Carmelia commençait doucement mais sûrement à sentir un sentiment de profond agacement l'envahir, pas parce que son nom avait été tiré au pif dans un dictionnaire (les rats n'accordaient pas une très grande importance à la manière dont ils étaient nommés ; et même si c'était le cas, elle s'y serait habituée durant les trois longs mois qu'avaient été sa vie), mais parce que cela devait bien faire un quart d'heure que la personne à qui appartenait l'épaule qu'elle montait, hésitait. C'était assez courant chez lui mais la plupart du temps ça prenait juste cinq minutes (principalement parce qu'au bout de cinq minutes, l'opportunité était manquée et qu'il n'y avait plus de choix à faire).
Cette hésitation était causée par le rassemblement d'égoutier qui s'était formé à quelque mètres d'eux et autour d'un vieil homme qui... sermonner ? Enfin, c'est à ça que ça ressemblait d'ici ; ils n'entendaient pas très bien ce qu'il disait, mais il avait l'air d'y mettre une sacrée énergie. Otis, c'était le nom du perchoir et accessoirement ami de Carmelia, n'était pas sûr de savoir si il devait les rejoindre ou rester en retrait.
D'un côté, il essayait, depuis une certaine rencontre dans les égouts, de se montrer plus sociable avec plus ou moins de succès : il avait trouvé un autre habitant pour son immeuble et il lui parlait... parfois 2 fois par semaine, et il discutait aussi avec ses collègues... enfin il essayait, le problème c'est que les fanfics sur le Magicien d'Oz, ça ne les intéressait pas vraiment, et aussi qu'ils avaient tendance à être légèrement gêné par le fait qu'il était constamment entouré de rongeurs. Mais quoi qu'il en soit participer à un événement de groupe était de tout évidence un plus dans son projet d'amélioration de sa sociabilité.
Mais de l'autre côté, il n'avait pas envie de provoquer un gène ou pire, peut-être qu'il n'était pas prêt, et si on le prenait à parti ? Qu'est qu'il dirait ? De plus, il n'appréciait de se trouver dans une foule humaine (avec les rats s'étaient une autre histoire) et le vieil homme ne lui inspirait pas confiance, même si il ne savait pas vraiment pourquoi.
Le rat perché émit un léger couinement, faisant tourner la tête d'Otis et rentrer un autre individu dans son champ de vision. Il observait également l'attroupement mais avec un air beaucoup plus blasé. Peut-être qu'il avait déjà vu le numéro de ce type.
Euh...Denis ?
Davis.
Pardon, Davis. Tu hm, tu le connais ?
Davis passa quelque seconde à le jauger du regard avant de répondre :
Tu devais passer plus de temps en ville Flamegan.
C'est Flannegan et tu pourrais juste répondre à la question, dit Otis en baissant les yeux, un peu honteux, s'il te plaît ?
C'est Blackfire, expliqua-t-il après un soupir.
Son interlocuteur se contenta de cligner des yeux en attendant la suite, il continua donc après un autre soupirement : C'est un prêtre qui veut lancer une révolution à Gotham par la prêche et la bouffe gratos.
Otis lâcha un ''Ooooooooooh'' qui signifiait à la fois ''Ah d'accord'' et ''Ah merde''. Il n'avait jamais été très croyant, c'est pas tellement qu'il ne pensait pas qu'un ou des dieu(x) puisse exister c'est juste qu'il n'en avait pas grand-chose à faire (et les rats encore plus). Cependant, ce n'était pas tellement ça qui le gênait, c'était plutôt qu'il n'avait que moyennement envie de traîner avec un fauteur de trouble reconnu.
Davis avait aussi entendu dire que le ''serviteur de l'Eternel" s'était pris une brique sur la tronche à cause d'Underwood, mais il ne l'écoutait que distraitement. Il avait de moins en moins envie d'y aller, mais les rats eux étaient devenu curieux de savoir ce que le prêcheur avait à dire ; évidemment la religion n'était qu'un tas de contes pour humains mal dans leur peau, mais ça pouvait quand même être intéressant.
Otis respira un grand coup comme si il allait passer les prochaines heures en apnée, il allait s'approcher juste pour voir, rester en marge et au premier truc un peu trop révolutionnaire hop, il se taille ; voilà, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? Il tacha de ne pas réfléchir à cette question, en déposant Carmélia par terre avec les autres murcidés et commença à s'avancer sans grande enthousiasme. Derrière, Davis avait haussé les épaules avant de le suivre.

"Le mal est partout, mes enfants. Le mal sévit tout autour de vous, personnifié par le seul et l'unique Batman."

