieux. Elle laissa le docteur prendre l'enfant en charge, lui remettre ce dont il avait besoin avant qu'il ne s'endorme de la fatigue. Ce n'était plus qu'elle et le médecin. Le docteur Leslie ne lui demanda pas son accord pour l'examiner immédiatement, prenant son visage en main.
"Qu'est-ce qu'il t'est arrivé mon choux...
_ Injection d'une toxine inconnue dans mon organisme qui a provoqué des mutations. J'ai besoin d'en connaître l'étendue et de les guérir."
Le docteur cligna des yeux, la regardant comme si elle cherchait la plaisanterie. Quand elle ouvrit son sac et lui tendit son dossier médical ainsi que ses notes de recherches, elle savait que ce n'était pas une blague. Elle entendit un soupire venant de la femme plus âgée.
"C'est lui qui t'envoie, n'est-ce pas ? Il envoie encore un adolescent qu'il va entraîner dans sa vengeance...
_ Oui, il m'envoie. Et si cela peut vous rassurer, je suis âgée de 29 ans."
Le docteur étudia son dossier sans un mot de plus, ne pouvant cacher sa surprise sur son âge. Étudiant les différents problèmes de santé qu'elle aurait pu avoir avant d'étudier ses notes d'expérimentations. Elle pâlit, la regardant avec un œil sévère.
"Et si ton bras n'avait pas repoussé ?
_ J'aurais prit note."
Le docteur ne cacha pas son énervement mais ne disait rien. Elle commença alors à étudier ses veines. Ses lèvres. Ses yeux... Son regard se fit moins dur en voyant ses yeux.
"Tu as pleuré, n'est-ce pas ?"
Elle détourna le regard, le squelette en plastique se révélant très intéressant.
"Pouvez-vous continuer votre examen ? Je préfère que ce soit finit au plus vite."
L'examen continua dans un silence relatif. Parfois le docteur poserait des questions, et elle répondrait avec un précision médical. Elle ne répondait pas aux questions plus privée. Pourquoi pleurais-tu ? Quel est ton nom au fait ? Comment connais-tu aussi bien les termes médicaux ? La réponse était toujours la même. Plus d'importance. Puis elle ouvrit sa chemise pour examiner son torse, voulant en voir l'état. Et elle vit la cicatrice. Le Y. Elle la regarda dans les yeux.
"Pas important je suppose ?
_... Je suis sensée être décédée d'un empoisonnement. Je suppose que je suis cliniquement morte."
Un autre soupire. Un autre regard vers le squelette en plastique. Le reste de l'examen se fit en silence. Le docteur soupira, la regardant une fois que ce fut achevé. Elle semblait... Réprobatrice. Peu heureuse de ce qu'elle avait vu.
"Quels sont tes habitudes alimentaires ?
_ Irrégulières. Je mixe les aliments ensembles puis je bois le tout.
_ Combien de fois par jour ?"
Elle resta silencieuse.
"Tu dois manger du consistant. Pas de la bouillie. Reprendre des habitudes alimentaires normales, manger trois fois par jour. Je suis claire ?"
Elle se contenta de hocher la tête.
"Et ça vaut aussi pour l'eau."
Elle regarda encore une fois ailleurs. Le médecin se contenta de soupirer encore une fois.
"Tu as besoin de meilleurs habitudes alimentaires. Tu es bien trop maigre, et presque déshydratée. Et tu dois aussi arrêter ces expériences. Elles... Elles... C'est juste de l'automutilation.
_ C'est mon seul moyen de voir les limites de mon corps et comprendre les mutations.
_ Sauf que de ce que je lis ça prend une grande partie de ton énergie de te régénérer. Et tu n'as pas les bonnes habitudes alimentaires pour te permettre de perdre tes forces avec ça."
Elle se tut. Une voix dans sa tête le lui disait. Elle avait raison. C'était à elle de soupirer maintenant, regardant le sol.
"Je ralentirais le rythme des expériences.
_ Bien. J'en parlerais à tu-sais-qui, afin qu'il prenne en compte ton état de santé. Si j'y arrive...
_ Faites une lettre, je la lui donnerais. Nous risquons de nous revoir sous peu..."
Le docteur hocha la tête, la remerciant silencieusement.
"Tu as besoin d'un endroit où dormir ?
_ Non. J'ai déjà ce qu'il faut. De plus... Vous semblez surchargé..."
Elle regarda l'enfant. Elle pourrait le prendre avec elle... Non. Ce serait trop dangereux pour lui. Mais elle pourrait ramener des médicaments. Oui. C'est ce qu'elle allait faire dans cette longue thérapie...