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 La Danse du Bambou [Libre]

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AuteurMessage
Yakuza
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Tian Hong
Tian Hong
MessageSujet: La Danse du Bambou [Libre]   La Danse du Bambou [Libre] EmptyMar 1 Fév 2022 - 21:56

« Excuse moi, je te jure c'est la première fois que ça me fait ça. T'en fait pas, on reprends vite. »

La main sur son flanc droit, Tian grimaça un peu en tâtant à travers le bandage lui enserrant la cage thoracique. Le souffle légèrement coupé, il pouvait sentir la douleur, ou plutôt son absence. Il y avait bien un petit quelque chose, comme une gène, un sentiment désagréable, peut-être une impression nauséeuse, mais non, ça ne lui faisait pas mal.

Incrédule, l'homme sur lequel il s'appuyait le fixait d'un regard terrifié. Sa respiration était terriblement rapide, le taïwanais, en laissant sa main glisser de son épaule vers la base de son cou, se mis à compter tout en regardant la vieille horloge au mur. Dix-neuf heures et trente-sept minutes, le temps filait à toute vitesse, mais pas autant que le rythme cardiaque du type attaché sur la chaise.


« Tu es en train de redescendre, c'est pas bon ça. On va en remettre une dose. Ensuite on verra si tu es décidé à me gâcher mon nouvel an ou si on va finir par s'entendre. »

Un sourire sadique orna le visage du gangster. Se redressant, il garda sa main gauche sur son flanc droit et, d'un geste vif, heurta la chaise en bois avec sa belle chaussure vernie. L'homme tenta de se casser la voix mais rien qu'un son étouffé parvint à l'air libre à travers le chiffon qui lui remplissait la bouche. Fort heureusement, soucieux de préserver un tel organe, le bourreau envoya son poing percuter sa poitrine pour lui couper momentanément le souffle, pas assez fort pour qu'il s'étouffe dans son bâillon, assez pour lui briser son envie d'être incapable de parler le moment venu.

D'un pas on ne peut plus calme, Tian s'éloigna mais ne quitta pas sa victime des yeux. La respiration n'était pas juste rapide, elle était bruyante. Il les voyait, les narines, dilatées, et les bords qui s'écartaient puis se rétractaient à toute vitesse. Les gouttes de sueur qui coulaient de son menton, droit sur les électrodes, comme si il ne conduisait pas déjà assez.

Approchant son pied de la pédale, il ne fut stoppé dans son geste que par une alerte sur son téléphone. Le geste en suspend, le pied reposant sur le talon, il sorti l'objet de sa distraction et l'activa pour voir le message qui lui avait été envoyé.


« Merde alors. -20% sur tous les Bat-burgers ?! »

Feignant la surprise avec un certain talent, le Gùn ne fit durer le silence de l'incrédulité rien que quelques secondes, souriant finalement pour terminer sa petite farce en retournant son téléphone face à sa victime.

« J'déconne ! C'est ta femme ! »




Lee fronça les sourcils. Machinalement, il tourna le poignet dans un sens, puis dans l'autre, puis encore un tour, et un dernier avant de grommeler dans son mandarin natal et rattraper les deux minutes de retard que sa vieille montre avait prise par rapport à son portable, dix-neuf heures quarante, pile.

Ceci fait, il reporta son attention sur l'écran du téléphone et vit le timer s'égrener et la photo prise il y a seulement 45 secondes disparaître, et avec elle, la preuve de ce qu'il était en train de faire.

Au sol, la victime, profondément sédatée, respirait avec douceur, paisible et inconsciente du pétrin dans lequel elle était, après tout, tout ce qu'elle avait sentie était la piqure de la fléchette tranquillisante. La chute lui laisserait sans doute quelques bleus, faute de réflexes protecteurs, elle s'était étalée lourdement sur son parquet.

Rengainant le pistolet à air comprimé et rangeant son mobile, le tueur s'approcha de la belle américaine et, avec une douceur et une minutie digne d'un chirurgien, ôta la fléchette de son cou, masquant ensuite la blessure avec un banal pansement couleur chair. Alors, seulement, il commença à la manipuler, la retourner et la hisser sur son dos avec fluidité et professionnalisme.