Le petit groupe d'égoutiers qui s'était constitué autour du vieux prêtre semblait boire ses paroles. "Donne-moi tes pauvres, tes exténués, tes masses innombrables aspirant à vivre libres, le rebut de tes rivages surpeuplés. Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte. Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or", c'était par ces mots que le vieil homme s'était exprimé en préambule à son pamphlet, triste prophète amenant la lumière divine dans une ville brisée par les ténèbres de Gotham City. Ces pauvres gens étaient soit des travailleurs pauvres, soit des exclus vivant dans les égouts de Gotham City, soit de pauvres ères qui n'avaient plus rien dans la vie, sauf espérer une vindicte divine. Quand l'homme est acculé par la vie, quand tout lui tombe dessus, il se tourne toujours vers la religion, dans l'espoir que les choses s'améliorent pour lui. Bien évidemment, le salut ne vient que de l'Homme. Dieu n'écoute pas les prières et ne fait pas du cas par cas, mais parfois, se confier à Dieu fait toujours du bien. Et il fallait redonner le gout de vivre à ces gens, après tout, le salut de Gotham City passait par ses enfants. Le vieil homme jaugeait ceux qui l'entourait, d'un oeil vif et pourtant, expérimenté. Sa dernière tentative de rallier les foules s'était soldée par l'apparition de cette vieille rombière d'Amelia Underwood, elle qui venait pour semer la discorde et la colère dans les coeurs de ses ouailles. Cela avait mal fini, mais fort heureusement, Gotham City était assez grande pour écouter le message de Dieu.

"Tout ce que vous subissez, tout ce que vous connaissez, vous ne le devez qu'à un seul homme, le Chevalier Noir. Cette cité s'est détournée du Dieu éternel pour embrasser un veau d'or qui n'apporte que le péché dans vos âmes. Combien de morts le Batman a sur la conscience ? Combien de personnes a t'il rendu malheureuses ? Le crime de cette ville, c'est de sa faute. Si ce Satan cornu ne s'était pas montré, alors JAMAIS les criminels de Gotham City ne seraient là ! JAMAIS !"

Quelques applaudissements sincères, quelques invectives à l'encontre du Batman. Le vieux prêtre observait patiemment les gens qui le rejoignaient, qui l'écoutaient. Malgré la fatigue et la vieillesse, Blackfire n'avait pas perdu son acuité à bien repérer les gens dans son entourage. La vieillesse est un naufrage, mais que voulez-vous ... C'est notre lot commun à tous. Gotham City était là pour éprouver la foi des fidèles, et elle séparerait le bon grain de l'ivraie. Rien de tel que pour voir qui avait la foi et qui osait montrer sa fidélité à Dieu. Gotham City méritait une croisade, une lutte divine contre le mal. Observant avec attention les gens qui se portaient autour de lui, le vieux prêtre reprit alors d'une voix claironnante.

"Et que dire de ces gens qui vous méprisent ? Tous dans le même panier, à cautionner les actes du Batman, tel des disciples de la chauve-souris, tous suspendus à ses cornes ! EUX qui profitent d'un système pourri et corrompu ! Eux qui profitent de vos vies, qui vous plongent dans le marasme et dans leurs rites païens ! Vous qui subissez les confrontations entre les banquiers, les pourris et les policiers, vous ne pouvez plus supporter une telle situation ! Pourquoi devriez-vous sacrifier vos vies pour nourrir et entretenir ces monstres ? Ces ordures ? Ces corrompus de tout bord ? Cette ville est à vous, elle est vôtre, elle appartient à ceux qui se battent chaque jour pour survivre, et pour nourrir les enfants."

Gotham City et ses exclus, c'était une longue histoire. De l'East End, aux égouts de la ville, on pouvait compter les nombreux bidonvilles sauvages de l'administration Sharp et Strange. Wayne n'était qu'un parvenu, un monstre qui avait réussi à se faire élire uniquement parce qu'il était riche, rien de plus. On aurait très bien pût croire que c'était Anarky, le célèbre anarchiste de Gotham City qui s'exprimait. Quelque part, certaines idées étaient bonnes, mais Anarky souhaitait une anarchie pure et sans pensée derrière. Non, ce qu'il fallait, c'était que l'Homme, que Gotham City se remette à croire à nouveau en Dieu, qu'elle puise sa force dans la lumière divine, dans la crainte du Seigneur tout-puissant. Gotham City ne pourrait pas survivre sans croire en l'être céleste. Au loin, un homme en masque à gaz venait de paraitre. Un homme déguisé. Blackfire s'en méfiait, mais on était dans les égouts de la ville après tout, l'homme ne voulait sans doute pas risquer sa vie dans les tunnels sombres et parfois toxiques de cette cité tentaculaire. Tendant son doigt vers l'homme, le vieux prêtre l'observa de loin.

