Sujet: Simple memories : It was a day like any other... Sam 15 Sep 2018 - 13:29
Simple memories : It was a day like any other...
C'est le jour... ? Joyeux anniversaire, ma chérie. Alice, ouvre les yeux ! Que vois-tu ?
20h15 du 21 Avril 1965, Graz. Les klaxons et le brouhaha des grandes avenues grazoises te sortirent de ta torpeur. Silencieusement, tu as frotté un de tes yeux, t'installant correctement sur la banquette arrière de la voiture. Ton mentor était à côté de toi, accoudé sur le repose-bras de sa portière : il t'observait, l'air sévère, les sourcils légèrement froncés – comme d'habitude. Son regard te rendait mal à l'aise. Aujourd'hui, c'était ton anniversaire mais, comme nombreuses années auparavant, tu n'avais eu droit à aucun cadeau. Pas de baiser ou d'étreinte. Pas un Joyeux anniversaire ni des ballons ou autres. Rien. Tu avais du travail, hélas, ou, du moins, ton père t'avait prévu quelque chose : il fallait que tu chantes encore à l'Opéra. Il voulait que tu interprètes sa nouvelle création : Riccordando il passato, un requiem.
Vous aviez un peu de retard parce que vous aviez trouvé des bouchons sur la route, causés par un accident de circulation. Cette limousine blanche aux vitres aussi noires qu'il en était possible attirait l'attention des passants qui la regardaient, ahuris. Il faisait encore jour et, par chance, aucun rayon de soleil ne daignait de pénétrer dans la voiture.
— Nous y sommes presque, monsieur. Plus que quelques minutes. fit votre chauffeur, regardant par le rétroviseur.
Tu étais plus pâle que d'habitude et tu avais des nausées : tes médicaments t'avaient bousillé l'estomac puisque tu les avais pris sans avoir ingéré rien d'autre que de l'eau. En effet, tu n'avais rien mangé depuis la veille puisque tu ne parlais pas à ton mentor : tu lui faisais la tête car il avait voulu t'obliger à chanter pour un de ses partenaires d'affaires et son fils – qui avait le béguin pour toi depuis la première fois qu'il t'a vue au théâtre. Tu l'avais ignoré, saluant uniquement ces inconnus qui étaient entrés chez toi avant de partir dans ta chambre : tu as refusé de chanter, mettant ton père adoptif dans l'embarras. Lorsqu'ils partirent, il te cria dessus pendant une bonne heure avant d'aller s'enfermer dans son atelier pour réviser le livret de son œuvre la plus récente.
— Vous allez bien, mademoiselle ? te demanda le chauffeur, reprenant la route dès que les feux de signalisation le lui permirent.
Nonobstant, tu n'as pas répondu, regardant ton mentor du coin de l’œil : tu demeurais inexpressive, seulement ton regard trahissait le mécontentement et la tristesse que tu éprouvais à cet instant. Indiscrètement, tu as détourné le regard, posant ta tête contre la vitre. Tu regardais dehors, réfléchissant à ce que tu venais de rêver. Il n'était pas rare que feu ta mère apparaisse dans tes songes. Elle était la seule à pouvoir chasser tes cauchemars, la seule à te montrer ô combien tu pouvais être importante pour elle – même si elle n'était plus. Tu comptais plus pour les morts que pour les vivants. Après tout, tu en étais plus proche, n'est-ce pas ? Les humains ne voyaient en toi qu'une belle jeune femme, une sirène, un ange piégé sur Terre. Ils ne te connaissaient pas et ce qu'ils savaient à ton égard n'étaient que quelques informations irrelevantes que ton père avait fourni lors des interviews. Tes interviews ? Non, du tout. Ton mentor s'en occupait. Tu ne te montrais jamais dans les médias et les quelques photos de toi qui circulaient avaient été prises sans ta permission - ni celle de ton père. Tes jours étaient comptés et tu ne pensais avoir laissé qu'une trace éphémère dans ce monde. Un léger sourire auto-dérisoire fendit tes lèvres, provoquant un haussement de sourcils chez ton mentor.
— Qu'est-ce que je ne vois pas, plutôt ? Un avenir. pensais-tu, répondant rhétoriquement à la question que ta mère t'avait posé dans ton rêve.
Poussant un long soupir, tu as passé une main sur ton visage. Tu voulais arriver vite à l'Opéra pour en sortir le plus tôt possible mais, tu savais qu'il y avait un repas après la séance. Avec un peu de chance, tu pourras t’éclipser quelques instants et grignoter des gâteaux au buffet. Tu n'avais pas envie de te mêler à l’élite autrichienne parce que, même si tout le monde disait t'adorer et t'admirer, c'était loin d'être le cas - tu le ressentais. Ils enviaient ton talent, ils enviaient ta voix, ta beauté et voudraient être à ta place : tu ne t'étais pas encore habituée au show-business, tu ne te sentais pas à ta place.