A pas assuré, Lee quitta l'appartement de sa victime, enjambant un premier corps, sans vie cette fois, en passant le perron. Au milieu du couloir, un détail attira son attention. Si l'ascenseur bloqué par une chaussure continuait bien de tenter de se refermer avant de se rouvrir, le flaque de gerbe sur la moquette du couloir, c'était nouveau.

Manœuvrant adroitement pour libérer sa main droite sans risquer de faire tomber sa charge, le tueur à gages ressorti son pistolet, se tenant prêt à braquer et tirer tout en progressant. En se rapprochant, le nez retroussé, le gangster se demanda quel idiot au cœur fragile pouvait bien venir trainer à cet étage. La réponse, il ne l'aurait hélas jamais. En revanche, en rentrant dans la cabine d'ascenseur, la puissante odeur fécale lui tira un soupire tel qu'il attendit juste trois secondes avant de repousser la chaussure du chemin de la porte.

Sous la trappe de service ouverte, un asiatique, la tête bleue, les yeux bouffis, une chaussure manquante et le pantalon dégoulinant de ce qui n'avait put être retenu pendait par un fil de kevlar tressé enroulé autour de son cou, dans la cabine à proprement parler, il n'y avait qu'un fauteuil roulant des plus banal.

Faisant fi de l'odeur, le professionnel appuya le canon de son arme sur le bouton du rez de chaussée, ne le rengainant qu'une fois l'engin en mouvement. A cet instant, il déposa la femme dans le piètre mais discret moyen de locomotion, faisant preuve d'une immodérée douceur à son égard, ou d'une grande minutie pour feindre l'endormissement et la femme, et non sa pure et simple inconscience.

Les bras et le dos enfin libérés, le tueur ne tarda pas à remettre ses lunettes de soleil et réajuster sa tenue, à temps pour pousser le fauteuil lorsque les portes de rouvrirent. Impassible, le tueur traversa le petit hall d'immeuble sans accorder le moindre regards aux silhouettes autour de lui, jusqu'à ce qu'un bruit n'attire son attention.

Un gargouillis, comme l'écume d'une eau bouillante en train de déborder du couvercle de sa casserole. Arrêtant le fauteuil, Lee ôta ses lunettes et regarda de tous côtés avec incrédulité. Il lui fallut une bonne minute pour se diriger vers l'origine du bruit. Tirant un poignard depuis un fourreau à sa ceinture, il se pencha et l'enfonça sans grande résistance dans la chair encore chaude, le gardant là jusqu'à ce que le silence soit revenu.

La mine satisfaite, la lame fut essuyée sur le costume du cadavre frais avant de retourner à sa place. Le pas un peu hésitant, Lee continua de guetter les autres cadavres dispersés dans la hall tout en retournant à son enlèvement. Néanmoins, les lunettes finirent par retrouver son nez fin et la victime l'air frais.

Au dehors, la rue totalement vide lui permis sans peine de rejoindre un van garé une centaine de mètres plus loin et y charger son inconsciente passagère comme si il s'était s'agit d'une handicapé. Il pris finalement le volant pour quitter les lieux et jeta un œil à l'horloge du tableau de bord. Dix-neuf heures quarante quatre.





« Encore un bon quart d'heure. Tu veux une clope ?

La sienne déjà coincée entre ses lèvres, Tchang essuya le refus polis de son athlète acolyte d'un poli geste de main. Ce dernier, les mains dans les poches de son pantalon à deux cents dollars, se pencha pour mettre les yeux dans une paire de jumelles sur trépied.

- J'essaye d'arrêter. Les femmes ont vraiment un problème avec l'odeur, et pas moyen de la masquer.

Un ricanement se fit entendre, suivi d'un puissant claquement métallique. Sans quitter les binoculaires, Tao esquissa un sourire, sachant à l'avance ce que son beauf de collègue allait lui dire :

- Si tu savais te contenter des jolies poulettes de chez nous, tu n'aurais pas ce problème. Fais moi confiance, ces pétasses américaines ne te causeront que du soucis. Si tu veux un peu d'exotisme, fais comme Ken, va te tirer une nippone.

Vérifiant pour la septième fois son vieux Dragunov, le junkie ne manqua pourtant pas l'occasion de se laisser distraire par la philosophie de son compère qui avait enfin délaissé les jumelles pour juste se tenir là, tout près, et observer leur petit stock de lance-roquette.