"Toi ... Avec le masque à gaz ... Approche ..."

Le vieux prêtre attendait de voir cet étrange homme qui camouflait son visage. Pourquoi ? Pourquoi se cacher alors que l'homme était le fils de Dieu, et que celui-ci avait fait l'homme à son image. Pas parfait, mais chaque homme, femme et enfant, avait un trait de Dieu en lui. Il fallait voir le bon côté de cette vie, même si les choses ne sont jamais plaisantes. Le silence était pesant, le silence était grave, et pourtant, tous les regards étaient portés sur le prêtre. Sur Joseph Blackfire, le seul et l'unique.

Bon, il allait être honnête deux secondes ; le fait qu'on puisse avoir envie de faire la révolution, il comprenait. Genre c'est Gotham, le système politique de la ville est corrompu à un tel degré que l'idée d'une amélioration par la voie légale, arrivait à être plus utopique que celle d'un changement par la barricade. Dent avait essayé, Gordon tentait encore ; et au vu des résultats, il ne pouvait en vouloir à personne d'avoir arrêté d'y croire. Surtout pas les autres égoutiers, ils avaient une durée de vie à peine plus longue que celle d'un homme de main pour un salaire moins élevé, et aux dernières nouvelles, l'organisation syndicale était inexistante (ils se mettaient en gréve si les égouts devenaient trop dangereux mais c'était à peu près tout)...
Personnellement, il préférait accepter le statu quo parce que... parce qu'il avait peur de perdre le peu qu'il avait, et que pour conserver ça, il n'avait aucun problème avec le fait de faire marcher dessus... Oui, il était lâche et alors ? C'est interdit ? Du moment, qu'il n'y avait que lui qui en subissait les conséquences, il ne voyait pas où était le problème. Ses collègues pouvaient partir guillotiné du banquier si ça leur chantait, il compatissait mais lui c'était pas son truc.
Par contre, qu'est-ce que Batman venait foutre là-dedans ?
Sérieusement, il se posait la question. Et pourquoi les autres était là en mode ''Ah oui, ce salaud de Batman qui... arrête des criminels'' ? Otis n'était pas un fervent admirateur de Batman (sa méthode ne s'attaquait pas aux racines socio-économiques du problème de la criminalité, et l'idée d'un homme au-dessus des lois n'ayant de compte à rendre à personne, ne l'enchantait pas plus que ça), mais, de ce qu'il en savait, il n'avait tué personne. Bon, peut-être que suite à une confrontation avec lui, des criminels s'étaient retrouvé trop endommagé physiologiquement pour retrouver une vie normale, amenant à une détérioration de leur condition d'existence jusqu'à ce que... Vous voyez ce qu'il veut dire. Mais même en admettant ça, c'était plus la faute à une société incapable de s'occuper et d'aider ses membres les plus fragiles, Batman n'était pas responsable de tout les gothamites brisés et abandonnés par les conditions socio-économiques de la ville. Oh et aussi, avant Batman, la ville appartenait quasiment à Falcone ; niveau règne du crime, ça se posait là.
Ce qui l'amener à cette accusation d'être collusion entre Batman et les élites de Gotham...
…
Non, mais c'est vraie que Batman était le grand pote de Cobblepot, le gars qui avait été maire pendant... un paquet de temps (putain, il fallait vraiment qu'il travaille sa mémoire temporelle), et puis ensuite le chevalier noir avait été le chien de garde d'Hugo Strange, d'ailleurs la police était à ses ordres et ne le considérait pas du tout comme un criminel recherché, tout le monde savait ça.
Plus sérieusement, certes Batman avait clairement un lien avec les classes dominantes de Gotham, il devait bien trouvé l'argent de sa croisade quelque part, mais c'était de tout évidence plus complexe que ''Batman est à leur service'' ou ''Batman est leur veau d'or/maître/grand manitou/Palpatine''.
De tout évidence, le prêtre était soit un manipulateur potentiellement au service d'un ennemi du justicier masqué, soit complètement fêlé ou un peu des deux, peut-être ? Surtout que si il voulait du riche païen comme bouc émissaire, Maxi Zeus était tout désign...

"Toi ... Avec le masque à gaz ... Approche ..."

…
Ok, c'est pas parce qu'il pointait dans sa direction et qu'il avait précisé avec le masque qu'il le désignait... Peut-être qu'il y avait un autre type masqué juste derrière lui. Il se retourna, il y avait juste Davis, avec sur le visage une expression qui disait : ''Bah, qu'est-ce que t'attends, vas-y.''
Putain.De.Merde, pourquoi lui ?! Il avait pas pensé à voix haute, pas vrai ? Il s'en serait rendu compte. À tous les coups, s'était le masque ; évidemment le mec y voit un quelqu'un de masqué, il pense pas : ''Hmm, cette personne est peut-être mal à l'aise en société'' mais ''Hé, je vais la faire monter sur scène (C'est pas une scène mais vous avez l'idée)''. Quoique, les deux pensées n'étaient pas inconciliables, ça nécessiterai juste que le mec soit un énorme connard...
Bon, il fallait qu'il se calme et qu'il... Oh, il était déjà arrivé au niveau du prêtre, il avait dû faire ça instinctivement pendant qu'il se plaignait mentalement. Eh bien, quand il faut y aller.
Euh, hm, vous vouliez me voir M. Blackf... mon père ! Je voulais dire mon père !
Pour l'instant, il était content que personne ne puisse voir son visage, même si sa voix trahissait sa nervosité.
Par contre, pourquoi est-ce que tout le monde était aussi silenci... Il regarda à ses pieds. Ah oui, évidement.
Se euh... se sont des rats... Heureusement qu'il prévenait, on les avait certainement pris pour des ornithorynques bicéphales. Ils... ils m'accompagnent partout où je vais... Voilà, voilà...
Les rongeurs l'entouraient mais se gardaient pour l'instant d'approcher le vieil homme. Ils attendaient sa réaction et Otis aussi.

Un homme de foi ne doit jamais désespérer du pouvoir de l'Homme. Et pourtant, dans une ville comme Gotham City, ce n'était clairement pas l'évidence. Toute chose est difficile à comprendre, à obtenir, mais pour le moment, ce qui nous intéressait, c'était ce moment précis, ce moment suspendu dans lequel, un homme essaie d'aider un autre. Cet homme était intéressant, le vieux prêtre concorda avec cela. Il observa pendant un instant l'homme masqué, puis porta son regard sur les rats qui l'accompagnaient. Un individu étrange oui, qui parle aux rats, ne devait pas avoir un regard très positif sur l'ensemble des êtres humains. Se frottant le menton, Blackfire posa sa main sur l'épaule de l'homme, l'observait un peu plus, comme si des poignards sortaient de ses yeux. Ce n'était pas de la magie que de comprendre le mental des gens, de comprendre le pourquoi de ce qu'ils sont devenus. La vie change les hommes, soit elle les récompensent, soit elle les broient. C'était la normalité, c'était ce qui faisait le monde, malheureusement. Blackfire était peut-être un beau salaud qui cachait merveilleusement bien ses intentions, mais il était aussi quelqu'un en qui on pouvait trouver de la force, une force nouvelle pour renaître, pour devenir meilleur, pour devenir un véritable homme de foi. Cependant, il ne faut pas se leurrer, cette ville sait montrer les mauvais côtés, elle sait briser les hommes, mêmes les meilleurs ne sont pas épargnés, mais c'est en donnant son corps et son âme à Dieu que les choses peuvent changer, que le sacrifice de soi peut amener une période de paix pour inspirer les gens. Oui, cela était possible. L'homme se cachait derrière un masque à gaz. Par peur ? Par envie ? Par aversion pour son état d'être humain ? Aucune idée, mais le vieux prêtre avait une idée sur la question.

"Pour qu'un homme en vienne à avoir des rats comme amis, tu dois avoir une piètre opinion de nous, tes confrères humains."

La misanthropie et les mauvaises expériences pouvaient amener un homme à se débarrasser de sa vie d'avant, à le faire fuir, à le faire partir de la civilisation, cela était possible, et compréhensible. L'Homme était un vrai salaud, une vraie ordure et pour tout dire, il ne fallait pas compter sur l'amitié ou la fraternité. En ces mauvais temps, l'amitié n'est qu'un mythe, et la société moderne nous apprend à oublier à vivre en communauté pour mieux être individuel, pour oublier ce qui fait de nous des hommes. Nous endormir pour devenir des consommateurs égoïstes et sans empathie pour ceux qui nous entourent, mais j'allais aider cet homme. Le vieux prêtre allait lui montrer qu'il y'avait encore du bon à espérer dans cette ville. Il avait posé sa main sur son épaule, et il allait faire de lui, sa petite expérience devant cette foule. Le vieux prêtre reprit alors une nouvelle fois la parole avant de dévisager longuement cet ère parcourant les égouts.

"Cependant, ce genre de comportement peut cacher une blessure ... Quelque chose qui te dévore de l'intérieur ... Tu as souffert n'est-ce pas ? Ta douleur te vient sûrement de ton enfance. Tu sembles préférer la compagnie de ces animaux à celles des hommes car cela te conforte dans ta solitude, tu n'accordes aucune confiance en des gens comme eux, ou comme moi. Je me trompe ?"