- Tu es trop renfermé côté femme, tu te rassures avec le genre de femmes dont tu sais déjà tout. Alors je ne dis pas, c'est toujours sympa d'être en terrain connu, savoir ce qu'elle veut, comment elle le veut, où elle le veut, mais ce sera dur de feindre la passion. C'est ça que j'aime, c'est pour ça que je ne participe pas aux compétitions ici. C'est trop mécanique, trop stratégique. Tu vois ? Trop... »

Mimant un geste obscène accompli effectivement assez mécaniquement, les deux hommes se firent doucement rire. Se reprenant rapidement, l'expert martial pris le téléphone mobile sur la table devant lui et pianota dessus tout en reprenant la parole.

« Tu as quoi de prévu pour cette nuit ? Vu que le Triangle est fermé, j'ai pas envie de passer la soirée entre saucisses à picoler en jouant, mais j'ai pas envie d'aller draguer tout seul en boite non plus.

Tapant la cendre de sa clope au dessus du sol, le gangster pris une mine pensive et reposa son arme sur la table. Il eut le temps de tirer encore deux autres bouffées avant de répondre, indécis :

- Franchement, je n'y avais pas trop pensé. Tu sais ce qu'on dit, c'est juste un jour comme un autre. Je pense que j'aurais bien fait une tournée des bars de Little Tokyo, donc ouais, pourquoi pas ?

Echangeant un sourire avec Tao, les deux hommes acquiescèrent comme pour sceller leur accord. Retrouvant ensuite un peu de sérieux. Cessant de pianoter sur son portable, le gangster plissa les yeux pour lire les réponses qu'il obtenait.

- Explosifs prêt, l'équipe en bas se tiens prête au signal. La camionnette a vu passer deux voitures de bleus dans le coin mais ils allaient vers le départ de la parade donc... ça va bientôt être à nous. »

Le mobile se glissa dans la poche de l'athlète pour être remplacé par un M72 très américain entre ses mains musclées pendant que la sangle d'un autre venait trouver son épaule. Tchang, lui, ramassa son fusil de précision et une petite caisse de métal remplie de chargeur approvisionnés.

Ensemble, ils se postèrent alors de part et d'autres des jumelles sur trépied et jetèrent un œil par la fenêtre, en contrebas, un banal garage automobile, quelques loubards bridés et un putain de rideau d'acier blindé qu'ils allaient percer à l'arme anti-char.

Bien installés, prêt à ouvrir les fenêtres pour faire tomber l'enfer sur ces pauvres amateurs, Tao senti son portable vibrer dans sa poche et le sorti. Un nouveau sourire éclaira son beau visage de jeune trentenaire, le mobile retourna à sa place et son propriétaire se pencha vers son collègue, lâchant :


« 16 Février 2018, dix-neuf heures cinquante-deux, Bô a accepté de sortir s'aérer l'esprit pour la première fois de sa vie. Tu crois qu'on arrivera à embarquer le patron ? »




Baillant aux corneilles, le colosse bridé rangea son vieux téléphone dans la poche intérieure de sa veste. Debout au milieu de son entrepôt, il était l'œil du cyclone, indifférent à l'armée de gros bras qui allaient et venaient, prenaient armes, munitions, véhicules, se préparaient à lancer l'assaut.

Se décidant finalement à rompre son isolement, le bras droit du Gùn se dirigea d'un pas raide vers ses lieutenants, en grande conversation autour d'une carte du quartier. Ne l'ayant ni entendu ni vu approcher, le boss attrapa la pétoire servant de presse-papier à l'Est et fit se réenrouler le papier et taire tous les officiers.


« Cessez de tergiverser. Tenez vous en au plan ! »

Plaquant l'arme sur la poitrine de son propriétaire, celui-ci la récupéra prestement avant de courber l'échine en se répandant en excuses, rapidement suivi par ses comparses. D'un grognement, leur patron les fit disperser auprès de leurs équipes qu'ils houspillèrent à leur tour avec toute l'autorité qui leur était délégué par celui qui venait de les remettre à leur place.