Blackfire n'était pas ce genre de prêtre qui faisait des shows télévisés avec des pouvoirs du Christ ou des pouvoirs idiots. Il n'était pas là pour faire du spectacle non. Il était là pour écouter, pour entendre la douleur de ceux qu'on excluait de la société. Faisons de la psychologie inversée, faisons en sorte que le vieux prêtre le comprenne en prenant des chemins qui mènent droit au problème. Ce n'était pas dur, et il ne fallait pas être un imbécile pour comprendre comment fonctionnaient les gens. Blackfire les côtoyaient depuis presque quatre cent ans. Il connaissait le mal dont souffrait l'Homme en général, et dans sa folie, l'Homme s'auto-détruisait, sans qu'il ne s'en rende compte. Il était difficile de redonner confiance aux gens surtout après un choc de l'enfance. Blackfire n'était pas un homme de sciences et encore moins un psychiatre, mais il était un docteur des âmes, un prêtre qui allait l'aider à se retrouver, un homme dévoué à la cause de Dieu. Le visage du vieux prêtre, ridé, en avait vu des vertes et des pas mûres, et devant cette assemblée, il se devait de montrer que la foi peut soigner les hommes, il se le devait.

"Partage ta souffrance avec moi. Partage ta peur avec moi. Nous pouvons les affronter ensemble si tu le désires. Tu as le choix."

Ce n'était qu'un simple exercice mais dans les deux cas, son expérience ne serait pas un échec. Si l'homme acceptait, Blackfire ferait de son mieux pour cerner le véritable problème de cet individu que l'on pourrait appelier le "flûtiste aux rats", et si l'homme refusait, et bien, cela marcherait aussi dans la mesure où Blackfire voulait apporter son aide, pour l'aider à se comprendre soit-même. Quelque part, son image ne serait pas écornée, il serait vu comme un bienfaiteur. Un homme bon qui essaie de soigner ceux qui le désirent. Un homme qui déciderait d'aider ceux qui sont dans le malheur. Ce "Ratman" était une expérience après tout, une simple expérience pour attiser la foi et pour redoubler les efforts que le vieux prêtre tentait d'insérer dans cette foutue ville. Qu'importe le résultat, il serait gagner, il gagnerait les cœurs des exclus de Gotham City, les uns après les autres. La tension était palpable, et tous attendaient la réaction de l'homme au masque. Qu'allait-il faire ? Accepter ? Ou refuser ?

"La vie n'est que souffrance, si l'on décide de la faire ainsi. Il ne faut pas avoir peur de la peur, mais comprendre pourquoi l'on a peur."

Otis était en train de se rendre compte que le port du masque avait un inconvénient, il n'était que très moyennement agréable quand on commençait à faire l'hyperventilation parce qu'on est observé par une foule entièrement composée de vos collègues et que faire une erreur pourrait potentiellement signifier la mort prématurée de votre vie sociale professionnelle... Ok,ne pas y penser, juste se concentrer sur sa respiration... Ne pas réfléchir à ce qui était en train de traverser la tête des spectateurs, les jugements qui étaient en train de se former dans leurs esprits... Bordel, pourquoi est-ce qu'il n'arrivait pas à faire abstraction d'eux ? Sérieusement, il arrivait à plus ou moins ignorer les centaines de voix qui lui arrivait directement dans le crane mais pas les conneries imaginaires que personne n'avait vraiment dites ? Il y avait des jours où il détestait vraiment sont cerveaux.
Par contre, en ce qui concernait le prêtre, il n'était surpris de se rendre comptes qu'il n'en avait... pas vraiment grand-chose à faire de ce qu'il pensait. Sans doute parce que son discours avait montré qu'il devait être un peu... détaché des réalités. Évidement, il le prenait en compte parce que les autres égoutiers semblaient l'écouter mais il ne ressentait pas ce désir instinctif de déplaire le moins possible qu'il ressentait avec la plupart des gens, à l'exception la ninja coupeuse de tête et peut-être de son ancien logeur ( pour ce dernier, il ne se rappelait pas vraiment ).
Cependant, sa première phrase l'avait quand même fait se questionner.

Pour qu'un homme en vienne à avoir des rats comme amis, tu dois avoir une piètre opinion de nous, tes confrères humains.

Le reste n'était qu'un tas de platitude de psycho-pop : ''Blablabla souffrance blablabla douleur de l'enfance blablabla il faut en parler blablabla comprendre sa peur''. Il s'était déjà confié à des gens plus sympathique ou plus qualifié que lui et vous savez quoi ? Ça ne l'aidait pas, c'était juste horriblement douloureux. Alors il avait quelque doute sur le fait qu'en parler en situation de stress allait beaucoup l'aidait.
Non, ce qu'il devait faire c'était... posé une question. Il n'en avait vraiment pas envie, ne serais-ce que part peur de la réponse mais il devait en avoir le cœur net. Il attendit d'être certain d'avoir le contrôle de sa respiration avant de demander :
C'est... c'est aussi l'impression que vous avez ?
Il avait dit ça en direction de ses confrères, Blackfire avait peut-être des analyses foireuses, mais il fallait se rendre à l’évidence, c'était des analyses foireuses partagées par les égoutiers présents, en tout cas pour Batman. Pour l'instant, il n'avait pour toute réponse qu'un silence gêné, ils ne s'attendaient sans doute pas vraiment à ça, peut-être qu'ils avaient pris la question pour une accusation ?
Otis déglutis un coup avant d'enlever son masque, il serait moins à l'aise mais sans doute qu'eux le seraient un peu plus, et d'ajouter :
C'est une vraie question, je... vous avez l'impression que je vous méprise ?
Cette fois, il y eut des réponses ; il avait du mal à les comprendre car ces interlocuteurs parlaient en même temps mais il ne se sentait pas l'envie ou le droit de leur donner la parole chacun à leur tour, il arriva toutefois à discerner des '' Pas vraiment mais...'' et '' Non, le problème se serait plutôt que...''. Il lui semblait le constat du prêtre à son égard était moins partagé que celui sur le Chevalier noir. Il dit tout de même :
Eh bien, juste... je suis désolé si c'est l'impression que je donne... parce que c'est pas le cas... Je... je pense pas que vous êtes... moins bien que les rats ou... quoi que se soit de ce genre...
Les rats avaient des opinions plus... ambivalente envers ses collègues, mais ils les considéraient plus comme des êtres différents qu'inférieurs.
D'accord, mais du coup pourquoi tu préfères traîner avec des rats ?
Il ne connaissait pas l'égoutier qui venait de poser la question, et il ne savait pas vraiment quoi lui répondre est-ce qu'ils le prendraient mal si il leur parlait du caractère spéciale de sa relation avec les rats ? Quand vous partagez un lien télépathique intime avec quelqu'un, alors comparativement la communication avec qui que se soit d'autre paraît juste plus cryptique. Vous n'êtes jamais vraiment sûr de qui il est, de ce qu'il pense et même si c'est le cas, vous n'êtes même pas sûr de bien vous faire comprendre.
Je veux dire c'est pas vraiment euh... courant comme comportement.
Il était au courant, il savait que les rats ne facilitaient la création de nouveaux liens sociaux mais...
Venant de la part d'un type dont qui sort avec des filles imaginaires...
Otis et à peu près toute l'assemblé tournèrent leurs yeux vers... Davis ? De quoi est-ce qu'il parl...
Pour la dernière fois, c'est juste qu'elle habite en Ukraine. Et faut vivre avec son temps, les relations à distance ça existe, merde !
Bien sûr, mais je crois que tu devrais demander Adams, comment les photos qu'elle t'a envoyé, se sont retrouvé sur des banques d'images en ligne avant le dit envoie.
Les regards se détournèrent alors vers l'homme qui tenté le plus discrètement possible de sortir de la foule, avant de s’arrêter net.
Adams... dit-il d'une voix qui impliqué clairement un décès imminent si les accusations implicites de canular et de création de fausses identités se trouvaient fondées.
Alors... j'étais pas seul et c'était sans arrière pensée...
Ce qui s'ensuivit fut... chaotique. Entre l'égoutier inconnu qui tentait de se ruer sur Adams, Adams qui cherchait à s'enfuir et le reste de la foule qui les retenait tout les deux et/ou leur demandait ce que c'était cette histoire ; l'assemblé semblé comme pris de mouvements convulsifs, confus et contradictoire.
Otis commençait à avoir un peu peur que quelqu'un soit blessé, mais pas suffisamment pour risquer d'avoir de nouveau de l'attention sur lui, de plus les rats risquaient de se faire écraser.
Un silhouette se détacha du groupe avant de s'approcher de lui et de lui tendre un sac en papier.
Problème de stress, hein ? demanda Davis.
Otis n'était pas sûr de savoir si il était sensé soufflé ou vomir dans le sac, il aurait voulu faire les deux mais les deux actions lui semblaient être incompatibles.
Merci, murmura-t-il.
Tu devrais éviter les conférences à l'avenir. Sérieusement, dix minutes de plus et je pense que tu t'évanouissais. Ajouta-t-il, avant de tourner les talons et retourner avec les autres.
...
Il n'y avait personne de vraiment normal dans cette ville, pas vrai ? Otis n'avait même pas envie de chercher à comprendre pourquoi ce type avait fait ça. Il lui demanderait après le boulot ou même un autre jour mais pour l'instant :
Est-ce que je peux y aller ?, demanda-t-il timidement au prêtre.