Celui-ci, s'assurant de son regard morose que les préparatifs étaient terminés, ou presque, vint  rejoindre ce qui semblait être le véhicule de tête du convoi, un Suburban à l'air flambant neuf, et pénétra à l'intérieur. Confortablement posé sur la banquette arrière, seul, deux hommes équipés d'AKM lui servait de garde arrière, installés dans le coffre et parés à ouvrir le haillon pour fumer tout poursuivant. A l'avant, si le pilote semblait désarmé, son compagnon place passager arborait un imposant Benelli M3T, crosse repliée et un MP5K en bandoulière en lieu et place de la ceinture de sécurité.

Avec flegme, Bô claqua des doigts puis tendit la main derrière lui pour se faire passer un fusil d'assaut, un HK G3, qu'il approvisionna à partir de l'un des chargeurs laissé opportunément sur la banquette. L'arme chargée et armée, le sous-boss jeta un œil à sa montre de luxe, dix-neuf heures cinquante cinq.





« Un marquage radioactif, je ne pensais pas les pak-pak aussi ingénieux. Heureusement, ce devrait être facile à débusquer avec les bons outils.

Se séchant vivement les mains, le Gùn jeta ensuite la serviette par terre et observa ses mimines tremblantes. Enfin, elles avaient retrouvées leurs pâleur, plus aucune trace de sang. Aussi, avec célérité, le gangster enfila la chemise puis la veste que lui présentaient ses lieutenants. Il se lança ensuite en direction de la sortie du bâtiment tout en attachant maladroitement les boutons.

Une fois posés dans la voiture de luxe qui les attendaient à l'extérieur, Tian parvint finalement à parfaire sa tenue, rentrer correctement sa chemise dans son futal, ajuster son col et même faire un brin de coiffure. Tout ça tout en continuant à discuter de l'interrogatoire bien musclés et des réponses obtenues, jusqu'à ce que, finalement, Sun ne pose la grande question.


- On ne va quand même pas prendre d'assaut un cargo, ça tuerait les contrats sur nos docks. Comment tu vas faire pour intercepter la marchandise ?

Le véhicule s'arrêta en douceur. Au dehors, une foule compacte se pressait sur les trottoirs alors que la route se trouvait barrées par un énorme char coloré or et sang, à moins que ce ne soit juste doré et rouge. La parade n'attendait plus que le signal de départ de son principal sponsor. Celui-ci, un fin sourire aux coins des lèvres, se contenta de dire :

- Je vais juste compter sur ma bonne étoile.

Puis, poussant Kento à sortir, le boss de Triade put finalement émerger du véhicule qui, une fois délesté de ses passagers, fit demi-tour afin de libérer la route. Une bonne partie de Chinatown s'était rassemblé là, tout le reste, ou presque, s'était dispersée sur la route prévue par la parade, une route opportunément éloignée de ses affaires et des sanglants évènements qu'il avait mijoté.

Presque en trottinant, le gangster s'approcha du char à tête de dragon et le contourna pour sauter adroitement d'étage en étage avant de prendre la pose, suscitant rire des plébéiens bridés et étonnement de la part des occidentaux venu se mêler à la liesse. Debout, au sommet, Tian porta le regard vers ses sbires restés à la base du véhicule et leur adressa un clin d’œil.

Le bras tendu vers un jeune homme en tenue traditionnelle, il se fit remettre un lance-fusée. Serrant l'arme entre ses doigts meurtris par les coups qu'il avait porté toute l'heure d'avant, son regard s'en alla sur la parade qui n'attendait que son signal. Cette nuit, ce quartier devenait son fief, privé de sa dernière opposition, le Bambou Uni allait ressouder les Triades de Gotham derrière un unique homme, un junkie assoiffé de sang et de gloire.

Vingt heures. Tian leva le bras vers le ciel et, sans hésitation, pressa la détente. La petite détonation provoqua subitement le silence dans la foule. Tous les yeux se rivèrent vers le ciel, tous les souffles furent retenus. Finalement, la fusée détonante, loin au dessus des petits immeubles avoisinant, éclata comme un coup de canon, immédiatement suivis par une vague de cris de joies.

Les "autres" cris, de l'autre côté du quartier, mettraient entre trente secondes et trois minutes à venir, mais ceux-là, fort peu de gens les entendraient.




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