Spoiler:

Le vieux prêtre eut un léger sourire en voyant cette confession de chacun des hommes. Voila ce qu'il désirait : Que la parole se libère, que les esprits s'ouvrent et arrêtent de se figer dans un égoïsme muet. Le test se révéla très intéressant en tout cas. Ce n'était plus une simple entrevue avec un fidèle de cette ville, non, c'était maintenant un véritable acte de thérapie de groupe. Les hommes, les uns après les autres, commencèrent à parler avec cet homme, au masque à gaz. Le vieux prêtre tentait de garder son calme parmi la horde de réactions provoquées par cette entrevue. Le pauvre ère ne devait plus savoir où il en était. Cet homme n'était pas une menace pour autant, il n'était qu'un pauvre oublié de cette ville comme nous tous. Mais cela avait l'air de lui avoir fait du bien de discuter, de parler, de se retrouver. On avait toujours besoin de la vue d'un autre sur ses actions. Le vieux prêtre tendit la main pour qu'il puisse reprendre sa place dans la foule.

"Va. Et n'oublie jamais que Dieu est avec toi."

Dieu oui, mais le démon aussi était toujours présent, surtout à Gotham City. Surtout dans cette ville maudite. Tout le monde était une menace potentielle ... Tous ... Peut-être que l'homme au masque aussi ? Non. C'était idiot. Une menace ? Non. Du tout, c'était le moyen pour les hommes de comprendre qu'à Gotham City, il y'avait les fous d'un côté, et les puissants de l'autre, et que l'équilibre est encore très fragile dans cette ville. Mais qu'importe, la religion de Dieu dominera cette cité, et Blackfire fera tout pour raser la tour Wayne et pour y mettre une église à sa gloire ... Un jour, peut-être. Pour le moment, l'ambiance était légèrement retombée. Le vieux prêtre reprit alors la parole pour redonner un coup de pep's à cela.

"Mes frères, ne vous laissez pas abattre. Un jour, nous aurons notre chance et Dieu nous fournira la seule chose dont nous avons besoin, la vengeance. Ne croyez pas qu'elle tombera de manière divine ! Elle s'exercera parce que les hommes auront décidé d'agir. Ce soir, je vous invite à me rejoindre, à me suivre, et à faire en sorte que cette ville redevienne un havre de paix et d'égalité pour tous."

Avec les rumeurs d'émeutes prévues, le vieux prêtre ne sait pas si ces rumeurs sont vraies, il est encore trop tôt pour le dire mais si c’est le cas, Gotham va devenir une vraie jungle urbaine. La police sera débordée, Batman et ses alliés ne pourront pas arrêter le chaos qui va se propager, une vague de crimes va s’abattre sur la ville, il n’y aura plus d’ordres. Et ce tas de cendres sera parfait pour vraiment commencer la révolution religieuse. Une ville déchirée, avec toute une population perdue, sans personne pour la protéger. Et c’est là que l'ordre de Blackfire entrera en jeu. Nous fournirons de la nourriture, des soins et des abris aux gens, ils seront en sécurité. Ainsi, nous pourrons leur montrer qui se soucie vraiment d’eux et qui est le véritable ennemi. Les médias n’auront plus d’influences sur eux et leur liberté de pensée leur sera enfin rendue, tout comme leur liberté d’expression. Et tout ceci commence par une chose, la chute d’un symbole de la corruption pour en faire un symbole d’espoir ! Gotham se doit de changer.

"Mes frères, qui acceptera de me rejoindre et de me suivre ? Ne rêvez-vous pas de changements ? Ne rêvez-vous donc pas de mettre à genoux Wayne, Cobblepot et les autres rats qui nous dirigent ?"

Il fallait jouer sur leurs aspirations, sur ce qui est enfoui en eux. Sur leur envie de révolte. C’est un moyen efficace de les faire penser par eux même, de les libérer de leur ancienne condition où il était pour la majeure partie des ouvriers destinés à faire la même chose toute leur vie, la même routine tout les jours jusqu’à ce qu’ils s’épuisent et deviennent inutiles. Et là, ils sont livrés à eux même, à l’écart de la société et sombrent petit à petit jusqu’à la fin de leur misérable vie. Lutter contre le conditionnement fait par la société n’est pas chose aisée mais petit à petit, ça vient, ils finissent par devenir autonome. Le but est d'éveiller la conscience tout en restant dans le domaine de la religion. Montrer que seul Dieu pourra nous sortir de nos problèmes. C'était une chance en or, une chance de sauver Gotham en bâtissant sur ces cendres. Nous pourrons vaincre les vrais ennemis de Gotham que sont le consumérisme, le capitalisme et remettre Dieu en avant. Alors que l'homme que le vieux prêtre avait interpellé avait reprit sa place dans le public, le prêtre descend de sa petite estrade improvisée avant de d'être soutenu physiquement par deux de ses hommes.

"Si vous désirez être actifs dans la lutte pour vos âmes, je vous invite à écouter ce qui va suivre. Sinon, vous pouvez quitter cette assemblée. Mais soyez prévenus. Le Batman de Gotham n'est pas votre allié, et encore moins la police de cette ville."

Pourquoi l'Homme est-il l'Homme ? Qu'arrive t'il aux gens de bonne volonté ? Le temps qui passe et qui détruit les âmes pures. Un enfant, aussi pur soit-il dans ses actions et pensées, est voué à devenir un adulte. Il est voué à mourir pour devenir quelqu'un d'autre, un parfait étranger dans son corps. Le vieux prêtre se référa aux lectures bibliques de son évangile pour se rappeler que l'espoir était toujours enfoui en l'être humain, même si cela pouvait prendre du temps pour se manifester. Il eut un léger rictus en voyant l'assemblée. Il eut cette petite étincelle dans les yeux qui lui rappelait ce qui allait se passer. Les manifestations, les crises, les soulèvements, ce qui était propre à l'Homme, c'était sa façon de se rebeller, de se battre contre les choses les plus néfastes qui se dressent face à son futur. Blackfire eut un sourire amusé avant de revenir à sa petite réunion. D'un geste de la main, il bénissait les travailleurs avant de reprendre son souffle.

"Louez soit le seigneur, louez soit l'Homme. N'oubliez pas, votre heure approche ... En attendant, il faut endurer les coups, dans l'attente des jours meilleurs. Ne désespérez pas ... Je reviendrai à vous, quand l'heure sonnera."

C'est dans un silence proverbiale que Blackfire commençait alors à partir de cette petite assemblée. Certains voulurent lui serrer la main, d'autres avaient enlevé leurs casques sur son passage, tandis que d'autres hésitaient encore ... Alors qu'il passait devant les hommes, devant les travailleurs, le vieux prêtre, escorté par ses deux fidèles, portant des capuches dignes des pénitents religieux en Espagne. Blackfire ne sous-estimait pas la masse inférieure, les travailleurs de la dure réalité de la ville, non. D'ailleurs, cette petite expérience avec l'homme au masque lui avait permis de recevoir l'approbation de la plupart des hommes présents. L'important était d'avoir une espèce d'influence sur eux, de les marquer, de surpasser là où le Batman échouait à comprendre cette ville. Car Blackfire comprenait cette ville, il la comprenait depuis le début, depuis qu'il habitait dans le comté de Gotham, depuis près de 3 siècles déjà. La vieillesse est un fardeau, mais la sagesse soulage ce mal-être de l'humain. Alors qu'il passait au milieu des hommes, Blackfire s'avançait vers l'homme qu'il avait interpellé quelques minutes avant, qu'il avait exposé aux yeux de tous. Blackfire le regarda pendant un instant avant de poser sa main sur l'épaule de l'Homme.

"Ne désespère jamais des hommes. Essaie de voir le bon en chacun d'eux. Et n'oublie pas que Dieu est avec toi."

Il serra légèrement l'épaule de l'homme, esquissant un sourire. Cette opération de ce soir avait été certes, étrange, mais enrichissante sur le plan humain. Les hommes se confondent dans la diversité et certains refusent de se laisser entrainer dans un mouvement de foule. Qu'importe. La révolution était en marche. Déjà dans les rues, on entendait le bruit du soulèvement, le bruit de la colère, le bruit des gens qui en ont assez de se faire marcher dessus. Le comble de l'ironie était de savoir que chaque soulèvement recommençait en permanence, mais que parfois, les choses pouvaient s'améliorer, que les choses pouvaient être meilleures. Gotham City méritait tellement mieux que d'être malmenée par les fous et les riches de cette ville. Blackfire se voyait déjà être à la tête de Gotham City, installant son pouvoir dans les couloirs de la cathédrale de la ville, se voyant déjà en saint incontesté de cette foutue ville. Observant le couloir baigné dans les ténèbres, Blackfire fit un signe de croix avant de l'observer.

"Guide mes pas, Seigneur, guide mes pas dans le monde du Diable."

Le prêtre s'arrêta, et il déposa un crucifix qu'il posa sur une conduite de gaz. Il marmonna quelques paroles avant de reprendre sa route, dans les ténèbres de Gotham City, dans les ténèbres sinuantes sous Gotham City.